100 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |30 avril 1791.] purement offensive; ou bien alors ii faut décider positivement par un article additionnel à votre décret qu’ils ne pourront y porter, comme les autres citoyens, aucune espece d’armes. Ce serait faire injure aux soldats des troupes de ligne que de ne pas leur permettre de porter, comme le font les gardes nationaux, leur épée dans les sociétés où ils ont le droit de se rendre sans aucune distinction qui puisse les humilier. Je conclus en demandant que les comités de Constitution et militaire soient consultés sur l’interprétation à donner au décret rendu à cet égard par l’Assemblée. M. d’André. Je suis convaincu qu’il ne doit exister aucune distinction entre les troupes de ligne et les gardes nationales, et il me semble extrêmement important de faire disparaître toute espèce de motif pouvant entretenir ou faire naître l’esprit de division entre les citoyens de l’Empire armés ou non armés. Si les gardes nationales euvent aller avec leurs armes dans les séances es différentes sociétés, il serait humiliant pour les troupes de ligne que vous les forciez à quitter les leurs. 11 faut, autant que nous le pourrons, rappeler aux uns et aux autres qu’ils sont frères et éviter bien au contraire de nourrir cette division qu’on a semblé indiquer entre les gardes nationales et les troupes de ligne. J’appuie donc le renvoi proposé par M. de Noailles. J’ajouterai une autre observation ; puisque vous avez déclaré que tous les militaires peuvent assister aux séances des sociétés, vous ne devez établir légalement aucune distinction entre les membres composant ces sociétés. Que devez-vous donc faire? Vous devez soumettre à l’inspection de la police tous les lieux où il se fait de grands rassemblements de citoyens parce que, outre mille autres inconvénients qui peuvent naître de ces rassemblements, il est possible qu’il s’y forme des partis dangereux non seulement à l’ordre public, mais à la Constitution même. Votre comité doit vous présenter incessamment ses vues sur le droit de pétition, sur les réclamations à faire tant par les individus particulièrement que par les sections du corps politique, sous quelque forme qu’elles puissent se présenter; mon avis serait que personne ne doit, ne peut venir armé dans les sociétés dont il s’agit, qu’il soit citoyen délibérant ou citoyen militaire. Mais il me semble qu’il serait prématuré de s’expliquer actuellement à ce sujet ; il faut attendre le rapport que le comité de Constitution est chargé de vous faire sur le droit de pétition, et dans lequel cet objet trouvera naturellement sa place. Je me contente, pour le moment, de demander le renvoi de l’observation de M. de Noailles au comité de Constitution pour en faire le rapport au moment où il présentera son avis sur le droit de pétition. M. de Noailles. Je me rends aux sages réflexions de M. d’André et je consens au renvoi qu’il demande. Un membre demande que l’Assemblée interdise aux différentes sociétés de s’occuper des affaires intérieures des régiments. M. de Follevllle. Je m’oppose à tout espèce de rapport; l’Assemblée ne doit considérer la motion de M. de Noailles que comme une simple pétition. (L’Assemblée, consultée, renvoie les di verses motions au comité de Constitution pour lui en ren-dre compte lundi prochain, époque à laquelle ce même comité lui présentera son avis sur le droit de pétition.) Un membre du comité de vérification propose d’accorder à M. d’Aremberg de La Marck, député du département du Nord, un congé d’un mois, pour rétablir sa santé ; et à M. de Clermont-Mont-baint-Jean, député du département de L’Ain, un congé de deux mois pour vaquer à des affaires pressantes dans le Bugey et la Savoie où il a des propriétés. (Ces congés sont accordés.