288 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Signé De Poisier, lieutenant de juge; Barthélemy; Jourdan; Paul; Jourdan. Collationné : Signé : Blanc, greffier. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances que les habitants de la communauté d’Eguilles , sénéchaussée d'Aix en Provence , entendent être faites à Sa Majesté ; et moyens de pourvoir et subvenir aux besoins de l’Etat, ainsi qu’à tout ce qui peut intéresser la prospérité du royaume et celle de tous et chacun les sujets de Sa Majesté qu’ils croient devoir être présentés au Roi et aux Etats généraux du royaume (1). Art. 1er. Que tous les impôts sans exception seront également répartis à proportion des possessions sur tous et un chacun les membres de l’Etat, sans distinction d’ordre; et que tous privilèges à cet égard seront abrogés à jamais, étant juste que tous ceux qui profitent des mêmes avantages participent également aux mêmes charges. Art. 2. Que, par les mêmes motifs, les députés et représentants de l’ordre du tiers-état seront toujours en nombre égal à celui des députés des deux autres ordres du clergé et de la noblesse réunis dans toutes les assemblées des trois ordres ès Etats, soit généraux, soit provinciaux, ou tous autres quelconques. Art. 3. Que le retour périodique et régulier des Etats généraux sera fixé à trois ans, pour y prendre en considération l’état du royaume; et que les Etats provinciaux, qui se tiendront régulièrement toutes les années, seront, à l’avenir, composés sur le pied des Etats généraux, de manière qu’ils forment une représentation légale de tous les individus de chaque ordre. Art. 4. Qu’aucune loi bursale, ni aucune loi générale et permanente quelconque, ne seront établies qu’au sein des Etats généraux, de l’avis, et conjointement, des gens des trois états du royaume. Art. 5. Que la liberté individuelle sera assurée par l’abolition de toutes lettres closes , lettres d’exil, et autres espèces d’ordres arbitraires. Art. 6. Que les codes civil et criminel seront réformés, afin que les justiciables puissent obtenir, sur les lieux, une justice plus prompte et moins dispendieuse ; et qu’à cet effet, toutes commissions particulières et évocations au conseil seront abolies. Art. 7. Que, pour favoriser et diminuer les gênes du commerce, les douanes seront reculées aux frontières. Art. 8. Que la province jouira, pour l’exportation de ses denrées et productions hors du royaume, .des mêmes privilèges et modérations des droits dont jouit la province la plus favorisée. Art. 9. Que le commerce et la circulation des grains seront libres; mais que tous accaparements de blé seront défendus; et que, pour y obvier, tout particulier, faisant commerce de grains, sera obligé de déclarer aux officiers municipaux des lieux où il les déposera, la quantité qu’il en a en magasin, et de l’exposer en vente à un prix modéré, lorsqu’il sera ainsi dit par les officiers municipaux. Art. 10. Que la contrainte par corps pour fait (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [Sénéchaussée d’Aix.) d’imposition royale ou municipale sera abolie; et que les exécuteurs des deniers publics seront tenus de se faire payer sur les objets soumis aux-dites impositions. Art. 11. Pour favoriser l’agriculture et l’entretien des bestiaux, le prix du sel sera diminué. On propose, pour y parvenir, le plan donné par un particulier de Tarascon, qui le fait revenir à bas prix, sans qu’il y ait une diminution de revenu pour l’Etat. Art. 12. Que, pour encourager la culture des terres, les cens et directes qui les grèvent pourront être rachetés moyennant un capital proportionné au revenu et à la nature de ces droits. Abolition de tous les autres droits seigneuriaux. Art. 13. Que, pour la conservation des récoltes, et pour prévenir les dégâts que les bêtes fauves et le gibier causent aux fruits de la terre, il sera permis à chaque propriétaire de les chasser dans ses fonds et domaines, même situés dans les terres seigneuriales. Art. 14. Suppression de la juridiction seigneuriale; établissement d’une juridiction royale; la police et l’autorisation des conseils aux consuls. Art. 15. Suppression de la dîme; les évêques, abbés, curés et vicaires réglés à un revenu suffisant pour vivre