[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.] 315 majors de l’armée, de la cavalerie et de l’infanterie. Art. 8. Les officiers de ces états-majors qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés, prendront rang dans leur arme parmi les officiers du grade dont ils sont pourvus. DÉCRET sur la nomination et Uavancemcnt des aides de camp. Art. 1er. Les aides de camp seront choisis par les officiers généraux dans toutes les armes, suivant ce qui sera réglé ci-après, et le choix en sera confirmé par le roi. Art. 2. Le nombre des aides de camp attachés aux officiers généraux sera ainsi qu’il suit: Chaque général d’armée aura quatre aides de camp : un du grade de colonel, un du grade de lieutenant-colonel, deux du grade de capitaine. Chaque lieutenant général aura deux aides de camp du grade de capitaine. Chaque maréchal de camp aura un aide de camp du grade de capitaine. Art. 3. Les aides de camp, suivant les grades affectés aux différents officiers généraux, seront pris parmi les colonels, lieutenants-colonels et capitaines en activité : seront réputés en activité les officiers réformés par la nouvelle organisation, et les capitaines de remplacement. Art. 4. Lorsqu’un officier, par sa nomination à une place d’aide de camp, obtiendra un nouveau grade, cette nomination comptera pour le choix du roi, dans le tiers des places qui lui a été attribué par le décret du 21 septembre. Art. 5. Les aides de camp, de quelque grade qu’ils soient, ne pourront obtenir de nouveau grade qu’en parvenant à un emploi titulaire de ce grade dans l’arme où ils auront précédemment servi, soit à leur tour d’ancienneté, soit au choix du roi. En conséquence, les officiers nommés aux places d’aides de camp, de quelque grade qu’ils soient (sans pouvoir conserver leur emploi actif dans les régiments), suivront, pour l’avancement, leur rang parmi les officiers de leur arme et de leur grade. Art. 6. Les aides de camp ne pourront avoir, avec les adjudants généraux, qu’un tiers des places réservées au choix du roi. Art. 7. Les aides de camp ne pouvant reprendre leur activité dans les régiments que par leur avancement à un grade supérieur à celui dans lequel ils auront été choisis ou qu’ils auraient obtenu comme aides de camp, l’officier général qui remplacera un autre officier général, ne pourra faire un nouveau choix d’aides de camp, et conservera celui ou ceux attachés à son prédécesseur. M. de Folleville. Avant d’aller aux voix sur ces décrets, je demande au rapporteur si les officiers généraux seront obligés de prendre leurs adjudants et aides de camp dans la classe désignée? M. de Lameth. Certainement si un général à la guerre demandait à se servir d’un officier en qui il eût une confiance particulière, il ne serait pas refusé. M. de Folleville. Je demande qu’il soit fait mention de cette réponse dans le procès-verbal. (Cette proposition n’est pas appuyée.) M. de Folleville. Les capitaines de remplacement concourront-ils aux places de l’état-major ? M. Alexandre de Lameth, rapporteur. Il n’est pas question de cela maintenant. L’état-major de l’armée a été réduit à 30 officiers, de 83 dont il était composé. Il n’est pas naturel d’aller prendre des officiers ailleurs lorsqu’on en a 53 à réformer. (Après cet échange d’observations les deux décrets sont mis aux voix et adoptés.) M. Goupil. Je demande l’impression du rapport de M. Alexandre de Lameth. Les principes judicieux qui y sont développés ne peuvent être que très satisfaisants pour les officiers de l’armée. (La motion de M. Goupil est adoptée) (1). M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le tribunal de cassation. M. d’André. La question que vous avez en ce moment à décider est de savoir si le tribunal de cassation doit être renouvelé partiellement ou en totalité? Je ne doute pas que ce second avis ne soit celui de l’Assemblée, qui veut éloigner des tribunaux l’esprit de corps, et je demande qu’il soit mis aux voix. M. Martineau. Devez-vous craindre que l’esprit de corps s’introduise parmi des juges nommés par le peuple, des juges temporaires continuellement surveillés, et intéressés par le désir d’être réélus à mériter continuellement les suffrages publics? Si vous faites renouveler le tribunal de cassation en totalité: 1° les affaires instruites ou commencées à instruire au moment des élections seront à examiner de nouveau ; 2o il n’y aura point d’unité de principes, point d’uniformité dans les décisions. Vous vous rappelez les motifs qui nous ont fait rejeter la division du tribunal de cassation; vous vous rappelez ceux qui étaient allégués en faveur de cette division, et combien ces derniers étaient spécieux. 