DISTRICT DE HAGUENAU. Nota. Les cahiers du clergé et de la noblesse de Hagnenau manquent aux Archives de l'Empire. Nous lus avons demandés inutilement en Alsace. Si nous parvenons à les découvrir, nous les insérerons dans le Supplément qui terminera notre Recueil. CAHIER Des doléances des députés de l' irdre du tiers-état d'Alsace du grand-bailliage de Haguenau et de Wissembourg , h leurs représentants aux Etats généraux du royaume , convoqués à Versailles le 27 avril 1789 (1). Appelés à l’assemblée de la nation pour y discuter nos droits et coopérer avec les députés des autres provinces du royaume à la régénération de l’Etat, nos représentants insisteront d’abord sur toutes les demandes qui tendent à faire déterminer invariablement par Sa Majesté les bases et les principes de la� constitution de la monarchie. Ils supplieront Sa Majesté : 1° De fixer le retour périodique des Etats généraux aux époques que lesdits États croiront utile de déterminer. 2° D’étamir que les Etats généraux seront composés de députés du tiers-état librement élus et en nombre égal à ceux des députés du clergé et de la noblesse réunis. 3° De reconnaître qu’il appartient aux seuls Etats généraux de consentir des impôts, d’accorder des subsides, d’autoriser des emprunts pour le compte de la nation, sans que, dans aucun cas, il puisse y être dérogé. Après que ces objets auront été consentis par Sa Majesté, nos représentants feront valoir près d’elle et des Etats généraux les justes doléances de la province, en se bornant au contenu des articles qui suivent et aux instructions qu’ils renferment. Art. 1er. La sûreté et la liberté individuelle des citoyens étant une prérogative indélébile d’un peuple libre, ils demanderont que l’usage des lettres closes soit aboli-, que désormais, il n’y ait dans tout le royaume d’autres tribunaux que ceux de la justice ordinaire, qui connaîtront au civil et au criminel de toutes les causes, instances et procès qui pourront se présenter, chacun suivant sa compétence ; qu’aucun ministre, commandeur, ou toute autre personne revêtue de la puissance publique, ne puisse faire arrêter un citoyen qu’à charge de le faire remettre entre les mains de son juge dans les vingt-quatre heures. Art. 2. La liberté de la presse étant le seul moyen de propager les connaissances et de déraciner les préjugés et les abus, Sa Majesté sera suppliée de 1 accorder à ses peuples, sous la réserve toutefois que les auteurs demeureront personnellement responsables de leurs écrits et pourront être traduits devant les tribunaux pour subir la peine que leur licence leur aurait méritée. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. Art. 3. Les trop fréquents abus que les ministres de Sa Majesté ont faits de sa confiance doivent faire désirer à la nation de les rendre responsables de leur conduite par-devant les Etats généraux. La gloire de Sa Majesté et sa justice sont trop intéressées à cette marque de confiance dans les représentants de son peuple, pour qu’elle refuse de la leur accorder. Art. 4. La réforme du Code civil et criminel, étant un des objets les plus importants pour la tranquillité des citoyens et la sûreté de leurs propriétés, Sa Majesté sera suppliée de ne pas la refuser à ses peuples. Art. 5. Les formes de l’administration de la justice ont excité depuis longtemps des réclamations dans tout le royaume. Cette province, dans laquelle la multitude des seigneuries particulières augmente le nombre des juridictions inférieures, est plus qu’aucune autre victime de tous les fléaux que les huissiers, les procureurs et les autres suppôts de la chicane font éprouver à ses habitants. Sa Majesté voudra bien prendre leurs justes doléances en considération et leur accorder des formes moins ruineuses dans l’administration de la justice. Art. 6. Elle voudra bien aussi établir les fonctions des cours souveraines et fixer leurs rapports avec les Etats généraux, ainsi que leur responsabilité envers le Roi et la nation. Art. 7. La vénalité des charges de la cour souveraine ayant été abolie, et la finance des offices