584 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J? MwSbwfiîSa ues j’espère que dans peu toutes les communes e ce département s’empresseront de venir apporter sur l’autel de la patrie tous les instru¬ ments de la superstition et de la sottise de nos pères; qu’ enfin tous les saints, toutes les vier¬ ges et tous les ostensoirs et ciboires tomberont bientôt dans le creuset national pour nous servir enfin à quelque chose. « Tout serait tranquille dans ce départe¬ ment, si les subsistances n’étaient pas le pré¬ texte de tous les mouvements et de toutes les inquiétudes. Trois à quatre départements avoisinants celui de la Vienne ont obtenu des réquisitions de grains à prendre sur ce der¬ nier; ces réquisitions ont été données par des représentants qui ignoraient l’état positif des subsistances du département, qui, d’après le recensement de ses grains, a uq déficit consi¬ dérable. Je crois que les réquisitions partielles, à moins qu’elles ne soient pour alimenter les armées, sont du plus grand danger, et qu’il faudrait qu’elles ne fussent faites (à moins de besoins extraordinaires), que d’après le tableau et recensement exact de tous les grains de la République. Je ne dois pas vous dissimuler, mes collègues, que je crois que les subsistances devraient être à l’ordre du jour jusqu’à ce qu’on ait trouvé un moyen efficace de prouver et d’assurer au peuple qu’il aura du pain pour sa consommation annuelle. La malveillance tire un grand parti de l’espèce de disette dont sem¬ blent menacés quelques départements, d’après les demandes et les réclamations qu’ils vien¬ nent faire dans les départements qu’ils croient mieux approvisionnés. Il serait peut-être utile d’empêcher, par un décret, ces réclamations partielles, et d’ordonner que les départements qui ont des besoins, s’adresseront à la Com¬ mission chargée de cette partie administrative, ou au conseil exécutif provisoire. Je crois aussi qu’en général les recensements fournis par les départements sont inexacts, et qu’il serait bien urgent de s’assurer du véritable état des grains dans la République. « Je dois vous dire aussi qu’il existe ici, depuis plusieurs mois, dans les maisons de détention un grand nombre d’hommes prévenus de conspiration contre la République, et accusés du crime de contre-révolution. Les uns sont plus ou moins coupables, mais tous demandent à être jugés, et il me paraît bien difficile qu’ils le soient de longtemps si l’on n’établit à Poitiers un tribunal révolutionnaire pour juger tous ces prévenus. Vous pèserez, dans votre sagesse, toutes ces propositions; comptez sur mon invariable attachement aux principes révolu-tionaires, sur mon entier dévouement à la cause sacrée de la liberté et de l’égalité. <( Vive la République ! Salut et fraternité. « Ingrand, représentant du peuple dans le département de la Vienne. « P. -S. Je viens de recevoir à l’instant une pétition de la Société populaire, et copie d’une lettre de contre-révolutionnaire. Je vous prie de prendre l’une et l’autre en considération; elles nous détermineront sans doute à décréter l’établissement d’un tribunal révolutionnaire à Poitiers (1) » (1) Une copie de cette lettre, collationnée par Ingrand, mais qui ne contient pas le post-scriptum de l’original, existe aux Archives nationales, dans le carton AFn 170, plaquette 1397, p. 26. Pétition de la Société populaire de Poitiers (1). Les amis de la Constitution de 1793, à Ingrand , représentant du peuple dans le département de la Vienne. « Poitiers, 27 brumaire de l’an II de la République, une et indivisible. « Tes collègues Richard et Choudieu n’eurent pas plutôt adopté dans cette ville des mesures salutaires, ils n’eurent pas plutôt établi un comité de surveillance et révolutionnaire que les malveillants se cachèrent d’effroi et n’osèrent de longtemps montrer leurs têtes insolentes et altières. Nous