11 s’agissait alors de rendre la justice plus facile, de l’étendre sur toute la surface du royaume, d’éviter aux juri-diciables les déplacements et les frais. Vous avez alors pensé qu’il était essentiel de maintenir l’unité de jurisprudence, de jugements ..... Si vous faites renouveler en totalité, les juges d’une élection jugeront tout différemment que ceux d’une élection précédente; ils (1) Le rapport de M. Alexandre de Lameth a été placé en tête du tome XLI des procès-verbaux de l’Assemblée nationale avec la date d’impression, 7 janvier 1791. ( Bibliothèque de la Chambre des députés.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.] 516 casseront ce qui aurait été conservé sous les anciens principes, et il y aura une variété, une vicissitude continuelle. M. Mougins. Pour conserver l’unité des principes, j1 faut suivre la marche naturelle des idées. Vous avez déjà décrété que les tribunaux de districts seraient renouvelés tous les six ans en totalité. On pourrait cependant appliquer aux juges de districts les mêmes objections qui viennent d’être faites par M. Martineau. La jurisprudence des tribunaux sera désormais la disposition de la loi. Le tribunal de cassation n’aura à prononcer que sur la violation de la loi, qui sera connue parles juges de la seconde élection comme par ceux de ta première. M. Chahroud. Je suis d’avis que le tribunal de cassation soit renouvelé par moitié; parla, j’évite, et l’introduction de l’esprit du corps, car tes nouveaux juges seront en assez grand nombre pour résister à l’oppression et à l’influence des derniers, et les inconvénients développés par M. Martineau. M. Robespierre. Je demande que le tribunal de cassation soit renouvelé en totalité et le plus souvent possible. Ceux des préopinants qui ont adopté l’avis contraire n’ont pas redouté l’esprit de corps, mais la versatilité delà jurisprudence. Ce mot de jurisprudence des tribunaux, dans l’acception qu’il avait dans l’ancien régime, ne signifie plus rien dans le nouveau; il doit être effacé de notre langue. Dans un Etat qui a une Constitution, une législation, la jurisprudence des tribunaux n’est autre chose que la loi; alors il y a toujours idendité de jurisprudence. Le véritable inconvénient est l’esprit de corps, qui cherche toujours à s’introduire dans un tribunal, qui s’introduirait dans le tribunal de cassation comme partout ailleurs, parce que les hommes ont toujours une volonté particulière. Il y a encore cet esprit d’orgueil, cet amour naturel d’étendre son autorité. Le seul moyen de l’empêcher d’abuser de son autorité est de le renouveler très liéquemment. C’est ainsi qu’onle rappellera à cet esprit d’égalité sans lequel il n’y a plus de magistrats, mais des despotes et des tyrans. M. Legrand. Après que vous avez décrété que le Corps législatif serait renouvelé en totalité, je ne sais pas comment on peut proposer un autre avis pour Je tribunal de cassation, qui n’a autre chose à faire qu’à examiner si les jugements des tribunaux sont conformes à la loi. M. Le Pelletier de Saint-Fargean. Mon opinion est de faire renouveler le tribunal de cassation par moitié tous les deux ans: plus une autorité est importante, moins sa durée doit être �tendue. M. Le Chapelier. Quoique les deux questions qu’ ’on traite en ce moment soient corrélatives, je crois qu'ii faut les séparer. Il y a datfÈ l’avis du préopinant un grand inconvénient, qui est que l’élection des juges de cassation coïncide avec celle de la législature. Je voudrais que ces élections lussent entièrement séparées et faites à différentes époques; je cherche toujours à bannir de l’élection des juges un système représentatif. Il est certain que les choix ne doivent tomber que sur les hommes qui méritent la confiance publique ; or, ces hommes ne voudront pas venir pour