[Assemblé» nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 septembre 1789.] 99 de Strasbourg et Wissembourg, diocèse de Spire, par lesquels le clergé qui les compose déclare ne pouvoir adhérer aux arrêtés pris les 4 août et jours subséquents, n’ayant pas donné à cet égard des pouvoirs suffisants à ses députés, et supplie l’Assemblée de prendre en considération les motifs déduits dans le mémoire. Un membre a observé que cette adresse, contenant un acte de protestation contre les décrets de l’Assemblée, ne devait pas être admise, mais renvoyée. Après une courte discussion dans laquelle un membre a observé que, selon les apparences, cela regardait une des observations qui nous avaient été proposées par le Roi relativement aux princes de l’empire; un autre, que le clergé d’Alsace devait confondre ses intérêts dans ceux de la nation; un dernier enfin, qu’il n’y avait point de protestation prononcée. On a demandé l’ajournement, et il a été décidé qu’il aurait lieu. On fait ensuite l’énumération des diverses offres patriotiques dans l’ordre qui suit : Une demoiselle de Nîmes, qui garde l’anonyme, offre "à l’Assemblée nationale, par l’organe d’un député de cette ville, le fruit de ses épargnes de demoiselle, qu’elle destinait à sa parure, et dont elle fait le sacrifice aux besoins de l’Etat; une lettre de change de 303 livres est jointe à la lettre. M. Samary, curé de Carcassonne, député, a fait hommage à la nation d’une somme de l ,000 livres. M. Angeoin, invalide à Blois, fait offre d’une somme de 200 livres, dont.il envoie une quittance sur le trésorier des Invalides. M. Edelmann, auteur de pièces pour le clavecin, offre un billet de loterie et son coupon, de la valeur de 520 livres. Le billet et le coupon sont joints à la lettre. M. Navier, bourgeois de Paris, après divers projets qu’il propose concernant des dons patriotiques à faire, termine sa lettre par ces mots : « Si l’Assemblée refuse mes projets et n’accepte que des dons volontaires, je ferai remise d’une année d’arrérages sur le Roi, qui montent à 1,400 livres; j’aurai l’honneur d’en envoyer les quittances signées, pour les six derniers mois de 1788, et les six premiers mois de 1789, à la personne qui sera chargée de recouvrer les dons volontaires ». M. Albert, propriétaire des bains méridionaux établis à Paris, quai d’Orsay, offre à l’Assemblée le centième de son bien, montant à 300,000 livres. M. Mangin fait hommage d’une somme de 1,000 écus sur ce qu’il sollicite pour ouvrages faits à Saint-Sulpice ; et en annonçant le même sacrifice sur tout ce qui lui est dû, il déclare que son offre pourra compléter la somme de 10,000 livres. MM. les officiers du bailliage de Loud un offrent de rendre la justice gratuite. MM. Dumoustier et Bion, membres de l’Assemblée, et de ce bailliage, adhérent à cette généreuse résolution. M. Gaud, commissaire des guerres, employé sous les ordres de M. de la Tour du Pin, fait hommage d’une somme de 2,000 livres qu’il a à recevoir au Trésor royal; la quittance est jointe. M. le comte de Failly, député du bailliage de Vitry-le-Français, fait à la nation le sacrifice d’une somme de 1U>000 livres payables en divers effets et à différents termes ; mais il demande que cela soit imputé sur son centième denier, s’il est prononcé. M. Golson, député du clergé du bailliage de Sarre-guemihes, a fait offre, delà part d’un de seseom-mettants, d’une seconde somme égale à la cote du don gratuit ; et de la part d’un autre de ses commettants, d’une somme de 24 louis, faisant le tiers du total des revenus annuels de sou bénéfice, et, en outre, d’une demi-douzaine de couverts d’argent faisant toute son argenterie. Cette longue suite d’offres et ces dons patriotiques ont été accueillis avec tous les signes d’approbation et de reconnaissance ordinaires. M. Boéry, député du Berry, annonce, au bruit des applaudissements, que le Roi et la Reine ont fait le sacrifice de leur argenterie en l’envoyant à la Monnaie. M. Boéry fait la motion suivante ; Le sacrifice auquel le Roi s’est déterminé en envoyant son argenterie à la Monnaie, nous prouve assez qu’en voulant