connaissions des coupables, nous nous empressâmes de les dénoncer et d’appeler toute la sévérité des lois sur leurs têtes cri¬ minelles. Déjà trois mois se sont écoulés, nos prisons se sont remplies et le glaive de la loi est immobile. Cependant les membres qui com¬ posent ce comité sont infatigables et ils gé¬ missent avec nous de ne pouvoir envoyer à l’échafaud le royaliste et le contre-révolu¬ tionnaire; en vain ont-ils envoyé les procédures de plusieurs prévenus, soit au tribunal crimi¬ nel de ce département, soit au comité de sû¬ reté générale de la Convention, soit au tribunal révolutionnaire de Paris, soit à la Convention nationale elle-même, la timidité de l’un qui se traîne toujours sur les lois, les grandes occu¬ pations de l’autre qui met de côté pour un temps les affaires partielles pour n’embrasser dans ce moment que des mesures générales, telles sont les causes de l’impunité de quelquc-suns et de l’oubli des autres. « Cependant les ennemis du bien public, en¬ couragés par l’impuissance de nos moyens, com¬ mencent à s’agiter dans les districts de ce dépar¬ tement; non loin de nous on parle de soulève¬ ments au sujet des .subsistances ; les marchés de cette ville ne sont plus approvisionnés et déjà nous craignons de voir s’effectuer une famine factice au milieu de l’abondance, famine prédite par les émigrés depuis plus de dix-huit mois. Aujourd’hui s’est effectué le rassemblement des jeunes gens en réquisition pour former notre contingent des 30.000 hommes de cavalerie. Eh bien ! qu’ont fait les agents de Pitt, Cobourg, etc., ils ont placé, sans être aperçus, entre neuf et dix heures du soir, sur le passage le plus fréquenté par les membres du département une lettre infâme annonçant les nouvelles les plus décourageantes. Nous nous contentons, citoyen représentant, de t’en envoyer copie, tu jugeras quel dangereux effet elle pouvait avoir dans la circonstance. Son adresse à un sans-culotte dont nous attestons tous le ci¬ visme n’échappera pas à ta sagacité; tu seras enfin convaincu qu’il existe encore des traîtres parmi nous, et que nous sommes dépourvus de moyens, et de les punir s’ils nous étaient connus, et de faire tomber la tête de plusieurs autres non moins coupables et qui sont sous notre main. « Tes collègues ont établi, dans plusieurs départements qu’ils ont parcourus, des tri¬ bunaux révolutionnaires. Si tu veux que nous détruisions l’aristocratie dans le nôtre, accorde - nous le même établissement, et nous te jurons d’en arracher la dernière racine. Donne à ceux de nos concitoyens que tu en crois dignes le (1) Archives nationales, carton AFn 152, pla¬ quette 1227, pièce 5. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I *!r fril»a�e a“ « 585 L J (21 novembre 17‘J3 pouvoir de rendre à la liberté nombre d’indi¬ vidus qui gémissent sous le poids d’une légère dénonciation, ou de délivrer notre territoire des scélérats qui le souillent de leur souffle impur. « Les membres composant la Société des amis de la Constitution de 1793, « P o tir copie conforme : k In grand, représentant dit peuple. » Lettre d'un contre-révolutionnaire (1). Lettre adressée au citoyen Dardillac, président du département de la Vienne, à Poitiers. « Rennes, le 9 novembre 1793, l’an II du règne de Louis XVII. « Nous voilà donc enfin, mon cher Dardillac, maîtres de Rennes, il nous a coûté environ 18 hommes de nos braves frères, mais pour chasser ces infâmes patriotes ils ont perdu 6.000 hommes (2) sans y comprendre les blessés qui sont en très grand nombre. La débandade s’est mise dans leur armée, les uns jetaient leurs fusibj les autres leurs sacs, enfin ils en tom¬ baient (sic) évanouis tant la frayeur était grande : cela fait voir, mon cher Dardillac, que le bon Dieu les a bien abandonnés ; quand il n’y aurait que les impiétés qu’ils commettent tous les jours, disant qu’ils ne