363 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] collègues, M. de Cazalès, est arrêté par le peuple et que sa vie neut être en danger. L’Assemblée m’autorise-t-elle à envoyer des commissaires pour veiller à sa sûreté? (Oui! oui!) Je nomme MM. de Liancourt, Grégoire, Rabaud, Pétion, Boissy-d’Ànglas et Camus. M. de Crillon jeune. Dans les circonstances où nous sommes! il est certain que nous ne devons pas borner nos mesures au seul département de Paris, mais qu’elles doivent comprendre l’universalité des départements. Il est certain qu’il y a maintenant des précautions à prendre; par exemple, de faire partir des courriers. Plusieurs membres : Gela est fait. M. de Crillon. J’apprends avec plaisir que l’Assemblée a déjà pris ce matin cette mesure; mais il en est une multitude d'autres que la prudence vous commande. Il est impossible qu’une Assemblée de 800 ou de 1,000 personnes agisse avec la promptitude qui convient aux circonstances. Je demande que vous nommiez 5 personnes, ou même un plus petit nombre, auxquelles vous confierez le pouvoir nécessaire. Plusieurs membres : Cela est rejeté. M. de Crillon. Je ne sais pas sous quelle forme une mesure aussi sage a été proposée pour qu’elle ait pu être rejetée. Si l’on veut, je consens à ce que cette commission ne puisse faire à elle seule aucun acte d’administration ; mais je demande qu’elle s’adjoigne à cet effet aux ministres, et qu’elle vous rende compte tous les jours des mesures qu’elle aura prises dans la journée. M. le Président. Ce que propose M. Grillon, ayant été rejeté par l’Assemblée, je ne puis plus le soumettre à la délibération. M. Fréteau-Saint-Jnst. Monsieur le Président, je demande à dire un mot pour une mesure instante. Vous connaissez les funestes effets qu’ont produits pendant le cours de la Révolution les faux décrets répandus dans les départements. Je demande que M. le Président ordonne à l’instant de rassembler dans les différents comités tout ce qui existe de cachets particuliers, et qu’il soit enjoint aux directoires de département de vérifier avec la plus grande attention la fidélité des signatures sur les expéditions qui leur seront envoyées, afin d’éviter toute méprise et toute confusion; cela est instant. M. le Président. Personne ne s’opposant à cette motion, je la mets avec voix. (La motion de M. Fréteau est adoptée.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, voulant prévenir les maux qui pourraient résulter de l’envoi dans les départements et districts, de décrets, avis et autres expéditions qu’on y ferait circuler au nom de l’Assemblée, déclare que les seuls sceaux authentiques de ses décrets et expéditions, sont: celui qui est appliqué aux décrets, lequel porte les mots : la loi et le roi. Assemblée nationale 1789 ; et le sceau de ses archives pour les expéditions qui y sont délivrées, portant les mots : la nation , la loi et le roi. Archives nationales. Elle avertit les assemblées adiministratives et les fonctionnaires publics, de veiller avec le ])lus grand soin sur les exemplaires de décrets qui pourraient se répandre parmi le peuple, afin d’en constater l’authenticité, ainsi que la vérité des signatures et des sceaux; et pour prévenir l’abus du sceau portant les mots: Assemblée nationale 1789, la loi et le roi , décrète que tous les cachets portant lesdits mots seuls, seront, pas les soins de l’archiviste, déposés en un même lieu, et confiés aux commissaires des décrets, pour veiller à l’apposition dudit sceau sur les décrets. » M. Camus. Conformément aux ordres de l’Assemblée nationale, la députation nommée par le président s’est rendue dans les Tuileries pour protéger M. de Cazalès. Ce n’était pas M. de Cazalès qui avait été arrêté, mais un particulier qui est en sûreté à l’heure actuelle. Le peuple a paru affligé, mais animé des meilleurs sentiments et disposé à respecter les lois ; dous avons rendu compte au peuple des mesures que l’Assemblée avait déjà prises ; notre récit a été fréquemment interrompu par des applaudissements. Nous avons recommandé à tous le calme et la tranquillité. Ils ont tous juré d’empêcher qu’il ne se commît