remboursée par la province, les députés demanderont avec instance qu’en cas de vacance d’aucun desdits offices, les Etats provinciaux présentent à Sa Majesté trois sujets pour les remplir. Il importe à la province de choisir elle-même les personnes destinées à décider de la vie, de l’honneur et de la fortune de ses habitants. Art. 8. La confirmation du droit des Alsaciens de ne pouvoir être traduits que par-devant les juges naturels et territoriaux, est une justice que la province a droit de réclamer. Art. 9. Les députés demanderont que tout acte obligatoire portant hypothèque soit relaté par date, qualité des parties et des biens , et inscrit dans des registres particuliers à ce tenus par les greffiers des juridictions où le fond de l’hypothèque est situé, à peine de perte de l’hypothèque. Art. 10. Les offices de justice des seigneurs d’Alsace doivent être conférés gratuitement pour Farer aux abus que la vénalité a introduits dans administration de la justice. Art. 11. Que l’Alsace sera maintenue dans les droits et privilèges qui lui ont été assurés par les traités de paix. Art. 12. Les députés du tiers-état de la pro-; vince ne consentiront, dans aucun cas, à voler � en matière d’impositions, autrement que par tête ; quant aux autres objets, ils auront la liberté (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (District de Hagveneau.] 417 d’adopter la forme que les Etals généraux croiront la plus avantageuse. Art. 13. Toutes les impositions de telle nature qu’elles soient devront être supportées par les rrois ordres dans la juste proportion de leurs revenus et de leurs propriétés, à l’effet de quoi toutes exemptions de telle nature qu’elles soient, et à tels titres qu’elles soient acquises, seront et demeureront supprimées, sans que dans aucun cas ni sous aucun prétexte il puisse en être accordé. Art. 14. Parmi les privilégiés de cette province, il en est qui, se fondant sur des traités publics et des lettres patentes, se croient en droit de refuser toutes les contributions de l’Etat et de la province. Les députés supplieront Sa Majesté d’ordonner que lesdites lettres patentes seront rapportées en tant qu’elles dérogent aux titres originaires, à l’effet de quoi elles seront soumises à la révision des Etats généraux. Art. 15. Aucuneimposition ne pourra être fixée que pour un temps limité qui ne pourra pas excéder l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, à l’expiration duquel il devra être voté par les États généraux pour de nouveaux subsides. Art. 16. Les députés du tiers-état de l’Alsace voteront pour que Sa Majesté fasse donner aux Etats généraux du royaume les détails exacts de tous les revenus de TEtat et ceux de leur emploi. Us supplieront Sa Majesté d’établir les réformes et les économies que les Etats généraux croiront compatibles avec l’honneur de la nation et la gloire du nom français. Art. 17. Après que l’Etat exact des recettes et des dépenses de l’Etat aura été invariablement arrêté, les députés aviseront aux moyens de sanctionner la dette publique et de pourvoir à son remboursement. Ils prieront Sa Majesté de considérer que la nation se chargeant de l’acquittement des dettes de l’Etat, elle doit avoir aussi en main les moyens d’y satisfaire ; qu’en consé-uence il est de l’intérêt du Roi et de la nation e diviser les revenus du royaume en trois classes : la première, destinée à soutenir la majesté du trône, après avoir été déterminée par les Etats généraux, sera à l’entière disposition deSa Majesté. La seconde, devant servir à l’acquittement des charges publiques, comme entretien des troupes de terre et de mer et tous autres objets qui concernent la gloire de la nation, sa quotité sera fixée par les Etats généraux et l’emploi en sera fait par Sa Majesté qui en fera rendre compte par ses ministres aux Etats généraux assemblés. Ën-fin la troisième classe des revenus publics devant servir à l’extinction successive des dettes de l’Etat, devra être à l’entière et libre disposition des Etats généraux, qui prendront telles mesures qu’ils croiront convenables