1 Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1791.| 233 les instruments nécessaires. Personne n’est à sa place, personne ne connaît ses fonctions; les départements hésiteut et cherchent l’autorité qu’ils doivent reconnaître ; tout appelle une force de compression qui unisse, qui relie toutes les parties de l’Empire. Je doute, ou plutôt je ne crains pas que vous adoptiez le plan qui vous a été proposé par votre comité de l’imposition; je le combattrai avec tout l’avantage de la raison et des principes, et j’aurai pour auxiliaires votre sagesse, le grand intérêt de la Constitution, votre intérêt à vous et votre gloire. 11 faut enfin que les incertitudes cessent, et que la nation sache à quels pouvoirs elle doit obéir. Je vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la caisse de l’extraordinaire versera dans celle du Trésor public soixante millions cinq cent vingt et une mille livres. » M. «le EL a Ifiocliefoucauld. Je demande l’impression du rapport de M. Lebrun. Plusieurs voix: Oui! oui!... Non! non! M. Anson. J’ai l’honneur de prévenir l’Assemblée que le comité n’a pas eu connaissance du rapport qui vient d’être fait. Ce n’est pas la première fois que sur des matières importantes M. Lebrun a lu son travail sans l’avoir communiqué. Les états qu’il vous a présentés ne sont connus ni du comité des douze, ni du comité des finances. L’opinion particulière de M. Lebrun est ici un hors-d’œuvre ; il ne pouvait en présenter une sur les impositions, que quand celte matière aurait été à l’ordre du jour. Il y a môme dans ce travail des choses contraires à vos décrets. Si vous ordonnez l’impression, il faut séparer cetle opinion de la première partie, qui serait imprimée, non pas au nom du comité, mais pour lui être communiquée. Au surplus, je conclus à ce qu’on décrète les secours nécessaires au Trésor public. M. Lebrun, rapporteur. J’ai l’honneur d’observer au préopinant qu’il n’était point hier au comité des fiuances, quand j’ai présenté les états au nom de la section du Trésor public. 11 est inutile d’ordonner l’impression pour communiquer au comité. L’Assemblée doit se rappeler qu’elle avait ajourné ce rapport. Le jour fixé pour l’ajournement, je me suis présenté. Gomme il ne s’agissait que de l’exécution du décret, j’ai cru pouvoir rédiger ce travail ; je l’ai porté à la section du Trésor public, où les états ont été discutés. Quant à la seconde partie de mon rapport, il est certain qu’elle contient mon opinion personnelle. Je demande que l’Assemblée décrète le secours de 60 millions au Trésor public. Elle décidera sur le reste ce que sa sagesse lui prescrira. (Le projet de décret présenté par M. Lebrun est adopté.) M. SMonis dn Séjour. L’Assemblée a ordonné à son comité ecclésiastique de lui présenter une adresse aux Français sur la constitution civile du clergé. Le comité ecclésiastique a nommé des commissaires pour rédiger celte adresse. Un de MM. les commissaires a observé que M. de Mirabeau avait un travail sur celte matière; nous l’avons prié de vouloir bien nous le communiquer. D’après des observations que nous avons faites à M. de Mirabeau, et auxquelles il a bien voulu avoir égard, nous avons relu ce travail, et votre comité l’a adopté. En conséquence, je vous propose d’en entendre la lecture en ce moment. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau lisant (1) : Français, au moment où l’Assemblée nationale coordonne le sacerdoce à vos lois nouvelles, afin que toutes les institutions de lE’mpire se prêtant un mutuel appui, votre liberté soit inébranlable, ou s’efforce d’égarer la conscience des peuples. On dénonce de toute part la constitution civile du clergé, décrétée par vos représentants, comme dénaturant l’organisation divine de l’Eglise chrétienne, et ne pouvant subsister avec les principes consacrés par J’antiquité ecclésiastique. Ainsi, nous n’aurions pu briser les chaînes de notre servitude sans secouer le joug de la loi?... Non : la liberté est loin de nous prescrire un si impraticable sacrifice. Regardez, ô concitoyens ! regardez cette église de France dont les fondements s’enlacent et se perdent dans ceux de l’empire lui-même ; voyez comme elle se régénère avec lui, et comme la liberté, qui vient du ciel, aussi bien que notre foi, semble montrer en elle la compagne de son éternité et de sa divinité! Voyez comme ces deux filles de la raison souveraine s’unissent pour développer et remplir toute la perfectibilité de votre sublime nature, et pour combler votre double besoin d’exister avecgloire, et d’exister toujours ! On nous reproche d’avoir refusé de décréter (1) Je livre cette adresse à l’impression ; car ce qu’on m’a le plus reproché, c’est qu’il est difficile de m’entendre, et je conviens que, pour être jugé, il faut être entendu. Un autre motif, c’est qu’un membre du comité ecclésiastique a désiré l’aveu que l’adresse, approuvée par lo comité dans deux conférences, n’est pas entièrement la mémo que j’ai lue dans la tribune. Or non seulement je n’ai pas voulu, pour lui plaire, dire celte fausseté ; mais j’ai dû constater, si mon adresse est mauvaise, que j’ai eu des censeurs trop indulgents ; et si elle est bonne, que l’approbation do plusieurs de mes collègues m’a autorisé à le croire. J’ai déposé mon manuscrit sur le bureau ; MM. les secrétaires en ont paraphé, signé et cacheté le dépôt, et il n’est sorti de leurs mains que pour passer dans celles de l’imprimeur de l’Assemblée nationale. Il était important, dans une matière aussi délicate, de ne pas laisser le choix à la critique entre ce que j’ai dit et ce que je n’ai pas dit. J’ai dû encore faire imprimer cette adresse pour que ceux qui ne l’ont pas entondue, ne soient pas obligés d’en croire sur parole ceux qui ont cru devoir ou la méconnaître ou la censurer. On a blâmé un discours, en effet très répréhensible, si un bon citoyen l’avait tenu ; et je Je plaçais dans la bouche d'un impie. On a supposé qu’en parlant de la feuille des bénéfices, j’avais attaqué tous les prélats. Il est vrai que je n’ai pas fait l’éloge de la feuille des bénéfices; mais, en disant qu’elle avait donné souvent de très mauvais choix, j’ai parlé seulement de quelques prélats. Enfin, on a supposé que je prêchais l’hércsie et la violence ; je le croirais si l’Assemblée l’avait pensé de même, et je me serais sur-le-champ rétracté. Mais n’ayant éprouvé qu’une attaque individuelle d’un homme qu’on a accusé lm-même de n’êlre pas orthodoxe, j’en appelle au public : c’est à lui à prononcer. Enfin, l’impression de cette adresse serait indispensable, ne fut-ce que pour empêcher qu'elle ne fût jugée d’après 1 (-journal taehy graphique. Je pardonne qu’on ne me comprenne pas; mais je dois au moins m’entendre moi-même, et je ne veux être ni hérétique ni absurde : or, je serais facilement tout cela d’a[irès le galimatias double que me prête ce journal. ( Note de l’ auteur .)