aucun désordre. Nous les avons invités à se retirer, chacun dans sa section pour y communiquer ce qu’ils venaient d’apprendre, pour instruire leurs concitoyens des mesures prises par l’Assemblée nationale et les exhorter à la tranquillité. Ils se sont aussitôt rendus à notre invitation. M. l'abbé Grégoire. Je dois ajouter au compte rendu par le préopinant, que nous avons rencontré partout le peuple dans les mêmes dispositions. Nous l’avons vu partout disposé à obéir à tous les décrets de l’Assemblée et plaçant toute sa confiance en vous. (Applaudissements dans les tribunes.) Oui, Messieurs, soutenons sa cause avec courage, rappelons les événements du 14 juillet 1789 et nos, si totus illabatur orbis , impavidos ferient ruinæ. Nous mourrons s’il le faut pour sauver la chose publique. M. Delessart, ministre l’intérieur , est intro* duit dans l’Assemblée. M. Charles de Cameth. La proposition qui vient d’été faite par M. de Crillon a déjà été repoussée. Je crois cependant que l’Assemblée ayant dans son sein des comités diplomatique, militaire, des finances, et, en un mot, de toutes les parties de l’administration, il lui sera facile d’être promptement instruite en ordonnant à ses comités de travailler avec les ministres, chacun en la partie qui le concerne, de rendre compte à l’Assemblée de toutes les mesures qu’ils croiront devoir prendre et de les lui soumettre toutes les fois qu’un décret de l’Assemblée nationale sera nécessaire. Ce décret est nécessaire pour faire marcher le gouvernement en l’absence du pouvoir exécutif. Je crois qu’il serait utile aussi que l’Assemblée nationale autorisât, dans ce moment de crise, les ministres à venir eux-mêmes à l’Assemblée quand ils croiront que la chose publique l’exige. (Oui ! oui !) Par ce moyen, nous pourrions nous éviter la mesure toujours inquiétante de remettre à un comité unique une aussi grande autorité. Messieurs, il s’est commis un grand forfait, un crime de lèse-nation au premier chef, s’il en fut jamais. C’est pourquoi je demande que vous adjoigniez 6 ou 12 membres au comité des 36 { [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] recherches qui, dans un moment plus calme, aura mille et mille recherches à faire pour savoir quels moyens on a employés, quelles personnes sont les auteurs ou les complices de ce crime. M. d’André. Il est une mesure générale, une mesure préalable à toute autre, que je crois devoir vous proposer avant même que vous entendiez les ministres. Votre Constitution porte que nul décret ne sera exécuté comme loi du royaume, que lorsqu’il aura été accepté ou sanctionné. La sanction est impossible, en ce moment. Cependant il est important de prendre un mode provisoire pour l’exécution denos décrets. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que provisoirement et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, tous les décrets rendus par elle seront mis en exécution par les ministres, sans qu’il soit besoin de sanction ni d’acceptation. » M. Fréteaii-Saint-Just. J’ajoute un mot : On vient de me faire observer qu’il était infiniment important pour l’authenticité des ordres qui émaneront de l’Assemblée nationale, qu’au lieu d’être scellés et cachetés du sceau de l’Etat, ils le soient du sceau principal de l’Assemblée, qui repose dans les archives, et que M. le ministre soit autorisé à l’apposer. M. de lia Rochefoucauld. On vous propose des mesures pour que les décrets rendus par l’Assemblée constituante soient sur-le-champ exécutés. Ils doivent l’être par les instruments qui les faisaient exécuter pendant la présence du roi. Ainsi, au lieu de la proposition que vient de faire le préopinant, il faut que vos décrets soient immédiatement scellés par le ministre de lajustice, et expédiés dans la forme qu’ils l’étaient auparavant; ils auront plus d’aulhenticité. M. Pétion de Villeneuve. La proposition qui vous a été faite par M. d’André me paraît extrêmement sage et conforme aux principes. En effet, vous avez le droit de donner aux lois que vous faites le genre de sanction que vous trouvez convenable. C’est un droit que vous avez délégué comme tous les