666 pÈtaia gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] que la nation assemblée en Etats généraux présente ou accorde à M. Necker 1 ’indigenat, grande récompense sans doute, digne d’une grande nation sensible et reconnaissante. Art. 15. Un membre de la noblesse demande qu’il soit établi dans les campagnes un hospice de charité, dans lequel se rassembleraient tous les jeunes enfants, après l’école, à l’effet d’y travailler en commun, soit à filer, tricoter la laine ou le coton, soit à faire de la dentelle ; que le ministère aurait la charité dé fournir, par avance, les matières et ustensiles; et que l’inspection de cet hospice serait confiée à une personne dont la piété, la sagesse et les bonnes mœurs seraient connus-En occupant ainsi les enfants, on les accoutumerait au travail, par l’espoir de la petite rétribution qui leur reviendrait au bout de la semaine, à proportion de leur ouvrage, et on bannirait l’oisiveté qui les porte trop souvent aux vices auxquels se livre la plus tendre jeunesse, par un très grand abandon à elle-même. Art. 16. Le marquis de Guiry demande la conservation de la haute justice de son fief du Perchey-Cabin, attendu qu’elle est patrimoniale et possédée par sa famille depuis huit cents ans. Art. 17. Le seigneur de Guitran court demande des secours pour les réparations de l’église de sa paroisse, attendu l’indigence de ses habitants et l'insuffisance de la grosse dîme, dont il est propriétaire. Ces secours pourraient être pris sur les économats. Le présent cahier, contenant les pouvoirs et instructions de notre député, a été arrêté par nous soussignés, à l’exception de M. le comte de Mu-rinais, qui s’est trouvé absent pour les ordres du Roi ; à Mantes en la chambre de la noblesse, le 22 mars 1789. Signé de Gaillon ; Mérault ; Hoc-quart de Goubron; de Condorcet; de Savary; Levrié; le comte Archambault de Périgord; le marquis de Tiliy-Blaru ; Ghoppin de Seraincoiirt ; Dachery; de David de Perprauville ; Dusault Donzac ; Grison de Villangrette ; de Richebourg ; de Mornav ; Mauleon-Savaillant ; Lifnard de la Roche ; Le Prêtre de Tliemericour ; Dulac de Case-fort ; Seran ; le chevalier de David de Perdrau-ville ; Dupin-Desratinés; de Kouallan ; Le Vaillant de La Panne ; d’Azemard ; le chevalier d’Hudebert; de Ghaulnes; de Goubert; de Blan-Bisson; de Brossard d’Hurpy ; Le Gendre ; chevalier de Mon-tenel ; le chevalier de SailJiac ; Demazis; Legrain ; de Cormeille ; de Boullongne ; Goinare, et de Cas-tagny. CAHIER ET INSTRUCTIONS DE L’ORDRE DU TIERS-ÉTAT DES BAILLIAGES DE MANTES ET DE MEULAN, Remis , le 26 mars 1789, à MM. Meunier DuBreüIL, lieutenant général du bailliage et siège présidial de Mantes, et Germiot, cultivateur , députés (1). Nous demandons quelque indulgence pour ce cahier, dicté par un vif amour du bien public et par la longue expérience de nos maux. Il ne faut pas que l’on y cherche la profondeur du génie politique; maïs on y trouvera des vœux exprimés avec la simplicité de la nature, auprès de laquelle nous vivons, et que nous cultivons plus que notre esprit. CHAPITRE PREMIER. Constitution. Art. 1er. Nous observons à nos députés, que, pour Publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothequ» du Sénat qu’à l’avenir on respecte les droits de l’homme, il ne suffit pas que ces droits soient connus, il faut encore qu’ils soient fixés avec solennité : en conséquence, nous demandons une Constitution qui détermine nos droits et les rapports des sujets avec le souverain. Au surplus, nous restons in-violablement attachés à la monarchie sous laquelle ont vécu nos pères. Nous déclarons que le premier droit de l’homme est d’être libre dans sa personne et dans ses biens. Par une suite de ce droit originaire, nous demandons la liberté de la presse, seul moyen de pouvoir en tout temps défendre sa propriété personnelle et réelle. Ainsi, il sera libre à tout individu d’écrire, comme il lui est libre de penser; mais aucun ouvrage ne sera mis au jour sans porter le nom de celui qui le publiera. Art. 2. Ce serait en vain que nous aurions un plan de Constitution, si nous n’avions pas ensuite des représentants pour maintenir la Constitution contre les attaques du temps. Ainsi, nous demandons que les prochains Etats généraux , après avoir fixé cette Constitution, fixent aussi le retour et la périodicité de l’assemblée de la nation. Nous désirons que ce retour soit de cinq ans en cinq ans. Art. 3. La périodicité des Etats ne nous paraît pas suffisante ; il faut encore que leur intervalle soit rempli par une triple assemblée nationale, qui soit toujours en activité. Nous prescrivons à nos députés de demander qu’il soit arrêté : 1° que l’on formera des Etats provinciaux dans toutes les provinces du royaume ; et par suite, des assemblées municipales et paroissiales, lesquelles seront, ainsi que la commission ci-après, composées des représentants des villes et des campagnes, élus en la même manière que les députés aux Etats généraux ; 2° qu’il sera créé une commission intermédiaire, composée, comme on vient de le dire, de représentants des villes et des campagnes , laquelle remplira l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, et aura pour seule mission de veiller à l’exécution des lois consenties aux Etats généraux, et de correspondre avec les Etats provinciaux pour cette exécution seulement, n’entendant pas qu’elle puisse, en aucune façon, exercer le pouvoir législatif. Nous adoptons, pour les assemblées provinciales, le régime du Dauphiné, mais nous ne voulons pas nous priver, par l’exclusion de toute autre forme, d’un meilleur régime, que la nation assemblée pourrait admettre. Art. 4. Quant aux Etats généraux en eux-mêmes, nous demandons que leur organisation soit fixée d’une manière stable et invariable, autant qu’il sera possible. Nous croyons qu’ils reposeront sur ces principes : 1° Que les députés du tiers-état soient pris dans les villes et les campagnes, par égale portion ; 2° Que quant à présent, ils ne puissent être pris, pour le tiers-état, que dans son ordre ; 3° Que les trois ordres étant réunis dans toutes les délibérations, les suffrages soient comptés par ordre ; 4° Que dans le cas où les ordres seraient séparés, deux ordres ne pourront obliger le troisième ; 5° Et enfin, nous demandons que l’on nomme à chaque député aux Etats généraux un