440 [Assamblée nationale. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.] reux guerriers, s'amalgamant, pour ainsi dire, avec les citoyens et prévenant leurs vœux, n’eussent pas veillé avec un zèle aussi infatigable que désintéressé à la sûreté de la cité, et concouru au maintien et au rétablissement du bon ordre et de la tranquillité publique? Ce n’est pas à la seule ville de Lunéville que se sont bernés leurs secours patriotiques; dans tous les lieux de la province où il s’est élevé quelques troubles, les généreux carabiniers, désirés de toutes parts, y ont volé, et leur seule présence a rassuré les bons citoyens et rétabli le calme partout. Toute la France à retenti et retentit encore des éloges que ce corps et ses illustres et vertueux chers ont si justement mérités. « L’Assemblée nationale, en conservant aux carabiniers le sou de haute paye dont Us ont constamment joui, acquittera au moins en partie la dette immense de reconnaissance que leur doivent la garde nationale, les citoyens de la ville de Lunéville et toute la province; c’est ce qu'osent espérei et qu’implorent de la vertueuse et équitable générosité des représentants de la nation, « Leurs très humbles, très obéissants et très respectueux serviteurs, « Les citoyens composant la garde nationale de la ville de Lunéville. » Luuéville, ce 22 juillet 1790. Très respectueuse pétition des officiers du corps des carabiniers. « Dès le moment où l’Assemblée nationale a bien voulu s’occuper avec intérêt du sort de tous les individus qui composent l’armée, les ofticiers du corps des carabiniers, sensibles à ses bienfaits, avaient fait lire à la troupe assemblée l’article de son décret du 28 février dernier, qui porte, qu’à commencer du l*r mai, la paye de tous les soldats sera augmentée de trente-deux deniers par jour, en observant la progression graduelle entre les différentes armes et les différents grades. La distribution de cette somme, fixée par le décret du 6 juin, ne paraissait pas devoir changer le sort des braves vétérans qui ont l’honneur de commander. « Le corps des carabiniers, dès l’instant de sa création, a joui du sou de haute paye en sus de la solde de la cavalerie, et n’a jamais attaché d’autre importance à cette prérogative, qu’en la considérant comme une récompense de la valeur jointe à l’ancienneté de service. C’est donc avec le regret le plus vif que les officiers ont lu aux carabiniers rarticle 5 du décret du 24 juin dernier, qui les prive de cette légère rémunération. « Ce corps, distingué à la guerre par des actions d’éclat, a donné récemment à l’armée entière le seul exemple qu’on peut offrir en temps de paix, celui de la subordination et de la plus parfaite discipline, et ce serait à cette époque qu’on frustrerait d’anciens serviteurs d’une récompense conservée au corps royal d’artiMerie et aux compagnies de grenadiers. C’est sous cet aspect qu’on doit considérer les carabiniers relativement à la cavalerie, puisque, indépendamment de leur service habituel, ils partagent, dans les sièges, les dangers réservés à ces troupes d’élite, en combattant avec l’arme qui leur a été accordée pour prix de leur conduite héroïque à la bataille de Guastalla (1). La haute paye fait l’espoir des cavaj liers qui ont été choisis pour servir dans ce corps’ c’est une propriété qu’ils ont acquise par leur bonne conduite, et que la justice invite à leur conserver. « Les officiers du corps des carabiniers recourent avec confiance à la noblesse et à la justice des représentants de la nation, pour faire rétablir à leurs compagnons d’armes l’ancien traitement d’un sou par jour, dont ils jouissaient. Ils osent espérer que l’Assemblée nationale, pénétrée des motifs qu’ils ont eu l’honDeur de lui exposer, voudra bien agréer l’hommage de leur pétition, et recevoir le tribut de leur reconnaissance et de leur respect. » « Signé : Les officiers du corps des carabiniers. » Mémoire présenté le 29 juillet 1790, à M. le Président du comité militaire de V Assemblée nationale , par le corps des carabiniers, en réclamation des trente-deux deniers d’augmentation de solde , au lieu de vingt deniers accordés par le décret du 24 juillet 1790. « De tous les régiments de cavalerie, qui composent l’armée française, il en est peu