298 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 décembre 1790.] PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, d’après le rapport de ses comités militaires, des rapports et des recherches, relativement aux événements qui se sont passés à Nancy; considérant que la malheureuse catastrophe arrivée dans cette' ville n’est que la suite funeste des erreurs dans lesquelles un grand nombre de citoyens de toutes les classes ont été entraînés par la diversité de leurs opinions ; voulant ensevelir dans l’oubli jusqu’au souvenir d’un événement aussi désastreux, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète qu’il ne sera donné aucune suite à la procédure commencée au bailliage de Nancy, relative aux événements qui ont eu lieu dans cette ville, laquelle est déclarée comme non avenue; qu’en conséquence, tous citoyens, soldats détenus dan s les prisons, en vertu des décrets décernés par les juges de Nancy, pour raison desdits événements, seront remis en liberté aussitôt la publication du présent décret. « Art. 2. Ordonne à son président de se retirer par devers le roi pour prier Sa Majesté de donner ordre à son ministre de la guerre de nommer un inspecteur général pour gérer le licenciement des régiments du roi et de Mestre-de-camp, et qu’il soit payé à chaque soldat trois mois de solde, dont un mois à l’époque du licenciement, et deux mois lorsque chaque soldat sera rendu dans le lieu de son domicile, qui leur seront payées par le trésor public de district. « Art. 3. Décrète que les drapeaux du régiment du roi et les guidons de Mestre-de-camp seront déposés dans la principale des églises paroissiales des lieux oùles régiments se trouveruntà l’époque du licenciement. « Art. 4. Il sera délivré à chaque soldat ou cavalier un congé absolu, ainsi que l’usage le prescrit. « Art. 5. L’Assemblée nationale renvoie à son comité militaire les pétitions particulières qui pourront lui être faites par les officiers, sous-of-ficiers, soldats, cavaliers et vétérans des régiments du roi et de Mestre-de-camp, et lui ordonne de lui rendre compte, dans le plus court délai, des moyens de replacerceuxdesdits olficiers etsoldats qui vont se trouver sans emplois. « Art. 6. Que le roi sera prié d’ordonner à son ministre des affaires étrangères de négocier immédiatement avec les cantons suisses pour obtenir la grâce des quarante et un soldats de Château-vieux, condamnés aux galères pour trente années, ainsi que celle des soixante et onze renvoyés à la justice de leurs corps. « Art. 7. L’Assemblée nationale approuve le zèle que la municipalité de Metz a montré dans les diverses occasions où l’ordre public a pu exiger son intervention; elle approuve également le civisme des gardes nationales de Metz dans la conduite patriotique qu’elles ont tenue. « Art. 8. Honoré-Nicolas-MarieDuveyrieretBon-Glaude Cahier, commissaires du roi, Remi-Viclor Gaillard et Charles-Pierre Leroi, citoyens de Paris, qui les ont volontairement accompagnés, sont remerciés de leur zèle patriotique pour le rétablissement de la paix à Nancy et pour le succès de l’importante commission dont ils étaient chargés. « Art. 9. Ordonne à son président de se retirer dans le jour par devers le roi pour le prier de donner sa sanction au présent décret. » (Ce rapport est fréquemment interrompu par des applaudissements.) (La séance est levée à onze heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du mardi 7 décembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie. MM. Castellanet et Poulain de Boutan-court, secrétaires, donnent lecture des procès-verbaux des séances d’hier. Il ne s’élève aucune réclamation. M. le Président annonce que M. Gudin fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Supplément du contrat social. L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cet hommage dans son procès-verbal. M. Roussillon, au nom des comités d'agriculture et de commerce. Les lettres patentes du mois d’avril 1717, et qui sont encore en vigueur, ont imposé les sucres et les cacaos des colonies à un droit de consommation dans le royaume. Les ci-devant provinces de Bretagne, Franche-Comté, Alsace, Lorraine etTrois-Evêohés étaient exemptes de cedroit,que les sucres et les cacaos acquittaient en passant de ces provinces dans les autres. A présent que les barrières intérieures sont ou supprimées, ou prêtes à l’être, ou considérablement affaiblies, votre comité croit indispensable de vous présenter un projet de décret. (M. Roussillon donne lecture de trois articles.) M. I�avie. Il ne faut pas imposer les sucres français sans prohiber ceux des étrangers, autrement nos provinces limitrophes vont être inondées des mauvais sucres que fournissent les Hollandais et qu’ils apprêtent en y mêlant une certaine quantité de ceux de nos colonies ; je demande que cette prohibition soit prononcée. M. Befermon. Gomme membre du comité de l’imposition, je propose un article additionnel qui deviendrait le quatrième, tendant à assujettir aux droits de traites, aux frontières, les mômes marchandises qui seraient importées dans les ci-devant provinces d’Alsace, Lorraine et Trois-Evêchés. M. ILavie. La province d’Alsace adoptera ce décret avec plaisir : elle ne demande point de privilège. Que les marchandises des colonies françaises payent un impôt, mais que les denrées coloniales étrangères soient prohibées. J’en fais la motion expresse. M. Roussillon, rapporteur. Je dois dire à l’Assemblée que le comité d’agriculture et de commerce s’occupe de cet objet important. Plusieurs membres demandent l’ajournement de ces projets de décrets. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur , [7 décembre 1790. j 299 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L’ajournement est repoussé. La motion de M. Lavie est renvoyée au comité. Le projet de décret du comité d’agriculture et l’article du comité de l’imposition sont ensuite décrété� ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit. Art. 1er. « Les droits de consommation qui étaient perçus sur les sucres et autres denrées des îles et colonies françaises de l’Amérique, au passage de la ci-devant pVovince de Bretagne dans les autres parties du royaume, sont supprimés, à compter du premier du présent mois. Art. 2. « Les marchandises des îles et colonies françaises qui sont arrivées dans les poris de la ci-devant province de Bretagne, à compter du 1er décembre 1790, ou qui y arriveront par la suite, seront sujettes aux mêmes droits, et jouiront de la même faveur d’entrepôt que celles importées dans les autres ports du royaume. Art. 3. « L’exemption du droit de consommation dont jouissaient les mêmes denrées destinées pour les ci-devant provinces de Franche-Comté, Alsace, Lorraine et Trois-Evêehés, cessera à compter de la même époque. Art. 4. « A compter du 10 du présent mois, les sucres, cafés et autres denrées coloniales qui seront importées de l’étranger dans les ci-devant provinces d’Alsace, Lorraine et Trois-Evêehés seront traitées de la même manière que celles qui sont importées de l’étranger dans les autres parties du royaume. » Un membre du comité des finances propose de fixer un jour pour entendre le rapport qu’il a à lui faire sur les réclamations des créanciers de M. d’Artois. Divers membres proposent de renvoyer cette affaire au jour où l’on discutera la matière des apanages. (L’Assemblée décide que les deux questions seront traitées en même temps.) M. Ilernoux, au nom du comité d'agriculture et de commerce. D’après le vœu général et en conformité de vos décrets qui rendent tous les Français frères et égaux, votre comité a pensé que les marchandises de l’Inde, destinées pour l’intérieur du royaume, devaient être soumises, jusqu’à la promulgation très prochaine du nouveau tarif, aux mêmes droits que payaient les ci-devant provinces connues sous le nom de provinces des cinq grosses fermes. M. Hernoux propose un projet de décret qui est adopté, sans discussion, en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Jusqu’à la promulgation du tarif qui sera décrété sur les marchandises provenant du commerce français au delà du Cap de Bonne-Espérance, celles desdites marchandises qui seront déclarées pour la consommation du royaume , acquitteront les droits qui ont été jusqu’à présent perçus sur les marchandises de même espèce qui étaient destinées pour les départements ci-devant connus sons le nom de provinces des cinq grosses fermes. Art. 2. « Les négociants qui, pour retirer à la destination du royaume les marchandises provenant dudit commerce, voudront attendre que le nouveau tarif soit promulgué, pourront laisser les-di tes marchandises eu entrepôt, et elles y resteront sans frais. » M. Merlin. Quoique je n’ai pas l’honneur d’être membre du comité de Constitution, je suis chargé par lui de vous instruire de deux faits que vous aurez peine à croire. L’ordonnance de 1657 n’a jamais été enregistrée dans le département du Nord, et il est à remarquer que le parlement de Douai avait acheté le droit de ne jamais l’enregistrer pour pouvoir juger par épices. C'est à ce même traité qu’il devait l’usage d’instruire tous les procès, comme procès par écrit. J’en ai vu un intenté pour 12 sols, coûter 100 louis. C’est pour obtenir l’uniformité, en attendant le règlement général sur la procédure, que nous demandons qu’aucun procès ne puisse être appointé dans le déparlement du Nord, sans avoir été porté d’abord à l’audience. Plusieurs membres observent que leurs provinces sont dans le même cas. M. Sérient*. Le comité de Constitution est prêt à faire paraître un travail général sur cette matière : Je demande qu’il soit imprimé, distribué et discuté dans les séances du soir. (Cette motion est adoptée.) M. Merlin. Je viens, également au nom du comité de Constitution, vous demander un autre décret ; il est relatif à l’usage de révision qui était pratiqué au parlement de Douai, en matière civile. C’était un véritable appel ; car la partie qui avait perdu son procès dans une chambre, le portait aux chambres assemblées qui jugeaient de nouveau le fond. Vous êtes loin de laisser subsister une pareille forme ; mais comme il y a des demandes en révision qui sont déjà formées, il faut statuer à leur égard. Pour y parvenir nous vous proposons d’abolir cette loi de révision et quant aux demandes en révision intentées au parlement de Douai, avant le 30 septembre dernier, de les faire juger par le tribunal du district de Douai auquel il sera adjoint seize reviseurs choisis, au scrutin individuel, par le conseil de l’administration. M. Chabrond. Je demande la question préalable sur ce projet dedécret et voici mes raisons: On vous demande de nouveaux tribunaux judiciaires pour tel ou tel cas; votre décret sur l’organisation judiciaire y a pourvu suffisamment. Il est donc inutile de vous expliquer de nouveau. (La question préalable est prononcée.) M. Merlin, au nom du comité d’aliénation, propose ensuite et fait adopter les deux décrets qui suivent :