[Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.1 663 heur, l'égalité et la liberté. C’est dans vos décrets que nous puiserons nous-mêmes les lumières qui nous seront nécessaires pour arriver au but que nous nous proposons. « L’histoire jusqu’ici n’a été que le recueil monstrueux des attentats contre les droits de l’homme et des nations, que des écrivains mercenaires ou fanatiques ne connurent jamais. Dans cette liste nombreuse de rois et de conquérants, les bons princes sont rares..... leur règne d’une courte durée. Titus ne fit que se montrer aux Romains asservis par les premiers Césars. Tel fut néanmoins l’ascendant de ces conquérants farouches, sur les peuples qu’ils mirent dans les fers, que plusieurs furent divinisés par les troupeaux d’esclaves qu’ils avaient enchaînés. Ainsi, dans ces temps d’ignorance, la superstition déifia tous les tyrans, dénatura l’essence divine du créateur, qui ne peut être dignement adoré que par des hommes libres . C’est en comparant ces jours de calamité avec ceux que votre sagesse nous prépare, que la jeunesse peut apprendre à connaître toute la dignité de l’homme, et arriver successivement à ce siècle qui vous devra toute sa gloire. « Désormais le marbre et la toile n’animeront que des hommes qui auront bien mérité de la patrie; et sans doute Louis XVI s’éclairant au milieu des représentants du peuple dont il est aimé, Louis XVI renversant d’une main ferme et hardie, tous les monuments élevés par le régime féodal, doit offrir à la postérité une image plus consolante que Louis XIV, armé de la massue d’flercule. » M. le Président répond : « Messieurs, « L’Assemblée nationale vient de donner à la France une nouvelle Constitution. Elle a réiabli les hommes dans l’exercice de leurs droits; elle adéjà détruit la plus grande partie des abus; elle s’occupe de rétablir le crédit et les finances et ses travaux préparent le bonheur de tous les bons français; mais elle n’aura rien fait, si dorénavant le patriotisme ne dirige pas l’éducation publique. Vous avez senti cette importante vérité; et ce n’est qu’avec une extrême satisfaction que l’Assemblée nationale voit s’élever dans la ville de Paris ces divers établissements dont le principal but, ainsi que le vôtre, Messieurs, est de former des citoyens ; elle les encouragera de tout son pouvoir et les offrira pour modèles aux autres parties de la monarchie. Elle vous permet d’assister à sa séance. »> M. Bailly, maire de Paris, se présente à la barre, à la tête d’une députation et dit : « La commune de Paris, c’est-à-dire la majorité des sections vient vous présenter le plan d’une municipalité : elle vous demande de la faire jouir du même bienfait que vous avez accordé au reste du royaume et elle vous prie d’accélérer ce bienfait. C’est le seul moyen de faire oublier le temps d’anarchie dont nous sortons. » M. le Président répond à la commune de Paris : « Messieurs, depuis le commencement d’utiç révolution qui élèvera le royaume au plus haut degré de gloire et de bonheur, la ville de Paris s’est toujours distinguée par les actes du patriotisme le plus pur et le plus désintéressé. C’est à l’énergie et au courage de ses habitants, que l’A-sseiablée patipnaie doit peut-être son existence et la France une Constitution. Les représentants de la nation vont s’occuper, Messieurs, de l’organisation de votre municipalité : ceux que vous élirez librement pour la composer, n’auront qu’à suivre votre exemple pour mériter l’estime et la reconnaissance de leurs concitoyens. L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » Une députation de la municipalité et de la garde nationale de la ville de Tulle renouvelle, au nom de cette ville, le serment de fidélité à la Constitution, et expose que la province du Limousin se trouvant encore déchirée par des troubles, ils viennent supplier l’Assemblée nationale de donner aux tribunaux toute l’activité nécessaire pour les arrêter. Le discours de la députation est déposé sur le bureau. M. le Président répond : « Ce n’est qu’avec la plus vive douleur, Messieurs, que l’Assemblée nationale a été instruite des désordres qui ont eu lieu dans vos provinces. Persuadée qu’elle ne peut assurer le succès de ses opérations que par la tranquillité du peuple, elle a employé tous ses efforts pour apaiser les