suppléant ou adjoint. L’exemple du Dauphiné, ainsi que les avantages qui en résulteront, nous portent à faire cette demande pour l’avenir. (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] 667 CHAPITRE II. Impôts. » Objets généraux Art. 1er. Les Etats généraux ayant ainsi fixé leur organisation et celle des Etats provinciaux et des municipalités, nous demandons qu’avant qu’il soit procédé à aucune autre opération, quelque proposition qui pût être faite par les ministres, il soit déclaré et arrêté par la nation et le souverain : lp Que les Français ne peuvent être imposés, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de la nation assemblée en Etats généraux ; i°. Que les Etats généraux prochains, ainsi que les futurs, ne pourront jamais être obligés de s’occuper de l’impôt, que lorsque toute autre espèce de réclamation aura été décidée; 3° Que les impôts ne pourront s’accorder que pour un temps limité, lequel sera d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, sans que, sous aucun prétexte, on puisse les percevoir lorsque le terme sera expiré, à peine par les ministres ou leurs agents, d’être déclarés traîtres à la nation; 4° Que tous les impôts seront également répartis sur les trois ordres, de quelque nature et sous quelque dénomination qu’ils soient : ce qui emporte l’abolition de tous les privilèges et exemptions. Nous nous empressons ici de consacrer, par les expressions de la plus vive reconnaissance, nos sentiments sur la justice que l’ordre de la noblesse de ces bailliages nous a rendue avec tant de générosité, en nous déclarant qu’elle renonçait à tout privilège pécuniaire. Puisse cet ordre respectable, auquel nous vouons un attachement éternel, être bien convaincu que nous ferons de notre côte, pour le bien public, tous les sacrifices que notre position nous permettra. 5° Que lorsqu’il sera question de l'impôt dans la prochaine tenue, tous les impôts présents seront et demeureront supprimés ; sauf, ensuite, à être recréés provisoirement, et enfin remplacés par d’autres impôts consentis par la nation. 6° Comme il est nécessaire de remédier aux maux de l’Etat, nous consentons que la dette publique soit consolidée, parce que la violation des engagements contractés serait une honte et une calamité publique. Mais nous presprivons à nos députés de ne consentir à cette consolidation mraprès s’être fait représenter les états au vrai de là recette et de la dépense. De cette connaissance dépend tout l’arrangement futur des finances, et nous prions nos députés de ne point épargner leurs soins pour y parvenir. 7° Il sera établi une caisse nationale dans laquelle se verseront toutes les impositions ; nous nous en rapportons à l’assemblée des Etats sur la formation de cette caisse. 8° Et enfin nous demandons une loi par laquelle tous les ministres seront déclarés responsables de leur administration, et pourront être poursuivis au nom de la nation, ainsi que leurs agents, pour les malversations de tout genre. OBJETS PARTICULIERS. Impôt territorial. Art. 2. Les impôts actuels étant supprimés, comme on vient de le demander, nous savons qu’il est de toute justice de les remplacer par d’autres contributions. Nous demandons, en conséquence, qu’il soit substitué à la taille, vingtième, capitation, corvée, industrie, etc. : 1® un impôt sous la dénomination d’impôt territorial, lequel frappera sur toutes les propriétés territoriales, sans exception, ce qui emporte nécessairement la contribution des propriétaires des châteaux, des maisons de campagne, et surtout des maisons de ville, par tout le royaume, sans que la capitale, dont les hôte}s renferment des terrains immenses, et d’une grande valeur, puisse se soustraire à cetimpô t, sous le prétexte de la différence énorme de la valeur des terrains des maisons de Paris : car c’est précisément parce que ces terrains valent beaucoup, qu’il est juste qu’ils payent beaucoup à la décharge de ceux qui n’ont qu’une médiocre valeur. Un impôt sur toutes les consommations, et principalement celles deluxe, qui s’étendent à toutes les villes, bourgs et villages du royaume. Nous ne pouvons nous dispenser de recommander à nos députés de solliciter un règlement pour que les garnisons qui seraient établies dans les villages, pour le recouvrement retardé de l’imposition territoriale, soient à la charge de tous ces contribuables en retard, au moment de l’arrivée de la garnison. Nous sentons que cet objet appartiendra aux assemblées provinciales ; mais nous observons ici que nous ne pouvons omettre aucune des demandes de la commune, sans manquer à sa confiance. Nous déclarons donc que nous parlerons de tous les besoins et de toutes les plaintes : il est trop juste qu’elles soient connues de la nation qui doit transmettre aux assemblées provinciales un caractère pour y faire droit. Avant de quitter l’impôt territorial, nous demandons qu’il soit fait, lorsqu’il sera question de le départir, un cadastre et un classement des ferres : les réclamations universelles sur la disproportion des classements actuels, et les injustices qui en sont résultées, nous portent à recommander à nos députés la plus grande attention sur cet objet, dont l’inexactitude replongerait les cultivateurs dans les malheurs d’ou nous cherchons à les tirer. Il paraîtrait, d’après ce que nous venons de dire, qu’il n’y aurait plus lieu â parler d’aucun impôt ; mais comme il est possible que l’état actuel des finances ne permette pas l’abolition totale des autres impôts, noqs allons, subsidiairement , exposer nos plaintes sur les contributions de tous les genres, et proposer, toujours subsidiairement , nos observations sur les conditions auxquelles il faudrait les laisser subsister provisoirement. Gabelles. Un des impôts dont la suppression importerait le plus à la classe la moins aisée, est rimpôl du sel ou la gabelle : cet impôt, quoi que puissent alléguer certaines provinces, présente d’abord une injustice générale en ce que plusieurs provinces en supportent le fardeau, sans que les autres y soient assujetties. Il nous paraît donc que si on ne peut le détruire entièrement, il estjusie de le répartir sur la totalité des prqvinces ; ce sera le premier moyen d’en diminuer le prix : dans tous les cas, nous demandons avec instance, au nom de tous ies citoyens, et surtout en faveur de ceux qui ne