BAILLIAGE DE SAINT-PIERRE-LE-IOUTIER. Nota. — Le cahier de l’ordre du clergé du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier manque aux Archives de l’Empire. Nous le faisons rechercher dans l’ancien Nivernais, et, si nous parvenons aie retrouver, il sera inséré dans le Supplément qui terminera le Recueil des cahiers. CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances dé l’ordre de la noblesse du bailliage royal du Nivernais , séant à Saint-Pierre-le-Moutier (1). Convaincus de l’inutilité des doléances locales et se reposant sur le zèle et les lumières de son député, les gentilshommes du bailliage de Saint-Pierrre-le-Moutier se bornent à demander : Art. 1er. Que la prochaine assemblée des Etats généraux soit prorogée pendant trois ans, suivant la forme qui sera fixée et indiquée par les Etats généraux, afin que les représentants de la nation aient le temps de remédier aux abus les plus urgents et de poser les fondements d’une félicité durable. Art. 2. Que les Etats se rassemblent ensuite d’eux-mêmes, tous les cinq ans, pour régler les réformes et les établissements que le changement inévitable des circonstances aura rendus nécessaires ; Laissant à son député la liberté de renoncer à tous les privilèges pécuniaires de son ordre ; De proposer tout ce qu’il jugera convenable à la régénération commune et d’adhérer a tout ce qui aura été arrêté à la pluralité des voix ; Ne mettant d’autres limites aux pouvoirs qu’ils lui confient que celles de ne consentir aucun impôt, avant que l’assemblée des Etats généraux n’ait délibéré et statué sur la constitution nationale. Ainsi signé à la minute : De Tannais, président ; Comte de Langeron, secrétaire, Nota. — Au défaut du cahier des plaintes et doléances de l’ordre de la noblesse, ceci a été transcrit et extrait du procès-verbal du tiers-étai dudit bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier, pour tenir lieu dudit cahier, si ce n’est autre que le présent extrait. CAHIER De Id chambre du tiers-état du bailliage royal du Nivernais à Saint-Pierre-le-Moutier (2). Les plaintes du peuple se sont perdues dans l’espace immense qui le sépare du trône : cette classe, la plus nombreuse et la plus intéressante de la société ; cette classe qui mérite les premiers soins du gouvernement, puisqu’elle alimente toutes les autres ; cette classe à laquelle on doit et les arts nécessaires à la vie, et ceux qui en embellissent le cours; cette classe enfin, qui, en recueillant moins, a toujours payé davantage, peut-elle, après tant de siècles a’oppres-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. (-2) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de .a Bibliothèque du Sénat. sion et de misère, compter aujourd’hui sur un sort plus heureux ? Ce serait, pour ainsi dire, blasphémer l’autofité tutélaire sous laquelle nous vivons, que d’en douter uh seul moment. tfn respect aveugle pour les abus établis ou par la violence ou par la superstition, une ignorance profonde des conditions dti pacte social, voilà ce qüi a perpétué jusqu’à nous la servitude' dans laquelle ont gémi hos pères. En jour plus puf est près (l’éclore ; le Roi a manifesté lè désir de trouver des sujets capables de lui dire la Vérité ; une de ses lois, l’édit de création des assemblées provinciales du mois de juin 1787, annonce que le vœu lé plus pressant de son Cœur sera toujours celui qui tendra au soulagement et au bonheur de ses peuples. Une autre loi, qui a retenti du centre du royaume à ses dernières extrémités, nous a promis la restitution de tous nos droits, dont nous n’avîonS perdu et dont nous ne pouvions perdre que l’exercice, puisque le fond de ces mêmes droits est inaliénable et imprescriptible : osons donc secouer le joug des anciennes erreurs ; osons dire tout ce qui est vrai, tout ce qui est utile ; osons réclamer les droits essentiels et primitifs dé l’homme, la raison, l’équité, l’opinion générale, la bienfaisance, connue de notre auguste souverain, tout concourt à assurer le succès de nos doléances. Quand les hommes se sont réunis en société, quel a été leur but? la défense et la conservation de la liberté et des propriétés de chacun d’entre eux : ils n’ont tous renoncé à l’Usage de leurs forces particulières, que pour être protégés plus puissamment par la force publiqùê ; et c’est dé là que résultent les obligations des citoyens entre eux, de tous envers la société et de la société envers tous. D’après ce principe incontestable , que les hommes, en se réunissant en société, ont eu pour unique objet la défiance et la cofiserVation de la liberté et des propriétés de chacun d’entre eux, il est évident : 1° qu’au moyen dé ce que tous les hommes étaient égaux avant leur association civile, ils doivent être égaux devant les lois constitutives des corps politiques; 2° que Chaque citoyen est tenu de contribuer aux charges publiques à raison des avantages qu’il retire de son existence sociale ; 3° que le premier devoir du chef de la société, quel qu’il soit, est de garantir tous lés membres de l’Etat, et leur liberté et la jouissance des biens qu’ils ont justement acquis ; 46k que personne n’a pu accorder d’èxemptions à qui que ce soit au détriment d’autrui. Toute exemption de la loi, accordée à un ordre, à un corps, à un particulier, apprend au resté dé la société que l’on se joue de lâ loi et de lui. La loi est-elle utile et juste ? elle doit commander à toiis : est-elle injuste, inutile bu hüisible ? elle ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 636 [États gén. 1789. Cahiers. [Baill. de St-Pierre-le-Moutier.] doit être anéantie pour tous, parce que la soumission qu’elle exige devient avilissante dès qu’elle cesse d’être générale. Chez les Romains on ne pouvait accorder de privilèges à personne que dans les comices assemblés par centuries, et ces centuries réunissaient le sénat, les patriciens et le peuple : on avait senti que le contrat social liait chaque citoyen envers tous ses concitoyens, et qu’il ne pouvait par conséquent être dispensé del’exécution d’aucune des clauses de ce môme contrat que par eux tous. A-t-on jamais, dans cette république, dispensé, nous ne disons pas un corps particulier, mais un ordre entier, mais deux ordres entiers, de l'obligation de supporter les charges publiques? On ne trouve dans l’histoire aucun exemple d’une pareille dispense. Il est certain, comme on l’a remarqué plus d’une fois, que toutes les exemptions des charges publiques sont des infractions aux lois fondamentales de la société, qu’elles