deux ans, à moins que vous n’attachiez à ces places de très grands émoluments ; ils ne voudront pas, pour l’honneur d’être juges de cassation, quitter leurs tribunaux de districts, où ils sont revêlus du même honneur, puisqu’ils y auront aussi été portés par les suffrages publics. Vous vous priveriez donc, en limitant la durée des fonctions des juges de cassation, des sujets les plus estimables, ou vous les ruineriez ..... Je ne suis pas aussi effrayé que le préopinant d’un tribunal élu pour six ans, toujours surveillé par la législature et renouvelé en totalité. Du moment où ces fonctionnaires seront temporaires, ils ne peuvent pas même avoir l’idée d’un agrandissement de pouvoir. Ils seront toujours maintenus dans la voie du patriotisme, encouragés par le désir et l’espoir de mériter une seconde fois les suffrages du peuple, sous les yeux duquel ils agiront. Ces avantages n’existent pas si, d’un côté, ils ne restent pas assez de temps en place pour se faire connaître par le peuple, pour donner des preuves de leurs lumières et de leur patriotisme, et que, d’un autre côté, la moitié d’entre eux ne puisse parvenir à la réélection à cause que la moitié du tribunal devra être renouvelée. L’avis du comité de Constitution est donc que le tribunal de cassation soit renouvelé tous les six ans, et que ses membres puissent être réélus. M. Barnave. La première question qui est à décider est celle de la durée des fonctions. M. d’André. C’est en effet la question sur laquelle je vais vous faire quelques observations. L’époque de six ans est celle du renouvellement des tribunaux de districts. Ce sera communément des juges de districts qu’on choisira pour le tribunal de cassation ; car on cherche toujours les gens dans l’état et dans les fonctions où ils ont fait leurs preuves. Si vous limitez la durée des fonctions des juges de cassation, il s’ensuivra que vous trouverez très peu de juges de districts qui veuillent se déplacer, quitter leurs tribunaux, où, avec des fonctions de six ans, ils ont l’espoir de la réélection, pour aller exercer des fonctions de deux ans sans espoir de réélection ; car si, pour la nomination des quarante juges de cassation, on partage le royaume en deux divisions qui alterneront pour les élections, il arrivera que le département de Grenoble ne voudra pas nommer le sujet qui aura été envoyé par celui de Flandre, mais qu’il en élira un dans son sein. Ainsi, il n’y aura nul attrait pour qu’un juge du district accepte une place de juge de cassation si •vous limitez si fort la durée de leurs fonctions. Je conclus à ce que cette durée soit fixée à six ans. M. Barnave. Je demande à démontrer que l’intérêt de la chose publique, que l'intérêt des juges de cassation est qu’ils ne soient nommés que pour quatre ans, et que le tribunal soit renouvelé par moitié tous les deux ans. 1° La nécessité de l’uniformité des principes : le tribunal de cassation est établi pour maintenir l’unité des formes, la stabilité dans la manière d’appliquer le sens de la loi. Faites la loi aussi claire qu’il sera possible, il n’y aura jamais uniformité dans la manière de juger quand vous n’aurez pas dans votre tribunal de cassation un seul homme qui puisse dire à ses collègues pour quelle raison les juges précédents ont jugé de telle ou telle manière. Il n’y a, pour parvenir à cette unité de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.] principes, que le renouvellement par moitié ou la faculté de réélire; or, celle-ci, qui existe pour la législature, n’existe point pour le tribunal de cassation par la manière dont il sera élu, comme vous l’a fait voir M. d’André... Pour empêcher l’esprit de corps, il suffit que le renouvellement se fasse de manière que les juges anciens n’aient pas une majorité absolue et ne puissent exercer une sorte de despotisme sur les nouveaux; et certes, pendant six ans, l’esprit de corps pourra se former. Et c’est pour le prévenir que je ne veux pas que les mêmes juges restent si longtemps ensemble, mais que tous les deux ans la moitié du tribunal soit renouvelée. On a dit que des fonctions de quatre ans ne seraient pas assez avantageuses pour attirer les sujets qui auraient déjà été dans les tribunaux de districts et qui