consacrer à jamais la liberté, il veut aussi rétablir l’orcffe des finances. Un si généreux patriotisme est bien capable de donner l’éveil le, plus puissant à tous les cœurs français. Dans ce moment, lorsque la nation est rassemblée, souffrira-t-elle que le Roi se prive d’une superbe argenterie, le chef-d’œuvre de l’art, ouvrage des artistes les plus célèbres, et qui fait l’admiration de tous les princes étrangers? Vous ne souffrirez sans doute pas, Messieurs, que le sacrifice auquel le Roi s’est déterminé s’accomplisse. Déjà vous avez annoncé que vous alliez décréter que les citoyens payeraient le centième de leur fortune; les députés du Berry renouvellent ces engagements; ils font leur soumission pour payer le centième de leur fortune, et leur soumission, ils l’ont déposée sur le bureau. M. le comte de Mirabeau. Je ne m’apitoie pas aisément sur la faïence des grands ou la vaisselle des rois ; je pense néanmoins, comme les préopiuants, qu’il n’y a pas lieu à délibérer, mais par une raison différente: c’ést qu’on ne porte pas un plat d’argent à la Monnaie qui ne soit aussitôt en circulation à Londres. M. de TouloAgeon voudrait qu’on prît des moyens plus grands et plus dignes d’une nation pour le payement des dettes de l’Etat ; mais dans les calamités publiques, c’est le luxe corrupteur, ce sont les jouissances fastueuses et les richesses stériles qu’il faut sacrifier à la sûreté de la patrie. M. Besehamps parle avec éloquence, et intéresse l’Assemblée ; enfin un cri presque général s’élève pour que M. le président se retire auprès du Roi, pour lui porterie vœu de l’Assemblée. D’un autre côté, quelques personnes interrompent la discussion, et retardent la délibération. M. le Président observe que l’argenterie est peut-être déjà partie ; qu’il faut mettre beaucoup de promptitude dans la délibération. M. le Président parvient enfin à recueillir les voix, et presque à l’unanimité, il est décrété que M. le président se retirera sur-le-champ par devers le Roi pour le supplier de conserver sa vaisselle. M. le Président se retire pour exécuter le décret de l’Assemblée nationale, et M. de la Luzerne, évêque de Langres, monte à la place du président pour en faire les fonctions. De grands débats s’élèvent pour savoir quel sera l’ordre du jour, Les uns proposent de reprendre la question des assemblées provinciales, les autres de suivre la série présentée par M. Guillotin : alors il faut définir la sanction. M. Target monte à la tribune. Nouveau mem- 100 [Assemblée nationale.] bre du comité de Constitution, il assure à l’Assemblée que ce comité s'est livré avec zèle à toutes ses opérations; que bientôt il sera à portée de donner un plan de travail ; que, n’étant réunis que depuis quatre jours, ils n’ont pu offrir un plan conforme aux intentions de l’Assemblée. Il propose ensuite de s’occuper de l’organisation des assemblées provinciales, et dit que cela ne dérange rien aux travaux du comité. Cette proposition est vivement combattue, et M. l’évêque de Langres a beaucoup de peine à rappeler à l’ordre. M. Rabaud de Saint-Étienne monte à la tribune pour appuyer Iff proposition de M. Target comme étant aussi membre du comité de Constitution. Il fait valoir toutes les circonstances pour prouver l’importance de l’établissement des assemblées provinciales. Il est temps, dit-il, de rajeunir ce corps antique, et de n’etre animé que du même esprit, d’un pur et vrai patriotisme. Les citoyens ont besoin de lois; ils les attendent de vous : ils se rassemblent, et il est à craindre que les malheurs des temps ne les forcent à former différentes républiques. Leur respect pour l’Assemblée nationale les porte à ne faire que des règlements; mais ils peuvent prendre de la consistance, et des lois provisoires, données à la nécessité du moment, pourraient devenir immuables. D’après ces connaissances universelles que vous avez de tous les besoins de la France, il ne vous reste plus, suivant votre mission, qu’à organiser les municipalités. Alors vous verrez des corps naissants s’unir à votre autorité et la propager, participer à vos principes, les étendre et soutenir