pour en faire la perception et en diriger l’emploi, sans être comptables de leur conduite envers qui que ce soit autre que la nation elle-même. Art. 18. Les comptes de toutes les parties de l’administration des finances du royaume devront être rendus publics tous les ans , pour que la nation puisse en connaître l’emploi. Art. 19. Après que la position exacte des finances du royaume aura été reconnue et qu’un nouvel ordre de choses pourra faire espérer leur restauration, si les besoins de l’Etat exigent de nouveaux secours, ce que le tiers-état d’Alsace est bien éloigné de penser, les députés seront autorisés à voter pour le subside que les Etats généraux croiront convenable d’accorder. lre Série, T. II L Art. 20. Ils chercheront à faire établir la proportion dans laquelle les différentes provinces du royaume, comme les membres d’une grande famille, contribueront aux besoins communs relativement à leurs facultés et population respectives. Art. 21. Il écherra de demander, après que la masse totale des contributions do tout le royaume aura été établie, qu’il soit libre aux Etats des différentes provinces d’adopter, sous le bon plaisir de Sa Majesté, le mode de répartition qu’elles croiront le plus convenable aux diverses localités et au genre d’industrie ou de productions des provinces. Art. 22. La ferme générale étant l’impôt le plus destructeur de l’industrie, le plus ennemi de la liberté des peuples, celui dont la perception est la plus onéreuse et dont les formes sont les plus vexatoires, les députés du tiers-état aviseront aux Etats généraux sur les moyens de procurer à la nation la suppression d’une charge aussi oppressive. Ils supplieront le Roi de peser si elle ne pourrait pas être remplacée par un autre régime, si les provinces ne pourraient pas être chargées de représenter au trésor de la nation le montant du produit actuel de la ferme, sauf à prendre tel parti qu’elles croiront convenable, soit pour percevoir par elles-mêmes les droits, en établissant une surveillance patriotique qui délivre les peuples des vexations odieuses des suppôts de la terme, soit pour remplacer son produit de telle manière quelles jugeront plus avantageuse à leurs habitants. Art. 23. Sa Majesté voudra bien accorder à l’Alsace la suppression de la régie des cuirs, comme un des impôts les plus destructeurs et qui ne tend qu’à mettre des entraves insurmontables à un genre de commerce dans lequel la province pourrait trouver des ressources avantageuses. Art. 24. Toutes les impositions particulières assises sur la province d’Alsace, comme fourrages, amidon, etc., devront être supprimées et converties en une seule imposition déterminée, pour faire disparaître à jamais l’arbitraire qui a régné jusqu’à aujourd’hui dans la répartition des impôts. Art. 25. Sa Majesté sera suppliée de ne plus accorder aucunes pensions sur la province, a tel titre que ce soit, et d’ordonner que celles qui existent actuellement demeureront supprimées à la mort des titulaires. Art. 26. Les députés du tiers-état d’Alsace ne pourront voter en matière d’impositions, avant qu’il ail plu à Sa Majesté défaire droit aux justes doléances de la nation en général et de la province en particulier. Art. 27. Sa Majesté sera suppliée d’accorder à cette province l’établissement d’Etats provinciaux dont tous les membres seront librement élus par les habitants et dans lesquels les différents ordres seront admis dans la même proportion qu’aux Etats généraux, et devront les députés protester, en tant que besoin sera, contre toutes prétentions contraires, et nommément contre celles établies par le grand préfet, les villes impériales, l’évêque de Strasbourg et le directoire de la noblesse immédiate de la basse Alsace. Art. 28. Sa Majesté sera suppliée d’accorder aux Etats généraux tous les pouvoirs en matière d’administration dont jouissent les intendants qui paraissent désormais inutiles et dont la suppression procurerait une grande économie. 27 418 [États géri. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [District de Hagueneau.1 Art. 29. L’établissement des municipalités devant faire régner, dans l’administration intérieure dest communautés, cet ordre et cette économie qu’il est si intéressant d’établir dans celle des revenus de l’Etat, les députés demanderont leur maintien en suppliant Sa Majesté d’attribuer aux Etats provinciaux la connaissance et l’emploi des moyens qui pourront parer aux inconvénients des conflits de pouvoirs qui existe entre elles et les anciens Gerichts, et rendre le calme à beaucoup de communautés qui ont été exposées à des divisions intestines ennemies à tout ordre public. Art. 30. La finance étant une des plaies qui ont le plus épuisé le royaume, lu suppression de toutes les places de receveurs généraux et particuliers des financés, trésoriers, etc., doit être prononcée et pourvu à, leur remboursement par les Etats généraux. Art. 31. Devront les Etats provinciaux être chargés de la levée et du recouvrement de toutes les impositions de telle nature qu’elles soient, lesquelles elles verseront directement au trésor royal, en adoptant pour ce le régime qu’ils croiront le plus avantageux aux intérêts de la province. Art, 32, Les Etats provinciaux doivent être autorisés à procéder à la confection d’un cadastre dans lequel toutes les propriétés de la province seront classées, en adoptant pour cette opération les principes qu’ils jugeront les meilleurs pour parvenir à une juste répartition des impositions. Art, 33» Des Etats provinciaux seront autorisés d’adopter le régime qu’ils croiront le moins onéreux au peuple pour le recouvrement des impositions, Art, 34, Les sommes levées annuellement sur la province, sous le titre de frais communs généraux, doivent être déterminés parles Etats provinciaux, et ne pourront servir qu’à acquitter les charges Intérieures de la province, sans que dans aucun cas il puisse y être compris d’autres Objets, comme logement des officiers supérieurs et états-majors, les ustensiles de leurs maisons et autres . charges étrangères à la province et qui doivent être acquittées par les fonds des differents départements auxquels elles appartiennent. Art. 35. Le contentieux de l’administration des forêts ayant été abusivement attribué aux intendants, il est de la justice du Roi de le rendre aux juges des lieux, qui en connaîtront conformément aux règlements qui seront faits par les Etats provinciaux. Art. 36. Sa Majesté sera suppliée d’observer qu’en attribuant aux Etats provinciaux l’administration des forêts qui lui appartiennent en Alsace, il en résulterait pour elle une économie que le zèle de ses fidèles sujets cherchera à étendre autant qu’il dépendra d’eux, Art 37, Sa Majesté a bien voulu supprimer les corvées pour les chemins, en y substituant une imposition locale qui a conservé l’empreinte d’une servitude avilissante pour l’ordre du tiers-état, dont tous les privilégiés, qui profitent le plus des avantages de, la perfection des routes, restent affranchis, Les députés supplieront Sa Majesté d’en changer la dénomination en celle des contributions pour les travaux dqs routes, et d’ordonner que tous les citoyens sans distinction seront tenus d’y contribuer en proportion de leurs facultés. Rs demanderont que le régime des corvées et l’impôt qui les représente soient entièrement attribués à la connaissance des Etats provinciaux, A qui il sera permis d’y faire tels changements que les localités et les intérêts des habitants de la province pourraient prescrire. Art. 38. Le tiers-état d’Alsace déclare que n’ayant eu d’autre but, en cherchant à confondre les intérêts de sa province avec ceux du reste du royaume, que celui de la félicité commune, il se réserve expressément ses droits dans le cas où des obstacles imprévus ne permettraient pas aux Etats généraux de prendre les résolutions salutaires qu’il a droit d’en espérer. Art. 39. Sa Majesté voudra bien ordonner que les juifs de cette province contribueront à toutes les impositions, à l’instar des autres habitants, qu’ils ne feront plus corps, qu’ils n’auront plus de syndics, ni d’agents, ni d’autres tribunaux que ceux des