auraient l’espoir d’y rentrer. Six ans, quoiqu’on en dise, ne donnant pas un état à un homme, ne lui font pas une destinée. Toute la différence d’une durée de fonctions de six ans ou de quatre ans est que, dans le premier cas, le fonctionnaire est éloigné plus longtemps de sa famille, de ses foyers, de ses occupations ordinaires. Je cruis que la réélection étant, dans le tribunal de cassation, impossible par le fait, il est plus facile, pour les motifs de l’intérêt particulier des juges, de trouver des sujets pour quatre ans que pour six, quand ce terme fatal ne peut pas être prolongé. M. Ce Chapelier. Les préopinants ont allégué pour principal argument du renouvellement par moitié la nécessité d’entretenir l’uniformité de jurisprudence. Le tribunal de cassation, pas plus que les tribunaux de districts, ne doit avoir de jurisprudence à lui. Si cette jurisprudence des tribunaux, la plus détestable de toutes les institutions, existait dans le tribunal de cassation, il faudrait le détruire. L’unique but des dispositions sur lesquelles vous allez délibérer est d’empêcher qu’elle ne s’introduise. (On applaudit.) Ce n'est pas l’apposition d’une nouvelle moitié de tribunal à l’ancienne qui sera le régulateur de la cour de cassation ; ce régulateur sera le Corps législatif, seul et véritable interprète de la loi. Je demande de plus que vous établissiez pour les juges de cassation la possibilité de la réélection, comme pour tous les autres ; car si vous isolez les départements pour les partager en deux divisions qui nommeraient alternativement, vous occasionnez des mécontentements, vous faites penser aux départements qu’ils doivent nécessairement représenter dans ce tribunal, ce qui serait un faux principe. En rendant possible la réélection, il se trouvera quelques sujets distingués qui seront réélus et qui maintiendront l’uniformité clans les décisions. Je demande donc la question préalable sur la proposition du renouvellement par moitié. M. Le Pelletier (ci-devant de Saint-Far g eau) demande à répliquer. — On ferme la discussion. La priorité est accordée à la première proposition deM. Barnave, sur l’avis du comité de Constitution, et en conséquence il est décrété que le tribunal de cassation sera renouvelé tous les quatre ans. On décide ensuite, conformément à l’avis du comité, que le renouvellement du tribunal de cassation se fera en totalité; Et enfin que les juges de cassation pourront être réélus, 517 M. Le Chapelier. Il est d’usage au conseil. de décider d’abord si la requête en cassation doit être admise ou rejetée; nous vous proposons de maintenir cette forme en divisant en conséquence le tribunal de cassation en deux sections. Voici l’article sur lequel vous avez à délibérer : « Avant que la demande en cassation ou en prise à partie soit mise en jugement, il sera préalablement examiné et décidé si la requête doit être admise, et la permission d’assigner accordée au demandeur. » (On demande à aller aux voix.) M. IFHesir. Je croyais que cette proposition n’était pas tellement évidente qu’il ne fut nécessaire de l’examiner. On vous propose de donner à la première section toute l’autorité que vous confierez au tribunal entier. On dira que la plupart des requêtes seront présentées sur des prétextes frivoles ; mais il ine paraît plus sûr de charger une section très peu nombreuse d’examiner les requêtes et d’en rendre un compte sommaire au tribunal, qui décidera s’il doit être permis d’assigner. M. Prugnosi. J’appuie l’avis du préopinant. On vent que vous empruntiez au conseil une institution vicieuse, abusive, contre laquelle les peuples ont souvent élevé d’inutiles, mais de justes réclamations. On appelait cette institution du conseil le bureau du chiffonnage, qualification qui exprimait parfaitement le degré d’estime qu’elle avait obtenu. Cependant il fallait l’unanimité des suffrages pour la rejection d’une requête; on ne vous propose pas même cette disposition, qui rendait cet établissement moins dangereux. Voici, dans mon opinion, l’article qui devrait être admis : « Il sera formé un bureau dans le sein de la cour de cassation, à l’effet seulement d’examiner les requêtes, sans qu'en aucun cas ce bureau puisse statuer sur l’admission ou la