enfin la nouvelle Constitution. Ghaque homme prendra sa place, la paix et l’harmonie renaîtront, et l’on verra enfin régner cette grande et cette respectueuse harmonie qui naît de la confiance d’un grand tout. (Le tumulte recommencent l’Assemblée retombe dans l’inertie.) M. Camus se plaint amèrement de ce que l’Assemblée est sans cesse ainsi livrée à l’inaction. M. le duc de Iflortemnrt. L’on vous a proposé les articles du comité de Constitution il y a un mois; vous alliez délibérer sur la définition du gouvernement français, lorsque l’on a interrompu ce travail pour vous faire passer à l’article du veto . Cet article est décidé : revenons donc actuellement aux articles proposés dans le temps par le comité. Ces réflexions sont accueillies. M. le Président lit l’article lep ainsi conçu : « Le gouvernement français est monarchique ; il n’y a point en France d’autorité supérieure à la loi; le Roi ne règne que par elle; et quand il ne commande pas au nom de la loi, il ne peut exiger l’obéissance ». A peine cet article est lu, que, suivant l’usage, il paraît une foule d’amendements et de rédactions. M. de Liubersac, évêque de Chartres , ressuscite la sienne. Elle supprime de l’article le dernier membre de phrase. M. Roussier propose celle-ci : En France la monarchie est telle qu’il n’y a pas d’autorité supérieure à la loi ; et il ajoute qu’il donne par là la dé [22 septembre 1789.] finition et l’exception : l’exception, dit-il, parce qu’il y a plusieurs sortes de monarchie. M. Target ajoute l’amendement suivant : ce n’est qu’en vertu de la loi qu’il peut exiger l’obéissance. D’abord l’Assemblée ne paraît adopter de ces amendements que celui de M. l’évêque de Chartres, ou du clergé et de la noblesse, mais les communes paraissent préférer celui du comité. On demande donc que la rédaction du comité soit mise aux voix, comme ayant l’antériorité; mais le clergé persiste pour celle de M. l’évêque de Chartres, prétendant qu’elle est un amendement. Il a fallu alors aller aux voix pour décréter qu’elle est un amendement. Ce moyen ayant réussi, on propose l’amendement de M. l’évêque de Chartres, auquel on accole le sous-amendement de M. Target. Voici la rédaction qui est adoptée : Premier article constitutionnel. « Le gouvernement français est monarchique : il n’y a point en France d’autorité supérieure à la loi; le Roi ne règne que par elle, et ce n’est qu’en vertu des lois qu’il peut exiger l’obéissance. » M. le Président donne lecture de l’article deuxième. « Art. 2. Aucun acte de législation ne pourra être considéré comme loi, s’il n’a été fait par les députés de la nation et sanctionné par le monarque. » On propose d’abord d’aller aux voix. M. I�e Chapelier. J’observe que cet article contient deux points : l’un établit le droit du Corps législatif, et l’autre le droit de sanction accordé au pouvoir exécutif ; relativement à cette dernière chose, tout est décrété, et il est inutile de décréter deux fois que le Roi a le droit de veto. M. Ifounier répond à M. Le Chapelier qu’il faut décréter l’article tout entier, parce que la loi ne peut être complète que quand elle a été proposée par la nation et sanctionnée par le Roi. M. l’abbé ülaury. J’observe que l’article du comité détruit : toutes les lois anciennes, et qu’il faut mettre le mot désormais pour maintenir la tranquillité publique. M. le comte de Laineth rappelle l’opinion de M. Le Chapelier. 11 dit que l’on décréterait par là deux fois la même chose, et que c’est aller contre le règlement, où il n’est certainement pas dit qu’une loi doit être sanctionnée deux fois; quainsi il ne faut pas parler deux fois de la sanction. M. Tronchet. L’embarrras actuel de l'Assemblée vient de l’incertitude de sa marche, et surtout de ce qu’elle ne s’est pas bornée à quatre points principaux : 1° A la formation de la loi; 2° A la sanction; 3° Au concours du Roi; 4° A la promulgation de la loi, qui n’est que l’expression de la volonté générale, qui ne dépend que de la nation. Le Roi est en effet chargé de veiller à l’intérêt i du peuple; il doit donc sanctionner et confirmer, ARCHIVES PARLEMENTAIRES.