[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 février 1791.] M. de Croix. Je retire ma proposition. (Le projet de décret du comité est mis aux voix et adopté.) M. de Cernon se présente à la tribunepour faire un rapport au nom des comités d�s finances et de liquidation, pour la liquidation des offices des receveurs généraux (1). M. de Croix. Monsieur le Président, l’impression en matière de finances est ordinairement ordonnée avant le rapport; il n’y a pas de matière où elle soit plus nécessaire. Je demande donc l’impression. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély) appuie la motion de M. de Croix. M. l’abbé Bourdon. En fait de finances on ne peut pas présenter de projet avant qu’il soit imprimé. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport et du projet de décret.) M. Prugnon, au nom du comité de remplacement des tribunaux et des corps administratifs. Les doctrinaires auxquels est confié le collège de Bastia ont présenté une pétition dans laquelle ils se plaignent de ce que le directoire du district de Bastia s’est emparé à force ouverte des bâtiments qu’ils occupent; ils demandent en même temps le payement de leurs salaires échus. Le district a commis une double contravention au décret : 1° il a fait choix d'un local sans en instruire le comité d’emplacement, et il ne lui était pas plus permis de s’emparer d’une propriété nationale que de celle d’un particulier; 2° il a évincé des instituteurs et fonctionnaires publicsque les lois maintiennent dans la jouissance provisoire des maisons qu’ils occupaient au moment de 1 émission de vos décrets. Les administrateurs disent, dans leur correspondance, que les bâtiments dont ils se sont emparés étaient occupés, il y a deux ans, par le premier président du conseil supérieur. Sous l’ancien régime, un premier président d’outre-mer était une manière de pacha devant lequel on se rangeait toujours; et le calcul des considérations avait déterminé les doctrinaires à user d’une grande patience. L’intention du gouvernement s’était manifestée, et malgré cela les doctrinaires ont été forcés d’attendre longtemps avant d’entrer en possession de la totalité du bâtiment. Le directoire a fait des ménagements qu’ils ont employés une objection contre eux. Elle ne prouve rien, sinon que les doctrinaires sont très patients et que le premier président, au contraire, souffrait impatiemment qu’ils vinsent le déplacer; ils étaient en possession au premier de janvier dernier. D’après vos décrets, les corps enseignants sont conservés dans la jouissance non d’une partie, mais de la totalité des maisons, enclos et jardins en dépendant. Il est très constant que chacun reprenne sa place et y reste. Il n’est pas plus possible que les administrateurs soient au collège que les écoliers à la maison de l’administration. Les réunir c’est assembler deux tumultes. Le directoire doit restituer aux doctrinaires une jouissance dont vous avez défendu de les dépouiller ; ce sont d’utiles cultivateurs dans le champ de l’instruction publique, et rien ne peut intéresser davantage l’Assemblée que ce grand 157 objet. Il semble, le comité ne se permet pas de l’affirmer, que le département a autorisé le district à la prise de possession du collège et à l’envoi de sbires pour l’executer. Si les districts se mettaient à convoiter les collèges et à employer la logique des sbires, cela pourrait devenir assez sérieux. Votre comité a cru qu’il était extrêmement intéressant que l’Assemblée saisît cette occasion d’exprimer l’intention dans laquelle elle est que les corps enseignants ne puissent être troublés, quant à présent, dans leurs fonctions. H faut bien plutôt les honorer que les décourager et les humilier. Une mesure contraire répandrait l’inquiétude chez tous les pères de famille et compromettrait l’instruction publique. Périclès, après une bataille dans laquelle avait péri la jeunesse athénienne, disait : Vannée a perdu son printemps. Chaque fois que l’éducation publique est compromise et troublée, on peut dire : l’année a gâté son priniemps. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, considérant d’un côté que, par l’article 9 de son décret du 23 octobre, les bâtiments, enclos et jardins occupés par les congrégations chargées de l’instruction publique et vivant en commun, leur sont réservés; et de l’autre, que, par l’article 6 de celui du 16 du même mois, les corps administratifs sont tenus d’envoyer au comité de l’emplacement un mémoire expositif de leurs vues, et d’y joindre un devis estimatif, contenant l’étendue de l’édifice qu’ils jugeront leur convenir; que le directoire du district de Bastia s’est entièrement écarté de ces dispositions, en s’emparant, de son autorité privée, de la très grande partie du collège de cette ville ; « Décrète que les doctrinaires seront, en conformité du décret du 23 octobre, provisoirement rétablis et maintenus dans la jouissance des bâtiments, enclos et jardins dépendant du collège de Bastia, qu’ils occupaient, sauf au directoire du district de ia même ville, ain i qu’à celui du département qui s’est emparé des bâtiments publies sans l’attache du Corps législatif, à se conformer aux décrets des 16 octobre et 7 février. « Quant à la demande en payement de la portion de traitement qui reste due aux doctrinaires, l’Assemblée l’a renvoie à soa comité ecclésiastique, pour y être pourvu après qu’il lui en aura été rendu compte, s’il y a lieu. » (Ce décret est adopté.) M. le Président donne lecture d’une lettre du président électoral du département de l’Indre, qui le prie de vouloir bien annoncer à l’Assemblée que M. Héraudin, curé de Chaillac, a été nommé évêque de ce département. Le procès-verbal de cette nomination est joint à la lettre. M. le Président. Voici une autre lettre adr essée à l’Assemblée par les administrateurs du département de Maine-et-Loire: « Messieurs, « Nous aimons la Constitution et nous la faisons respecter. Vos décrets ont ordonné la prestation du serment civique aux ecclésiastiques fonctionnaires publics. « M. Louet, évêque de ce département, a refusé le serment dans les délais prescrits par les décrets. Le corps électoral a été convoqué par les procureurs syndics des districts, sur l’avis à eux donné par le procureur général syndic de la (1) Voyez plus loin la séance du 17 février. 158 113 février 1791.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale. } dénonciation faite par le maire d’Angers, du défaut de prestation de serment de l’évêque. <. Dimanche, 6 février, les électeurs du département, réunis dans l’église cathédrale d’Angers, ont élu M. Pelletier, chanoine régulier de la congrégation de France, prieur, curé de Beaufort, dis rict de Baugé, dans notre département. Le défaut de prestation de serment de M. Louet a rendu son évêché vacant, comme par démission : le corps électoral était aux termes d> s décrets et les a suivis, persuadé que sou patriotisme vous serait agréable. « Angers, 8 février 1791. •> A cette lettre est jointe celle du président de l’assemblée générale d> s électeurs du département; elle est ainsi conçue : « Réunis en assemblée électorale pour procéder à la nomination de l’évèque du département de Maine-et-Loire, nous avons été guidés dans cette importante opération parle zèi e et le patriotisme que la nation attendait de nous. Vous nous avez rendu le droit des premiers chrétiens; le pasteur que nous avons choisi égale en vertus ceux de l’Eglis ■ naissante. En vatn le fanatisme et l’hypocrisie, se couvrant du voile de la vertu, tenteront-ils de tromper la crédulité des peuples, et de les armer au nom d’un Dieu de paix. « Les bons citoyens entourent la Constitution, ils en soutiendront Pédilice; la religion n’aura que des ministres dignes de sa sainteté, et le fanatisme sera banni pour jamais du pays de la liberté. « Angers, 8 février 1791. » Un membre annonce que les électeurs du département du Jura ont nommé à l’évêché de Saint-Claude, M. Guilloz, curé d’Orchamps-en-Venn - et membre de l’Assemblée nationale. ( Applaudissements .) Il annonce également que presque tous les curés du district de Saiut-Claude ont prêté le serment civique. M. Dubois-Crancé. Messieurs, vous avez mis à l’ordre du jour le rapport du comité militaire sur les invalides. M. le Président. Oui, Monsieur, mais en seconde ligne. M. Dubois-Crancé. Je prie l’Assemblée de décider si elle veut m’entendre. M. de Crillon le jeune. Messieurs, vous avez décrété que, jusqu’à l’époque de la convocation de la prochaine législature, vou3 ne vous occuperiez dans vos séances du matin que d’objets d’impositions ou constitutionnels. Je demande donc que le rapport de M. Dubois-Crancé soit renvoyé à une séance du soir. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je demande l’impi essieu du rapport ce M. Dubois-Crancé. Il ne s’agit rien moins que de la suppression de la maison des invalides. Je suppose que le comit a eu pour se décider des motifs importants; mais encore il faut 1rs connaître. Plusieurs membres appuient la motion d M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Dubois-Crancé.) Ce rapport est ainsi conçu : Rapport du comité militaire, sur le traitemen des invalides de l’Hôtel , des invalides détachés , des invalides retirés avec pension, des soldes et demi-soldes, par M. Dubois-Crancé. Messieurs, le comité militaire vous a présenté successivement toutes les bases d’organisation d’une armée de Français ; il est enlin parvenu à débrouiller ce chaos dont l’intrigue, toujours harcelant le pouvoir arbitraire, avait comblé la mesure. Il n’existera plus de places sans fonctions, de talents sans récompense ; la carrière est ouverte à tous les hommes également ; et si, par vos lois nouvelles, le riche sans mérite est destiné à végéter toute sa vie dans l’obscurité, le soldat sans protection et sans fortune pourra, s’il s’en rend digne, devenir maréchal de France. Tel sera, Messieurs, le résultat heureux de vos travaux sur �organisation militaire. Vous avez démontré que la véritable économie pour une grande nation consiste dans une exacte distribution de ses bienfaits ; et sans égard au poids de vos charges anciennes, de ces charges que vous avez mises sous la sauvegarde de la loyauié française, vous avez amélioré d’une manière très sensible et très juste le sort de toutes les classes du militaire; vous avez cru devoir aussi porter votre attention sur les derniers instants de la vie des hommes qui en ont consacré la plus belle portion au service de la patrie; et vous avez voulu que.de grade eu grade jusqu’au dernier soldat, chacun reçût de la nation une récompense proporiionuée, qui le mît à l’abri du besoin. Par suite de la même équité, vous avez appelé à jouir de ce bienfait la classe très nombreuse de ceux qui n’avaient point été récompensés d’une manière digne de leurs services (1). Cette surcharge vous honore : c’est ainsi, Messieurs, que l’Assemblée nationale doit répondre aux détracteurs de ses opérations, à ceux dont elle a réduit ou annulé les traitements, parce qu’ils n’ont eu à produire aucun titre légal des bienfaits qu’ils avaient usurpés. Je suis chargé aujourd’hui, Messieurs, par votre comité militaire, de vous présenter ses idées sur l’hôtel des Invalides et les nombreuses branches de cette institution. Tous les militaires, qui ont obtenu des retraites à titre d’invalides ou vétérans, se distinguent en quatre classes : 1° Les invalides détachés ; 2° Les invalides retirés chez eux avec un traitement; 3° Les soldes et demi-soldes des soldats retirés ; 4° Les invalides entretenus à l’hôtel. Tous ces pensionnaires de l’Etat forment une masse d’environ 28,000 hommes, dont les traitements réunis coûtent près de 6 millions, mais dans une grande disproportion entre eux. Nous fixerons d’abord votre attention, Messieurs, sur le sort des habitants de l’hôtel des Invalides, de ces hommes, d’autant plus intéressants qu’ils n’out eu de l’état militaire que les épines, et que leur cœur, encore plein de ce patriotisme brûlant qui les guidait dans les combats, (1) Je citerai un exemple pris entre beaucoup d’autres du mémo gcure, dans le dernier rapport que nous a fait votre comité des pensions: Etienne Dufour, lieutenant-colonel de la gendarmerie, retiré en 1773, 44 ans de service, 17 campagnes, pension de 355 livres, rétablie pour 4,000 livres, articles 19 et 20, titre 1". (Note du rapporteur).