rejection des requêtes, qui toutes seront rapportées à la cour de cassation. » M. fie Chapelier. Je demande d’abord si l’on a bien entendu l’article que je viens de lire. Les opinants sont comme moi d’avis qu’avant de porter la requête en cassation ou en prise à partie au tribunal, il faut que cette requête soit examinée, et que l’on ait décidé si elle sera admise, c’est-à-dire si le procès commencera. Après avoir délibéré sur cet article, nous discuterons celui de M. Prugnon. M. de Folleville. J’adopte l’article que M. Le Chapelier présente au nom du comité; mais je propose en amendement de le terminer par ces mots : « Et la requête sera rapportée au tribunal entier. » M. Ce Chapelier. Alors j’attaque l’avis des préopinants. Si l’avis de M. Prugnon était adopté, on augmenterait le travail du tribunal et on lui causerait une perte de temps considérable. A-t-on besoin d’un bureau de six personnes pour faire le rapport d’une requête quand un seul rapporteur suffirait? C’est priver le tribunal de cinq juges qui examineraient l’affaire individuellement. Si l’on ne veut qu’un rapport de la requête, la formation d’un bureau d’examen est inutile, et je demande la question préalable sur l’article proposé par M. Prugnon. Je dis maintenant que les requêtes en cassation, venant de cinq cent quarante-sept districts, seront très nombreuses. Le M8 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1T90.] tribunal, composé d’une seule chambre, ne pourrait jamais suffire à examiner d’abord si la requete doit être rejetée, ensuite à juger des requêtes admises. En établissant une section de vingt membres, on rend le travail du tribunal moins pénible, sans nul désavantage pour les parties. Je demande donc, premièrement, la question préalable sur l’article proposé par M. Pru-gnon ; 2° qu’on aille aux voix sur l’article que j’ai présenté au nom du comité; 3° que, si l’on veut délibérer sur l’amendement de M. de Folle-ville, on le soumette à la question préalable. M. Thévenot appuie la proposition de M. Pru-gnon et demande la question préalable sur l’avis du comité. M. Prieur. Pour empêcher que les demandes en cassation ne se multiplient autant qu’on le craint, on peut décréter qu’aucune requête ne sera présentée sans être signée ou par les membres d’un bureau de paix ou par trois hommes de loi. M. Prugnon. Un bureau tel qu’on vous le propose serait vraiment le tribunal supérieur : il annulerait, dans le fait, la cour de cassation. Autrefois, quand les parlements étaient mal avec l’administration, on disait : « Le temps est à la cassation », et toutes les requêtes étaient admises. Il faut un bureau épuratoire; il examinera les pièces. Un rapporteur fera ensuite le rapport devant le tribunal, et tous les membres du bureau exprimeront leur avis individuel. Le rapporteur qui aura travaillé avec eux ne pourra jamais prévariquer. J’insiste sur l’article que je vous ai proposé. M. Duport. Il est évident que, si le tribunal de cassation était obligé d’opiner sur toutes les requêtes qui viendront de tous les coins du royaume (et il en viendra d’absurdes, de ridicules), il y aurait dans l’expédition des affaires un retard prodigieux. L’établissement d’un bureau des requêtes est donc indispensable : voici la rédaction que je vous propose : « Il y aura un bureau formé de membres du tribunal de cassation, dont l’objet sera d’examiner les demandes en cassation ou autres. Si les suffrages sont unanimes pour ne pas admettre la requête, elle sera rejetée; dans le cas contraire, la requête sera portée au tribunal qui décidera l’admission ou la rejection. » M. de Folleville. Cet article diffère peu de celui du comité. Nous n’avons pas seulement pour objet la célérité, mais encore la sûreté. Il arrivera souvent des requêtes absurdes, ridicules, mais il arrivera aussi des propriétaires injustement dépouillés. J’adopte l’article proposé par M. Prugnon. M.I�e Chapelier. Ce qui fait vaciller l’opinion, c’est le souvenir des abus de l’ancien usage. Cinq ou six membres décidaient en chartre privée de l’admission des requêtes. Ici je ne vous propose pas d’attribuer au bureau des requêtes des fonctions secrètes. Il procédera publiquement; la partie aura droit de parler à ses juges, et, s’il