chrétiens, enfin qu’ils ne pourront se marier que sur la permission des Etats provinciaux, laquelle permission sera gratuite et ne pourra être accordée que dans les cas prévus par le règlement que feront lesdits Etats dans la vue de réduire une population devenue déjà trop onéreuse à la province. Art. 40. Le Roi sera supplié, en amplifiant et restreignant les dispositions de son règlement du 10 juillet 1784, d’ordonner que les créances des juifs sur les habitants chrétiens de la province d’Alsace et causées pour prêt d’argent ou cession de billets et obligations, ainsi que pour vente de toute chose mobilière, seront constituées au denier vingt du capital, sauf auxdits juifs de recouvrer le capital et intérêts des créances causées par vente d’immeubles, ou pour cession à eux faites pour prix de pareille vente ; que désormais il leur sera défendu d’accepter par eux-mêmes ou par personnes interposées aucune procuration des chrétiens pour procéder sous leur gararu a la vente des immeubles desdits chrétiens, ainsi que de leur faire aucun prêt d'argent et de contracter avec eux par vente et achat autrement que pour argent comptant, sous peine de nullité de tous contrats ou billets, sans préjudice néanmoins aux lettres et billets de commerce passés entre eux et les marchands en fait de négoce. Art. 41. La plupart des communautés de la province, et surtout les fermiers des seigneurs laïcs et ecclésiastiques, craignent que l’égalité de l’impôt entre tous les ordres ne puisse être éludée par le rehaussement des baux, et que tout le poids de l’imposition ne retombe sur eux ; les députés seront chargés de porter cette sollicitude aux pieds du trône et de solliciter Sa Majesté de la peser dans sa sagesse et sa justice, et d’auloriseï les Etats provinciaux à prendre sur ces objets les mesures qu’ils croiront les plus sages. Art. 42. Dans le cas où le reçulement des barrières serait agité aux Etats généraux, le Roi sera supplié de n’y pas comprendre l’Alsace, et qu’à cet égard ainsi que pour tous ses autres privilèges, elle conserve son état de province étrangère effective etsoit traitée vis-à-visauresteduroyaume comme les plus favorisées. Art. 43. Les députés demanderont la destruction des entraves qui s’opposent aux progrès de l’industrie et nuisent à la liberté des arts et métiers et à celle du commerce. Art. 44. Sa Majesté sera suppliée de prendre en considération la position fâcheuse des curés royaux et de eeux en portion congrue, et de peser dans sa sagesse les moyens les plus propres pour établir parmi les curés une aisance et une égalité qui les mette à même de remplir plus efficacement les vœux de leur institution et le ministère de charité qui leur est confié. Art. 45. Observer eu même temps à Sa Majesté que le défaut d’investiture des cures royales [États géri. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [District de Hagueheaà.] 4# mettant les curés dans une dépendance continuelle de leurs supérieurs, même dans ce qui concerne le temporel : cet asservissement leur ôte la liberté de remplir exactement leur devoir. Art. 46. Une des plaies les plus profondes de l’Alsace consiste dans l'exportation immense du numéraire qui se fait continuellement par tous les propriétaires étrangers au royaume; Sa Majesté sera Suppliée d’ordonner que tous les seigneurs et princes étrangers possessionnés en Alsace, seront tenus d’y passer tous les ans un temps proportionné aux revenus qu’ils en tirent, afin de rendre à la circulation et à la province un numéraire qui, sans cela, serait entièrement perdu pour elle. Art. 47. Sera également Sa Majesté suppliée de vouloir bien astreindre les chanoines de l’église cathédrale de Strasbourg, qui retirent des revenus considérables de la province, d’y faire au moins annuellement un séjour de six mois, afin de consommer dans la province les produits qu’ils en perçoivent. Art. 48. Que les archevêques, évêques, abbés et autres bénéficiers, les gouverneurs et commandants des provinces, et généralement tous ceux qui retirent des peuples une grande partie de leur existence, seront