160 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mai 1791.1 Les dispenses matrimoniales, que l’évêque de Rome accordait à ceux qui pouvaient les payer, et refusait à ceux qui n’avaient pas les moyens d’en faire les frais, ont été supprimées par votre décret mémorable du 4 août 1789. Abandonnées, depuis, à la prudence de nos évêques, sont-elles devenues moins abusives? Non, sans doute. L’abandon fait à des hommes revêtus d’un pouvoir purement spirituel, d’approuver ou rejeter une convention essentiellement profane et séculière, attaque directement la liberté juste et raisonnable dont vous êtes si jaloux. Les limites de deux puissances sont confondues; l’ordre est renversé; l’intérêt public est compromis, et des ministres de l’Eglise peuvent arbitrairement donner ou refuser Je titre et le droit d’époux, de père, et de fils légitime. Pour la validité d’un mariage proscrit par la ■loi de l’Etat, l’autorisation du pouvoir civil est nécessaire et suffit seule, et si ce mariage a été •déclaré illicite... M. Martineau. Je vous demanderai un mot d’ordre sur le rapport qui se fait actuellement... Un membre : A l’ordre, M. Martineau! M. Mou gin s de Roquefort. Cela va mettre le feu dans nos provinces'. M. Martineau. Nous avons des affaires trop pressantes pour le bien de la nation pour nous engager encore dans des discussions interminables. Dernièrement des citoyens de Paris nous ont présenté une pétition ; c’est cette pétition renvoyée à votre comité qui a été mise à l’ordre du jour et c’est uniquement sur cette pétition que l’on doit entendre votre comité. ( Applaudissements .) Je demande donc que M. le rapporteur se renferme littéralement dans les bornes de cette pétition qui est d’ailleurs assez intéressante par elle-même puisqu’elle présente deux grandes questions. La première est de savoir si pour faciliter à 2 ou 3 millions d’hommes tout au plus les moyens de constater les mariages, vous changerez la forme ancienne que suivent habituellement 23 ou 25 millions d’habitants, ou si, au contraire, vous vous contenterez comme :on l’avait demandé dans le principe, de réformer la dernière loi de 1787, et de la rendre applicable aux circonstances actuelles : et je remarque qu’avec cette réforme on satisferait toutle monde. La seconde question a pour objet de statuer sur les moyens de constater les naissances et les décès des citoyens d’un autre culte que celui de la religion catholique. Voilà l’ordre du jour que je réclame; c’est sur cela que je demande que M. le rapporteur soit entendu. ( Applaudissements .) M. Vieillard. Je demande que vous fassiez rapporter le procès-verbal qui constate le renvoi delà pétition, afin de fixer l’ordre du jour. M. Delavigne. Je demande qu’on continue le rapport, sauf à ajourner ce qui devra l’être. ( Murmures . — Non ! non !) M. Lanjuinais. Je crois avoir averti l’Assemblée que je ne parlerai des dispenses et empêchements que par occasion, et seulement... ( Murmures. ) M. le Président. Renfermez-vous dans les termes de la pétition. M. Eianjuinais. Je vais prouver en peu de paroles que ces deux objets, la cérémonie religieuse du mariage et le mariage, sont essentiellement séparés, et doivent l’être pour le maintien de notre liberté. (Murmures.) Plusieurs membres : Nous le savons. M. Treilhard. On vous a appris que les catho liques non conformistes, passez-moi cette expression, ne présentaient pas leurs enfants dans les églises paroissiales, et les faisaient baptiser provisoirement dans des chapelles particulières. Vous avez permis la liberté des opinions religieuses; vous avez permis la liberté du culte; du moment où vous l’avez permis, vous avez permis aussi, par une conséquence nécessaire, que chacun pût constater son état civil ; et voilà ce qui a été renvoyé à la discussion : voilà ce que vous avez à discuter aujourd’hui. Je demande donc que vous adoptiez dans l’instant le décret suivant que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète que l’état civil des citoyens sera prouvé et constaté, à compter du jour de la publication du présent décret, par des actes reçus pardrs officiers civils. » (Applaudissements. — Aux voix! aux voix!) M. Vieillard. L’Assemblée peut commettre une