veulent pas reconnaître le fils de Dieu pour leur père et la Sainte Vierge pour leur mère; les prêtres qui abjurent l’état de prêtrise, qui font brûler jusqu’à leur bréviaire, et voudraient qu’on ait confiance en eux, et cette maudite Convention dit qu’on n’a pas touché à la religion, et ils sacrifient tous les jours aux idoles. Grand Dieu ! que vous êtes offensé tous les jours; ayez au moins pitié du petit nombre de ceux qui restent fidèles, c’est une bonté de votre part, ô mon Dieu, que vous n’ayez pas fait tomber le feu du ciel sur la France; il faut que vous ayez encore compas¬ sion d’elle, et j’espère, ô mon Dieu, que vous ne nous abandonnerez pas dans notre entre¬ prise. « Conservez toujours dans votre cœur les sentiments de religion que vous avez et mon¬ trez-vous toujours ferme patriote jusqu’à ce que l’on sacrifie aux idoles, car, mon cher ami, il faut pour lors se déclarer pour un ferme soutien de notre sainte religion. « Adieu, mon cher Dardillac, portez-vous aussi bien que moi et priez tous les jours le bon Dieu qu’il vous fasse la grâce d’aller jusqu’à Paris avec son soutien. « C. D. « Je ne puis signer parce que vous savez bien qui vous écrit. « E. Malteste fils. Un membre [Clauzel, rapporteur (3)], au nom du comité de surveillance des marchés, propose le projet de décret suivant, qui est adopté. « La Convention nationale, voulant que l’in¬ ventaire des papiers et les comptes que doit rendre la Compagnie Masson et d’Espagnac soient continués sans interruption; ouï son co¬ mité des marchés de l’armée, décrète : Art. 1er. « D’Espagnac nommera dans vingt-quatre heures un fondé de pouvoir, chargé de le repré¬ senter à l’inventaire de ses papiers et à l’apure¬ ment de ses comptes. « Les comités de sûreté générale et de l’examen des marchés sont autorisés à en nommer un d’office, en cas de retard ou de refus. Art. 2. « La Convention nationale charge ses deux comités réunis de l’inspection des comptes de d’Espagnac, de l’exécution du présent décret, et de ceux relatifs à la Compagnie de Masson; en conséquence, rapporte celui du 18 août dernier, qui l’avait soumise à la Commission des cinq (1). » Un membre [Cras'sous, rapporteur (2)], au nom des comités des finances et de marine, fait adopter le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de ses comités de marine et des finances, « Décrète qu’il sera payé par la trésorerie nationale au citoyen Bourneuf, capitaine au bataillon d’Afrique, la somme de 2,000 livres, pour l’indemniser des effets qu’il a perdus, en se rendant, par ordre de service, de Gorée au Sénégal, sur le navire la Jeune -Iphigénie, pris par une frégate anglaise le 22 avril dernier (3). » Suit le texte de la lettre par laquelle le ministre de la marine demande à la Convention d'ac¬ corder une indemnité au citoyen Bourneuf (4). Le ministre de la marine et des colonies, au Président de la Convention nationale. « Paris, le 30e jour du 1er mois de la 2e année de la République. « Citoyen Président, « Le citoyen Bourneuf, capitaine au bataillon d’Afrique, ayant reçu ordre de quitter le poste de Gorée, où il commandait, pour revenir au Sénégal. Il s’est embarqué avec tous ses effets, le 8 avril dernier, sur le navire la Jeune-Iphigénie d’ITonfleur, capitaine Tournelle. Il est arrivé dans la rade du Sénégal le 14, les circonstances ne lui ont pas permis de faire débarquer ses effets avec lui, et il a été obligé de les laisser à bord les jours suivants jusqu’au 22, que ce navire a été pris par une frégate anglaise. Il demande, en conséquence, qu’on ait égard à la perte qu’il a faite dans cette (1) Archives nationales, carton AFu 152, pla¬ quette 1227, pièce 4. (2) Cette phrase est textuelle. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 10. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 11. (4) Archives nationales, carton G 283, dossier 797,