[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 septembre 1791.] 249 An 3. ( Décrété. ) « Le droit de vaine pâture dans une paroisse, soit simple, soit accompagné de la servitude de parcours, ne pourra exister que dans les lieux où il est fondé sur un titre ou sur une possession autorisée par la loi ou la coutume. » M. Ulerlln. Messieurs, le droit de parcours a été aboli, et justement aboli; mais celui de vaine pâture ne l’a pas été, et cela serait souverainement injuste : tout ce qui peut-être dû au respect pour la propriété, c’est d’autoriser le propriétaire à clore son terrain pour s’affranchir du droit de vaine pâture. Je conclus au rejet de l’article. M. Tronche*. Je crois que l’article tel qu’il est rédigé est inadmissible. Le droit de vaine pâture est le droit qu’a chaque habitant d’une paroisse d’envoyer paître non seulement son troupeau, mais ses bestiaux dans les propriétés d’autrui, après la récolte. Ce droit a été établi pour les pauvres : si vous le supprimez, vous ôtez à la classe la plus indigente ses moyens de subsistance. Je demanderais que l’article fût adopté avec cette addition : fondé sur un titre ou sur des usages locaux de temps immémorial. M. Régnier. Il ne faut pas rejeter l’article, mais il faut le remplacer par un autre qui fasse concourir le droit de vaine pâture commun à tous les habitants après la récolte, avec le droit de pâture exclusif, donné au propriétaire du terrain. Je proposerai de le rédiger ainsi : « le droit de vaine pâture continuera d’avoir lieu dans le pays où il est fondé sur la coutume, ou sur un titre singulier ou sur une possession légale. M. Prieur. Je n’ai rien à ajouter à ce que dit le préopinant : je réclame seulement pour les mots : « usages locaux, possession immémoriale », que je le prie d’insérer dans sa rédaction. M. Martineau. Je demande qu’on raye du Gode rural tout ce qui est relatif à la vaine pâture, si ce n’est qu il est permis à chacun de clore sa possession. Il ne faut ni l’abolir, ni l’établir ; il faut la laisser telle qu’elle est. M. merlin. Il est impossible que votre travail subsiste tel qu’il est ; si vous voulez faire une bonne loi, il faut adopter un édit très sage, rendu, je crois, eu 1766, et le convertir en décret. Je demande que vous ajourniez tout votre travail, et que demain on vous présente l’édit que je viens de citer. C’est alors que vous aurez fait une loi qui nous attirera la bénédiction des campagnes, au lieu que ce qu’on veut que vous fassiez, que ce que vous avez fait vous attirerait leur malédiction. M. Ileurtaul tdLamer ville, rappor/cwr. Je propose de remettre tout le travail à M. Merlin qui sera chargé de le présenter à l’Assemblée sous 8 jours ( Non ! non !) Un membre : Il faut adjoindre M. Merlin aux membres du comité. Un membre : Il vaut mieux renvoyer au comité féodal qui en fera son rapport dans 3 jours. {Oui / oui !) M. Goupil-Préfeln. Je demande la priorité pour l’article du comité, amendé par M. Tronchet. (La priorité est accordée à la proposition de M. Tronchet.) M. Tronchet. Voici comme je rédigerais l'article : Art. 3. « Le droit de vaine pâture, dans une paroisse, soit simple, soit accompagné de la servitude du parcours, ne pourra exister que dans les lieux où il est fondé sur un titre particulier, ou autorisé par la loi ou par un usage local immémorial ; et à la charge que la vaine pâture n’y sera exercée que conformément aux règles et usages locaux qui ne contrarieront pas les réformes portées dans les articles suivants de la présente section. » {Adopté.) Les articles 4 à 11 sont successivement mis aux voix avec quelques légers changements de rédaction proposés par M. Heurtault-Lamerville, rapporteur, dans les termes suivants : Art. 4. {Décrété.) « Le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire : l’Assemblée nationale abroge toutes lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit. » (Adopté.) Art. 5. « Le droit de parcours et le droit simple de vaine pâture ne pourront, en aucun cas, empêcher les propriétaires de clore leurs héritages ; et tout le temps qu’un héritage sera clos de la manière qui sera déterminée par l’article suivan t, il ne pourra être assujetti ni à l’un ni à l’autre droit ci-dessus. Les clôtures anciennement faites, et conformes à ce qui va être prescrit, jouiront du même avantage que celles qui seront établies après la publication du présent décret. » (Adopté.) Art. 6. « L’héritage sera réputé clos lorsqu’il sera entouré d’un mur de 4 pieds de hauteur, avec barrière ou porte, ou lorsqu’il sera exactement fermé et entouré de palissades, ou de treillages, ou d’une haie vive, ou d’une haie sèche, faite avec des pieux, ou cordelée avec des branches, ou de toute autre manière de faire les haies en usage dans chaque localité, ou entin d’un fossé de 4 pieds de large' au moins à l’ouverture, et de 2 pieds de profondeur. » (Adopté.) Art. 7. (Décrété.) « La clôture affranchira de même du droit de vaine pâture, réciproque ou non, entre particuliers, si ce droit n’est pas fondé sur un titre : toutes lois et usages contraires sont abolis. » (Adopté.) Art. 8. (Décrété.) « Entre particuliers, tout droit de vaine pâture, fondé sur un titre, même dans les bois, sera ra-chetable à dire d’experts, suivant l’avantage que pouvait en retirer celui qui avait ce droit, s’il n’était pas réciproque, ou eu égard au désavan- 250 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 septembre 1791. tage qu’un des propriétaires aurait à perdre la réciprocité, si elle existait; le tout sans préjudice au droit de cântoiinémeiit, tant pour les particuliers que pour les communautés, confirmé