très grande faute en précipitant sa délibération. Je demande que la discussion soit renvoyée à un autre jour. M. Mougins de Roquefort. Je m’oppose à ce que Tou adopte sans discussion la motion de M. Treilhard. Quand vous aurez décrété le principe du projet de décret qu’il vous propose, il faudra nécessairement en déduire les conséquences, et c’est alors que vous sèmerez le trouble dans les provinces. (Allons donc!) J’invoque ici les propres paroles d’un grand homme, sur la tombe duquel on versera longtemps des larmes : je veux parler de M. de Mirabeau. Lorsqu’un jour on voulait mettre cette question à l’ordre du jour, ■ il vous dit : n’allez pas plus loin; ne vous arrêtez pas sur cette matière-là, laissez mûrir le temps et les idées. Eh bien! Messieurs, dans ce moment-ci, je voudrais ranimer, pour ainsi dire, scs cendres pour donner à ma pensée la forme de ses expressions. Ü7i membre : Il n’a pas dit cela. M. Prieur. Comment peut-on redouter l’effet de la loi la plus sage, la plus nécessaire, d’après notre nouvelle Constitution? On pouvait bien dire sur la fin de 1789 : le peuple n’est pas encore mûr pour nos institutions ; mais, quand deux siècles se sont écoulés depuis 1789, quand des torrents de lumière ont coulé, il est étonnant qu’on vienne nous dire encore que Ton pourra tromper le peuple sur le véritable sens de nos lois. Le projet de loi que vous présente M. Treilhard est dicté parla sagesse ; celte loi est exigée par la Constitution ; sans elle il n’y a pas d’égalité entre les hommes, il n’y a pas de moyens de constater leur état. (Aux voix! aux voix!) Je demande donc... M. Emmery. Je demande que la discussion soit fermée. M. Prieur. Je demande, en me résumant, que la discussion soit ouverte sur l’avis de 161 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791] ' M. Treilhard; et j’assure qu’elle ne durera pas, parce qu’elle n’offrira aucune contradiction. M. La nj ii mais. Je demande l’ajournement à jeudi soir. (L’Assemblée décrète l’ajournement à la séance de jeudi soir.) L’ordre du jour est un rapport du comité des monnaies sur Les moyens de remédier à la rareté du numéraire. M. de Y i rien, au nom du comité des monnaies (1). Messieurs, aucun des membres du comité des monnaies ne s’est dissimulé la détresse dans laquelle se trouve le peuple par le défaut apparent de numéraire pour l’échange des assignats. il aurait désiré, depuis longiemps, pouvoir adopter des mesures qui puissent y subvenir. S’il s’est permis quelquefois, Messieurs, de vous demander de vouloir bien l’entendre, il s’en faut de beaucoup qu’il eût l’imention de retarder une fabrication si éminemment nécessaire-, mais, Messieurs, c’était dans l'intention de vous mettre à portée de prendre toutes les mesures nécessaires pour que cette fabrication ne fût pas trompeuse pour le peuple et qu’en même temps elle rentrât dans les vues d’économie que vous n’avez cessé de vous proposer et qui sont de votre devoir. Dans ce moment, Messieurs, le défaut de numéraire se fait sentir partout dans l’échange des gros assignats. Il n’y aurait qu’un seul moyen de subvenir efficacement à ce mal; mais je doute qu’it_ soit en votre pouvoir en ce moment : ce serait celui d’une fabrication d’une monnaie d’argent assez considérable pour que jamais le peuple ne pût s’apercevoir du défaut dés petites sommes dont il peut avoir journellement besoin. JN’osant nous flatter de pouvoir employer un tel moyen, nos vues se sont portées vers la fabrication d’une monnaie de cuivre. Obligés de franchir une époque difficile, vous avez jugé que les assignats de 5 livres suppléeraient à ce qui manque et en même temps vous avez jugé avec sagesse qu’une monnaie de cuivre était nécessaire pour les échanges. A cet égard, depuis longtemps l’opinion des bons esprits avait fixé votre jugement sur la matière qu’il convient d’employer pour cette fabrication et, dès le 11 janvier, vous avez jugé que cette monnaie devait être de cuivre pur, plutôt que faite avec le métal des cloches. Cette question du métal des cloches a été présentée sous toutes les faces et souvent l’esprit de charlatanerie s’en est emparé. Nous avons examiné avec attention les nombreux procédés qui nous ont été soumis