sont pas dans l’aisance : 1° Que ie sel soit modéré à un prix tel que tout individu puisse s’en procurer suffisamment pour sa consommation ; 2° Que la livraison s’en fasse au poids et non 668 [Étâts gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] à la mesure : on sait que le consommateur en détail se trouve lésé par cette méthode de mesurer, parce que les débitants ont imaginé des moyens d’enfler cette denrée, de sorte que l’on paraît avoir le poids, parce qu’on a la mesure, quoiqu’il n’en soit pas ainsi. Que cette digression nous soit permise : nous en ferons quelquefois de ce genre. C’est à celui qui est le plus affligé de parler le plus longtemps de ses maux ; 3° Que le devoir de la gabelle soit aboli, parce qu’il est contraire à la liberté du consommateur ; 4° Enfin, que toutes les franchises sur le sel soient détruites : c’est encore un moyen d’en diminuer le prix. Tabac. Nous ne dirons ici qu’un mot du tabac : c’est qu’il serait à désirer qu’il devint marchand et que la culture en fût permise dans tout le royaume : mais, s’il n’en était pas ainsi, qu’au moins chacun puisse, malgré l’exclusion introduite en faveur des débitants de tabac, moudre, arranger et consommer son tabac, de la manière qu’il jugera la plus convenable. A ides. Le droit d’aides a été la source de tant de vexations et d’injustices criantes; il s’est étendu dans une proportion si effrayante, que son nom seul est devenu un cri d’alarme pour l’habitant des villes et des campagnes; il est d’ailleurs frappé de deux vices intolérables : 1° il est inintelligible, inconnu dans ses détails, au point qu'il exige une langue à part ; 2° il est accompagné de visites et d’une inquisition qui blessent la liberté civile, et qui, s’il était possible, tendent à compromettre la personne auguste et sacrée au nom de laquelle il est perçu. En conséquence, nous demandons, si on ne peut supprimer cet impôt : 1° que l’on supprime dès à présent tous les droits et les noms des droits d’aides, tels que gros, nouveaux cinq sous, cour-tiers-jaugeurs, sou Langlois, etc. (il est bien difficile de nommer tous ses ennemis) ; et que l’on substitue, comme nous l’avons dit, un droit unique sur la consommation, universellement supporté par les trois ordres; nous demandons surtout que les agents de cet impôt ne puissent faire des visites et des perquisitions chez les citoyens; car, encore une fois, ce mode de perception est attentatoire à la liberté civile, et donne lieu à la fraude des suppôts eux-mêmes, qui vont souvent porter le délit ou ils allaient le chercher. Enfin nousdemandons que ce droit unique, s’il a lieu, soit si clair et si positif, qu’il ne soit pas plus possible au contribuable de l’ignorer, qu’au percepteur de l’interpréter. Et afin que la loi qui le fixera soit bien connue, nous demandons qu’elle soit publiée au prône, et affichée à la porte de l’église, et que cette formalité soit renouvelée tous les six mois. Les cuirs. Nous demandons la destruction de la marque des cuirs; elle étouffe l’industrie et décourage les tanneries et les autres fabriques de ce genre qui sont faites pour primer et exclure les étrangers, si on veut détruire les entraves. Contrôle. Nous demandons l’abolition dès droits arbitraire?, et par là injustes, du contrôle, insinuation, centième denier, francs-fiefs, et autres du même genre. Nous observons, quant au droit de contrôle et insinuation, qu’il est contraire à la société, dont il révèle les secrets, et nous demandons qu’il soit avisé à un moyen de conserver la date des actes, tant à Paris qu’en province, moyennant une rétribution légère et uniforme. Quant aux droits de franc-fief, ils ne peuvent subsister, puisqu’ils mettent entre les nobles el les roturiers une barrière humiliante, et par lè nuisible à la circulation des immeubles. Banalités et péages. Nous demandons la suppression des banalités, péages, pontonnage, roulage, et de tous droits de rivière (sauf indemnité). Tous ces droits, qui nous rappellent des temps dont la raison ne veut plus qu’il reste de traces, sont nuisibles au commerce et à la navigation intérieure. Frais de justice. 11 y a longtemps que l’on se plaint des frais de justice ; mais il faut convenir que les droits qui se perçoivent pour le compte du Roi, dans tous les actes de procédure, composent la plus forte portion des frais des officiers de justice. Nous demandons l’abolition de ces droits, ou au moins qu’ils soient réduits à ce qu’exige la simple nécessité de constater la date des actes de justice, afiu que la justice soit accessible au pauvre comme au riche. Formule. Les droits de formule, sur le papier et le parchemin, ne sont point à négliger ; et il serait bien désirable que toutes les provinces en fussent rédimées, comme la province de Flandre et quelques autres. Passage des troupes� Nous demandons que les troupes payent au passage leur logement ; la ville de Mantes, surchargée plus qu’aucune ville du royaume, réclame cet acte de justice, et observe qu’il ne sera avantageux qu’autant que l’on renouvellera la discipline du militaire sur le fait des logements. Enfin, nous demandons, pour éviter la plus grande partie des inconvénients inséparables du passage des troupes, que les régiments soient fixés, dans les garnisons de frontières, autant qu’il sera possible, et que le règlement qui détermine leur séjour dans les garnisons à dix ans, soit exécuté. Loteries. Nous demandons la suppression de la loterie royale, et des autres loteries : espèce d’impôts insidieux, dont le nom nous rappelle tant de malheurs domestiques ; appât funeste qui obstine sans cesse un malheureux à se heurter contre l’écueil de sa fortune. Traites. Nous prévenons de bien peu le vœu du gouvernement, en demandant le reculement des traites aux frontières du royaume ; outre les entraves que les barrières intérieures apportent au commerce, elles semblent avoir fait de chaque province une province étrangère. Enfin, nous sollicitons une loi claire suris mode général de la perception à venir des impôts au compte de la nation. Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] (tôQ CHAPITRE III. Economie. Ce serait en vain que l’on s’occuperait des impôts, si une sage économie ne venait au secours du bien que l’on projette ; nous ne pouvons que supplier Sa Majesté ae mettre la dernière main aux réformes qu’elle a commencées si généreusement pour le bonheur de son peuple ; nous proposerons seulement : 1° Une caisse d’épargne nationale, afin de pourvoir aux besoins inattendus, ou d’une guerre qui accroîtrait les dépenses, ou d’une calamité qui rendrait impossible la perception des impôts. 