SÉANCE DU 6 THERMIDOR AN II (24 JUILLET 1794) - N° 54 483 54 [Le Cn Benaben, de Toulouse, à la Conv.; s.l.n. d-7(1). « Par mon Contrat de mariage du 4 juin 1773 ma mère me fit donnation de la moitié de ses biens, pour n’en jouir qu’après son décès, et celui de mon père; mes frères et sœurs furent présents à cet acte, et le signèrent. Huit ans après ils entreprirent d’en détruire l’effet, voici comment. Ma mère avoit été grévée d’une substitution en faveur de ses enfants; sous prétexte qu’elle n’avoit pas remply les formalités prescrites par l’ordonnance de 1747, mes frères et sœurs la firent assigner, elle et mon père, en restitution des fruits des biens substitués. Je fus appelé dans l’instance pour avoir affectés les biens qui m’avoient été donnés. mes frères et sœurs demandèrent à être reçus à la preuve des mauvais traitements qu’ils prétendirent avoir reçu de mes père et mère. Le 29 avril 1786 arrêt du cidevant parlement de Toulouse qui démet mes frères et sœurs de toutes leurs demandes. Par son testament du mois de janvier 1784, ratiffié par un codicille du 4 avril 1788, mon père m’avoit institué son héritier, il mourut au mois dé mai de l’année 1789. En 1792, mon frère joseph Louis se pourvoit en cassation contre l’arrêt, à deffaut des moyens légitimes on immagina d’intercepter ma deffence. on par-veint par des voyes les plus calomnieuses à me faire arrêter le 29 7bre 1793 (vieux Stile) Quand je fus ainsi réduit à l’impossibilité de me deffendre, on fit concourir un autre moyen de me dépouiller. Tandis que joseph Louis pousuivoit à paris la cassation de l’arrêt, un autre de mes frères : pierre jean Louis, sollicitoit à Toulouse, devant un tribunal de famille choisi par lui seul, l’annullation de la donnation de ma mère, et du testament de mon père. Joseph Louis fut débouté de sa demande en cassation par un premier jugement du 4 pluviôse. il s’adressa à la Convention nationalle et obtint un décret le 26 du même mois qui, en ennullant ce jugement, renvoya les parties devant le même tribunal. Par un souverain jugement du 8 prairial, le tribunal de Cassation d’une vois unanime, rejetta tous les moyens que mon frère joseph avoit allégués pour faire renverser l’arrêt dont j’ai déjà parlé. à Toulouse on se guidoit par des principes bien différents, un premier jugement du tribunal de famille du 2 pluviôse admit mon frère Louis à la preuve de certains faits qui dévoient établir, selon lui, que la donnation de ma mère et le testament de mon père, avoient été le fruit de la collère et de la sugestion. il est remarquable que tous ces faits avoient été articulés lors de l’arrêt, et que la demande en preuve en avoit été rejettée. Mon frère Louis fit procéder à une enquette en exécution de ce premier jugement de famille et en (l) D III 90, doss. 6, p. 112. obtint un second le 22 Ventôse qui cassa la donnation de ma mère et le testament de mon père Ce second jugement me fut signiffié le 6 germinal. j’avois oublié de dire qu’il avoit été fait des actes à mon nom pour déclarer qu’étant dans les prisons, je ne pouvois pas me deffendre et que je protestois de la nullité de tout ce qui pourroit être fait à mon préjudice. Enfin la calomnie qui m’avoit fait incarcérer ayant été reconue, ma liberté me fut rendue le 21 floréal. Le 28 prairial, je me rendis appellant, par un simple exploit devant le district de Toulouse, des deux jugements rendus contre moy par le Tribunal de famille. Le 9 messidor mon frère m’assigna pour compa-roitre le 18 du même mois, à l’effet de voir rejetter mon appel, attendu que je n’avois point motivé mes griefs, dans les trois mois à compter du jour de la signification des jugements. Le 22, je réitérai mon appel, en tant que de besoin auroit pu être, avec assignation à jour fixe au fonds les jugements que j’attaquois étoient insoutenables sous tous les raports. aussi mon frère ne s’attachoit-il qu’à une veine subtilité de forme, et le tribunal eut la complaisance de l’accueillir. Le tribunal