dont l’origine soit aussi reculée que celle du corps des carabiniers; elle remonte à l’année 1422; mais comme ils ont été supprimés et recréés en 1679, nous ne parlerons de leur existence que depuis cette dernière époque. i En considération de la conduite qu’ils tinrent à la bataille de Nerwinde, le 19 juillet 1693, Louis X1Y en forma, le premier novembre suivant, le corps qui existe aujourd’hui, et qui, depuis ce moment, n’a pas été séparé. « Louis XIV, en formant le corps des carabiniers, le créa à l’instar des grenadiers : en conséquence il leur affecta une paye d’un sou par jour plus forte que celle des cavaliers, distinction que les grenadiers ont également sur les fusiliers. 11 a toujours été regardé tel par les troupes. Le corps va en donner une nouvelle preuve, en citant son service particulier en campagne, où, indépendamment de celui qui est affeetéà la cavalerie, il a généralement fait celui de l'infanterie; et les succès qu’il a obtenus, lui ont valu l’honneur d'ajouter une baïonnette à sa carabine. * Le corps va, en conséquence, exposer à M,le Président plusieurs actions où il s’est trouvé, et où il a eu les plus grands succès : « 1° L action du 10 mai 1694, au passage du Ther, près Gironne en Catalogne ; action la plus glorieuse que la cavalerie d’Europe ait à citer; «2° Le bombardement de Bruxelles, où il a fait le service de grenadiers ; « 3° Bataille de Turin, en 1706; à cette affaire, ceot carabiniers franchirent les retranchements, entrèrent dans les bataillons ennemis, et en firent un grand carnage ; « 4° Bataille d’Oudenarde, le 11 juillet 1708; « 5° Bataille de Denain, en 1712; v 6° Bataille de Parme, en 1733 ; « 7° Bataille de Guastalla, en 1734, oû ils combattirent à pied, et firent un feu si vif et si bien dirigé, qu’ils coulèrent à fond plusieurs bateaux qui étaient sur le Pô, et qu’occupaient les impé-(1) Les carabiniers ayant combattu à pied arec la plus grande valeur à la bataille de Guastalla, ont obtenu, depuis cette époque, le droit d’être armés de baïonnettes; ils s’en sont servis avec distinction au siège de Prague. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.) 441 riaux : cette action hardie décida le gain de la bataille, et les fit armer de baïonnettes ; « 8° L’escalade de Prague sous les murs de la basse ville, le 25 nombre 1741. D’après les ordres de M. le maréchal de Broglie, et sous ceux de M. le comte de Saxe, cent carabiniers tirent l’escalade sans tirer un seul coup de carabine, et s’emparèrent du poste qui était sur le rempart, ouvrirent les portes de Prague, y firent entrer le corps des carabiniers, qui fut bientôt suivi de la cavalerie, et rendirent M. le comte de Saxe maître de la place ; « 9° Combat de Sahay, du 25 mai 1742, où une partie du corps combattit deux mille cinq cents cuirassiers autrichiens, dont il ne resta pas plus de quatre cents en état de servir. Cette action décida, comme à Guastalla, du gain de la bataille ; « 10° Aux sorties de Prague, en 1742, le corps fit le service de grenadiers ; et à la sortie du 22 août, M. le maréchal de Broglie y envoya trois cents carabiniers qu’il plaça à la tête de l’attaque, malgré les justes représentations des grenadiers du régiment de Piémont, le plus ancien de l’infanterie, auquel cet honneur appartenait. Les carabiniers marchèrent les premiers à la tranchée, tombèrent dessus les Autrichiens, se prirent corps à corps avec eux, balayèrent et comblèrent la tranchée , enclouèrent le canon, et firent prisonnier le général de l’armée autrichienne; « 11° Bataille de Fontenoy : on se' rappelle l’éloge que fit Louis XV des carabiniers, dans salet-tre aux archevêques et évêques, lorsqu’il ordonna un TeDeum en action de grâces du gain de cette fameuse bataille; lettre dans laquelle Sa Majesté motive le service que lui avait particulièrement rendu sa maison et son régiment royal des carabiniers; « 12° Bataille de Lawfeld, où deux escadrons de ce corps battirent huit escadrons de dragons royaux anglais qu’ils repoussèrent jusque dans Maëstricth : ils en firent, en outre, le général Li-gonnier prisonnier , qui fut arrêté par le nommé Aude, carabinier encore existant, et actuellement retiré près Nangis ; « 13° Bataille de Crevelt, du 23 juin 1758, où le corps resta en bataille