[Assembléè rüttiondlë.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.] M. le Président. J’ai reçu de M. le premier ministre des finances une lettre dont je donne lecture à l’Assemblée (1). Paris, ce 15 juillet 1790. « Monsieur le Président, « J’ai reçu, il y a quelques jours, les informations relatives au tableau général des reprises du Trésor public. M. Dufresne, accablé de travail par la nécessité où il est de vaquer au courant des affaires et d’achever le compte général des finances du 1er mai 1789 au 1er mai 1790, m’avait prié de revoir bes différentes notices et de prescrire la méthode et les divisions que l’ordre exigeait. Il m'avait encore demandé d’y joindre les explications que je croyais convenables et d’indiquer les nouveaux renseignements qu’il était nécessaire de rassembler. J’avais commencé ce travail au milieu de tant d’autres qui me commandent également, lorsque j’ai eu connaissance, avant-hier, du décret de l’Assemblée nationale concernant la remise des états de reprise du Trésor publie dans la journée même de ce décret. Il n’est aucün ordre qüi puisse conférer la faculté de faire dans un .temps donné plus que ce temps ne comporte. Cependant, pour répondre au vœu de l’Assemblée, je suis parvenu, dans les moments que j’ai eu ue libres de jour et de nuit, à former avec méthode une division de toutes les parties du Trésor public en cinq tableaux distinctifs; j’ai fait ajouter à la hâte quelques observations nécessaires, mais je n’ai pu ni les étendre, ni revoir les pièces primitives; ni recueillir les éclaircissements propres à m’assurer si dans plusieurs tableaux, composés en grande partie d’articles anciens et contentieux, il n’y a point quelques omissions ou quelques inexactitudes. J’enverrai donc Ces tableaux au comité des pensions dans l’état d’imperfection auquel l’Assemblée nationale par son décret à jour fixe m’oblige de me soumettre ; mais la fête patriotique d’hier n’ayant pas permis de retenir dans les bureaux aucun commis, on ne pourra travailler qu’aujourd’hui aux copies, et le tout sera remis demain. « Je vous prie, Monsieur le Président, de communiquer cette lettre à l’Assemblée nationale. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé : NECKER. » L’Assemblée ordonne le renvoi de la lettre de M. Necker et de l’état des reprises, au comité des pensions. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 12 juillet au matin. M. Jouffroy de Goussans, évêque du Mans , demande la parole sur la rédaction du décret touchant les économats et fait une motion pour que l’Assemblée autorise l’économe séquestre des biens ecclésiastiques à payer, comme par le passé, les pensions accordées à de pauvres ecclésiastiques sur les fonds des économats. M. Lanjuinais. Le prêopinantne conteste pas l’exactitude du procès-verbal ; je demande donc qu’il soit adopté. Quant à sa motion, je propose de la renvoyer au comité des pensions. (Cette proposition est adoptée.) (Le procès-verbal est ensuite adopté.) (1) Cette lettre n’a pas été insérée au Moniteur. Nous l’empruntons au Journal de Paris, année 1790, p . 801 . 8 1 M. de La Rochefoncauld-LianëotiH, au nom du comité de mendicité, présente l’état actuel de la législation du royaume , relativement aux hôpitaux et à la mendicité, les bases de répartition des secours dans les départements,- districts et municipalités et le résultat des visites faites dans les hôpitaux, hospices et maisons de charité de Paris. M. Alaloiiet. J’observe qu’il a déjà été rendu un décret sur la mendicité à Paris, qu’il devait être exécuté dans la huitaine de sa publication et qu’il est resté lettre morte. M. Démeunier. La municipalité de Paris, malgré tout son zèle, n’a pu mettre le décret à exécution jusqu’à ce jour; pourtant, on doit lui tenir compte de sa bonne volonté et l’on peut s’apercevoir qu’il y a beaucoup moins de pauvres dans la ville, puisqu’on en a beaucoup renvoyé. L’Assemblée, après avoir applaudi aux explications fournies par M. de La Rochefoucauld-Liancourt, renouvelle son décret du 12 juin dernier qui ordonne l’impression de tous les