tenus de résider dans les lieux où sont situés leurs évêchés, bénéfices, et dans les provinces où ifs sont censés employés, afin de leur rendre, par la consommation qu’ils y feront, une partie des fruits qu’ils en retirent. Art. 49. Sa Majesté sera pareillement suppliée d’ordonner que les évêques de Spire et de Basle seront tenus d’établir à leurs frais, dans la partie d’Alsace qui est de leur diocèse, des séminaires ainsique des suffragants et officiaux généraux résidents. Art. 50. Les communautés de la province réclament contre les abus qui naissent de la surveillance accordée aux cavaliers de maréchaussée sur les gardes bourgeoises dans les bourgs et villages, et demande à ce que cette surveillance appartienne dorénavant à la police des lieux. Ce changement que Sa Majesté sera suppliée d’accorder à la province les délivrera des vexations que les cavaliers de la maréchaussée leur fout éprouver, et des vexations auxquelles ils les astreignent pour s’en racheter. Art. 51. Toutes les communautés se réunissent pour supplier Sa Majesté de vouloir bien accorder à son royaume la suppression des milices, qui sont onéreuses à l’Etat sans aucun avantage pour son service. Art. 52. Les députés supplieront Sa Majesté de vouloir bien autoriser les Etats provinciaux de surveiller le degré d’étendue que prennent différentes usines de cette province et qui peut faire craindre qu’une trop grande consommation de bois finisse par augmenter le prix de ce combustible d’une manière onéreuse aux habitants, ce que les doléances d’un assez grand nombre de communautés doivent faire craindre; en conséquence, charger lesdits Etats provinciaux de limiter cette consommation, lorsqu’ils la jugeront trop étendue, et de prendre à cet égard les précautions que leur sagesse leur dictera. Art. 53. Les prairies artificielles facilitant d’une manière aussi sensible les progrès de l’économie rurale, Sa Majesté serasuppliée d’ordonner qu’elles seront exemptes de toutes dîmes. Art. 54. Sa Majesté serasuppliée de vouloir bien établir, par une loi constante et invariable, que la liberté du commerce des grains avec l’étranger ne pourra être suspendue que sur la demande des Etats provinciaux, lesquels seront chargés de la surveillance exclusive de ce commerce et de la détermination des moyens qu’ils croiront nécessaire d’adopter pour la destruction des abus qui pourraient s’y introduire. Art. 55. Nos représentants insisteront sur le rapport des ordonnances qui excluent le tiers-état des grades militaires tant au service de terre que de mer. Art. 56. Ils demanderont que tous les corps ecclésiastiques soient libres de prêter des fonds, sans avoir besoin de se pourvoir à cet effet de lettres patentes pour y être autorisés, avec la clause cependant qu’ils ne pourront percevoir qu’un intérêt de 3 p. 0/0 et qu’aucun titre hypothécaire ne puisse devenir pour eux un titre de propriété ; et seront les anciennes ordonnances, qui défendent aux corps ecclésiastiques de prêter de l’argent hors du royaume, renouvelées. Art. 57. Les loteries étant l’impôt le plus destructeur, puisqu’il est fondé sur la crédulité publique, la nation entière doit demander leur abolition. Art. 58. Sa Majesté sera suppliée d’aviser aux moyens les plus propres pour détruire la mçndi* cité et assujettir à des travaux réglés cette classe d’hommes accoutumés à vivre dans l’oisiveté et à être le fléau du reste de la société. En conséquence elle voudra bien consacrer au soulagement des pauvres les revenus d'une partie des abbayes et d’autres bénéfices qui se trouveraient ainsi ramenés au but primitif de leur institution. Art. 59. Sa Majesté sera également suppliée d’assigner, sur les mêmes fonds, des secours qui puissent mettre les Etats provinciaux à portée d’établir des écoles publiques, où les communautés pourraient envoyer des sujets qui porteraient ensuite parmi elles les instructions qu’ils y auraient puisées. Art. 60. Les couvents de religieuses étant destinés à recevoir les personnes que leur vocation y conduit, il devra leur être défendu d’accepter ou