prétendit que mon exploit d’appel étoit contraire à la disposition de l’art. 1°. du décret du 3 brumaire, comme n’étant point libellé ni motivé, et comme ne contenant pas citation à jour fixe pour le jugement de l’appel sur cet unique fondement, par son jugement du 6 thermidor, il cassa mon exploit d’appel du 28 prairial, me déclara non-recevable dans mon appel, et ordonna l’exécution des jugements de famille, qui me dépouillent de tout mon bien. Je ne viens pas, Citoyen Législateurs, vous demander la refformation du jugement du tribunal de district, mais ce tribunal a évidament fait une fausse interprétation de la Loy : et la Convention peut seule prononcer sur une telle entreprise. L’art. 14 du titre 5 du décret du 16 avril 1790 porte - « nul appel ne pourra être signifié, ni avant le délai de huitaine à datter du jour du jugement, ni après l’expiration des 3 mois à datter du jour de la signification faite à personne ou domicilie. ces 2 termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de L’appel. » Cette Loy ne dit pas (Comme l’on voit) que l’appel doive être libellé, ni accompagné de citation à jour fixe; mais seulement signiffié avant l’expiration de trois mois a datter du jour de la signification du jugement. L’art. 1er de la loy du 3 brumaire porte, à la vérité : « les citations devant les tribunaux de districts seront faites par un simple exploit qui annoncera laconiquement l’objet, ainsi que les motifs de la demande et désignera le tribunal, le jour et l’heure de la comparution. » mais qui peut édictter que cet article n’est applicable qu’aux citations faites en première instance ? Et en effet il faut bien qu’un demandeur en première instance exprime les motifs de sa demande il en est autrement devant un tribunal d’appel : aussi L’art. 8 de la Loy du 3 Brumaire veut-il seulement que « l’appel d’un jugement ne soit notiffié que par simple exploit ». SÉANCE DU 6 THERMIDOR AN II (24 JUILLET 1794) - N° 54 483 54 [Le Cn Benaben, de Toulouse, à la Conv.; s.l.n. d-7(1). « Par mon Contrat de mariage du 4 juin 1773 ma mère me fit donnation de la moitié de ses biens, pour n’en jouir qu’après son décès, et celui de mon père; mes frères et sœurs furent présents à cet acte, et le signèrent. Huit ans après ils entreprirent d’en détruire l’effet, voici comment. Ma mère avoit été grévée d’une substitution en faveur de ses enfants; sous prétexte qu’elle n’avoit pas remply les formalités prescrites par l’ordonnance de 1747, mes frères et sœurs la firent assigner, elle et mon père, en restitution des fruits des biens substitués. Je fus appelé dans l’instance pour avoir affectés les biens qui m’avoient été donnés. mes frères et sœurs demandèrent à être reçus à la preuve des mauvais traitements qu’ils prétendirent avoir reçu de mes père et mère. Le 29 avril 1786 arrêt du cidevant parlement de Toulouse qui démet mes frères et sœurs de toutes leurs demandes. Par son testament du mois de janvier 1784, ratiffié par un codicille du 4 avril 1788, mon père m’avoit institué son héritier, il mourut au mois dé mai de l’année 1789. En 1792, mon frère joseph Louis se pourvoit en cassation contre l’arrêt, à deffaut des moyens légitimes on immagina d’intercepter ma deffence. on par-veint par des voyes les plus calomnieuses à me faire arrêter le 29 7bre 1793 (vieux Stile) Quand je fus ainsi réduit à l’impossibilité de me deffendre, on fit concourir un autre moyen de me dépouiller. Tandis que joseph Louis pousuivoit à paris la cassation de l’arrêt, un autre de mes frères : pierre jean Louis, sollicitoit à Toulouse, devant un tribunal de famille choisi par lui seul, l’annullation de la donnation de ma mère, et du testament de mon père. Joseph Louis fut débouté de sa demande en cassation par un premier jugement du 4 pluviôse. il s’adressa à la Convention nationalle et obtint un décret le 26 du même mois qui, en ennullant ce jugement, renvoya les parties devant le même tribunal. Par un souverain jugement du 8 prairial, le