2° La suppression de tous les offices de finance, emplois et commissions qui sont reconnus inutiles et onéreux pour l’Etat, par les traitements et taxations qui sont attribués à ces offices, et qui doublent souvent les frais de perception. 3° La révision de toutes les pensions, et leur réduction à celles qui, méritées par des services, sont plutôt une justice qu’une faveur. 4° La suppression des places inutiles et secondaires dans l’état-major de l’armée. Des gouverneurs, lorsqu’il y a un commandant en chef dans la province. Des lieutenants généraux, lorsqu’il y a un commandant en second. Des lieutenants de Roi des provinces, où il y a des troupes pour faire le service. Des états-majors dans toutes les villes de l’intérieur du royaume. La réduction des états-majors dans les villes frontières de la première et deuxième ligne, aux personnes vraiment nécessaires, Et celles des lieutenants généraux des armées, employés dans l’état-major sur les Etats du Roi, au nombre strictement utile au bien du service. CHAPITRE IV. Domaines du Roi . Peut-être la nation et le souverain regarderont-ils comme un moyen d’économie et d’amélioration l’aliénation des domaines du Roi. Quant à nous, nous demandons que les aliénations et engagements qui ont été faits précédemment, soient révoqués et annulés; sauf cependant aux possesseurs actuels la faculté d’en conserver la jouissance pendant un certain temps, à la charge de payer à l’Etat une redevance annuelle, qui ne pourra être moindre que la moitié du revenu, fixé par une évaluation non suspecte. Mais cependant nous n’imposerons point à nos députés l’obligation stricte de suivre notre intention sur un objet aussi important; nous nous en rapporterons donc à ce qui sera réglé par la volonté générale et le consentement du souverain. CHAPITRE V. Eglise. Nous diviserons nos demandes et nos observations en deux articles principaux. Le premier contiendra les demandes relatives au temporel. Le second portera sur les objets spirituels. Temporel. Art. 1er. Nous supplions l’ordre du clergé de croire que nous n’avons point l’intention d’appuyer sur l’égalité de répartition ; nous sommes persuadés que cet ordre respectable n’hésitera pas à rendre au tiers-état la justice que nous a déjà rendue la noblesse, et qu’il s’empressera de consacrer, par son consentement à l’égalité de répartition, les principes de patriotisme que le clergé a toujours fait valoir. Comment douter, d’ailleurs, du désintéressement de cet ordre, dont tous les droits sont appuyés sur l’autel d’un Dieu qui ne posséda et ne demanda jamais rien ? Ainsi nous demanderons : 1° que le tiers-état soit admis à posséder toutes sortes, de bénéfices indistinctement avec la noblesse. Nous avons lieu d’être surpris que la hiérarchie soit fondée sur d’autres titres que les vertus et les talents. 2° Nous demandons, pour l’avantage de l’agriculture, que les baux des bénéficiers ne puissent être résiliés dans le cas de décès, permutation, démission ou résignation des titulaires : l’interruption subite de ces baux étant très-nuisible aux spéculations des amodiateurs. 3° Que dans chaque diocèse il soit réuni un certain nombre de bénéfices simples pour améliorer le sort des curés et des vicaires. 4° Et pour parvenir à cette amélioration, que les cathédrales soient réduites, et les collégiales supprimées, comme peu utiles au bien de l’église. 5° Que tous les curés aient un vicaire, et que le sort de ces derniers ne puisse être moindre que de 1,000 livres fixes. 6° Que toutes les annexes au-dessus de cent communiants, ainsi que les succursales, soient convenablement dotées et converties en cures. 7° Et attendu l’amélioration du sort des vicaires et des curés, nous demandons qu’il ne soit plus parié de ce trafic honteux des choses saintes, de la part des ministres des autels, qui ne doivent ouvrir la main que pour donner et pour secourir. En conséquence, qu’à l’avenir il ne puisse rien être perçu pour les baptêmes, mariages et enterrements. 8° Et dans le cas où la réforme dans l’administration des biens de l’Eglise ne s’effectuerait pas pour le moment, qu’il soit fait un règlement provisoire et uniforme pour les honoraires des prêtres. 9° Que la dîme en charnage, celle en toisons, toutes les dîmes sur les légumes, et celles sur les prés artificiels, mangés en vert, enfin toutes les autres dîmes solites dans un lieu, et insolites dans d’autres, soient supprimées, et que la dîme ordinaire en grains soit convertie en une addition à l’impôt territorial. Et enfin que la dîme inféodée soit convertie en une prestation en argent, sur une évaluation en grains. 10° Que les gens de mainmorte puissent être remboursés des rentes non rachetables qui grèvent les immeubles, et en général la circulation. 11° Que tous les bénéfices qui seront vacants à l’avenir soient, pendant cinq ans, du jour de la vacance, versés dans la caisse nationale, tant pour les besoins de l’Etat que pour les besoins de l’Eglise : on sent bien qu’il n’est pas ici question des bénéfices-cures. 12° Enfin, nous demandons la suppression du droit de déport dans le diocèse de Rouen ; nous nous en référons à ce qui a été dit si ironiquement par l’ordre delà noblesse, pour exprimer la défaveur que mérite ce droit. Spiritueh Art. 2. Nous supplions l’ordre du clergé de nous permettre de demander ; 1° Que tous les archevêques, évêques et abbé» 070 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] soient tenus d’exécuter les lois de la résidence, à peine d’une retenue sur leur temporel, applicable aux pauvres. On sent assez combien la religion et les mœurs gagneront par l’exemple continuel des vertus si naturelles aux prélats ; et s’il était permis de s’occuper encore du temporel, nous ajouterions que la résidence des gros bénéficiers ne sera pas moins profitable à la consommation des provinces éloignées de la capitale. 