par l’arijcle 8 du décret des 16 et 17 septembre 179Ï3. » {Adopté.) Art. 9. (DécréÛ.) « Dans aucun cas et dans aucun temps, le droit de parcours ni celui de vaine pâture ne pourront s’exercer sur les prairiës artificielles, et ne pourront avoir lieu sur aucunes terres ensemencées ou couvertes de quelques productions que ce soit, qu’âprêé leur récolte. » {Adopté.) Art. 10. {Décrété.) « Partout où les prairies naturelles sont sujettes aii parcours où à la vâiné pâture, ils n’àu-ront lieu protisoirëtnent qüe dànë lé temps autorisé par les lois et coutumes, et jamais tant que la première herbe ne sera pas rébôltée. » {Adopté.) Art. 11. « Lé droit dont jouit toiit propriétaire de clore ses héritages a lieli même par rapport aux prairies dans les paroisses où, sans titre de propriété et seulement par l’usage, elles deviennent eom-munés à tous les habitants, soit immédiatement après là récolie de la première herbe, soit dans tout autre temps déterminé. » {Adopté.) M.Heurtault-Làinéëvillë, rapporteur, donné lecture des articles 12 et 13 du projet , ainsi conçus: « Art. 12. N’entend néanmoins l'Assemblée nationale préjudicier, par l’article précédent, aux droits que quelques communautés pourraient avoir à la mopriéié des regains desdites prairies, et dont elles seraient en état de justifier par des titres valables ; à l’effet de quoi, les officiers municipaux de cés paroisses seront tenus, dans le délai de 6 mois, à compter du jour dè la publication du présent décret, de fournir, par-devant les juges des lieux, un état circonstancié des prairies que lesdités paroisses prétendront être communes après la première herbe ou après la secondé, ensemble les pièces et titrés justificatifs des droits dèsdites communaütës sur idellës, polir être, lesdits titres, avoués ou contestés par les propriétaires ; sinon, et à fauté de faire cette justification dans le délai ci-dessus, lés communautés demeureront pdtlr toujours déchues de tous droits et prétentions sur les seconde et troisième herbes et sur toute autre espèce de reregains desdites prairies, nonobstant toutes possessions, tous usages locaux et toutes coutumes contraires. Les juges seront tenus de prononcer dans les trois mois du jour où la production des titres aura été faite. « Art. 13. Dans le cas où lèsdites cdfcütnünautés justifieront, par la représentation des titres, du droit qu’elles ont au regain desdites prairies* elles seront tenues de traiter, au prix qui Sera convenu de gré à gré, avec les propriétaires de la première herbe ; faute dé quoi, il pourra, à la réquisition de la partie là plus diligente, être procédé à la vente publique desdites prairies, pour le prix en provenant être distribué, savoir : deux tiers au propriétaire de la première herbe, et l’autre tiers aui communautés. ■» Plusieurs membres présentent sur ces deux articles diverses observations et en demandent le rejet. M. HeupiauH-IiâmervilIè, rapporteur , retire ces articles. Il fait ensuite observer que, par suite de cette suppression, l’article 14 du projet ne se trouve plus à sa place, et il fait lecture des articles 15 et 16 ainsi conçus : « Art. 15. Dans les municipalités des pays de parcours ou de vaine pâture, et où l’usage du troupeau en commun existe, tout propriétaire ou fermier pouira faire garder son troupeau séparément, mais il n’aura le droit d’envoyer en troupeau séparé, sur les terrains sujets au parcours ou à la vaine pâture, que la quantité de bestiaux d’bivernage ou d’engrais qu’il en envoyait dans le troupeau en commun. « Art. 16. Les propriétaires et les fermiers ne pourront être empêchés de faire conduire leurs troupeaux d’une paroisse où ils font leur domicile et où le parcours où la vaine pâturé n’ont pas lieu, dans une autre paroisse sujette à ces usages et où ils ont des terres éparses sans habitations ; toutefois, ils ne pourront les y faire conduire qu’én ne nuisant à aucune propriété, et les y faire pâturer par troupeau séparé, ou mettre dans le troupeau commun que le nombre de têtes de bétail proportionné à l’étendue desdites terres.» Plusieurs membres présentent sur ces articles diverses observations â la suite desquelles les articles 15 et 16 du projet sont remplacés par trois articles nouveaux ainsi conçus : Art. 12. « Dans les pays de parcours ou de vaine pâture, soumis à l’usage du troupeau en commun, tout propriétaire ou fermier pourra renoncer à cétte communauté, et fâire garder, par troupeau séparé,, un nombre de têtes de bétail proportionné à l’étendue dès terrés qu’il exploitera dans la paroisse. » {Adopté.) Art. 13. « La quantité de bétail proportionnellement à l’étendue du terrain, sera fixée dans chaque paroisse, à tant de bêtes par arpent, d’après les règlements et tisâges locaux ; et à défaut de documents positifs à cet égard, il y sera pourvu par le consèîl général de la commune. {Adopté.) Art. 14. « Néanmoins, tout chef de famille domicilié, qui ne sera ni propriétaire ni fermier d’aucun des terrains sujets au parcours ou à la vaine pâture, et le propriétaire ou fermier à qui la modicité de son exploitation Rassurerait pas l’avantage qüj va être déterminé, pourront mettre sur lesdits terrains, soit par troupeau séparé, soit en troupeau en commun, jusqu’au nombre de 6 bêtë3 à laine, et d’une vache avec son veau, sans préjudicier au droit desdites personnes sur les terres communales, s’il y en a dans la paroisse, et sans entendre rien innover aux lois, coutumes* ou usages locaux, et de temps immémorial, qui leur accorderaient un plus grand avantagé. » {Adopté.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président lève la séance à troiè heurè�<