rapports du comité de mendicité. (Voy. p. 99 le texte de trois rapports annexés à la séance de ce jour.) M. Populus présente à l’Assemblée un ouvrage sur l’entretien général des chemins que M. Vente, ingénieur, l’un des administrateurs du département de l’Ain, a lu à une assemblée de ce département, et que cette assemblée a délibéré d’adresser à l’Assemblée nationale, comme renfermant des vues utiles. L’Assemblée renvoie les observations deM. Vente à ses comités réunis des finances* dit commerce et de l’agriculture. M. de la Tour-du-Pin, ministre de la guerre , annonce à M. le Président que les officiers municipaux de Schelestadt, mandés à la barre, sont arrivés à Paris. L’Assemblée décide qu’elle les entendra samedi à la séance du soir. M. le Président fait part à l’Assemblée des notes suivantes de M. le garde des sceaux sur les décrets sanctionnés par le roi, et sur les expéditions en parchemin, déposées aux archives de l’Assemblée nationaJe. Le roi a donné sa sanction : 1° Au décret de l’Assemblée nationale du 8 de ce mois, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Saint-Porquier à imposer, en addition de rôle, la somme de 800 livres ; 2° Et au décret du même jour* qui autorise les officiers municipaux de la ville de Louviers à imposer la somme de 20,000 livres, en quatre ans, sur tous ceux qui payent au-dessus de 8 livres de toutes impositions directes et indirectes. Signé : -|- l’Archevêque de Bordeaux. Paris, le 15 juillet 1790. Expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale. 1° D’une proclamation sur le décret du 28 juin, rendu à l’occasion des réclamations faites par la municipalité et la garde nationale de Marchien-nes, relativement à des abatis et ventes de bois; 2° D’une proclamation sur le débfet dü firefhier de ce mois, qui, en déclarant que le décret du 80 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.] 88 mai sera exécuté suivant sa forme et teneur, invite les officiers municipaux de la ville de Montbrison à continuer leurs fonctions ; 3° Et d’une proclamation snr le décret du 9, relatif à la Fédération générale du 14, au rang de l’Assemblée à cette cérémonie, et à la formule du serment du roi. Paris, le 15 juillet 1790. M. lé Président. M. de Noailles, député de Nemours, demande à présenter un projet de décret sur l'armée. (L’Assemblée décide que M. de Noailles sera entendu.) M. de Woallles. Le comité militaire, pour terminer complètement son travail, a besoin de l’application d’un nouveau principe. Par le décret au 28 février, sur la marine, vous avez décidé que le droit de statuer sur le nombre d’officiers qui doivent composer le corps de la marine appartient aux législateurs; et par, celui du 28 juin, vous avez décrété que la solde des différents grades de l’armée vous appartenait; je demande qu’eu expliquant ces deux décrets, l’Assemblée nationale consacre le principe, qu’au Corps législatif appartient le droit de fixer le nombre d’individus de chaque grade qui composeront l’armée. Voici, en conséquence, le projet de décret que je vais vous soumettre : « L’Assemblée nationale, expliquant ses décrets du 28 février et du 28 juin, décrète qu’il appartient au pouvoir législatif de fixer le nombre d’individu3 de chaque grade, et qui doivent composer les troupes nationales et les troupes de ligne. » M. de Wimpffen. Je ne connais pas le service de la marine; mais j’entends un peu le service de terre. Si l’Assemblée nationale décide que c’est à elle à fixer le nombre d’individus de chaque grade, elle décréterait l’organisation entière de l'armée; ce qu’elle a déclaré elle-même n’être point de son ressort. Si elle déclare qu’il doit y avoir tant de colonels, tant de capitaines, c’est comme si elle disait qu’il doit y avoir tant de régiments, tant de compagnies. M. de Noailles. Le préopinant est dans l’erreur ; il s’agit d’un principe, et il faut le poser. M. de Wimpffen. Si vous décrétez le principe, il faut nécessairement décréter les conséquences; par là, vous ne donnez qu'un état précaire aux militaires ; aujourd’hui, je suis capitaine ; demain , je ne suis plus