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 28 avril, au soir, qui est adopté. M. le Président donne communication à l’Assemblée d’une lettre et d’une pétition de Benjamin Dubois, citoyen français, qui offre de remettre en propriété à la nation, en lui remboursant la valeur estimée des ouvrages existants, un port avantageux dont il a commencé la construction dans la Manche, et dont ses facultés, épuisées par les injustices de l’ancien gouvernement, ne lui permettent pas de continuer les travaux. Suit un extrait de celte pétition : « J’ai toujours tourné mon industrie vers les objets qui pouvaient être profitables à l’Etat. En temps de pais, j’ai fait le commerce; en temps de guerre, j’ai armé des corsaires, et les Anglais savent quel préjudice leur ont porté mes expéditions maritimes dans ce dernier genre. J’ai acquis la terre de Mont-Marin il y a quelques années : elle est à la distance d’une demi-lieue de Saint-Malo et de Saint-Servan ; elle est au milieu de 11 paroisses qui peuvent fournir 10 à 12,000 ouvriers pour la marine. Une anse bordant la maison principale me parut propre à former un port très vaste et très sûr, et offrir toutes les ressources nécessaires pour les constructions et armements. J’entrepris l’exécution de ce projet immense pour un particulier. « On peut trouver dans l’encyclopédie le détail de la situation de ce port et des travaux que j’ai faits pour le créer. En sapant des rochers, en enlevant beaucoup de vase et de terre, en construisant une digue solide avec une porte busquée, j’ai obtenu un bassin dans lequel on peut construire 15 vaisseaux ou frégates. 13 à 14 pieds d’eau montent dans ce bassin. Le fond étant de vase, il est facile et très peu dispendieux de le creuser davantage. « Tous les ateliers nécessaires, tous les magasins dont on a besoin pour la construction et la conservation des effets, des ustensiles et des bois, sont autour de ce bassin. Une machine à mâture, des voileries, des manufactures à cordages, des forges, une tonnellerie, une grue pour enlever les bois de dessus les gabarres, un gril pour caréner les vaisseaux, tout est établi. A côté du bassin est une fontaine abondante, où, sans aucun frais de charge, on peut en 5 heures remplir 200 barriques. Deux rades à l’abri de tous les vents peuvent contenir 20 vaisseaux dans les plus grandes marées; à basse mer, il y a de 30 a 35 pieds d’eau. Jamais, dans ces rades, il n’y a de grosse mer. La sortie et l’entrée en sont très faciles: depuis 7 ans, j’ai fait sortir et entrer au moins 400 navires, depuis 100 jusqu’à 800 tonneaux; jamais il n’est arrivé aucun accident, ni [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791.] 454 aux bâtiments du roi que j’ai construits, ni à ceux du commerce. » Un membre demande le renvoi de la pétition de M. Benjamin Dubois aux comités de la marine et du commerce. (Ce renvoi est décrété.) M. le Président. M. Campet, ancien chirurgien-major des hôpitaux de l’Etat, à Cayenne, et correspondant de l’Académie de chirurgie, fait hommage à l’Assemblée d’un traité manuscrit des convulsions — toniques permanentes — vulgairement connues à Cayenne sous le nom de tétanos. (L’Assemblée accepte cet hommage et ordonne le renvoi de l’examen de ce travail à ses comités de salubrité et des colonies.) M. d’Allarde, cw nom du comité des contributions publiques. Messieurs, la suppression des droits d'entrée a donné lieu à diverses pétitions renvoyées à votre comité des coniributions publiques ; je suis chargé de vous les soumettre. Elles viennent de la part des marchands de vin, de bois et de charbon, pour l’approvisionnement de Paris, et des marchands de vin pour l’approvisionnement de Rouen. Les marchands de vin réclament le remboursement en tout ou en partie des droits perçus sur les vins qu’ils justitieront, par des inventaires exacts, avoir dans leurs caves à l'époque du 1er mai, date de la mise à exécution de votre décret. Votre comité a pensé que cette demande ne pouvait être accueillie, sans accorder aussi une indemnité à tous les particuliers qui la réclameront, et à tous les marchands qui la solliciteront pour les marchandises invendues et soumises à des droits d’entrée ; ce serait donc avancer le terme fixé par la loi pour la suppression de ces droits. D’ailleurs, il ne s’est point dissimulé que depuis deux ans la contrebande a introduit en France une grande partie des marchandises sujettes aux droits d’entrée; ainsi la restitution tomberait sur des marchandises