tendent à en produire la ruine, qu’elles sont nulles et abusives par une suite du droit inaliénable et indestructible qu’ont tous les membres du corps politique d’exiger de chacun de tous la contribution réciproque des forces qu’ils se sont engagés à fournir pour la défense et la sûreté commune. Il est certain qu’aucune puissance daqs l’Etat ne saurait plus dispenser personne de cette obligation : qu’aucun ne peut accorder de privilèges ni faire de concessions au préjudice de ce droit ; que la société elle-même n’en a pas le pouvoir, parce qu’elle n’a pas celui de faire ce qui est contraire à sa conservation, et que le gouvernement, qui la représente et qui n’est établi que pour y veiller, l’a encore moins. Il est certain que ce n’est pas pour qu’il y ait une partie de la nation qui jouisse de tout, tandis que j’autre souffrira toutes les privations, que les sociétés ont été instituées ; que partout où les charges et les avantages ne sont pas communs, il n’y a plus de société; et qu’ainsi le corps ou l’individu qui refuse de participer aux charges du gouvernement renonce aux avantages de la société, déclare que, par ce seul fait, il n’en fait plus partie, et se trouve dans le cas d’être traité comme un étranger à qui l’on ne doit rien, puisqu’il croit ne rien devoir à personne. Il est certain encore que, quiconque ne veut supporter les charges publiques que dans une moindre proportion et dans une forme différente de celle que l’on suit pour les autres citoyens, rompt également l’association civile en ce qui le concerne, qu’il témoigne par là qu’il s’en sépare et qu’il ne lui convient pas d’être uni avec ceux qui la composent ; qu’il s’expose à être considéré comme n’en faisant plus partie, et que chacun peut lui refuser ce qu’il refuse àtous, et n’est pas plus obligé envers lui qu’il ne veut l’être lui-même envers les autres. En appréciant les exemptions des deux ordres privilégiés, d’après ces principes évidents du droit public, en est-il une seule qui doive subsister? Tributs, emplois, corvées, peines, récompenses, tout doit être commun entre les citoyens d’un même empire; nous n’exceptons pas même de cette régie ce qu’on appelle la milice, parce qu’il est possible de la convertir en une prestation pécuniaire dont le produit sera employé à lever des troupes d’une manière moins contraire à la liberté ; ainsi il est indispensable que le clergé et la noblesse se restreignent aux prérogatives purement honorifiques dont ils sont en possession. Voilà l’unique moyen d’empêcher le reste de | la nation de répéter aux deux ordres privilégiés ce qu’il leur disait aux Etats tenus à Mehun-sur-Yèvre, en 1426 : « Que dans le temps où il soute-« nait leur vie à la sueur et travail de son corps, « ils attaquaient la sienne, et que tandis qu ils « vivaient de lui, il mourait par eux. ». Les exemptions enfantent la jalousie, la haine, la discorde ; l’unité d’intérêts qui résultera de leur suppression, fera naître la paix, le patriotisme, la bienveillance universelle, et les Français ne formeront plus qu’une grande famille où les aînés n’emploieront la supériorité de leurs lumières et de leurs forces que pour le bonheur de leurs frères. Les deux ordres privilégiés ont vu trop tard que les trois Etats n’étant qu’un corps dont le Roi est le chef, la misère du troisième était une lièvre lente qui affaiblissait le premier et le second, quoiqu’ils ne la sentissent pas ; mais cette vérité que les deux ordres privilégiés n’avaient pas d’abord aperçue, vient enfin de frapper leurs esprits, et bientôt elle a produit l’effet qu’on devait naturellement en attendre. Le clergé a offert, il y a deux ans, de sacrifier ses privilèges au soulagement du peuple. Les membres les plus distingués de cette noblesse généreuse, qui a toujours prodigué son sang avec tant de courage pour la défense commune, se sont aussi empressés de donner à la nation cette seconde preuve de leur zèle pour le salut public; et la portion de ce corps, si recommandable à toutes sortes d’égards, qui ne s’est pas encore expliquée sur cet objet, ne tardera pas sans doute de suivre un exemple qu’elle était faite pour donner. La magistrature enfin ne s’est en quelque sorte réservée, pour dédommagement de ses pénibles fonctions, que l’honneur de les remplir. Après ce triomphe de la raison, de l’équité et des vertus patriotiques, quels vœux avons-nous encore à former ? Plein de confiance dans la justice de Sa Majesté, qui ne veut régner que par les lois, et dans la sagesse des Etats généraux, qui se feront un devoir de lui indiquer les moyens, le tiers-état du bailliage royal du Nivernais demande : Art. 1er. Que la constitution de la monarchie française repose sur des lois fixes qui déterminent, d’une manière invariable, les droits du souverain et de la nation. Art. 2. Que la liberté de faire tout ce qu’on peut vouloir légitimement, la sûreté personnelle, la faculté de vivre à son gré dans le lieu et dans la profession que l’on a choisis, pourvu que l’on respecte les lois du pays où l’on vit, étant des droits qui émanent de la nature mêmede l’homme, et que l’administration publique est d’autant plus obligée de garantir chaque citoyen, que les membres des sociétés civiles ne sont réunis que pour être plus heureux, le gouvernement ne décerne à l’avenir aucuns de ces ordres arbitraires dont on a abusé si souvent et d’une manièresi effrayante. Art. 3. Qu’il soit irrévocablement arrêté, qu’au moyen de ce que les impôts portent atteinte au droit de propriété, et qu’ils ne sont légitimes qu’autanl qu’ils ont été librement accordés, ainsi que Philippe de Valois l’a reconnu en 1339, le Roi Jean en 1355, Charles VI en 1380, et l’auguste souverain qui nous gouverne actuellement, jiar la réponse qu’il a faite au clergé le 28 juin 1788, par l’arrêt du conseil du même jour, et par un autre arrêt du conseil du 8 août suivant, il n’en puisse désormais être levé que du consentement de la nation régulièrement assemblée. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARL Art. 4. Qu’aucun impôt et aucune contribution quelconques ne soient accordés que pour un temps limité, dont les Etats généraux fixeront eux-mêmes la durée. Art. 5. Qu’il ne soit fait aucun emprunt que du consentement de la nation régulièrement assemblée et délibérant librement. Art. 6. Que, pour s’assurer toute liberté à leur première tenue, les Etats généraux suppriment tous les impôts existants dans le royaume, comme ayant été illégalement établis, et les recréent sur-le-champ provisoirement jusqu’à la fin de l’assemblée seulement, pour statuer de nouveau sur ce grand objet, avant qu’ils se séparent et qu’ils ferment leur première session, par l’établissement des impôts qu’ils croiront devoir substituer à ceux qu’ils auront supprimés, établissement qui ne doit être que la dernière de leurs opérations. Art. 7. Que les impôts qui auront été substitués aux impôts supprimés ne puissent être accordés qu’après une vérification approfondie de la recette et des dépenses nécessaires du gouvernement, et qu’ils soient supportés indistinctemen t parles troisordres en proportion deleurs facultés. Art. 8. Que la précaution la plus propre à déconcerter les efforts que l’intérêt personnel et le crédit ne manqueraient pas d’employer pour se soustraire à la contribution proportionnelle de chacun des trois ordres, aux charges publiques, étant de comprendre les membres respectifs de ses trois divisions générales de la société civile dans les mêmes rôles, et de les imposer tous dans toutes les paroisses où ils auront des fouds et droits fonciers, à raison de la valeur de ces mômes objets, il soit décidé par une loi solennelle et immuable qu’il n’y aura par la suite aucun tribut distinctif, aucun rôle particulier pour aucun ordre particulier du royaume, et aucune cotisation in globo pour qui que ce soit, et que chacun soit contraint par les mêmes formes à payer au même receveur. Art. 9. Que, pour prévenir les dissipations des deniers publics, les ministres soient dorénavant comptables de leurs gestions aux Etats généraux, qui pourront, à leur choix, les juger ou les traduire devant les cours, relativement à tout ce qui peut intéresser la nation. Art. 10. Que les ministres soient tenus, chacun dans son département, de publier tous les ans, par la voie de l’impression, un compte général et détaillé des sommes qu’ils auront reçues et de celles qu’ils auront dépensées pendant le cours de l’année. Art. il. Que, pour faire connaître aux Etats généraux les besoins du gouvernement, Sa Majesté leur fasse communiquer l’état actuel de ses revenus, les fonds nécessaires à chaque département, à l’entretien de sa maison, à celle de la Reine et à celles des autres princes, afin qu’ils puissent aviser aux moyens de payer les dettes de l’Etat, et de rétablir l’équilibre entre la recette et la dépense. Art. 12. Que, pour parvenir à ce but si désiré, l’on supprime toutes les pensions qui n’ont été accordées qu’au crédit, à la faveur et à l’importunité, et qu’on réduise celles qui excèdent le nécessaire relatif des personnes mêmes qui les ont méritées, afin que ces grâces particulières ne soient plus une des causes de la calamité publique. Art. 13. Que l’on supprime les gouvernements des provinces intérieures qui coûtent à l’Etat des sommes considérables pour des places sans fonctions. HENTAIRES. [Baill. de St-Pierre-le-Moutier.J 637 Art. 14. Que l’on supprime également toutes les dépenses qui ne sont pas essentielles à la majesté du trône, à la sûreté de l’Etat et à la tranquillité publique. Art. 15. Que si les besoins du gouvernement ne permettent pas de supprimer les gabelles, cet impôt, qui n’a été exigé en qualité de service public iar Philippe le Long, Philippe de Valois et le roi ean, qu’avec la déclaration précise que c’était une aide extraordinaire dont on déchargerait incessamment les peuples, et qui, après avoir commencé par une contribution de 2 deniers pour livre en 1345, s’est élevé à 52 livres 8 sous 6 deniers parmi nous sous le règne de Louis XV, prix exorbitant qui s’est encore accru depuis, les Etats généraux avisent au moyen de diminuer ce même prix, soit par un impôt direct sur les salines, soit par telle autre voie qu’ils jugeront convenable. Art. 16. Que si les mêmes raisons s’opposent à l’extinction totale des droits d’aides, on cherche du moins à en alléger le poids, et qu’en tous cas le droit révoltant qui se perçoit sur l’eau qu’on jette sur la grappe, après que le vin est tiré, soit dès à présent supprimé. Art. 17. Que, pour éviter l’exportation du numéraire chez l’étranger, le gouvernement permette la culture du tabac dans les provinces qui en sont susceptibles, et que si les Etats généraux jugent qu’il ne soit pas possible de se passer de cet impôt, ils s’occupent du soin de le rendre moins onéreux, et qu’en attendant il soit interdit aux fermiers généraux d’envoyer aux débitants cette denrée en poudre, parce qu'une funeste expérience apprend journellement qu’elle est nuisible à la santé. Art. 18. Que l’unique objet du contrôle des actes devant être, comme on l’a souvent remarqué, d’en constater la date et d’en assurer l’authenticité, la quotité exorbitante du droit établi sur les conventions à l’occasion de cette formalité, soit restreinte à une rétribution moins onéreuse par un nouveau tarif dont la clarté garantisse les parties contractantes du danger des interprétations tyranniques des bureaux des fermes, parce que le tarif actuel, tarif souvent obscur et toujours excessif, dont le gouvernement a reconnu les défauts et promis la réformation par la déclaration du Roi, du 29 septembre 1722, et par le compterendu au Roi en 1781, contredit évidemment le but du législateur/puisqu’il est de fait qu’on aime mieux encourir la peine de nullité et de privation d’hypothèque, en faisant des traités sous signatures privées, que d’acquitter les taxes immenses auxquelles sont assujettis tes contrats publics; que si l’on est contraint de passer des actes publics, on ne balance pas à s’exposer aux frais d’un procès en supprimant les clauses dont Rénonciation rendrait la formalité trop dispendieuse, ou en les embrouillant pour tâcher d’en soustraire la connaissance aux yeux avides du traitant ; que la condition des citoyens est ainsi devenue pire qu’elle n’était avant l’établissement des contrôles ; que si la sûreté était alors moins grande à certains égards, elle l’était plus à d’autres; qu’elle était incontestablement plus générale; que la mauvaise foi altérait moins d’actes que la crainte des droits n’en annulle aujourd’hui; que les gens riches peuvent eux seuls s’y soumettre, et qu’il faut que la loi soit certaine pour que la perception ne soit point arbitraire, qu’elle soit claire pour que celui qui qui paye sache pourquoi il paye; que le droit soit léger pour que sa modicité permette de jouir de l’avantage qu’il procure ; et qu’il soit volontaire pour que le 638 {États gèn. 1789. Cahiers. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Baill. de St-Pierrede-Mputier.] peuple conçoive que c’est en sa faveur qu’il est établi. Art. 19. Que le code de l’insinuation et du centième denier qui, de l’aveu d’un ministre infiniment éclairé, s’est tellement accru et multiplié, que les contribuables ne peuvent le plus souvent juger de ce qu’ils doivent payer, et que les employés des domaines ne le savent epx-mêmes qu’après de longues études, soit retiré et reformé sur le même plan que doit l’être le tarif du contrôle, afin qu’on ne voie pas plus des contraintes en supplément, que l’on n’a vu jusqu’ici de restitutions ordonnées d’office. Art. 20. Que les droits de francs-fiefs, dont les habitants de plusieurs villes sont exempts, soient supprimés partout, parla raison que la possession des fiefs, n’opérant pas aujourd’hui comme autrefois l’affranchissement des gens de mainmorte servile qui y sont levants et couchants, et n’anoblissant pas les roturiers attachés au service militaire comme elle les a anoblis pendant longtemps, cette taxe, qui ne serait d’ailleurs admissible qu’autant qu’elle serait générale, n’est actuellement compensée par aucun avantage; qu’elle est contraire à l’intérêt même de la noblesse qui vend ses propriétés moins cher par la diminution de la concurrence des acquéreurs, et qu’elle n’a dès lors aucun fondement raisonnable. Art. 21. Que le ressort du parlement de Paris et les autres pays où la prorogation du second vingtième a eu lieu, ayant payé plus que les autres provinces du royaume, quoiqu’ils ne jouissent des avantages de la protection publique que concurremment avec ces provinces qui ont été exemptes de cette prorogation, il leur soit fait raison sur les impositions que les Etats généraux croiront devoir créer, delà surcharge comparative qu’ils ont éprouvée à cet égard. Art. 22. Que la culture par domaine, qui est celle que l’on a adoptée dans le ressort du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier, exigeant nécessairement des avances considérables de la part du propriétaire qui, d’après l’usage, laisse à ses colons des blés et des foins engrangés, des blés semés, des prés, des pâtureaux, un cheptel de bestiaux, des ustensiles aratoires, choses que les propriétaires ne sont pas tenus de fournir dans les vignobles, dans les provinces dont les herbages forment un des principaux fonds dans les parties du royaume qu’on appelle de grandes cultures, et dans colles oû les terres s’afferment par arpent, on ait égard, dans l’égalisation des impôts sur les différentes provinces, à ce prêt que les propriétaires du ressprt du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier sont forcés de faire à leurs fermiers, prêt qui a été jusqu’à présent compris dans la ferme, et qui a été en conséquence assujetti à toutes les impositions, quoiqu’il ne dût pas l’être. Art. 23. Qu’il n’y ait jamais qu’une seule collecte dans la mêipe paroisse, et qu’à cet effet les paroisses qui se trouvent de deux généralités, ou de deux élections, soient réunies au district de la même intendance ou de la même élection. Art. 24. Que tous ceux qui seront convaincus d’avoir tenté, ou même conseillé au gouvernement de rétablir les impôts et les ordres arbitraires, soient punis comme traîtres à la patrie. Art. 25. Que les corvées demeurent converties à perpétuité en une subvention 'annuelle et pécuniaire qui sera répartie sur les trois ordres dans la même proportion et dans la même forme que l’impôt principal, si mieux n’aiment les Etats généraux établir des péages sur les voitures, à l’exception néanmoins dé celles qui servent à l’agriculture; que les deniers provenant de l’imposition qui a été substituée à la corvée, ou des péages dont on vient de parler, ne puissent, dans aucun cas et sous aucun prétexte, être employés à un usage différent de leur destination naturelle. Art. 26. Que la milice, qui jette l’alarme dans les familles et qui enlève souvent aux campagnes les sujets les plus propres à l’agriculture, dont il est si essentiel de ranimer les travaux, soit également convertie en une prestation pécuniaire qui sera supportée par les trois ordres en proportion de leurs facultés respectives, et que chaque paroisse ait en conséquence la faculté de lever à prix d’argent les soldats qu’elle devra fournir à l’Etat. Art. 27. Que les douanes intérieures, tant par terre que par eau, qui ont été établies sur les différents objets de commerce, et qui sont si odieuses par l’inquisition à laquelle elles donnen t lieu, par les frais énormes qu’elles entraînent et par les retards qu’elles occasionnent aux négociants, soient supprimées. Art. 28. Que si les Etats généraux jugent à propos d’établir des impôts sur la consommation, ces impôts ne puissent porter sur les denrées de première nécessité; qu’ils ne frappent que sur les manufactures, le commerce en gros, et principalement sur les objets de luxe, afin de rendre le fardeau plus léger, et pour ainsi dire insensible. Art. 29. Que les Etats généraux règlent l’impôt qu’il sera convenable d’établir, tant sur les rentes foncières, constituées et viagères, que sur les propriétés mobilières, et même sur l’industrie, s’ils croient qu’elles doivent être imposées. Art. 30. Que, sans avoir égard à l’intérêt que les ecclésiastiques devront payer pour les dettes du clergé, ils supportent en totalité l’impôt sur leurs possessions comme les autres propriétaires. Art. 31. Que les droits de leyde et de minage, qui mettent des entraves au commerce, soient supprimés. Art. 32. Que les jurandes, les maîtrises ei les communautés, qui étouffent l’industrie naturelle, soient également supprimées. Art. 33. Que les privilèges exclusifs, accordés par le gouvernement aux voitures publiques, et notamment à celles connues vulgairement sous le nom de pataches, soient abolis comme contraires à la liberté naturelle que tout citoyen doit avoir de gagner sa vie comme il peut et de voyager selon ses facultés et les circonstances dans lesquelles il se trouve. Art. 34. Que le département des ponts et chaussées et celui des turcies et levées,., soient réunis en un seul, afin qu’ils ne rejettent pas l’un sur l’autre les dépenses les plus urgentes. Art. 35. Qu’il soit établi dans tout le royaume des Etats provinciaux constitués comme ceux du Dauphiné. Art. 36. Que, pour rendre plus légère la portion que chaque citoyen sera dans le cas de supporter dans les dépenses qu’occasionnera nécessairement. l’établissement de ces Etats, et pour diminuer d’ailleurs l’influence des intérêts particuliers sur l’intérêt général, il n’y ait point d’Etats provinciaux qui n’embrassent au moins les intérêts d’une généralité. Art. 37. Que la province du Bourbonnais, les élections de Nevers et de Château -Chinon, et la partie de la Marche qui est enclavée dans la généralité de Moulins, soient en conséquence réunies pour former des Etats provinciaux particuliers, sous le nom d’Etats du Bourbonnais, et que le nombre des membres de ces Etats, tant pour les assemblées générales que pour la commission fÉtsits géu. 1789- Cahiers. J ARCHIVER pARbEBfENf AIRES». [Baill.de St-Piew-le-Moatier.] 