631 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791.] école gratuite et publique de Constitution, dont les professeurs seront nommés, au scrutin individuel, par les assemblées électorales. Adresse du curé de Puteaux , près Paris , qui instruit l’Assemblée des vifs regrets de ses paroissiens sur lu mort de M. Mirabeau. Cette adresse est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « J’ai annoncé hier à mes paroissiens la mort de M. Mirabeau. Monsieur le curé, m’a dit l’un d’eux, « les jours se suivent et ne se ressemblent « pas. Après nous être tous réjouis de votre ser-« ment, faut-il que j’pleurions un si grand « homme... j’perdons beaucoup, cela allait si « bien... mais... Monsieur le curé... si j’chan-« tions une messe pour ce M. Mirabeau... »> « Un autre a repris la parole : « Si j’faisons un « service, il faut y inviter toutes les munieipa-« lités voisines, leurs commandants de la garde, « les juges de paix et lesélecleurs du canton, afin « que j’Ieur témoignions quej’avons de l’âme et « de la reconnaissance, et que je voudrions pro-« curer dans le ciel autant de bonheur à ce « pauvre M. Mirabeau, qu’il a voulu nous en faire « sur la terre... Ah! Monsieur le curé, si je savais « écrire proprement j’voudrais faire part denot’ « projet à l’Assemblée nationale, pour qu’elle ap-« prenne que j’l’aimon-, que j’uimons tous ses « membres, que je chérissons ses décrets, que je a soupirons après la Constitution, et que je rnour-« rons pour elle... » « Je n’ai pu refuser des larmes à cette conversation si franche; j’ai béni le Très-Haut de m’avoir fait curé d’une portion de peuple français si loyale, et je vais satisfaire à leur vœu en célébrant un service pour ce grand homme. » Adresse des électeurs du département du Jura , contenant le procès-verbal de nomination de l’évêque de ce département , faite en faveur de M. Moyse, professeur en théologie au collège de Dole. Ils représentent à l’Assemblée qu’il serait avantageux au maintien de la Constitution , d’attribuer aux électeurs un modique salaire, tel qu’il convient à des hommes libres qui travaillent pour leur patrie. Adresse de la commune du Louvres, district de Gonesse, qui annonce qu’elle a fait chanter un Te Deurn solennel en actions de grâces de la convalescence du roi. Tous les citoyens qui ont assisté à cette cérémonie religieuse et civique ont fait éclater les plus grands transports de joie. Adresse de la municipalité de Vailly, département de V Aisne , qui témoigne la profonde reconnaissance de ses habitants envers l’Assemblée, au sujet de la suppression des aides. Adresse du directoire du département du Cantal , contenant une pétition de la commune d’Arpajon, district d’Aurillac, pour obtenir un armement complet de sa garde nationale, composée de 500 hommes. Cette' pétition respire le plus pur civisme. Adresse du directoire dit département de la Seine-Inférieure , qui exprime avec énergie ses regrets sur la mort de M. de Mirabeau. Il a arrêté, conjointement avec le directoire du district de Rouen, de porter, pendant 8 jours, le deuil de cet homme étonnant. Cette adresse est ainsi conçue : « Mirabeau est mort ! la France perd un grand homme; la liberté perd un de ses plus sérieux appuis. « Patriote zélé dans un temps où nous n’avions pas de patrim son âme de feu lui inspirait le courage d’attaquer de front le despotisme dont il avait si souvent été victime. Les tyrans frémissaient en lisant ses écrits et les peuples engourdis sortaient de leur assoupissement à sa voix éloquente. C’est ainsi que, par la paissance de son génie, il devançait les années et préparait les esprits à l’heureuse Révolution, dont il a été l’un des principaux agents. Appelé enfin sur un théâtre digne de ses talents sublimes, on l’a vu foudroyer l'aristocratie; on l’a vu démasquer les factieux ; et, par le sort le plus fatal, il meurt au moment qu’il avait pris l’engagement sacré de les poursuivre et de les combattre. « C’est à l’Assemblée nationale qu’il appartient de réaliser cette promesse. Il ne reste plus de