prétendre aucune dot, sauf à proportionner à leurs facultés le nombre de leurs religieuses. Art. 61. Les dispenses en cour de Rome font sortir annuellement du royaume un numéraire immense. Sa Majesté sera suppliée de peser dans sa sagesse les moyens qui pourraient parer à Cet inconvénient. Art. 62. Les sujets de Sa Majesté composant les bailliages contestés la supplient de prendre en considération leur position particulière. Livrés par leurs seigneurs qui consomment les revenus de leurs terres hors au royaume, à des officiers de justice qui les oppriment, ils sont soumis à tout l’arbitraire d’une autorité seigneuriale qui ne se croit point assujettie aux lois protectrices du royaume et qui les prive des avantages qu’ils devraient en retirer. Lésés dans leurs droits et dans leurs propriétés, ils implorent la protection du Roi et demandent qu’il soit nommé par Sa Majesté une commission composée des membres des Etats provinciaux, qui soit chargée d’examiner leurs griefs particuliers, et de fixer d’une manière équitable et conforme aux traités les rapports dans lesquels ils doivent être vis-à-vis du royaume et leurs seigneurs territoriaux. Ils supplient Sa Majesté de faire examiner le titre de réunion de la prévôté de Weissembourg à l’évêché de Spire, et qu’elle en soit détachée pour établir dans cette partie de la province un évêché qui mette les sujets du Roi à portée des secours spirituels dont ils sont privés par l’éloignement actuel de leur évêque, 490 (Etats gin. 1789. Cahier*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [District de Haguenraa.] Art. 63. Sa Majesté voudra bien mettre des bornes à l’extension abusive que les droits de chasse ont pris successivement, et empêcher les habitants des campagnes de voir leurs récoltes et le fruit du travail le plus pénible devenir la proie du gibier qui dévaste leur propriété. Art. 64. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner qu’il ne pourra être supprimé en Alsace aucuns corps, chapitres et maisons réguliers, remplis par les personnes du tiers-état ; en conséquence, que le séquestre des revenus de l’abbaye de chanoines réguliers de Marbach, ordonné par arrêt en commandement du conseil des dépêches du 25 août 1786, sera levé, et d’accorder, par forme d’indemnité, aux habitants du tiers-état de la province, lesbiens et revenus de l’ordre de Saint-Antoine, pour être régis et administrés par les Etats provinciaux et par eux affectés soit à l’augmentation des pensions des curés royaux, soit à telles œuvres pies qu’ils estimeront les plus avantageuses au bien public. Art. 65. Toutes les villes et communautés de ce grand bailliage ont inséré dans leurs cahiers de doléances différentes plaintes qui tiennent plus particulièrement à l’administration intérieure et locale. Telles sont celles qui portent sur divers droits perçus par les seigneurs, sur les abus d’autorité des prévôts, l’inexactitude de la reddition de comptes des villes et communautés, la mauvaise administration de leurs biens communaux, les taxes exorbitantes de plusieurs baillis, les corvées que les officiers de justice exigent d’eux sous divers prétextes, les compétences de bois que les magistrats et les préposés s’attribuent, les couages dans les forêts royales de l’évêché de Strasbourg et de Spire, du duché des Deux-Ponts, du comté de Dabo et autres dont elles ont été privées, nonobstant les titres qui les y autorisent, la suppression des droits mortuaires, la réforme de toute banalité, etc. Ces plaintes ont une influence si directe sur le bonheur individuel des citoyens et la prospérité de l’Etat, qu’elles méritent toute l’attention d’un gouvernement paternel, Les députés seront d.one spécialement chargés de demander à Sa Majesté qu’il soit nommé par les Etats provinciaux des commissaires pour entendre, sur les lieux, les griefs et les plaintes de ses fidèles sujets d’Alsace et y être statué ce que de droit. Art. 66. Enfin seront nos députés autorisés à proposer telle chose qu’ils croiront avantageuse à la prospérité générale de l’Etat et 4 celle de la province.