6$$ intermédiaire, soit déterminé d’après la qualité dé la contribution de chacun de ces trois districts. Art. 38. Que la noblesse ne soit plus acquise à pris d’argent, mais par des actions d’éclat, et par desser’vices rendus à l’Etat soit dans la robe, soit dans l’épée, ou par des découvertes utiles à la nation. Art. 39. Que l’ordre du tiers-état soit admis, concurremment avec la noblesse, à toutes les dignités ecclésiastiques sans exception, et à tous les grades et distinctions militaires, aussi sans exception, lorsque son éducation, ses talents, ses mœurs et ses vertus l’en rendront digne. Art. 40. Que la vénalité des charges de judica-ture soit supprimée, sans cependant porter atteinte à leur inamovibilité; que l’administration de la justice devienne gratuite ; qu’il soit attribué aux magistrats des appointements relatifs à leurs places, lesquels seront payés par les provinces ou ilsr seront situés ; qu’il soit créé des tribunaux supérieurs où ils pourraient être utiles ; que les officiers des sièges inférieurs puissent passer aux sièges supérieurs par ordre d’ancienneté ; et qu’en-fln il soit accordé des lettres et des marques de distinction pour les juges, sans aucune récompense pécuniaire, après un certain temps de service. Art. 41. Que tous les tribunaux d’exception, sous quelque dénomination qu’ils puissent être connus, à l’exception des consuls, soient et demeurent supprimés, et que le remboursement qu’il sera nécessaire de faire à la finance des offices qui les forment, ne puisse être effectué qu’en argent comptant. Art. 42. Que les offices d’huissiers-priseurs, qui excitent la réclamation de tous les citoyens, a raison des abus sans nombre qui en résultent, soient et demeurent dès maintenant supprimés, comme tendant à consommer la ruine de la classe la plus malheureuse de la société. Art. 43. Que les justices seigneuriales, qui donnent aux paysans la faculté de plaider, qui augmentent la masse des procédures, qui multiplient les degrés de juridiction, qui favorisent la chicane, qui occasionnent la ruine des parties, en les obligeant à perdre beaucoup de temps et à faire des frais énormes pour les plus minces objets, qui manquent presque toutes d’auditoires et de prisons, et qui n’ont communément pour juges que des praticiens ignorants qui tiennent leurs audiences dans des cabarets, et sont dans la dépendance absolue des seigneurs qui ont le droit et le pouvoir de les destituer arbitrairement, soient supprimées, et que les Etats généraux décident s’il revient une indemnité aux seigneurs, pour la perte du droit de justice, qui est une partie de l’autorité souveraine et qui, à ce titre, semble n’avoir jamais pu être valablement aliénée ni possédée. Art. 44. Que, pour épargner aux personnes qui ont des droits à exercer les longs voyages qu’elles seraient obligées de faire s’il fallait qu’elles allassent chercher la justice aux tribunaux supérieurs des provinces, il soit créé dans le chef-lieu de chaque canton un siège royal, composé de trois juges et d'un procureur du Roi ; ce tribunal jugera en dernier ressort les causes pures personnelles qui n’excéderont pas la somme de 40 livres, et les autres affaires à la charge de l’appel aux bailliages présidiaux. Art. 45. Que les notaires seigneuriaux qui ne sont pas en état de rédiger les conventions les plus simples et chez lesquels il n’y a aucune sûreté pour les rpinutes des actes publics, soient supprimés, à raison des inconvénients qui en résultent pour la société. Art. 46. Que l’ordonnance de Philippe le Bel de 1302, celle de Philippe de Valois de 1344, celles du roi Jean de 1351 et 1355, celle de Charles V de 1357, celle de Charles VI de 1408, et les autres lois postérieurès qui proscrivent les évocations, soient enfin exécutées, et qu’il né soit plus loisible à qui que ce soit, et sous quelque prétexte que ce puisse être, de traduire les citoyens devant d’autres juges que leurs juges naturels, et que toutes les lettres d’évocation et de committimus, obtenues contre la prohibition formelle de ces mêmes lois, soient révoquées sur-le-champ, sans aucune exception, même en faveur de l’ordre de Malte. Art. 47. Que lq procédure civile, dont les frai§ ont dégénéré en un impôt terrible, par les droits de toute espèce qui en sont la suite, soit simplifiée, de manière que le pauvre ait la plus grande facilité d’exercer tous ses droits, et que le riche lui-même ne soit pas dans le cas, comme aujoqrr d’hui, de se ruiner en réclamant les siens. Art. 48. Que le pouvoir des présidiaux soit augmenté à raison de leur utilité ; que, pour rendre ces juridictions plus avantageuses, on détermine, d’une manière irrévocable leur compétence, tant en matière réelle que personnelle, et que l’on prenne toutes les précautions possibles pour avoir des juges plus instruits. Art. 49. Qu’il ne pourra, à l’avenir, être créé aucune commission, aucun tribunal extraordh naire, sous quelque nom et sous quelque prétexte que ce soit. Art. 50. Que la contrainte par .corps, popr dépens adjugés en matière civile, soit défjpitive-ment abolie. Art. 51. Que les particuliers détenus dans les prisons, pour dettes purement civiles, soient séparés de ceux qui y sont enfermés pour cause de délits. Art. 52. Qu’à raison de l’augmentation Ru prix des denrées, la pension des personnes constituées prisonnières pour dettes civiles soit portée à 18 livres par mois. Art. 53. Qu’il soit nommé annuellement dans chaque paroisse, et en proportion de sa population, le nombre de prud’hommes qu’il conviendra, lesquels prêteront serment avant d’entrer en exercice, et ce, sans frais, devant les juges du lieu pour estimer sans frais tous les dommages ruraux qui auront été commis dans leur territoire et qui pourront les juger sans appel, au nombre de deux pareillement sans frais, si lesdits dommages n’excèdent pas la somme de 9 livres. Art. 54. Qu’il soit permis à tout citoyen de stipuler l’intérêt de f argent qu’ils prêtèrent sur de simples billets ou obligations, pourvu que cet intérêt n’excède pas le taux de l’ordonpance. Art. 55. Que, pour faire cesser les banqueroutes frauduleuses qui ruinent insensiblement le commerce, les lois portées contre ces banqueroutes soient remises dans leur première vigueur, et que, pour diminuer le nombre des faillites, ceux qui auront obtenu des lettres de cession soient tenus, à peine de bannissement, de porter le bonnet vert. Art. 56. Qu’il n’y ait plus d’asile à l’avenir contre la contrainte par corps légitimement prononcée. Art. 57. Que les mineurs, même émancipés, ne puissent disposer de leur mobilier, ni passer aucun bail, ni souscrire aucuns autres actes, sans l’assistance et le consentement de leqrs curateurs. 