tribunal de Cassation d’une vois unanime, rejetta tous les moyens que mon frère joseph avoit allégués pour faire renverser l’arrêt dont j’ai déjà parlé. à Toulouse on se guidoit par des principes bien différents, un premier jugement du tribunal de famille du 2 pluviôse admit mon frère Louis à la preuve de certains faits qui dévoient établir, selon lui, que la donnation de ma mère et le testament de mon père, avoient été le fruit de la collère et de la sugestion. il est remarquable que tous ces faits avoient été articulés lors de l’arrêt, et que la demande en preuve en avoit été rejettée. Mon frère Louis fit procéder à une enquette en exécution de ce premier jugement de famille et en (l) D III 90, doss. 6, p. 112. obtint un second le 22 Ventôse qui cassa la donnation de ma mère et le testament de mon père Ce second jugement me fut signiffié le 6 germinal. j’avois oublié de dire qu’il avoit été fait des actes à mon nom pour déclarer qu’étant dans les prisons, je ne pouvois pas me deffendre et que je protestois de la nullité de tout ce qui pourroit être fait à mon préjudice. Enfin la calomnie qui m’avoit fait incarcérer ayant été reconue, ma liberté me fut rendue le 21 floréal. Le 28 prairial, je me rendis appellant, par un simple exploit devant le district de Toulouse, des deux jugements rendus contre moy par le Tribunal de famille. Le 9 messidor mon frère m’assigna pour compa-roitre le 18 du même mois, à l’effet de voir rejetter mon appel, attendu que je n’avois point motivé mes griefs, dans les trois mois à compter du jour de la signification des jugements. Le 22, je réitérai mon appel, en tant que de besoin auroit pu être, avec assignation à jour fixe au fonds les jugements que j’attaquois étoient insoutenables sous tous les raports. aussi mon frère ne s’attachoit-il qu’à une veine subtilité de forme, et le tribunal eut la complaisance de l’accueillir. Le tribunal prétendit que mon exploit d’appel étoit contraire à la disposition de l’art. 1°. du décret du 3 brumaire, comme n’étant point libellé ni motivé, et comme ne contenant pas citation à jour fixe pour le jugement de l’appel sur cet unique fondement, par son jugement du 6 thermidor, il cassa mon exploit d’appel du 28 prairial, me déclara non-recevable dans mon appel, et ordonna l’exécution des jugements de famille, qui me dépouillent de tout mon bien. Je ne viens pas, Citoyen Législateurs, vous demander la refformation du jugement du tribunal de district, mais ce tribunal a évidament fait une fausse interprétation de la Loy : et la Convention peut seule prononcer sur une telle entreprise. L’art. 14 du titre 5 du décret du 16 avril 1790 porte - « nul appel ne pourra être signifié, ni avant le délai de huitaine à datter du jour du jugement, ni après l’expiration des 3 mois à datter du jour de la signification faite à personne ou domicilie. ces 2 termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de L’appel. » Cette Loy ne dit pas (Comme l’on voit) que l’appel doive être libellé, ni accompagné de citation à jour fixe; mais seulement signiffié avant l’expiration de trois mois a datter du jour de la signification du jugement. L’art. 1er de la loy du 3 brumaire porte, à la vérité : « les citations devant les tribunaux de districts seront faites par un simple exploit qui annoncera laconiquement l’objet, ainsi que les motifs de la demande et désignera le tribunal, le jour et l’heure de la comparution. » mais qui peut édictter que cet article n’est applicable qu’aux citations faites en première instance ? Et en effet il faut bien qu’un demandeur en première instance exprime les motifs de sa demande il en est autrement devant un tribunal d’appel : aussi L’art. 8 de la Loy du 3 Brumaire veut-il seulement que « l’appel d’un jugement ne soit notiffié que par simple exploit ». 