honorablement suivant leur état. Art. 16. Que l’entrée dans tous les bénéfices ecclésiastiques, dans le service militaire et dans la magistrature, sera ouverte à tous ceux du tiers-état qui en auront les talents requis. Art. 17. La dette de l’Etat sera consolidée. Art. 18. Les ministres seront responsables à la nation de l’emploi des fonds. Art. 19. La réduction des droits de contrôle et insinuation à un taux modique. Art. 20. La liberté de la presse. Art. 21. Le respect le plus absolu pour toutes lettres contiées à la poste. Art. 22. La faculté à tous voituriers d’atteler quatre chevaux à leurs charrettes dans la Provence, ainsi qu’il est permis dans toutes les provinces du royaume. Art. 23. L’abonnement des péages dans tout le royaume. Art. 24. La liberté de semer du tabac et du safran dans tout le royaume. Art. 25. Prendre en considération le mémoire du sieur Goullin, maître chirurgien, qui a été lu et approuvé par la présente assemblée, qui a délibéré de le joindre au présent cahier. Art. 26. La liberté à tout artisan de s’établir et exercer son métier dans toutes les villes du royaume, à l’exception de celle de Paris, sans payer de maîtrise. Fait et arrêté à Eguilles,dans l’église paroissiale, le 29 mars 1789. Signé Jean-François Ollivier, M.-C.; Joseph Artaud, consul; Maurice Reynaud, consul; Aubry; Séguin; Giraud; Aubry; Marmieux; Joseph Reynaud; Marroc; Antoine Richaud ; Denis Guilton; Mathieu Guy; André Richard; J. Devause; Joseph Séguin; Guele; François Bompar; Arnieu, Antoine Artaud; B. Richard'’; Ch. Bompar; Jean-Joseph Revbaud; Eyrier; B. Maurin; Louis Martin; Jean Marroc; Tharan; Goullin; Dioulouzat; Serres; Michel, üenaux; Gnard; Romery; Joseph Gros cadet; B. Artaud; E.-V. Artaud; Renaut; Joseph Artaud; François Joye; Maximin Coste; A. Reynier; J. Quartier; Thomas; Lange Aillaud; César Artaud; Antoine Barbier; Matrey; L. Giraud; J. Armieur; L . Girard ; Jean-Pascal Artaud ; J. Reynaud ; A. Pre-cheury; Pierre Loiat; J.-JosephGisseris; J.tP. Ail- 289 [États gén. 1789. Cahiers.] laud ; A.. Guillaume -, G. Guilton; Ar mieux, et Saint-Etienne, greffier. MÉMOIRE Présenté à l’assemblée de la communauté d’Eguil-/es, par le sieur Goullin , maître chirurgien audit lieu. Nih.il raelîus, nihil pejus quam medicina. Messieurs, Après bien des réflexions sur la médecine et la chirurgie, il me parait qu’il serait du plus grand intérêt de la nation, et de chaque individu en particulier, pour éviter les abus dans la différence des réceptions des chirurgiens des villes, de celles des chirurgiens des villages, que les députés aux Etats généraux fissent tous leurs efforts pour obtenir de Sa Majesté que tout médecin et tout chirurgien puisse, à l’avenir, exercer son état dans toutes les villes, bourgs et villages du royaume, à l’exception de la ville de Paris; qu’il n’y eût plus aucune distinction du médecin et du chirurgien d’une ville, au chirurgien et au médecin d’un village : les habitants d’un village devant être aussi chers au Roi et à la nation que les habitants des villes. Us doivent, par conséquent, avoir des sujets d’une égale capacité pour les traiter dans leurs maladies, et non pas d’être obligés de confier leur vie à des sujets qui, comme il n’arrive que trop souvent, savent à peine lire et écrire : Ex sutora medicus. Pour parvenir à se procurer des sujets également, ou du moins assez instruits, il faudrait qu’il y eût des collèges de chirurgie et de médecine, divisés par classes d’études, et que les étudiants logés dans les collèges ne pussent êlre admis de la première à la seconde classe, et ainsi successivement jusqu’à la dernière ; et non pas des écoles de chirurgie et d’université de médecine, où, jusqu’à présent, les étudiants, placés çà et là dans les villes, livrés à eux-mêmes et à la dissipation, restent des années sans paraître aux leçons. Pourvu qu’ils se fassent inscrire dans les registres toutes les fois requises, avec de l’argent, et quelques réponses étudiées à des questions qu’on leur aura faites quelques jours auparavant, ils obtiennent très-facilement leurs grades. Et sans études, ils sont médecins et chirurgiens par l’unique moyen de l’inscription de leur nom. Et suivant le précepte : a beau mentir qui vient de