2° Que iout possesseur de plusieurs bénéfices, de quelque nature que ce soit, sera tenu .de se réduire â iin seui, et les autres déclarés împé-trables. . , 3° Que les ordinaires soient autorisés par une loi positive à donner toutes dispenses pour mariage entre parents et autres, moyennant une légère rétribution aux pauvres, afin que la violation de la loi. ne soit ni inutile, ni impunie. 4° Que le droit donnâtes soit éteint , comme honteux pour la politique, qui doit rougir de payer tribut à une puissance étrangère; 5° Il serait convenable que les maisons religieuses qui n’ont pas un nombre de sujets suffisant pour remplir les fonctions du culte divin, fussent supprimées, et leurs biens réunis à la caisse nationale. 6° Afin de propager de plus en plus les lumières, nous demandons que dans toutes les villes décorées d’un présidial, èt toutes les villes importantes par leur population, il soit établi des collèges et des séminaires administrés par des prêtres réguliers (car il faut que tout le monde serve sa patrie) J et nous désirons qu’à l’éducation ordinaire, il soit ajouté des, éléments de droit public et civil, afin que les hommes s’accoutument à connaître leurs droits, et ne soient plus effrayés lorsqu’on prononce devant eux ces mots : droits des hommes. 7° Npus demandons la suppression et la réunion des ordres mendiants aux maisons régulières non mendiantes. Tout corps parasite doit être écarté d’une société bien réglée. 8° Nous demandons la fixation des vœux des religieux des deux sexes à l’âge de vingt-cinq ans; nous nous croyons dispensés de motiver cette demande. 9° Nous désirons que les lois sur le retour des religieux-curés à leur maison soient exécutées. 10° Enfin, nous devons, pour la satisfaction du tiers-état, énoncer le désir qu’il aurait de voir la liturgie commune. Nous parlons aujourd’hui avec plaisir de cette demande, qui nous prouve que les sentiments sont déjà uniformes, puisque l’on désire que la manière de prier le soit elle-même. Plût à Dieu que cette réclamation eût été faite il y a trois cents ans ! CHAPITRE VI. Justice. Admission dü tiers. Art. lep. Nos députés demanderont à la nation une loi qui admette les membres du tiers-état en concurrence avec les deux autres ordres, aux places de magistrature dans les cours supérieures; car ôn sait que le tiers-état possède des talents et de. la probité, seules qualités nécessaires pour faire un magistrat. Evocations. Art. 2. Les abus des évocations, commissions, etc., étant portés à leur comble, nous prescrivons à nos députés de demander une loi qui porte que tout citoyen ne pourra être traduit que par-devant son juge naturel, et qu’en aucun cas le cours de la justice ne pourra être interrompu, Tribunaux d'exception. Art. 3, En conséquence, et attendu l’inutilité dont seront frappés ia plupart des tribunaux d’exception, par la suppression de nombre d’impôts, nous demandons qu’ils soient tous supprimés, et que les officiers soient replacés dans les tribunaux ordinaires, sans avoir besoin de grades ni dë nouvelles provisions : c’est le seul moyen de leur conserver l’existence, et de regarnir un grand nombre de tribunaux où l’on manque d’officierSi Justice dès Seigneürs. Art. 4. Nous demandons, sur le vœü unanime des communes, et même, nous o?ons le dire, sur celui de plusieurs membres de l’ordre d[e la noblesse, rextinction des justices seigneuriales, en leur conservant, toutefois, la juridiction gracieuse pour les actes domestiques, tutelle, curatelle, scellés, etc. Vénalité. Art. 5. Il y a plusieurs siècles que l’on s’élève contre la vénalité des charges ; il n’est donc pas besoin de dire pourquoi elle doit être proscrite. Le cri des siècles et des nations a-t-il besoin d’un interprète ? Nous demandons qu’on ne vende plus les offices; que les juges soient nommés par voie d’élection, après des épreuves multipliées, qui, enfin, ne soient plus illusoires. Que les places qui vaqueront dans les cours souveraines soient remplies par des juges inférieurs, nommés par le Roi, sur la présentation des provinces. Et comme il est juste de mettre les récompenses à côté des vertus, quoique la vertu soit à elle-même sa première récompense, nous désirons qu’il soit établi une distinction purement personnelle pour les officiers des bailliages qui auront exercé pendant un certain temps, et bien mérité de la patrie, Justice grdtuitê. Art. 6. Si les emplois de la justice ne se vendent plus, il ne sera plus nécessaire de prostituei la justice elle-même, en vendant ses fonctions honorables : ainsi ii sera arrêté que la justice sera gratuite, ou qu’au moins les droits des officiers de toute espèce seront fixés par un règlement uniforme et modéré. Présidiaux. Art. 7. Nous demandons l’ampliation des prési diaux. Qu’il soit formé des arrondissements pour tou: bailliages, de manière que les justiciables soien à portée de leurs tribunaux, et qu’à cet effet il soi fait toute suppression de juridiction, sauf à établir dans les endroits où là population l’exigerait, de: juridictions particulières qui connaîtraient de: matières sommaires et de police, à la charge di l’appel au présidial le plus prochain. Justice consulaire. Art. 8. Nous demandons l’établissement des ju ridictions consulaires, à l’instar de Paris, dan: les lieux où il y a présidial. Conseil dé conciliation. Art» 9. Nous demandons qu’il soit créé, dan: [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] <374 toutes les paroisses, un conseil de conciliation auquel tout plaideur pourra soumettre ses prétentions avant d’intenter un procès. Commissaire de police. Art. 10. La commune paraît désirer un commissaire de police dans toutes les paroisses. Réforme des codes. Art. 11. Nous ne ferons pas de commentaire sur la nécessité de réformer le Code civil et pénal, ainsi que les formes judiciaires ; il n’est que trop vrai que la justice ne peut plus se passer de cette réforme : nous prescrivons à nos députés de la demander, mais nous nous en rapportons, pour l’exécution, à la sagesse de la nation assemblée. Nous n’ajouterons que deux observations. La première, c’est que le Code pénal ne pourra manquer de porter que les peines seront égales pour toutes les classes de la société; il serait absurde que la société dût des prérogatives au crime. La deuxième, c’est que les contestations en matière d’impôts, les causes sommaires et de police, ainsi que les causes consulaires, seront jugées à l’audience, sans écriture ni procédure, et sur une seule remise ; et que toute juridiction