pour rendre le métal des cloches malléable et nous devons vous dire que, de tous ces procédés, il n’en est encore aucun jusqu’à présent qui puisse remplir notre attente. L’un de ces projets fut de proposer comme un secret merveilleux de blanchir du cuivre, de le rendre si apparent qu’un mélange d’argent et de cuivre dans lequel il n’entrerait environ qu’un tiers d’argent fin, serait a-ssi beau et aussi blanc qu’un mélange dans lequel il entrerait 10 parties d’argent fin sur 12. Ce secret funeste, Messieurs, qui n’est autre chose que l’art de fabriquer de la fausse monnaie, est un secret que la métallurgie avait déjà trouvé, mais qui est proscrit par les lois de l’orfèvrerie; les bons esprits l’ont toujours repoussé et votre sagesse ne l’adoptera sûrement (1) Ce document est très incomplet au Moniteur. lre Série. T. XXVI. pas ; en tout cas, ce n’était pa3 à nous à vous proposer de vous servir d’un semblable moyen, qui ne pouvait pas fixer les yeux de votre” comité. D’aulres ont proposé d’autres idées, comme par exemple un alchimiste est venu nous proposer un jour le beau projet de raffiner le métal des cloches, à un tel point qu’il deviendrait plus beau que le plus beau cuivre possible, aux frais modiques d’environ 15 livres pour une livre de cuivre qui vaut 20 sols et 40 sols mounavés. (Rires.) Je vous épargnerai, Messieurs, le détail des autres procédés qui n’étaient pas infiniment plus raisonnables et qui ne sont pas dignes de vous être présentés. Il suffit de dire qu’il n’est pas un de ces procédés qui n’ait rencontré des protecteurs et qui n’ait valu à vos commissaires quel-ues inculpations de n’avoir pas voulu lui onner, disait-on, assez d’attention. D’aprè3 l’échantillon que je viens de vous soumettre, je vous prie, Messieurs, de juger si votre comité est en dennure, pour ne vous avoir pas fait perdre votre temps par la discussion de semblables objets. Dernièrement, cependant, il a reparu sur la scène de nouveaux artistes qui se sont offerts, par un procédé très simple, à mettre le métal des cloches en état de soutenir les opérations du monnayage. Vous avez cru devoir ordonner à votre comité des finances, à votre comité des monnaies et à 4 commissaires de l’Académie des sciences de suivre les expériences qui pouvaient constater ce nouveau secret. Ces expériences ont été faites et, si vous désirez, je vais vous lire le procès-verbal qui a été fait. (Oui! oui! — Non! non! le résultat seulement.)... Le résultat de ce travail est qu’en ajoutant 1 once de cuivre pur à 8 onces de métal des cloches et en usant d’une certaine poudre qui a été jetée dans le creuset, on a obtenu un métal qui n’a subi que très imparfaitement le laminage; qui, lorsqu’on fait couper les flancs, à montré des bords très acérés, très aigus, très cassants; qui s’est gercé dans toutes les circonférences, lorsqu’on l’a soumis aux coups de balancier; et qui, au troisième coup de balancier, a été reconnu par le monnayeur d’une telle dureté, que le coin en était visiblement altéré. Il est donc évident, d’après les expériences suivies parles commissaires que vous avez désignés, que ce métal, malgré l’addition, est à la fois trop aigre, trop dur et trop cassant pour pouvoir être utilement employé aux opérations du monnayage, puisqu’il n’a pu subir suffisamment ni l’épreuve du laminage, ni même celle du coupoir. Voilà le résultat de cette dernière expérience ; s’il se présentait de nouveaux procédés qui offrissent des résultats saluiaires, votre comité s’empresserait, Messieurs, de vous les communiquer. Dans ce moment, vous ne devez plus vous oc-cup r que de fabriquer de la monnaie de cuivre pur; et, à ce propos, nous devons observer que le désir de l’Assemblée et l’opinion qu’on a des besoins actuels, nécessitent une fabrication considérable. Cette, fabrication très considérable ne peut se faire sans moyens accessoires, et nous conviendrons avec vous que vous avez dans les cloches des églises supprimées une ressource étendue, soit que vous les vendiez à la charge par les acquéreurs de payer une partie du prix | en cuivre, soit que, par quelque autre moyen ! chimique, on parvienne à obtenir un métal qu’on j puisse vendre, et avec lé produit duquel ou 11