267 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 Juillet 1790.] seront ; il faudra donc un nouveau fonds pour l’entretien des 50,000 auxiliaires. Vous pouvez tout ce qui est bon, utile, nécessaire ; vous le pouvez avec moins de 84 millions : ils suffiront et au delà pour entretenir 200,000 hommes prêts à marcher au premier signal . Pourquoi con sacreriez-vous au même objet une somme plus forte, sans autre avantage que d’avoir constamment sous les armes 50,000 hommes de plus pour,menacer davantage votre liberté ? J’ai su qu’on avait fait des objections à mon plan ; je les combattrais en ce moment si j’avais prévu que je dusse parler aujourd’hui, si j’avais prévu que vous pussiez attacher quelque importance à mon opinion. On m’a dit que pendant la paix, il fallait être prêt à la guerre; j’ai répondu que c’était alors que mon plan était concevable. Vous aurez aisément 120 mille soldats actifs. Les trois quarts de ceux qui seront réformés prendront parti parmi les auxiliaires : il en sera de même des soldats répandus dans les campagnes, et qui souffrent du surhausseraent des denrées et de la perte du travail. En cas de guerre, vous trouverez donc des soldats qui marcheront avec les autres, et qui, aussitôt qu’ils ne seront plus nécessaires, rentreront dans l’ordre d’un système arrêté. Si vous donnez quelque attention à mes idées, je demanderai à réfuter les objections qui poûrront m’être faites. (Une grande partie de l’Assemblée applaudit.) M. de Mirabeau, le jeune. Il vient d’être présenté un nouveau plan, dont il est impossible de saisir aussi rapidement l’ensemble. L’opinant paraît l’avoir très bien développé, mais il convient lui-même qu’il n’était point préparé. Il serait donc présomptueux de le combattre en improvisant. Il y a dans ce plan beaucoup de choses qui me paraissent devoir être adoptées. L’autre projet n’a pas été développé de même; il présente simplement une échelle de proportion dont il serait aisé de démontrer l’irrégularité. Je veux seulement faire une observation, qui vous prouvera la nécessité de rendre un décret explicatif de celui que vous avez rendu il y a quatre jours. Le plus grand reproche qu’on ait fait aux militaires de France, c’est leur inconstance dans l’état qu’ils avaient embrassé. En effet, leur sort était tellement incertain, quedepuis 1766, on a cinq ou six fois changé de manœuvres et de costumes. Après un long service, l’officier se trouve toujours écolier. C’est cette instabilité qu’il faut détruire pour attacher le militaire à son métier. Cependant votre dernier décret a fait naître la crainte d’une instabilité plus forte. Il porte que, tous les ans, le bill de l’armée sera porté à la législature. Si vous ne décrétez pas que le nombre des corps de ligne, des officiers et des sous-officiers ne variera jamais, que le nombre des soldats sera seul soumis à des variations, vous mettrez tous les officiers comme l’oiseau sur la branche; il suffira de l’éloquence d’un orateur pour leur faire perdre leur état. Il est nécessaire de décréter ce principe avant toute autre chose. M. de Cazalès. Quelque importantes que soient ces considérations, elles doivent céder à un plus grand motif, à l’intérêt de la liberté publique. Cet intérêt exige que chaque législature puisse réduire ou casser l’armée ; je cite l’exemple de l’Angleterre qui se conduit ainsi. (La partie gauche de l’Assemblée applaudit). M. de Mirabeau, le jeune. Ou sait aussi ce qu’est le militaire chez les Anglais. Il me semble que la réponse à l’objection est dans ma proposition. Si les législatures ont le droit d’augmenter ou de diminuer le nombre des soldats, il n’y a rien à craindre pour la liberté publique. M. de Woailles. Plusieurs personnes ont désiré que je prisse la parole ; je répondrai en un seul mot au préopinant. Autrefois, il s’agissait de la signature d’un ministre ; aujourd’hui, il faut la proposition du pouvoir exécutif, un décret de l’Assemblée nationale et la sanction du roi; les militaires seront avec tout cela bien plus sûrs de leur sort. — Le comité militaire a reconnu que le plan de M. Emmery méritait la plus grande considération ; il suppose, ainsi que celui du comité, la même force totale; mais voici la différence essentielle: dans l’un, l’armée doit être de 150 mille hommes actifs et de 60 mille sédentaires ; dans l’autre, de 120 mille hommes et de 70 mille sédentaires; laquelle de ces deux dispositions doit être admise ? C’est le premier objet de la discussion. En acceptant le plan de M. Emmery, il faudrait changer toutes les proportions des officiers et des sous-officiers ; la forme des enrôlements et la discipline éprouveraient des modifications indispensables. M. Emmery est d’accord avec le ministre et le comité, pour la cavalerie et l’artillerie, il diffère pour l’infanterie, puisqu’au lieu de 110 mille hommes, il n’en présente que 80 mille; mais en approuvant, en admirant son idée, nous avons observé que, dans un moment où toutes les puissances sont sous les armes, où plusieurs même sont campées, il serait dangereux d’adopter un nouveau système qui changerait les proportions du service, son activité et la discipline des corps, et de licencier une trop grande partie de l'armée , nous avons pensé qu’il était prudent, qu’il était nécessaire d’établir l’armée sur les bases que propose le comité. Quand la paix sera rétablie en Europe, quand la Constitution sera sincèrement adoptée, vous pourrez dégager l’armée active de 15 mille hommes, ou d’un nombre plus considérable pour en augmenter l’armée sédentaire; vous pourrez ainsi revenir au plan proposé. — On a dit que le comité n’avait pas donné assez de développements ; ces développements appartenaient plus particulièrement au ministre. Nous devons frapper cette Assemblée par de grandes masses ; il suffisait de dire, il faudrait telle force pour la défense de telle étendue de frontière; il était inutile d’entrer dans le détail des postes, et de dire: il faut ici 20 hommes, là 30. Nous avons senti comme un autre que nous devions compter sur le courage des gardes nationales, non seulement quand elles combattraient devant leurs femmes et leurs enfants, mais encore hors du royaume. (Les tribunes, remplies de gardes nationaux, applaudissent avec transport.) M. de Moailles. Il serait possible de tirer tel avantage de leur organisation, que les calculs d’aujourd’hui deviendraient inutiles. Je passe à la motion de M. de Cazalès. Je désirerais fort qu’elle pût être adoptée; mais chaque partie du plan du ministre est une conséquence de celle qui la précède. Par exemple, la maréchaussée forme une dépense de 4 millions ; par le résultat de l’organisation de l’armée, cette dépense peut être extrêmement diminuée. Si vous parlez de la supposition d’une attaque générale, vous augmenterez nécessairement l’artillerie et le génie, parce que les travaux deviennent bien plus considérables