contentieuse, ci-devant attribuée aux commissaires départis dans les provinces, sera dorénavant dévolue aux juges naturels. Duels, Art. 12. Quelle que soit la contradiction entre la punition du duel et les lois de l’honneur français, nous espérons que les lumières s’accroissant par une éducation vraiment nationale, on en viendrait enfin à regarder comme un crime réel, et non comme un trait d’honneur, l’action de tuer son semblable. En conséquence, nous demandons que la loi sur les duels soit exécutée sans espérance de pardon pour les coupables. Huissiers-priseurs. Art. 13. Nous demandons la suppression des offices d’huissiers-priseurs, et qu’il soit établi une forme simple et peu dispendieuse pour la vente mobilière. Domicile des huissiers. Àrt. 14. Nous demandons que les huissiers soient tenus de résider dans le domicile fixé par leurs provisions, et qu’à l’avenir les charges d’huissiers ne portent plus la clause d’exploiter par tout le royaume. Hypothèques. Art, 15. Nous demandons que l’édit des hypothèques soit réformé, en ce que l’opposition pour vente d’immeubles ne dure que trois ans : nous désirons que cet acte ait son effet, comme tous les autres, pendant trente ans, et au surplus, qu’indépendamment de l’affiche sur le tableau du bailliage* il en soit appliqué une semblable à la porte de l’église du lieu où sont situés les biens. Affiche des lois. Art. 16. Enfin* nous rappellerons ici, pour toutes les lois qui seront promulguées à l’avenir, ce que nous avons dit sur les lois de l’impôt : c’est qu’il est à désirer qu’elles soient lues aux prônes, affichées à la porte de l’église de chaque paroisse, et qu’un exemplaire en soit déposé au greffe de la juridiction, et un à celui de la municipalité. On ne peut trop avoir devant les yeux les formes conservatrices de la liberté publique. CHAPITRE VII. Agriculture. Nous aurions dû peut-être nous occuper avant tout d’un point aussi intéressant et nous empresser de payer le tribut d’estime que nous devons à la classe, osons le dire, la plus précieuse de la société; mais d’abord* i’ordre des matières ré-andues dàns les cahiers ne nous l’a pas permis. ’ailleprs, nous avons traité à l’article de l’impôt, en parlant de l’impôt territorial, l’objet le plus essentiel à l’agriculture. 11 nous reste à parler des maux et des inconvénients qui gênent et qui affligent l’agriculture. Champart. Art. 1er. Le vœu unanime de la commune est la conversion du champart en une prestation en argent sur une évaluation en grain : par ce mode de payement, les grains et les pailles engraissent chaque année le sol qui les a vus naître. Droits féodaux. Art. 2. Le vœu unanime est de demander aux seigneurs la suppression des droits féodaux et leur conversion en argent ou en rentes rachetà-bles, et dans tous les cas, la suppression des commissaires à terrier, dont les opérations sont presque toujours accompagnées de vexations que lès seigneurs ignorent et abnt ils ne profitent jamais. Baux prolonge's. Art. 3. Nous demandons que les bàüx â ferme puissent être portés à la Volonté des propriétaires, jusqu’à vingt-sept ans, sans payer de droits, afin de donner aux fermiers une sécurité qui favorisé leurs entreprises. Chemins. Art. 4. Nous demandons, sur l’article des chemins : 1° que les propriétaires soient remboursés, depuis vingt ans jusqu’à présent, des (erraifig qui, dans cet intervalle, leur oht été enlevés pour la construction des routes, et que ce remboursement s’opère d’après une estimation faite par des experts des lieux ; 2° Que l’on comprenne, dans lès objets qui seront renvoyés aux assemblées provinciales et municipales, les routes à faire ou à perfectionner, tant pour les communications d’une ville à l’autre que pour l’avantage général du commerce. Arbres . 3° Qu’il soit fait un règlement qui permette aux propriétaires de terres, sur les routes, de planter devant leurs terres ; qui néanmoins leur prescrive la qualité des arbres qui devront être plantés à l’avenir stir ces grandes routes, tels que le pommier, du autre de ce genre. Qui proscrive au contraire les ormes et ordonne qu’ils seront arrachés des routes qui en sont bordées, et qtt’il leur sera substitué des arbres qui ne dévorent point le terrain. Enfin, pour ne rien omettre , ce règlement fixera lâ distance des arbres qui seront à l’avenir plantés dans quelque lieu que ce soit ; car leur rapprochement, que le désir de jouir a introduit, entraîne la perte d’une grande quantité de terrain et le refroidissement sensible de la terre qui en est couverte. Pigeons. Art. 5. 11 ne nous reste plus qu’à parler des 672 (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes .J pigeons, et à demander qu’il soit défendu par un règlement positif à tout propriétaire , quel qu’il soit, d’avoir, soit en campagne, soit en ville, des pigeons dans un colombier ou un volière. Le pigeon est, sans doute, un volatile de quelque utilité pour la consommation des villes, mais il est l’ennemi déclaré des campagnes ; son séjour est toujours accompagné de la destruction : enlin, nous devons le dire, il n’est pas un seul cahier qui ne se soit occupé de cet objet. Plusieurs avaient demandé seulement que les pigeons fussent renfermés dans les mois où ils sont le plus nuisibles aux grains ; mais nous avons cru qu’il n’était pas possible d’en débarrasser les campagnes par ce moyen, car il y a des propriétaires qui ont jusqu’à cinquante mille paires de pigeons. Nous demandons où il serait possible de cantonner une armée de cette espèce, et surtout une armée pestiférée ? CHAPITRE VIII. La chasse. La chasse est trop liée au sort de l’agriculture, pour ne pas en parier ici. Si les pigeons sont des ennemis redoutables pour les cultivateurs, le gibier de toute espèce est encore un ennemi plus terrible. Nous demandons à grands cris la destruction des capitaineries et celle de toutes sortes de ibier. Nous ne pouvons peindre qu’avec le mot e désespoir la situation où sont réduits les habitants de la campagne, et surtout ceux de cette province qui a le malheureux honneur d’être dans la capitainerie de Saint-Germain. On dirait que c’est une province ennemie, où toutes les propriétés sont la proie de celui qui s’en empare à main armée. Nous déclarons hautement que si ces seigneurs ne sollicitent pas eux-mêmes la destruction du gibier, ils verront dans peu cette province totalement dévastée et abandonnée du cultivateur : c’est donc en même temps de leur intérêt que nous nous occupons, en les invitant à se joindre à nous pour obtenir l’anéantissement de ce fléau. Quelques personnes qui, sans doute, ne connaissent pas assez l’ordre respectable auquel nous devons déjà tant de reconnaissance, paraissant douter que les seigneurs abandonnent la chasse, nous ont porté un vœu pour qu’il soit fait une loi sur le fait de la chasse, dans le cas où elle ne serait pas supprimée : nous allons donc énoncer les principaux articles de cette loi. 1° Que les capitaineries soient absolument détruites. 