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Voilà tout ce qu’exige ce dernier article; et pourquoy l’art. 8 auroit-il fait une nécessité de motiver les griefs d’appel, tandis que l’art. 7 dit textuellement « qu’il ne peut être formé en cause d’appel aucune nouvelle demande et que les juges ne peuvent prononcer que sur celles formées en première instance » Aux termes des loys citées, il suffit que l’appel soit signiffié dans les trois mois à compter de la signiffication du jugement, et notiffié par simple exploit, aucune de ces Loys n’exige qu’en cause d’appel il y ait assignation à jour fixe. Or, je me suis conformé à ce qui est prescrit par les Loix, puisque le jugement de famille me fut signiffié le 6 germinal et que mon exploit d’appel fut fait le 28 prairial, c’est à dire 2 mois 22 jours après cette signification, et, conséquament dans les 3 mois à compter de laditte signiffication L’assignation que je donnai le 22 messidor ne porte aucune atteinte à mon appel, qui avoit évida-ment interrompu toute prescription : et le district devoit tout au plus, en taxant les fraix, ne pas y comprendre ceux de ce dernier acte conformément à l’art. 3 du décret du 3 brumaire. Les pennes et les nullités ne se supléent point; elles ne peuvent résulter que des loix qui les ont formellement et rigoureusement prononcées. ici la Loi exige seulement que l’appel soit notiffié dans les 3 mois et qu’il le soit par un simple exploit, parce que, le juge d’appel ne devant et ne pouvant faire autre chose que décider si le premier juge a régulièrement et équitablement jugé l’affaire dans l’état où elle lui a été présentée, il Suffit évidament d’avoir appellé par simple exploit, et de remettre devant les juges d’appel les pièces sur lesqu’elles a prononcé le juge de première instance. D’ailleurs je ne recouvrai ma liberté que le 21 floréal, jusques à cette époque, toute communication m’étoit interdite; je ne pouvois point agir, et Contra non valentem agere non currit prescriptiof.] Ce n’étoit donc, qu’à compter de ce jour, 21 floréal, que les 3 mois avoient pu valablement courir contre moy, et à datter de cette époque, jusques au 22 messidor, jour de mon second exploit, il ne s’est écoulé que 2 mois, et la loy m’en donnoit 3 pour me pourvoir. il y a plus : c’est que tout ce qui a été fait contre moy devant le tribunal de famille pendant ma détention, doit être regardé comme non avenu, attendu qu’il n’y avoit point de loy relative à l’exer-cisse des actions contre les détenus; et que, sur la proposition du Citoyen Bezard à cet égard, il fut décretté, le 9 thermidor, qu’il seroit fait un raport relatif à cet objet : ce qui, jusques là, laissoit en suspends toute action de ce genre, je vous demande donc, Législateurs, qu’en interprétant la Loy du 3 brumaire, le jugement du district de Toulouse du 6 messidor soit déclaré nul, ainsi que toutes les poursuites faites devant le tribunal de famille, tous droits et exceptions respectifs au fonds demeurant réservés. » Benaben. Renvoyé au Comité de Législation (l). (l) Mention marginale, datée du 6 thermidor et signée de Collombel. Autre mention, signée de Bezard : « Passé à l’ordre du jour du 25 fructidor ». [Le Cn Benaben à la Conv.; Paris, 9 pluv. II] { l) « Citoyens Législateurs Victime dans l’ancien Régime du despotisme de ceux qui m’avaient donné le jour, dénué de tout secours, accablé de misère; luttant sans cesse entre la vie et la mort, obligé pour subsister de traverser les mers, c’est après tant de peines et de tourments que j’ai pris le parti rigoureux pour moi d’actionner mes père et mère pour leur demander des aliments et de me restituer les fruits des biens d’une substitution que l’ordonnance de 1747 me permettait, en qualité de substitué, de réclamer contre eux à titre de peine, faute par eux d’en avoir observé les dispositions Un de mes frères, procureur au cy-devant parlement de Toulouse, le seul chéri sur 11 enfants de nos père et mère communs, m’a fait plaider pendant 10 ans devant les Tribunaux ordinaires, et lors que j’aurais dû, à raison de mon droit évident, obtenir ce que j’avais demandé, j’ai été au contraire éconduit de ma réclamation