qui n’ont réellement point acquitté de droits. Il estime, en conséquence, que la pétition de ces marchands de vin n’est pas admissible. Les pétitions des marchands de bois et de charbon tendent également à des restitutions plus ou moins considérables. Les droits sur les bois n’étaient généralement acquittés qu’à l’enlèvement des chantiers; et des préposés de la régie surveillaient ces enlèvements. Il en était de même des matériaux et d’autres marchandises qui, déosées sur les ports et dans les halles, soumises l’inspection de la régie, devaient les droits au moment de la vente. Votre comité a pensé que la justice ne permettait pas d’exiger ces droits sur les parties qui seraient invendues au 1er mai. Il vous propose donc d’annuler les soumissions résultant des registres de charge, ainsi que vous l’avez ordonné pour le département du Nord. Cependant il ne vous propose cette disposition que relativement aux marchandises invendues et qui seront dans les délais des crédits autorisés par l’usage ou par la loi. Votre comité, Messieurs, a examiné avec soin les raisons et les motifs des pétitionnaires; il a tâché de concilier l’intérêt public avec l’intérêt f;énéral; et, en déclarant qu’appelé à établir a plus stricte équité entre la nation et les réclamants, les représentants du peuple français ne doivent jamais s’écarter de cette fermeté inflexible qui accueille toutes les demandes fondées sur la justice et repousse avec courage toutes les pré* tentions injustes et déraisonnables, il vous propose le décret suivant: Art. 1er. « Les marchands de boissons, bois à brûler, bois quarrés et à ouvrager, charbon, matériaux à bâtir et autres marchandises, qui jouissaient du crédit des droits d’entrée en demeurant sous la surveillance des fermiers ou régisseurs jusqu’au moment de la vente et de l’enlèvement des halles et ports d’entrepôts, seront affranchis des droits d’entrée des villes sur les quantités invendues à l’époque du l8r mai, et leurs soummissions annulées, pourvu que les délais prescrits pour le crédit desdits droits, ne soient point expirés ; sans néanmoins que la présente disposition puisse donner lieu à la restitution des droits acquittés, soit aux entrées, soit aux bureaux établis sur les routes, ni empêcher le recouvrement des droits dus et exigibles à l’époque du 1er mai. Art. 2. « Les propriétaires desdites marchandises auront la faculté d’en disposer à leur gré, à la charge néanmoins d’acquitter préalablement les droits dus sur les parties dont les termes de crédit seront expirés avant l’époque du 18P mai. Art. 3. « Les soumissions faites par les brasseurs, depuis l’époque du lor avril dernier, seront pareillement annulées, à la charge par eux d’acquitter les droits acquis par leurs soumissions antérieures au 1er avril. » « La discussion, ouverte sur ce projet de décret, est fermée après quelques légers débats.) Un membre: Je propose par amendement de retrancher du premier article ces mots : pourvu que les délais prescrits pour le crédit desdits droits ne soient point expirés. La sûreté de l’approYi-sionnemeDt de Paris exigeant que les marchands fassent des envois continuels, ils se trouveraient dupes d’une prévoyance qui avait pour but l’utilité publique. M. d’Allarde, rapporteur. Le projet de décret ne fera aucun tort aux marchands; je demande la question préalable sur l’amendemeut. (L’Assemblée décrète la question préalable sur l’amendement.) Un membre : Je propose à l’Assemblée d’ordoo-ner que le comité des contributions publiques lui présentera incessamment les moyens les plus sûrs pour constater l’identité des marchandises existantes dans les lieux d'entrepôts avec celles arrivées par eau. Un membre du comité des contributions publiques. Ces réflexion s n'ont point échappé au comité ; le décret porte uniquement sur les marchandises restées sous la main des régisseurs. M. d’AlIarde, rapporteur. J’ajouterai que les différentes espèces de bois et pièces de vin portent la marque des régisseurs et sont prises en charge; il n’y a par conséquent aucune surprise à craindre. M. le Président. Je mets aux voix le projet de décret du comité.