040 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Baill. de Sl-Pierre-le-Moutier.l Art. 58. Que cet abus intolérable, qu’on nomme si improprement le secret des postes , secret qui n’est autre cliose que la violation des faits et des pensées que l’on confie aux administrateurs et aux agents subalternes des postes, soit aboli, comme inutile, immoral et propre à encourager la dangereuse curiosité de ces derniers. Art. 59. Que la liberté de publier ses opinions faisant partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, la liberté de la presse soit accordée indéfiniment, sauf les réserves qui peuvent y être apportées par les Etats généraux. Art. 60. Que Sa Majesté soit suppliée d’assurer aux protestants une existence civile plus réelle, et telle au moins qu’ils l’avaient avant la révocation de l’édit de Nantes, afin d’attacher de plus en plus à la patrie ceux qui y résident, et d’y attirer ceux qui désirent s’y fixer. Art. 61. Que les annates, que les édits de Charles VI de 1406 et 1417, et les édits de Louis XI de 1463 et 1464, ont condamnées, et dont les Etats assemblés à Tours en 1493, et à Orléans en 1560, ont demandé la suppression, parce que ces deniers, qui se transportent à Rome , ne reviennent jamais en France et appauvrissent le royaume, soient appliquées dorénavant au besoin de la nation. Art. 62. Que l’obligation d’obtenir des dispenses de parenté pour les mariages de cousins germains soit supprimée, et qu’à l’égard des dispenses qu’il est d’usage de demander pour les mariages des oncles et des nièces, les évêques soient autorisés à les accorder, chacun dans son diocèse, sans qu’il puisse exiger d’autre rétribution que le droit d’insinuation. Art. 63. Que, pour diminuer le prix de ia main-d’œuvre, et donner une nouvelle activité au commerce et à l’agriculture, toutes les fêtes soient supprimées, ou remises au dimanche qui les suivront immédiatement. Art. 64. Que toutes les assemblées et apports , soient supprimés comme une source de querelles et de débauche. Art. 65. Que les abbayes et prieurés commen-dataires, ou en titres, et tous autres bénéfices simples, de quelque nature qu’ils puissent être, qui ne sont d’aucune utilité dans l’ordre hiérarchique, soient et demeurent supprimés à la mort ou à la démission de chaque titulaire. Art. 66. Que les biens-fonds, droits réels et autres immeubles qui en dépendent, soient vendus pour liquider les dettes du clergé, dans la proportion seulement qui peut les concerner, et que le surplus soit employé, après l’épuisement 'des dimes ecclésiastiques, à l’augmentation de la portion congrue des curés, augmentation qui sera prise, en cas d’insuffisance, sur les revenus des archevêchés, évêchés et autres bénéfices majeurs dont le produit excédera la somme à laquelle les Etats généraux croiront devoir réduire les titulaires de ces derniers bénéfices. Art. 67. Qu’au moyen de cette augmentation de portion congrue, qui sera fixée par les Etats généraux, aucun curé ne puisse, à l’avenir, exiger de casuel pour les baptêmes, mariages, sépultures et autres fonctions de son ministère, à moins que les parties ou leurs parents n’exigent eux-mêmes des démarches, services et autres dépenses extraordinaires. Art. 68. Que si les Etats généraux ne jugent pas convenable de demander la suppression des ordres religieux des deux sexes, rentés et non rentés, il soit défendu à tous ces différents ordres de recevoir des sujets dans leur sein avant l’âge où il est permis de se marier sans le consentement des pères et mères, et qu’en outre ils soient chargés de l’éducation publique. Art. 69. Que les villes et communautés qui ont seules le droit de nommer leurs officiers municipaux, soient, dès maintenant, autorisées à rentrer dans ce droit imprescriptible en remboursant en argent comptant, aux particuliers qui se sont faits pourvoir de charges municipales, le prix de ces différents offices, sur le pied de leurs finances. Art. 70. Qu’on éteigne partout la mainmorte servile, attendu que cet abus, par une suite duquel les serfs n’ont ni la faculté de tester, ni celle de changer de domicile, ni celle de choisir un état à leur gré, expose d’ailleurs les gens de cette malheureuse condition à être partagés comme un vil bétail, quand leur père est mainmortable d’une seigneurie et leur mère mainmortable d’une autre; qu’il est par conséquent contraire au droit naturel et à la liberté générale des citoyens, aux lois du royaume et à l’intérêt public, et qu’on ne peut à ce moyen le considérer que comme le fruit de la violence et de l’oppression. Art. 71. Que le ban de vendanges, dont il résulte tant d’inconvénients, et particulièrement la pourriture et la perte des fruits des vignes les mieux exposées, qui, par cette raison, mûrissent toujours avant les autres, soit pareillement supprimé. Art. 72. Que la taille seigneuriale, les banalités de fours, de moulins et de pressoirs, et tous les autres vestiges de la servitude personnelle et du despotisme féodal, tels que les bordeiages, soient et demeurent également supprimés. Art. 73. Que tout vassal, censitaire et autres détenteurs d’héritages assujettis à la mouvance féodale, ou à des redevances seigneuriales quelconques, autres que celles ci-dessus énoncées, soient autorisés à racheter ces droits, et que pour prévenir les difficultés qui pourraient s’élever à l’occasion de ce rachat, les Etats généraux évaluent le fonds du produit annuel et des profits casuels de ces mômes droits. Art. 74. Qu’en attendant que ce rachat soit effectué, l’exercice du droit de retenue féodale, censuelle,bordelière et taillablière, soit supprimé, par la raison qu’il gène le commerce des propriétés foncières, dont les acquéreurs craignent Je démembrement, qu’il favorise l’accroissement des grandes propriétés, détruit insensiblement les petites, et porte par là une atteinte évidente