Mirabeau que son nom , sa mémoire et ses hautes conceptions ; mais son génie, qui protégea la France, veillera toujours pour elle ; et, du fond de sa tombe, Mirabeau peut faire trembler les factieux et les tyrans. « Le directoire du département de la Seine-Inf'rieure et celui nu district de Rouen ont arrêté de porter pendant 8 jours le deuil de cet homme étonnant. « La mort d’un grand citoyen est une désolation pour la patrie. » Extrait du registre des séances du directoire du département du Loiret , lequel a arrêté que le buste d’Honoré Riquelti Mirabeau sera placé dans la salle de ses séances, au-dessus de 1a. représentation de la Bastille, et qu’au bas, seront gravés ces mots : je combattrai jusqu’à la mort les factieux de tous les partis. Suit cet extrait : « M. le procureur général syndic a dit... « Mi-« rabeau n’est plus... Législateur, il remplira la « première place dans Les fastes de la Révolution ; « administrateur du département de Paris, il eût « été notre guide et notre modèle; sous ce rap-« port, nous faisons une perte incalculable. Ce « n’est point par de stériles regrets, par la vaine « ostentation d’un deuil, que je vous propose de « manifester votre profonde vénération pour ce « grand homme. Je requiers qu’au bas de son « buste, soit rappelé Rengagement qu’il avait « contracté de combattre les factieux ae Ions les « partis. L’accomplissement de ce vœu est un « legs que revendiquent tous les bons citoyens, « etc. » « Sur ces conclusions, le directoire du département a arrêté que le buste d 'Honoré Pdquetti , dit Mirabeau , sera placé dans la salle de ses séances, au-dessus de la représentation de la Bastille, et qu’au bas du buste de ce grand homme seront gravées, comme un avertissement et un devoir pour les bons citoyens, ces paroles prononcées à l’Assemblée nationale du 1er mars: Je combattrai jusqu’à la mort les factieux de tous les partis. » Un membre demande qu’il soit fait une mention honorable dans le procès-verbal de l’extrait envoyé par le directoire du département du Loiret. Un membre réclame la même faveur pour l’adresse du directoire du département de la Seine-Inférieure. (Ces deux motions, mises aux voix, sont décrétées.) Adresse du directoire du district et du conseil général de la commune de la ville du Blanc , qui [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 avril 1791.] 632 demande la confirmation d’une délibération dn conseil général d’administration du département de l’Indre, pour la construction d’un pont dans ladite ville du Blanc. (Cette adresse est renvoyée aux comités des finances, d’agriculture et “de commerce, réunis, pour en être rendu compte incessamment.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, qui annonce la vente de biens nationaux par la municipalité de Paris pour une somme de 1,339,900 livres. Une députation des employés de la régie générale des aides de la ci-devant province de Nor~ mandie est admise à la barre. L'orateur de la députation ; Messieurs, en apportant à la barre de cette auguste assemblée l'adresse qui contient nos réclamations, nous attendons tout de votre justice et de votre humanité. Privés de notre état, dénués la plupart de fortune et de ressources, plusieurs d’entre nous, courbés sous le poids des années et des services, chargés de famille, il ne nous reste d’autre espoir que de pouvoir être encore utiles à la patrie, en passant du genre de travail auquel nous étions employés à un mode d’imposition plus heureux sans doute, puisqu’il a pour base l’égalité, ou de devoir à voire bienfaisance un traitement sans lequel nous ne pourrions exister. Notre situation, Messieurs, touchera sûrement vos âmes sensibles ; et, en ajoutant ce nouveau bienfait à ceux que chaque jour vous répandez sur les infortunés, la postérité apprendra que si l’on vous a trouvés quelquefois sévères lorsque vous n’étiez que justes, vous n’avez jamais cessé d’être généreux et humains. M. le Président. L’Assemblée nationale, dont tous les travaux n’ont eu pour objet que le bonheur de tous les citoyens, ne peut pas être insensible aux sacrifices particuliers que les individus ont faits à la félicité commune; elle prendra en considération votre pétition. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de règlement pour V exécution de la loi sur la propriété des auteurs de nouvelles découvertes et inventions en tout genre d'industrie (1). M. de Boufflers, rapporteur . Messieurs, avant de continuer la discussion du projet de règlement que nous vous avons soumis, je dois vous présenter la rédaction d’un article additionnel dont vous avez décrété le principe à la séance du 31 mars dernier; la voici : « Toute personne pourvue d’un brevet d’invention sera tenue d’acquitter , en sus de la taxe dudit brevet, la taxe des patentes annuelles imposée à toutes les professions d’arts et métiers, par la loi du 2 mars 1791. » Cet article prendrait place immédiatement après l’article 4 déjà voté et deviendrait l’article 5 du titre II. (Cet article est décrété.) M. de Boufflers, rapporteur. Nous reprenons maintenant la discussion où nous l’avions laissée à la dernière séance, c’est-à-dire à l’article 7 du titre II, qui deviendrait l’article 8 en raison du (1) Voyez ci-dessus, séances des 29 et 31 mars 1791, pages 456 et 482. vote que vous venez d’émettre. Voici cet article : Art. 8 (Art. 7 du projet). « Si quelque personne annonce un moyen de perfection pour une invention déjà brevetée, elle obtiendra, sur sa demande, un brevet pour l’exercice privatif dudit moyen de perfection, sans qu’il lui soit permis, sous aucun prétexte, d’exécuter ou de faire exécuter l’invention principale; et réciproquement, sans que l’inventeur puisse faire exécuter par lui-même le nouveau moyen de perfection. « Ne seront point mis au rang des perfections industrielles les changements de formes ou de proportions, non plus que les ornements, de quelque genre que ce puisse être. » (Adopté.) L’Assemblée décrète ensuite les articles dont voici la teneur : Art. 9 (Art. 8 du projet). « Tout concessionnaire de brevet obtenu pour un objet que les tribunaux auront jugé contraire aux lois du royaume, à la sûreté publique ou aux règlements de police, sera déchu de son droit sans pouvoir prétendre d’indemnité; sauf au ministère public à prendre, suivant l’importance du cas, telles conclusions qu’il appartiendra. Art. 10 (Art. 12 du projet). « Eu cas de contestation juridique entre un breveté et un prévenu de contrefaction, le breveté continuera d’exercer privativement, jusqu’à jugement définitif. Art. 11 (Art 9 et 10 du projet). « Toute personne pourvue d’un brevet d’invention pourra, en donnant bonne et suffisante caution, requérir , conformément à l’article 12 de la loi, la saisie des eontrefaetions totales ou partielles des objets spécifiés dans son brevet. Les contraventions de ce genre seront constatées et poursuivies dans les formes prescrites pour les procédures civiles, et devant les tribunaux de district du ]ieu où la saisie aura été faite. Art. 12 (Art. 11 du projet). « Dans le cas où une saisie juridique n’aurait pu faire découvrir aucun objet fabriqué ou débité en fraude, le dénonciateur supportera les peines énoncées dans l’article 13 de la loi, à moins qu’il ne légitime sa dénonciation par des preuves légales; auquel cas il sera exempt desdites peines, sans pouvoir néanmoins prétendre aucuns dommages-intérêts. Art. 13 (du projet). « Il sera procédé de même en cas de contestation entre deux brevetés pour le même objet. Si la ressemblance est déclarée absolue, le brevet de date antérieure demeurera seul valide; s’il y a dissemblance en quelques parties, le brevet de date postérieure pourra être converti, sans payer de taxe, en brevet de perfection, par les moyens qui ne seraient point énoncés dans le brevet de date antérieure. Art. 14 (du projet). « Le propriétaire d’un brevet pourra contracter telle société qu’il lui plaira pour l’exercice de son droit, en se conformant aux usage du commerce; mais il lui sera interdit d’établir son entreprise par action , à peine de déchéance de l’exercice de son brevet.