2° Que les particuliers et le Roi, oui, le Roi lui-même (premier organe de la loi, il ne se croit pas dispensé d’être juste), soient tenus de réparer les délits causés par le gibier, et que ces délits soient poursuivis, à la requête des municipalités, par-devant le juge royal plus prochain, lequel, assisté de trois officiers, pourra statuer sans appel sur la réparation de ces délits. 3° Que les lapins soient mis en garenne exactement fermée. 4° Que les gardes-chasse ne puissent être armés que conformément à l’ordonnance des eaux et forêts, et qu’il leur soit défendu de s’introduire dans le clos ni dans Je domicile d’aucun citoyen, sous le prétexte de suivre le gibier ou d’en chercher les œufs. 5° Que le garde ne puisse être ouï sur son rapport, et qu’il soit tenu de produire un témoin autre qu’un autre garde. Ne vaut-il pas mieux qu’un délit, de la nature de ceux que les gardes constatent, reste impuni, que de voir traîner en prison, ou ruiner par des amendes, le citoyen que le garde aura accusé et jugé seul ? 6°#Que les propriétaires de lâchasse ne puissent en jouir que depuis le 15 septembre jusqu’au 1er mai pour les terres labourables, et depuis le 1er novembre pour les vignobles. 7° Enfin que, par le principe delà liberté naturelle, il soit permis à tout cultivateur, dans le temps et delà manière qu’il jugera la plus convenable, de nettoyer ses grains, de faucher les prés artificiels et d’enlever ses chaumes, sans égard pour la perdrix ou tout autre gibier ; car il serait inconséquent de favoriser la propagation quand on a droit d’attendre la destruction de toute espèce. 8° Avant de quitter la chasse nous dirons deux mots des bois qui en sont aussi le théâtre. Nous demandons, 1° qu’il soit fait une loi pour fixer une réserve d’un sixième ou de toute autre proportion dans les coupes. Nous sommes effrayés de l’idée que la disette d’un objet aussi important avance à grand pas : si ce malheur doit nous accabler un jour, que du moins nos neveux n’aient pas à nous reprocher d’avoir gardé le silence sur ce point dans l’assemblée nationale ! 2° Que toute personne qui voudra faire couper un arbre fruitier ou autre puisse en obtenir la permission du juge des lieux, sans frais : les habitants de cette province n’ont que trop appris le chemin de Saint-Germain, où on les force d’aller dépenser, en voyage et coût de permission, souvent au delà de la valeur de l’arbre qu’ils veulent anattre. CHAPITRE IX. Commerce. — Blés. Art. 1er. Le commerce n’ayant pas en France de branche plus précieuse que celle des blés, nous nous empressons de recommander à nos députés de solliciter une loi qui nous mette, s’il est possible, à l’abri des calamités dont nous sommes menacés si souvent dans un pays où le mot d 'abondance devrait être un mot d’habitude : nous proposons des greniers publics dans tous les bailliages, mais nous désirons que la nation trouve encore d’autres moyens de prévenir la di-disette. Banqueroutes. Art. 2. Nous n’avons que trop fait l’expérience, depuis quelque temps, que le luxe a banni la bonne foi du commerce ; pour arrêter, autant qu’il est en nous, les progrès de ce désordre, nous demandons, quoique avec douleur, que la loi sur la peine de mort infligée aux banqueroutiers frauduleux soit remise en vigueur, et nous sollicitons la révocation de tous les asiles des banqueroutiers, qui sont devenus des repaires de voleurs, d’où le débiteur impudent brave son créancier et lui fait la loi, lorsqu’il devrait être à ses genoux. Par une suite de ces principes, nous demandons la révocation de toutes les lettres de surséance, répit, sauf-conduit, et sera le parlement de Paris invitéà faire exécuter l’arrêt, en forme de règlement, qu’il a donné il y a quelque années pour proscrire les arrêts de défense , arrêts qui néanmoins sont devenus si communs, à la honte delà justice et à la ruine du créancier, qu’on peut les appeler la monnaie des mauvais débiteurs. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] 673 Traités de commerce. Art. 3. Nous prions nos députés de se faire représenter les différents traités de commerce faits depuis quelque temps avec les nations étrangères, et surtout avec une nation voisine, qui a trouvé le secret de nous faire une guerre ruineuse, sans exposer la vie des citoyens ni les intérêts de la patrie : nous les prions d’examiner ces traités et de jeter un coup d’œil sur l’état où sont réduites la plupart des provinces commerçantes de la France; mais nous invitons la nation, avant de prendre un parti sur un objet de cette nature, à prendre l’avis et à recueillir les lumières, non pas des chambres de commerce, mais des véritables intéressés, des manufacturiers et des négociants assemblés à cette effet dans toutes les villes de commerce. Arts et métiers. Art. 4. Plusieurs paroisses désirent la suppression des communautés d’arts et métiers, parce que l’exclusion peut être contraire à la liberté et à l’industrie, et désirent qu’il soit fait seulement un règlement de police pour le régime du commerce : maisla ville deMantes demande, au contraire, dans son cahier, à être conservée dans tous ses droits de maîtrise, avec toutes les villes du royaume qui, comme elle, ont payé la finance sous LouisXIV, lesquels ont été confirmés par Louis XV et renouvelés par Louis XVI, par les Etats d’avril 1777 et la déclaration du 1er mai 1782. Messageries. Art. 5. Par le même principe de la liberté naturelle, nous demandons la suppression du privilège exclusif des messageries. Ce privilège offense non-seulement la liberté naturelle et celle du commerce, mais il étouffe les effets de l’humanité. Qu’il nous soit permis de justifier cette phrase en rappelant à nos concitoyens qu’un