ne s’établit pas une discussion , contradictoire, il y aura toujours une discussion. Ne craignez pas que les requêtes en cassation soient trop multipliées. Le système de la loi doit être de diminuer le plus qu’il est possible les requêtes en cassation, en maintenant la loi. Quand un citoyeu est admis en cassation, un autre est arraché à ses foyers pour suivre un procès qu’il a déjà gagné. On peut mettre aux voix l’article que j’ai lu et qui ne préjuge rien. L’article présenté par M. Le Chapelier au nom du comité est adopté, ainsi que trois nouveaux articles qui portent : « La section, composée de vingt membres, sous le nom de bureau des requêtes, aura pour fonctions spéciales et privatives de juger si les requêtes seront admises ou rejetées, et ce bureau ne pourra juger qu’au nombre de douze membres. « Si dans le bureau de cassation les trois quarts des voix se réunissent pour rejeter la requête, elle sera définitivement rejetée; si les trois quarts des voix se réunissent pour l’admettre, elle sera définitivement admise, et le demandeur en cassation ou en prise à partie sera autorisé à faire assigner. « Lorsque les trois quarts des membres ne se réuniront pas pour admettre ou pour rejeter la requête, la question sera portée devant tout le tribunal assemblé. La simple majorité de voix suffira pour rendre une décision définitive sur l’admission ou la rejection de la requête. » M. lie Chapelier. Voici les deux articles qui doivent maintenant être soumis à votre délibération : « La section de cassation prononcera sur toutes les demandes en cassation lorsque la requête aura été admise; elle ne pourra juger qu’au nombre de quinze juges au moins. Les deux tiers des voix seront nécessaires pour prononcer la cassation. « Les deux sections se réuniront quand il s’agira de juger une demande en prise à partie qui aura été admise, et le jugement ne pourra être rendu que par vingt juges. » M. Duport. La prise à partie ne peut jamais avoir polir motif qu'une prévarication ; donc la prise à partie est une affaire criminelle qui appartient aux tribunaux ordinaires. Veut-on que le tribunal de cassation rende un premier arrêt pour permettre la prise à partie? Mais alors il faut décider comment la prise à partie sera intentée. Cette question mérite un long examen ; il s’agit ici de l’honneur des juges, il s’agit même du respect que vous devez assurer à la loi. Je demande l’ajournement. M. Ce Chapelier. Ou il faut concevoir la prise à partie séparée de la prévarication, et elle n’est qu’à fin civile; alors il n’y a nulle raison pour renvoyer la demande aux tribunaux, et elle doit rester à la cour de cassation • ou c’est une accusation criminelle, et alors comment prendre l’attache d’un tribunal civil pour obtenir la permission d’intenter une accusation qui doit être jugée par des jurés? Ainsi donc il y a ici une confusion d’idées manifeste, et l’ajournement ne porte sur rien. D’ailleurs, l’Assemblée, en fixant la compétence du tribunal de cassation, a déjà décrété qu’il connaîtrait des demandes en prise à partie. M. Chahroud. L’Assemblée a voulu que, dans le cas où l’un de ses membres serait inculpé, il ne pût être livré aux tribunaux avant qu’elle eût elle-même déclaré s’il y avait lieu à accusation. Elle a voulu de même que le tribunal de cassa-- tion décidât préalablement s’il y a lieu ft la prise 519 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.) à partie contre les juges : voilà le principe consacré, voilà l’intention de l’Assemblée. Où est la difficulté de l’ajournement? Vous allez décréter le premier article qui' vous est proposé ; vous examinerez ensuite si le tribunal jugera au fond les prises à partie. L’Assemblée ajourne le second article présenté par le comité. Le premier est décrété en ces termes : « La section de cassation prononcera sur toutes les demandes en cassation lorsque la requête aura été admise; elle ne pourra juger qu’au nombre de quinze juges au moins. La cassation sera prononcée à la majorité simple des voix. * M. d’André. La discussion ayant été assez confuse, je demande qu’il soit fait lecture de tous les articles adoptés dans la séance de ce jour sur le tribunal de cassation. M. lie Chapelier fait cette lecture ainsi qu’il