à la liberté des conventions et à la population. Art. 75. Que les directes seigneuriales, qui n’auraient pas été rachetées, soient partout assujetties à la prescription de trente ans, meme contre l’ordre de Malte, et que leurs arrérages se prescrivent par cinq ans contre tous seigneurs indistinctement. Art. 76. Que les habitants des villes et campagnes soient maintenus dans la possession trente-naire pour les lieux où elle suffit, et dans la possession immémoriale pour les lieux où la coutume l’exige, de tous leurs terrains communaux, tels que prés, bois, terres vaines et vagues, et accruesdes chemins servant de pacages à leurs bestiaux ; que toutes les usurpations de ces terrains, faites dans les paroisses depuis la déclaration du Roi du 13 août 1766, soient déclarées nulles et comme non avenues ; que tous les possesseurs desdits terrains, sans aucune distinction, soient en conséquence tenus de les rendre aux communautés, dans le délai de six mois, à compter du jour de la publication de la loi qui sera rendue à cet égard ; que toutes les habitations pratiquées [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail!, de St-Pierre-le-Moutier.] 641 dans les bois usagers, ou dans ceux des seigneurs ou des particuliers, depuis cette époque, et même celles qui ont été construites à la proximité déterminée par l’ordonnance des eaux et forêts, soient détruites dans le même délai, et attendu que les calamités publiques ont réduit plusieurs particuliers à la mendicité, et les ont forcés de se bâtir des .chaumières et à cultiver des terrains en friche, déclarer ces infortunés propriétaires desdites chaumières, soit qu’ils se soient emparés des terrains sur lesquels ils les ont construites, soit qu’ils leur aient été concédés, sans que ni les seigneurs ni les communautés puissent répéter contre eux aucunes redevances ou prestations ; qu’il soit aussi laissé à chacun d’eux un arpent de terre joignant lesdites chaumières, pour fournir à leur subsistance et à celle de leur famille, à la charge que ceux qui en auraient pris, ou s’en seraient fait concéder une plus grande quantité, seront tenus de la rendre aux communautés, sans indemnité, sans que personne puisse par la suite s’approprier les communaux restants et que la possession depuis le 13 août 1766 puisse suffire aux seigneurs qui auront usurpé ou concédé des terrains de cette espèce, sur lesquels les communautés d’habitants leur payent des droits. Art. 77. Que tous propriétaires aient la liberté de chasser sur leurs terres ; que nulle personne n’ait le droit de chasser sur les propriétés d’autrui, et qu’il en soit de même pour les eaux mortes que chacun peut avoir chez soi, et dans les ruisseaux, le long desquels on aura quelques héritages. Art. 78. Que l’ordonnance militaire, qui inflige pour des fautes légères la peine de coups de plat de sabre, soit réformée, comme contraire au caractère national. Art. 79. Que la maréchaussée soit augmentée de moitié, et que, par une nouvelle ordonnancé, son service soit dirigé d’une manière plus utile, et qu’en conséquence, elle soit obligée de mettre à exécution les décrets décernés par les juges, sans l’assistance des huissiers. Art. 80. Que la liberté étant une propriété sacrée et le plus précieux de tous les biens, aucun citoyen ne puisse être arrêté que pour un crime emportant peine afflictive ou infamante, et qu’en vertu d’un jugement rendu par trois juges dans les bailliages et sénéchaussées, à moins que l’accusé ne soit arrêté en flagrant délit. Art. 81. Que les justices royales d’arrondissement, dont on demande la création, soient assujetties à la même règle. Art. 82. Qu’après le premier interrogatoire, il soit libre aux accusés dsavoir un conseil pour les éclairer dans leurs réponses, et vérifier l’exactitude de la procédure ; qu’à cet effet il en puisse prendre communication chaque fois qu’il le jugera à propos, en en donnant sa charge au greffe, sur un registre à ce destiné et paraphé par le lieutenant criminel, et à condition qu’il ne pourra la garder, chaque fois, plus de vingt-quatre heures. Art. 83. Que les honoraires de ce conseil soient réglés et payés par les Etats provinciaux. Art. 84. Que, pour détruire l’injuste préjugé qui fait rejaillir sur une famille entière la faute d’un de ses membres, il n’y ait à l’avenir aucune distinction de peine entre les membres des trois ordres ; que les mêmes crimes soient toujours punis de la même manière, et que l’on préfère celle à laquelle l’opinion publique n’a attaché aucune infamie. Art. 85. Que la peine de mort ne soit doréna-lre Série, T. V. vant prononcée que pour les cas d’incendie, de poison, d’assassinat et de viol. Art. 86. Que la question préalable soit abolie, comme contraire à l’humanité, à la justice et à la raison, qui ne permettent pas de torturer un accusé pour le crime d’autrui. Art. 87. Que le droit de confiscation soit maintenant aboli, tant en matière civile qu’en matière criminelle, sauf à faire payer les dommages qui pourront être dus selon l’estimation qui en sert faite par experts dans tous les cas purement civils. Art. 88. Que tous les juges, tant supérieurs qu’inférieurs, soient tenus de motiver les jugements qu’ils rendent en matière criminelle, et que tous leurs jugements soient imprimés, publiés et affichés dans le lieu de l’exécution et dans celui où le délit aura été*commis. Art. 89. Que, pour détruire les impressions fâcheuses que les rigueurs de la procédure criminelle laissent souvent dans les esprits contre les personnes qui ont été accusées d’un crime capital dont elles étaient innocentes, tous les jugements d’absolution soient également rendus publics parla voie de l’impression et d� l’affiche, aux frais de l’Etat. Art. 90. Qu’il soit fait défenses au ministère public d’interjeter appel des jugements d’absolution , ou qui ne prononceront aucunes peines afflictives ou infamantes, lorsqu’ils auront été rendus par cinq juges, ou trois juges et deux gradués, et que les accusés y auront acquiescé. Art. 91. Que les prisons, qui ne doivent être considérées que comme un moyen de sûreté pour la société, et non comme une peine, soient rendues assez saines pour ne pas altérer la santé des personnes qui y sont détenues. Art. 92. Que, pour réprimer les abus de toute espèce qui se commettent dans les maisons de force, elles soient soumises à l’inspection immédiate des juges ordinaires, qui les visiteront toutes les semaines, se feront rendre compte, tous les mois, par les administrateurs, de leurs gestions, et