loin, parleur longue absence de leur pays, ou par la réputation qu’auront acquis leurs pères, ils en imposent au public : Nihil procréât tantum fama immerita malum. Pour éviter d’autres abus, il faudrait diviser les praticiens par classes, suivant leur rang et leur mérite; que toutes les villes, et tous les villages donnassent, chaque année, une somme déterminée, assez avantageuse à chaque classe par gradation; pour exciter l’émulation d’un chacun, il faudrait que ceux qui seraient admis à la dernière classe pussent parvenir à être admis à la seconde, et ainsi successivement, avec la liberté de faire rétrograder ceux qui auraient été admis dans une classe qu’ils ne mériteraient pas à tous égards ; et qu’aucun praticien, par quelque raison que ce fût, ne pût retirer aucun autre honoraire que celui qui serait attaché à la classe à laquelle il aurait été admis, pour éviter quid non mortalia pectora cogis auri sacra famés. Sire, princes, princesses, clergé, noblesse, tiers-état, voilà le déficit le plus considérable de la France : Nullum bonùm , nulla divitia , sine sanitate. lr* Série, T. VI. [Sénéchaussée d’Aix.] Sa Majesté ayant bien voulu permettre à un chacun de représenter aux Etats généraux tout ce qui pouvait être utile à son peuple, nul objet étant aussi intéressant que celui-ci ; voyant que personne n’y a fait aucune attention jusqu’ici, j’aurais cru manquer à mon Roi et à ma patrie, si, dans le temps où le flambeau de la lumière éclaire toute la France, j’avais omis de donner la plus légère idée du plus grand fléau qui dévore journellement tout le royaume. Trop heureux si ma remontrance faisait ouvrir les yeux au gouvernement pour réprimer, à l’avenir, des abus qui sont à l’insu de tout le monde, et font le malheur de tout le genre humain! Je supplie très-humblement qu’on ait la bonté de me passer l’expression : oui, il est très-certain que les citoyens s’occupent trop peu à acquérir des connaissances dans la médecine, capables de faire connaître à un chacun les abus qui se glissent dans cette science, soit par l’ignorance des praticiens, soit par l’avarice des droguistes et apothicaires, etc. ; en état de le mettre au jour si le cas le requiert. Signé Goullin, maître en chirurgie, à Eguilles. CAHIER Des doléances et plaintes de la communauté d'Es-parron de Palliéres , sénéchaussée d'Aix en Provence. Les sieurs députés qu’aura élus l’ordre du tiers pour assister et voter aux Etats généraux de France, seront expressément chargés de demander la suppression ou la réduction de la dîme, charge onéreuse pour les pauvres habitants et possédants biens de cettedite communauté , étant perçue sur le pied du douze sur tous les grains ayant épis, vin, agneaux et chevreaux. Demander que les sieurs prieurs décimateurs, chanoines de la collégiale Saint-Sauveur de Gri-gnan, soient chargés de l’entretien total de la maison curiale, construite attenant l’église paroissiale aux années 1746 et 1747, aux frais de la communauté de cedit lieu; et que cet édifice a soumis icelle à une charge. annuelle et perpétuelle d’une pension féodale de 15 livres annuellement en faveur de messire de Lordoué, seigneur féodiste dudit lieu, abandonnée et traitée entre les parties pour payer le demi-lods à lui dû à chaque échute de dix en dix ans, charge onéreuse et très-ruineuse pour la pauvre et misérable communauté; ladite obligation suivant la transaction sur ce passée avec ledit seigneur le 28 septembre 1767. De même que lesdits sieurs décimateurs soient tenus à l’entretien de la sacristie, du sanctuaire, et d’une cloche : lesquels sont obligés à fournir pour avertir le peuple ainsi que la loi accorde. D’y solliciter la réformation du code civil et criminel ; la suppression de tous les tribunaux inutiles et onéreux; une attribution à ceux des arrondissements, de souveraineté, jusqu’au concurrent d’une somme déterminée; l’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens; la liberté à ceux-ci, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous emplois militaires, bénéfices et charges, attribués de noblesse ; et d’y réclamer surtout contre la vénalité des offices. Lesdits sieurs députés réclameront, en outre, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19