suit : Art. 1er. « Les membres du tribunal de cassation seront élus pour quatre ans, ils seront renouvelés en entier tous les quatre ans, mais ils pourront être réélus. Art. 2. « Avant que la demande en cassation ou en prise à partie soit mise en jugement, il sera préalablement examiné et décidé si la requête dqit être admise, et la permission d’assigner accordée. Art 3. « A cet effet, tous les six mois la cour de cassation nommera vingt de ses membres pour former un bureau qui, sous le titre de bureau des requêtes, aura pour fonctions d’examiner et de juger si les requêtes en cassation ou en prise à partie doivent être admises ou rejetées : ce bureau ne pourra juger qu’au nombre de douze juges au moins. Art. 4. « Si, dans le bureau, les trois quarts des voix se réunissent pour rejeter une requête en cassation ou en prise à partie, elle sera définitivement rejetée : si les trois quarts des voix se réunissent pour admettre la requête, elle sera définitivement admise, l’affaire sera mise en jugement, et le demandeur en cassation ou en prise à partie sera autorisé à assigner. Art. 5. << Lorsque les trois quarts des voix ne se réuniront pas pour rejeter ou admettre une requête en cassation ou en prise à partie, la question sera portée à tout le tribunal rassemblé. Art. 6. « La section de cassation seule, et sans la réunion des membres du bureau des requêtes, prononcera sur toutes les demandes en cassation lorsque la requête aura été admise. La section de cassation ne pourra juger qu’au nombre de quinze juges au moins. La simple majorité des voix suffira pour former la décision. » M. I© Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre du 17 de ce mois, du maire de Paris à M» le président, qui rend compte à l’Assemblée des adjudications faites la veille par la municipalité, de trois objets dépendant des biens nationaux, savoir : 1° D’une maison cour Saint-Martin, louée 1,200 livres, estimée 8,045 livres, adjugée 17,400 livres ; 2° D’un chantier dit de Saint-Victor, quai Saint-Bernard, loué 4,000 livres, estimé 61,000 livres, adjugé 104,700 livres ; 3° D’une maison, cour Saint-Martin, louée 800 livres, estimée 15,500 livres, adjugée 32,300 livres. (Cette lettre est renvoyée au comité des aliénations.) 2° D’une lettre aussi du 17 de ce mois, du ministre de la marine, à M. le président, qui instruit l’Assemblée des dépenses extraordinaires qui ont été faites par le département' de la marine, en conformité de ses décrets, et s’élève à 2,073,604 livres 13 sous 6 deniers. (Cette lettre et les états y joints sont renvoyés au comité de la marine.) 3° D’une lettre du 16 de ce mois, du ministre de la guerre, qui rend compte à l’Assemblée des précautions prises et des ordres donnés pour arrêter le sieur Châlons, aide-major de Belfort, et de son évasion avant l’exécution de ces ordres. (Le renvoi de cette lettre, et de celle y jointe, du sieur Guy, major de Belfort, du 8 du courant, est fait au comité des rapports.) M.Anthoine. Je demande que, sans donner un effet rétroactif à la loi que je sollicite, l’Assemblée déclare que tout homme cité devant un juge, soit par les tribunaux, soit par le Corps législatif, lorsqu’il n’obéit pas à cette citation, est par le seul fait déchu du droit de cité. (On passe à l’ordre du jour.) M. Seurrat de lia Boullaye, député d’Orléans, absent par congé du 3 octobre dernier, remet son passeport sur le bureau pour justifier de son retour. M. Roussillon, député de Toulouse, absent par congé du 14 septembre, fait une semblable justification. (La séance est levée à trois heures et demie.) ' ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du jeudi 18 novembre 1790, au soir( 1). La séance est ouverte à six heures et demie par la lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de l’assemblée primaire du canton de Veuvey, district de Baune ; elle supplie l’Assemblée de ne point se séparer avant d’avoir terminé le grand ouvrage de la Constitution, et que les nouveaux ressorts du gouvernement soient dans une activité parfaite. Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Dunkerque : elle demande que les séances des assemblées administratives soient publiques. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.