pendant quatre heures un quart sous le feu de deux batteries de canon, et où il perdit plus de 700 hommes montés et soixante-neuf officiers, tant tués que blessés; M. de Gisors, leur chef, était du nombre. Les détails de cette affaire, qui a couvert le corps de gloire, seraient trop longs à exposer dans ce mémoire. «Telle est, en abrégé, une partie des actions auxquelles s’est trouvé le corps des carabiniers, qui, dans toutes, a su mériter l’estime des généraux sous lesquels il a servi, et la confiance de l’infanterie, lorsqu’elle s’en voyait appuyée. Il observe q ue son double service, comme cavalerie et infanterie, le met en temps de guerre dans une constante activité. ■ Le corps ose donc espérer qu’en considération de ses services, l’Assemblée nationale voudra bien conserver le sou de haute paye dont il a toujours joui en sus de la solde réglée pour la cavalerie, distinction que l’Assemblée a trouvé juste d’accorder aux grenadiers , et qui avait été annoncée aux carabiniers par M. de La Tour-du-Pin , lorsque l' Assemblée nationale décréta , le 28 février, « que tout soldat français jouirait d’une augmen-« talion de trente-deux deniers, à compter du « Ier mai dernier ». « Aussi, quelle a été la surprise du corps en voyant le décret du 24 juin, d’après lequel il n’est plus admis à jouir que d'une augmentation de vingt deniers. « Le corps des carabiniers, plein de confiance dans la justice de l’Assemblée nationale, ne peut douterqu’elle voudra bien lui conserver, ainsi qu’il avait lieu de s’en flatter, son sou de haute paye en sus de la solde fixée pour la cavalerie, ayant l’honneur d’observer à l’Assemblée nationale, que cette distinction ne peut être regardée comme un privilège, les grenadiers l’ayant conservé sur les fusiliers, et qu’il existe d'ailleurs une différence de solde dans les troupes de l’armée, suivant les armes qui la composent, différence qui ne peut pas admettre une égalité dans leurs payes. G’est donc sur la justice de l’auguste Assemblée nationale que sont fondées les réclamations d’un corps qui a constamment vécu dans la plus parfaite police et discipline, ainsi qu’il a été attesté par les municipalités des villes et lieux où le corps a été détaché depuis un an, et notamment par celle de Luuéville, où il est en quartier depuis T! mois. L’ Assemblée nationale connaît, en outre, l’esprit patriotique du corps des carabiniers, d’après sa bonne conduite et les différentes adresses d’adhésion à ses décrets qu’il a eu l’honneur de lui faire passer. « M. le Président de l’Assemblée nationale a bien voulu en accuser la réception à M. Doilliam-son qui a commandé le corps pendant l’hiver, et lui témoigner combien l’Assemblée nationale était satisfaite du compte qui lui en avait été rendu. « Le corps des carabiniers ose encore réclamer de l’auguste Assemblée nationale, comme une grâce particulière, la conservation de son nom et de son arme. » Signé : Pillerault, Capitaine-quartier-maître-trésorier des carabiniers , député pour le corps. (Cette réclamation est renvoyée au comité militaire.) M. le Président annonce qu’il a reçu de M. Richard, major au corps du génie et député suppléant à l’Assemblée nationale, une adresse sur un corps d' état-major permanent et sur les dangers de la réunion de l’artillerie avec le génie. Cette adresse est renvoyée au comité militaire. (Voy. ce document aux annexes de la séance). M. AKilscent, député du département de Maine-et-Moire, demande et obtient un congé de six semaines pour le rétablissement de sa santé. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse des militaires résidant à l’hôtel des Invalides à Paris. Ils se plaignent de ce qu’on leur refuse la qualité de citoyens actifs, parce que l’Assemblée a décrété qu’on ne pourrait user de ce droit dans la ville où l’on serait en garnison. M. d’André. Ce décret ne peut être appliqué aux invalides, qui doivent être considérés comme domiciliés. (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’adresse au comité de Constitution pour en faire son rapport à l’Assemblée.) M. le Président fait lecture de la liste des décrets présentés a la sanction du roi le vendredi 30 juillet 1790, comme s’ensuit ; Du 9 juillet 1790. « Décret qui supprime le trai tement de 100,000 ii-