rien. M. d’Ambly. Je demande qu’on parle successivement pour, sur et contre; on suivra par ce moyen la discussion; cela vaudra mieux que de parler tous à la fois sur le même objet sans nous entendre. M. Fréteau. Gomme nous ne sommes point au fait de la question, je demande que M. le rapporteur veuille bien répondre aux objections qui lui ont été faites. Il y a, je suppose, aujourd’hui, 80 régiments; demain, vous déciderez qu’il n’y en aura plus que 60; voilà donc 20 colonels sans état, et par conséquent la totalité peut s’inquiéter de sa situation . M. de IVoailles. Puisque je suis interpellé, je dirai que la motion que je fais n’a d’autre but que d’empêcher que ces changements qui ont fait la désolation de l’armée ne puissent avoir lieu désormais : jamais le sort de l’armée ne sera certain, si ce n’est pas la nation qui l’assure. Si l’intérêt public exige une réforme, la nation ne la fera jamais sans récompenser ceux qu’elle supprimera. Il ne faut pas que la fantaisie d’un ministre puisse créer ou supprimer un corps. Il faut que le militaire qui embrasse cette carrière ait la confiance qu’il parviendra aux grades; que le sous-lieuteuaut soit sûr de devenir lieutenant, capitaine, colonel, et ainsi de suite. Il faut pour cela que vous connaissiez la proportion relative des grades; s’il en était autrement, un ministre pourrait faire un régiment où il n’y aurait que des colonels. {Il s'élève des murmures .) Ceci est dans l’ordre des choses possibles : nous sommes entourés d’anciens militaires, peut-être écartés des grades par la faveur et l’intrigue; voulez-vous leur soumettre ce plan? j’y consens. Je réclame seulement ce principe : « que la nation seule a le droit de fixer la proportion, tant des soldats que des officiers de l’armée française. » {On applaudit dans une grande partie de la salle et dans toutes les tribunes.) M. de Fa Rochefoucatild-Uancoiirt. A entendre le préopinant, on pourrait croire que l’Assemblée ne s’est pas encore occupée de soustraire les militaires de tout grade à l'arbitraire ministériel; il faut donc rappeler qu’il y a déjà quatre mois que nous avons porté un décret formel sur ce point. L’Assemblée a rempli, avec la plus scrupuleuse exactitude, le devoir qu’elle s’était imposé de ne donner qu’au mérite les différents grades militaires. Ou vous propose aujourd’hui de décréter qu’aux législatures appartient le droit de fixer le nombre d’officiers dont sera composée l’armée; il faut pour cela une discussion longue et sérieuse; ne perdons pas de vue la division si importante des pouvoirs. Ou dit que l’Assemblée l’a déjà décrété pour l’armée navale; je ne vois pas trop quel est son rapport avec les troupes de ligne. Vous avez décrété que le ministre vous présenterait un plan; il est nécessaire que vous le connaissiez et que vous l’ayez approfondi, avant de prendre aucune délibération. En conséquence, je demande que la motion de M. Noailles soit ajournée. M. Dubois de Crancé. Il est temps que l’Assemblée prononce sur cette matière. Le premier pian du ministre était composé de façon qu’en réformant 26,000 hommes, on conserverait tous les états-majors; et dans un moment où il est si nécessaire de maintenir la bonne intelligence, on supprimerait un nombre infini de bas-officiers. Le comité s’en est tenu aux bases décrétées par l’Assemblée : on dit que ceci est du ressort du pouvoir exécutif; si cela est, nous pouvons adopter, même sans le connaître, le plan du ministre de la guerre. Il en doit être tout autrement, si l’Assemblée se rappelle qu’elle s’est réservé l’organisation de l’armée. Vous connaîtrez le travail du ministre, puisque vous en avez ordonné l’impression : on ne peut plus vous le soustraire; mais le comité militaire demande que vous expliquiez votre décret, parce qu’au bout de six mois de travail, ce ministre vient de mander au comité qu’il était chargé de l’organisation de l’armée, et qu’il ne -devait compte de son travail qu’à l’Assemblée. Ce que je dis là est prouvé par le fait. Le ministre a mandé au prévôt des maréchaussées que l’intention du roi était de suppri-