par un arrêt qui, je puis le dire, a plutôt été l’effet de l’intrigue du procureur mon frère que celui de l’examen des questions du procès. Je dois à l’heureuse Révolution qui a régénéré la france, qui a détruit depuis le premier jusqu’au dernier de ses privilégiés, qui, en abolissant les Cours injustes et despotiques, a procuré aux pauvres la faculté d’obtenir justice, l’avantage d’avoir pu former une demande en cassation de l’arrêt qui, en consommant ma ruine, avait violé toutes les Loix Mon attaque a été reçue... La Loi d’abolition des Substitutions ayant été faite et promulguée postérieurement, mes adversaires ou, pour mieux dire, le riche procureur fertile en détours, en a argumenté pour me faire condamner au silence, et le mettre par là à l’abri des restitutions que je demandais. Obligé de repousser son système, je l’ai fait avec les armes que la raison et les loix m’ont fourni; en même temps je me suis adressé à vous pour demander une interprétation ; mais avant le rapport de ma pétition renvoyée au Comité de Législation, le Tribunal de Cassation a arrêté le 4 du Courant qu’il ne pouvait plus rien statuer sur ma réclamation. La décision de ce tribunal ma déterminé à venir dans cet auguste Sénat pour lui demander, non de s’ériger en juges, mais de me faire jouir du bienfait de notre Constitution, qui accorde à tout citoyen la faculté de réclamer l’interprétation des Loix. Dans l’hipothèse où je me trouve, je demande que le Corps législatif, décide si, par ses Loix des 25 8bre et 14 9bre 1792, qui interdisent et prohibent pour l’avenir toutes substitutions, et abolissent toutes celles non ouvertes, il a entendu mettre les grevés des substitutions, simples dépositaires des biens en dépendants, à l’abri des demandes en restitution des fruits échus et perçus avant leur publication, dans le cas où ils sont accordés par les ancien-(1) D III 90, doss. 6, p. 105. 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Voilà tout ce qu’exige ce dernier article; et pourquoy l’art. 8 auroit-il fait une nécessité de motiver les griefs d’appel, tandis que l’art. 7 dit textuellement « qu’il ne peut être formé en cause d’appel aucune nouvelle demande et que les juges ne peuvent prononcer que sur celles formées en première instance » Aux termes des loys citées, il suffit que l’appel soit signiffié dans les trois mois à compter de la signiffication du jugement, et notiffié par simple exploit, aucune de ces Loys n’exige qu’en cause d’appel il y ait assignation à jour fixe. Or, je me suis conformé à ce qui est prescrit par les Loix, puisque le jugement de famille me fut signiffié le 6 germinal et que mon exploit d’appel fut fait le 28 prairial, c’est à dire 2 mois 22 jours après cette signification, et, conséquament dans les 3 mois à compter de laditte signiffication L’assignation que je donnai le 22 messidor ne porte aucune atteinte à mon appel, qui avoit évida-ment interrompu toute prescription : et le district devoit tout au plus, en taxant les fraix, ne pas y comprendre ceux de ce dernier acte conformément à l’art. 3 du décret du 3 brumaire. Les pennes et les nullités ne se supléent point; elles ne peuvent résulter que des loix qui les ont formellement et rigoureusement prononcées. ici la Loi exige seulement que l’appel soit notiffié dans les 3 mois et qu’il le soit par un simple exploit, parce que, le juge d’appel ne devant et ne pouvant faire autre chose que décider si le premier juge a régulièrement et équitablement jugé l’affaire dans l’état où elle lui a été présentée, il Suffit évidament d’avoir appellé par simple exploit, et de remettre devant les juges d’appel les pièces sur lesqu’elles a prononcé le juge de première instance. D’ailleurs je ne recouvrai ma liberté que le 21 floréal, jusques à cette époque, toute communication m’étoit interdite; je ne pouvois point agir, et Contra non valentem agere non currit prescriptiof.] Ce n’étoit donc, qu’à compter de ce jour, 21 floréal, que les 3 mois avoient pu