autres : or, en l’absence de celui auquel vous l’aviez confié, vous vous trouvez naturellement ressaisi de ce droit ; car il faut que ce droit s’exécute, et il ne se trouve en aucune espèce de main. 11 est donc convenable que ce droit retourne à sa source. J’appuie la proposition de M. d’André, qui me paraît la plus simple, et si MM. les ministres présents ont des observations à faire à ce sujet, je prie M. le Président de leur permettre de s’expliquer sur ce point. M. d’André. Ma proposition passe avant tout; elle consiste en ce que provisoirement les décrets rendus par l’Assemblée nationale soient scellés du sceau de l’Etat par le ministre de la justice, et mis à exécution par les autres ministres, sans qu’il soit besoin de sanction ni d’acceptation. Plusieurs membres demandent à proposer des amendements. M. le Président. Les motions se renouvellent ; une foule de questions incidentes se succèdent avec rapidité; j’engage le3 opinants d’attendre qu’une question soit vidée avant d’en proposer une autre. M. Guillaume. En appuyant la proposition de M. d’André et des autres préopinants, je crois devoir observer à l’Assemblée, que la forme de nos lois actuelles ne peut pas exister si vous adoptez cette motion, et qu’il faut d’abord la changer provisoirement. Ainsi, au lieu de dire : Louis , par la grâce de Dieu , il faut dire : L'Assemblée nationale a décrété et ordonne que... (Murmures.) M. d’Ailly. Ce n’est point pour contrarier la motion qui vous est faite par M. d’André, que j’ai demandé la parole; c’est au contraire pour vous mettre à portée d’avancer. Messieurs, les ministres sont ici présents; ils ont des vues à proposer sur les moyens d’exécuter vos décrets. Je demande qu’ils soient entendus. M. le Président. M.le ministre de l’intérieur, chargé d’envoyer le décret que vous venez de rendre, demande la parole. M. Delessart, ministre de l'intérieur. Dans une circonstance aussi grave, où il y a tant de mesures importantes à prendre, et où les fonctions de ministre peuvent surpasser les forces humaines, je demanderais que l’Assemblée voulût bien m’adjoindre deux de ses membres pour concerter toutes les mesures que l’exécution de ses décrets exige. Je craindrais que, livré à moi-même dans un si grand moment de trouble, je ne remplisse pas parfaitement les vues de l’Assemblée. M. le Président. Si personne ne s’oppose à cette proposition, je vais la mettre aux voix. (Non ! non ! non !) M. A-anjufnais. Monsieur le Président, vous ne pouvez pas mettre aux voix une proposition qui n’est pas faite par un des membres de l’Assemblée. M. Briois-Beanmetz. La proposition qui est faite par le ministre de l’intérieur est la même que celle que l’Assemblée nationale a déjà rejetée au commencement de sa séance. Ondes membres de cette Assemblée, qui n’avait pas assisté à cette délibération, a représenté depuis la même motion: l’Assemblée nationale n’a même pas voulu l’écouter et a passé à l’ordre du jour. Il est impossible que la demande estimable qui vous est faite par le ministre de l’intérieur, et qui en attestant sa modestie n’atteste que mieux sa capacité, engage l’Assemblée nationale à prendre une mesure différente de celle qu’elle a arrêtée dans sa sagesse par les plus importantes considérations. Plus un acte est important, et plus c’est aux principes que l’Assemblée nationale doit s’attacher fermement. Les principes sont le rocher auquel en s'attachant sans cesse elle sera toujours sûre de trouver le médium, qui l’écartera de tous les dangers, et la préservera au milieu des orages. L’Assemblée nationale doit laisser le vaisseau de l’Etat à conduire, quant à la partie exécutive, aux ministres qui en sont dépositaires ; momentanément et provisoirement ils rendront des comptes fréquents à l’Assemblée, quine désemparera pas; ils seront admis à lui faire tous les rapports nécessaires à l’accomplissement de leurs obligations. Non, l’Assemblée ne doit pas faire porter sur aucun de ses membres une responsabilité plus importante et plus délicate que jamais. Si les moments de crise dans lesquels nous nous trouvons se prolongeaient trop longtemps, l’Assem-