voyageur fatigué, malade même sur un grand chemin, ne peut être recueilli par le samaritain, sans exposer son bienfaiteur à l’amende. CHAPITRE x. Militaire; admission du tiers. Art. 1er. Nous demandons que la distinction humiliante qui a été établie entre le tiers-état et la noblesse, pour l’admission aux emplois militaires, soit anéantie. Il est bien juste que le citoyen qui défend la patrie ait l’espérance de mourir un jour à la première place, Milice. Art. 2. Nous demandons la suppression de la milice qui, depuis longtemps, ne remplit plus son but, la défense de l’Etat , qui afflige, en pure perte pour la patrie, les habitants de la campagne et les distrait de leurs travaux importants. Paye et travaux du soldat. Art. 3. Nous désirons que le soldat soit employé, en temps de paix, aux travaux publics : c’est lui rendre service et aux mœurs ; mais en même temps, nous croyons qu’il doit être payé à raison de ses travaux. Enfin, dans tous les cas, nous demandons que la paye du soldat soit augmentée ; les denrées de nécessité sont augmentées dans une si haute proportion, qu’il ne peut plus être question des 5 sous de notre bon roi Henri IV. lre Série. T. III. CHAPITRE XI. Administration générale. Nous n’adoptons pas l’ordre fixe pour les demandes qui nous restent à faire, parce qu’elles frappent sur les divers objets généraux et isolés. Mendicité. Art. 1er. La suppression de la mendicité. Un des moyens de détruire ce fléau, germe de tant de crimes, sera d’établir des ateliers de charité pour tous ceux qui voudront se présenter ; mais en même temps nous croyons que le salaire de ces ateliers doit être modique, pour ne pas détourner l’ouvrier des travaux nécessaires. Ateliers. Art. 2. Un établissement de bureau de charité, dans chaque arrondissement, pour les infirmes et les vieillards : la patrie doit des aliments à celui qui lui a donné ses bras et sa vie. Orphelins. Art. 3. Des établissements généraux pour les orphelins. Sages-femmes et chirurgiens. Art. 4. L’établissement d’une sage-femme par village et d’un chirurgien par arrondissement. Nous osons espérer que, si le bien projeté s’exécute, une seule sage-femme ne suffira pas, et que le chirurgien deviendra presque inutile ; Car, à la campagne, population et santé sont les fruits de l’aisance. Droit et médecine. Art. 5. La réforme des facultés de médecine et du risible enseignement des facultés de droit. Art. 6. L’uniformité des poids et des mesures: leur variété gêne le commerce et ne paraît en multiplier les opérations que par des pièges. Art. 7. Abus dans l’administration de la poste. 1° Suppression ou retard des lettres. 2° Bris de cachets, surtout en province, où la curiosité est indiscrète, pour ne rien dire de plus. Enfin, surtaxe des lettres, contre laquelle on n’obtient jamais justice, parce qu’il est dégoûtant de faire voyager une lettre ouverte, pour se faire restituer 4 ou 5 sous. Art. 8. La stipulation des intérêts dans les obligations à terme, et diminution de l’intérêt légal. Art. 9. Aviser aux moyens les plus sûrs de faire que les gens appelés agioteurs, ou négociateurs de papiers publics, soient obligés d’ouvrir leur portefeuille, devenu le fléau du commerce et un répertoire de pièges tendus aux pères de famille, et de contribuer, à raison de leurs richesses, aux impôts auxquels nul citoyen n’a droit de se soustraire. Art. 10. Que les consignations soient versées dans la caisse nationale ; cette réclamation est fondée sur la méfiance que les événements nous ont inspirée contre tout dépositaire particuliei des deniers publics. Art. 11. La suppression des droits de place et autres sur les denrées. Art. 12. La suppression des privilèges des propriétaires, par l’effet desquels ils sont affranchis des droits aux barrières, sur les denrées déclarées venir de leurs terres ; ces privilèges sont injustes et servent souvent la fraude. Art. 13. La cherté du blé, depuis quelque temps, et celle que nous avons heu de craindre 43 074 fÉtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] pour l’avenir, nous portent à demander une loi qui défende aux brasseurs, aux amidonniers et aux tanneurs, d’acheter des grains, quand le prix excédera 25 livres le setier. i Art. 14. Que les municipalités soient autorisées à veiller à l’entretien des églises et des presbytères : il est juste de ne pas perdre de vue la maison où l’on entre souvent, et celle qu’on est toujours obligé de réparer. Art. 15. Nous sollicitons une loi qui serve de régime à l’administration des biens communaux, et nous demanderons, entre autres choses, le partage de ces biens dans tous les lieux où ils sont indivis entre plusieurs paroisses ; la paix et l’union des voisins, qui en résultera, nous portent à cette motion, comme les principes nous autorisent à demander le retrait de ceux qui sont entre les mains d’indus possesseurs. Art. 16. Nous demandons qu’il soit fait, dans chaque paroisse, une réserve pour l’entretien des chemins. Art 17. Et pour n’omettre les réclamations de qui que ce soit, nous demandons un règlement qui fixe uniformément le droit de mouture. Signatures des députés. Le Roys-Maurys, Loiseau, L. Bonin, Pétibon, Croville, A. Bidault, Duprey, Dufruil, Paris, Legrand, Michaux, Charles, Mouton, Bertin, Mai-gnien, Laurent, Fréville, Augustin Boulan, Pelletier, N. Louchart, Cornillard, Stoufleau, Larcher, Duvivier, Laur, Cosson, Bruno, Bouvier, Charles Duleit, Cochin, Gabriel Laslier, Jean-Baptiste Caillon, Le Maistre, Pommier, Jacques Pattes, Viveru, Henry, Jeannes Desvignes, Aube, ancien officier chez le Roi; Isabeau de I. G., commissaire adjoint à la rédaction ; Bourgeois, Voril-lon, Laurent Delisle, Laurent, G. Chrétien, Cha-mot, de Laisement, Auger, Balleux, Gesselin, de Laisement, Gamot Desvignes, Gh.-D. Maistre-Pe-tis, Robert Petis, Fairoville, Truet, Retis,Rivierre, Sarazin, Lechantre, Moine-Legrand, Mouton, Pla-cet, Souillons, Firmin Dubois, Le Roux, Martin, Le Roux, Cresté, Petis, Gousiers, Jean-Baptiste Penel, Leduc, Pierre Poutres, Lechantre, Begran, Lejeune, D. Béguin, Chandelier, Pain, Nicolas Daye, Binet de Saint-Saulieux, Chenoux, Le Roy, Pellerin, Cotard, Delaunay, Vathonies, Jacques Vœstrau, Meusnier, Du Breiiil, lieutenant-général de Mantes, président de l'ordre du tiers , député ; De Marolles, greffier du bailliage , secrétaire ds l'ordre du tiers.