troubles. Retournez dans vos provinces, Messieurs ; dites à vos concitoyens que l’Assemblée nationale s’occupe sans cesse des moyens de les rendre heureux. Elle espère que la création d’un nouvel ordre judiciaire, que la formation des municipalités et des assemblées de district et de département, détruisant partout la licence, établiront sur des bases inébranlables le bonheur et la liberté. L’Assemblée nationale vous permet d'assister à sa séance. » Les députés du district des capucins du Marais offrent en don patriotique les boucles d’argent des Gitoyens de ce district. A cette occasion, ils prononcent le discours suivant, qui mérite de justes applaudissements, et dont l’insertion dans le procès-verbal est ordonnée ainsi que l’impression et l’envoi à toutes les municipalités. Discours de M. DE Lagrange, commandant du bataillon des capucins du Marais, à l'Assemblée nationale , le 10 avril 1790. « Monsieur le Président et Messieurs. « Le district des capucins du Marais ayant ar rêté de faire une offrande patriotique à l’Assemblée nationale, étayant choisi les députés chargés de la lui présenter’ dans le neuvième bataillon de la cinquième division, les soldats citoyens de ce bataillon ont cru qu’ils devaient s’empresser de saisir cette occasion de vous faire connaître leurs sentiments sur l’adresse du septième bataillon de la première division. Animés tous du même patriotisme, les soldais de la garde nationale parisienne n’ont tous qu’un seul et même esprit, celui de leur attachement à leurs devoirs, de leur dévouement à la cause commune, et de leur respect pour vos décrets ; le neuvième bataillon de la cinquième division partage donc entièrement les dispositions de celui de Saint-Etienne-du-Mont. Il peut et doit, comme lui, vous assurer que quelle que soit la loi que vous décréterez concernant la permanence ou la non-permanence des districts de Paris, il n’en maintiendra pas moins l’exécution avec ce courage et cette constance qui, depuis le commencement de la Révolution, ont été garants et protecteurs de la tranquillité publique. Citoyens dans nos districts, nous ayons la liberté 4'énmtîre pu vœu ; 664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.J soldats dans nos bataillons, nous ne connaissons plus que l’obéissance. Loin de nous ces vaines appréhensions qui, présumant témérairement de notre zèle, l’ont cru susceptible de s’altérer ou de s’affaiblir au point de nous faire abandonner nos drapeaux, parce que les districts ne seraient plus permanents. « Nous respectons, peut-être même plusieurs d’entre nous partagent-ils le désir de nos concitoyens sur cette permanence ; mais, Messieurs, si vous jugez que l’activité des délibérations partielles ne eoit point un avantage pour l’Etat et pour la capitale, nous nous conformerons à un décret que vous aurez pesé dans votre sagesse, et que vous n’aurez rendu que parce que vous l’aurez regardé comme nécessaire à notre bonheur. Nous ne sommes point de ceux qui, donnant à la liberté une extension moins propre à la conserver qu’à la détruire, la placent dans l’hypothèse de son abus, et non dans celle de sa jouissance. Les vrais soldats citoyens, accoutumés à obéir et à commander à leurs égaux, se croient également libres, soit qu’ils obéissent, soit qu’ils commandent. Que la loi soit faite pour tout le monde ; que le puissant, comme le faible, ait les mêmes droits à sa sévérité et à sa protection; qu’aucun citoyen ne puisse abuser ni être victime de la situation dans laquelle l’aura placé la fortune : voilà la véritable liberté, voilà celle qui fait l’objet de tous nos vœux, voilà celle que nous défendrons jusqu’à notre dernier soupir. « Eh! Messieurs, comment penser que la garde nationale parisienne pût être dirigée dans sa conduite par des intentions autres que celles si bien exprimées, dans cette auguste Assemblée, par le bataillon de Sainl-Elienne-du-Mont? Non, sans doute. Pour acquérir toute confiance à cet égard, il suffit, comme l’a observé ce même bataillon, de se rappeler que nous sommes tous Français. Quelques-uns de ces individus qui ne tiennent par aucun lien à la société, trompés par leurs passions, ou entraînés par leur faiblesse, peuvent bien oublier un moment leurs devoirs, mais jamais trente mille Français n’out trahi à la fois la patrie et l’honneur. « Voi à, Messieurs, nos sentiments et ceux de nos camarades. Nous vous en offrons en ce jour, avec d’autant plus de plaisir l’hommage, que nous espérons qu’en y reconnaissant ce patriotisme et cette franchise qui caractérisent de vrais militaires, vous y apercevrez en même temps la fidélité et la soumission, sans lesquelles la plus éclatante bravoure ne pourrait jamais faire de bons soldats. » Extrait du registre des délibérations du neuvième bataillon de la cinquième division de la garde nationale parisienne , connu sous le nom DES CAPUCINS DU MARAIS. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, le samedi trois avril, le bataillon extraordinairement convoqué en la salle du Palais Cardinal, lieu ordinaire de ses assemblées ; lecture faite d’une adresse du septième bataillon de la première division, à l’Assemblée nationale, contenant invitation aux autres bataillons de manifester leurs vœux au sujet de ladite adresse : Le bataillon, considérant que cette adresse renferme l’expression de ses vrais sentiments, et sûrement de ceux de toute la garde nationale parisienne, a arrêté unanimement de lui donner son adhésion, et d’en faire part bataillon de Samt-Etienne-du-Mont. M. de Lagrange, commandant du bataillon, a observé alors à l’assemblée qu’il était chargé, avec deux citoyens volontaires, de porter à l’Assemblée nationale les boucles d’argent du district. Il a ajouté que présumant l’opinion du bataillon sur cet objet intéressant, et croyant que cette circonstance pouvait être une occasion de la faire connaître à l’Assemblée nationale, il avait fait un projet d’adresse qu’il allait soumettre à l’Assemblée. Lecture faite de cette adresse, le bataillon l’a applaudie à plusieurs reprises, et l’a adoptée unanimement, et a arrêté qu’elle serait présentée par les députés ci-après nommés, réunis à ceux du district, à l’Assemblée nationale et à son comité militaire, et qu'elle serait ensuite portée à l’assemblée des représentants de la commune, à M. le commandant général, au comité militaire de la ville, et envoyée, au nom du bataillon, par son secrétaire, à MM. de l’Etat-major général et à chacun des cinquante-neuf autres bataillons. Et pour députés, l’assemblée a nommé M. le commandant, M. l’aide-major du bataillon, des officiers, bas-officiers et fusiliers pris par ancienneté d’âge, un par chaque grade, et M. le secrétaire. L’Assemblée a en même temps arrêté que l’adhésion et l’adresse seraient portées par quatre autres députés aq bataillon de Saint-Etienne-du-Mont. Signé : de Lagrange, commandant ; Chauveau, secrétaire-adjoint. M. le Président répond aux députés du district des capucins du Marais : « Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le nouveau témoignage de votre pa-triolisme. C’est aux habitants d’une ville qui a si puissamment contribué à la Révolution, qu’il appartient sans doute de donner l’exemple du désintéressement si nécessaire, lorsqu’il s’agit de régénérer la finance, et de rétablir le crédit et la confiance. L’Assemblée nationale, qui a reçu tant de preuves de votre zèle pour la chose publique, comme citoyens, et qui connaît si bien votre courage et votre dévouement comme soldats, sentiments que vous venez d’exprimer avec l’énergie d’homme qui sentent le prix de la liberté, vous permet d’assister à sa séance. » Une députation du huitième bataillon de la première division de l’armée de la Révolution, est ensuite admise à la barre et présente une adresse dont l’Assemblée ordonne l’impression et l’insertion au procès-verbal. Elle est ainsi conçue : Adresse du huitième bataillon de la première division de l'armée de la Révolution , à l'Assemblée nationale, le 10 avril 1790. « Monsieur le Président et Messieurs. « Le huitième bataillon de la première division de la garde nationale parisienne se croirait coupable aux yeux des législateurs de la nation française, s’il gardait plus -longtemps le silence sur un objet qui intéresse d’autant plus l’armée de la Révolution, qu’on a cherché à vous faire concevoir des doutes sur la pureté de ses principes. « 11 vous a été présenté par les districts de la capitale une adresse tendante à vous faire décréter leur permanence active et perpétuelle. « On a osé dire, dans cette adresse, que si cett* permanence u’était pas décrétée, les bataillons