valablement courir contre moy, et à datter de cette époque, jusques au 22 messidor, jour de mon second exploit, il ne s’est écoulé que 2 mois, et la loy m’en donnoit 3 pour me pourvoir. il y a plus : c’est que tout ce qui a été fait contre moy devant le tribunal de famille pendant ma détention, doit être regardé comme non avenu, attendu qu’il n’y avoit point de loy relative à l’exer-cisse des actions contre les détenus; et que, sur la proposition du Citoyen Bezard à cet égard, il fut décretté, le 9 thermidor, qu’il seroit fait un raport relatif à cet objet : ce qui, jusques là, laissoit en suspends toute action de ce genre, je vous demande donc, Législateurs, qu’en interprétant la Loy du 3 brumaire, le jugement du district de Toulouse du 6 messidor soit déclaré nul, ainsi que toutes les poursuites faites devant le tribunal de famille, tous droits et exceptions respectifs au fonds demeurant réservés. » Benaben. Renvoyé au Comité de Législation (l). (l) Mention marginale, datée du 6 thermidor et signée de Collombel. Autre mention, signée de Bezard : « Passé à l’ordre du jour du 25 fructidor ». [Le Cn Benaben à la Conv.; Paris, 9 pluv. II] { l) « Citoyens Législateurs Victime dans l’ancien Régime du despotisme de ceux qui m’avaient donné le jour, dénué de tout secours, accablé de misère; luttant sans cesse entre la vie et la mort, obligé pour subsister de traverser les mers, c’est après tant de peines et de tourments que j’ai pris le parti rigoureux pour moi d’actionner mes père et mère pour leur demander des aliments et de me restituer les fruits des biens d’une substitution que l’ordonnance de 1747 me permettait, en qualité de substitué, de réclamer contre eux à titre de peine, faute par eux d’en avoir observé les dispositions Un de mes frères, procureur au cy-devant parlement de Toulouse, le seul chéri sur 11 enfants de nos père et mère communs, m’a fait plaider pendant 10 ans devant les Tribunaux ordinaires, et lors que j’aurais dû, à raison de mon droit évident, obtenir ce que j’avais demandé, j’ai été au contraire éconduit de ma réclamation par un arrêt qui, je puis le dire, a plutôt été l’effet de l’intrigue du procureur mon frère que celui de l’examen des questions du procès. Je dois à l’heureuse Révolution qui a régénéré la france, qui a détruit depuis le premier jusqu’au dernier de ses privilégiés, qui, en abolissant les Cours injustes et despotiques, a procuré aux pauvres la faculté d’obtenir justice, l’avantage d’avoir pu former une demande en cassation de l’arrêt qui, en consommant ma ruine, avait violé toutes les Loix Mon attaque a été reçue... La Loi d’abolition des Substitutions ayant été faite et promulguée postérieurement, mes adversaires ou, pour mieux dire, le riche procureur fertile en détours, en a argumenté pour me faire condamner au silence, et le mettre par là à l’abri des restitutions que je demandais. Obligé de repousser son système, je l’ai fait avec les armes que la raison et les loix m’ont fourni; en même temps je me suis adressé à vous pour demander une interprétation ; mais avant le rapport de ma pétition renvoyée au Comité de Législation, le Tribunal de Cassation a arrêté le 4 du Courant qu’il ne pouvait plus rien statuer sur ma réclamation. La décision de ce tribunal ma déterminé à venir dans cet auguste Sénat pour lui demander, non de s’ériger en juges, mais de me faire jouir du bienfait de notre Constitution, qui accorde à tout citoyen la faculté de réclamer l’interprétation des Loix. Dans l’hipothèse où je me trouve, je demande que le Corps législatif, décide si, par ses Loix des 25 8bre et 14 9bre 1792, qui interdisent et prohibent pour l’avenir toutes substitutions, et abolissent toutes celles non ouvertes, il a entendu mettre les grevés des substitutions, simples dépositaires des biens en dépendants, à l’abri des demandes en restitution des fruits échus et perçus avant leur publication, dans le cas où ils sont accordés par les ancien-(1) D III 90, doss. 6, p. 105.