pourront, étant instruits du motif de la détention de chaque particulier, l’élargir lorsqu’ils l’auront jugée assez longue, après avoir toutefois appelé les parties intéressées. Art. 93. Qu’en attendant que le gouvernement prenne des mesures pour faire cesser cette multitude de coutumes diverses qui fait de la France de petits Etats séparés, soumis à des lois et à des usages différents, qu’il n’y ait dans le royaume qu’uiïe seule mesure et qu’un seul poids. Art. 94. Que l’article 14 du chapitre xxxiv de la coutume de Nivernais, qui exclut les sœurs et leurs descendants des successions collatérales, au profit de leurs frères et de leurs enfants, soit supprimé, comme établissant une préférence réprouvée par le droit naturel. Art. 95. Que les Etats généraux ne se séparent pas avant d’avoir rédigé, de la manière la plus claire et la plus précise, la déclaration des droits de la nation et les lois de sa constitution, pour être imprimée, publiée et inscrite dans les registres de tous les tribunaux et de toutes les municipalités. Art. 96. Que les membres des Etats généraux ' soient sous la sauvegarde de la nation, et qu’on ne puisse, en aucun cas, les attaquer pour ce qu’ils auront dit ou proposé pendant la tenue des Etats généraux, que devant les Etats généraux eux-mêmes. Art. 97. Que les lois qui auront été arrêtées pendant les Etats généraux et sanctionnées par 44 642 [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Baill. de St-Pierre-le-Moulier. Sa Majesté, ne puissent être retirées, suspendues ni modifiées que du consentement des Etats généraux. Art. 98. Que, pour assurer le retour de l’ordre et la stabilité des mesures que l’on aura prises pour y parvenir, il soit irrévocablement arrêté, à la prochaine assemblée des Etats généraux, qu’ils s’assembleront périodiquement à l’époque qu’ils jugeront à propos de déterminer eux-mêmes. Le présent cahier de doléances a été lu et arrêté en présence de nous, Pierre Gabriel Yyau de Bau-dreuille, conseiller du Roi, président, lieutenant général au bailliage royal du Nivernais et siège arésidial de la ville de Saint-Pierre-le-Moutier, en a chambre du tiers-état, cejourd’hui 22 mars 1789, et avons signé avec notre greffier-secrétaire; et tous les députés présents, tant pour eux que pour les paroisses de Parigny-lès-Yaux, Druye et Mar-nay, Patinges, Chantay, Sauvigny-lès-Ghanoines, Coûrs-lès-Barres, Saint-Parize en Viry, Gien-sur-Cure, Brassy-Saint-Léger, Argenvière-Vaudenesse, Béard, Saihte-Montaine, Sougy-Saint-Revérien, Dun-lès-Places, Chamvoux, la Chapelle-Hugon, Soulangy, Saint-Bonot, Satinges-Saint -Hilaire, Chalny, Aglan, Saint-liubin, Franay, Meneton-Ralel, Buley, Marseilles-lès-Aubignÿ et Gurlin, dont les cahiers ont été confiés aux députés présents pour en faire la réunion au cahier précédemment arrêté par les commissaires nommés dans l’assemblée préliminaire du 9 de ce mois. Ainsi signé à la minute : Vvau de Beaudreuille, lieutenant général ; Perrot ; Sautereau; Ballard; Perrin; Dumont de Verville; Millin fils ; Roch ; Desbans; Garo; Tapenier de Villars, comte de Rochambeau; Richou; Picart; Fouet; Massue-Durie; Dumini tîls ; Paichereau; Beaufils de Saint-Vincent; Leblanc; Hecquard des Nues; Brière-Guillerault ; Legoube-Girard; Jourdan de la Garenne; Munor; Jourdan de Mazo; Heulhard; Joly-maire; Sabathier;Renat; Egrot; Rollot; Gourjon; Aladane de Paraize ; Desgranges de Maubou; Vaucorel; Monty; Gabaille de Vasselange; Martin; Paulmeulé ; Duvernoy de Vamont ; Jacquand-Coltin ; Rasse; Gosson de la Lande; Dumas; Dau-banton; Jean. Collas ; Charrette;' Sosse; Lasné du Colombier; Parent d’Heuvy; Libault ; Ravateau; Lenoir; Gottin; Magdelenat; Robin; Mulon; Magnan; Malaisé; Voillot; Lapré; Lavet; Marquet; Guillemenot; Normand; Vinet; Signoret, sans approbation de l’article de la suppression des ordres religieux ; Perrein ; Brotot ; Bobin ; Décombe; Laurent; de Vallory; Paillard ; Goguelat de Lorien et Lapra, greffier-secrétaire. PÉTITION PARTICULIÈRE DE LA VILLE DE CHATEAU-CHINON EN MORVAN. Remontre très-humblement, la ville de Château-Chinon, qu’elle est le chef-lieu du Morvan, contrée assez étendue pour former une province séparée, et qui fait partie du Nivernais, dont elle n’est distinguée que par la stérilité de ses terres. Ce pays, dont il est indispensable de donner ici la description, est éloigné de plus de vingt-cinq lieues du bailliage royal de Saint-Pierre-le-Mou-tier ; il est hérissé de montagnes élevées, couvert de bois ; coupé en tous sens par des routes escarpées et des rivières profondes, dont le volume et la rapidité augmentant tout d’un coup, tant en été qu’en hiver, soit par la chute des pluies, soit par la fonte subite des neiges , interrompent, faute de ponts, toute espèce de communication. C’est à travers les obstacles, les difficultés que présentent à chaque pas les chemins toujours périlleux, souvent impraticables, que la mauvaise foi, après avoir fatigué les parties en première instance, les traîne à grands frais devant le tribunal d’appel, où, en les engageant dans des dépenses ruineuses, elle achève d’épuiser en pure perte leurs facultés. Cet inconvénient est d’autant plus dangereux, que les propriétés du Morvan sont extrêmement morcelées, qu’elles sont divisées à l’infini, circonstance qui lui est commune avec tous les terrains ingrats, tous les sols arides, dont la culture exige des forces nombreuses, des bras multipliés. Cette diversité de possession est le germe d’une foule de procès sommaires, à la vérité, mais qui ne pouvant, si modiques soient-ils, être décidés en dernier ressort dans les justices seigneuriales, donnent ordinairement naissance à des procédures dispendieuses, lorsque la partie qui succombe a l’imprudence de se pourvoir par la voie de l’appel. L’avantage que l’Etat trouverait à épargner, à la classe malheureuse des laboureurs, des dépenses inutiles, et surtout la perte d’un temps précieux, indique de la manière la plus pressante la nécessité de rapprocher les justices des justiciables, en créant, pour toutes les villes susceptibles de cet établissement, et notamment pour Château-Chinon, des bailliages royaux qui jugeront eu dernier ressort jusqu’à concurrence de 100 livres, ou de telle autre somme que Sa Majesté voudra fixer ; projet qui doit souffrir d’autant moins de difficulté à l’égard de cette ville, qu’elle a déjà été regardée, par sa , situation, comme le centre d’une quantité suffisante de rapports, pour devenir le siège d’une élection considérable, et celui d’un grenier à sel. Les mêmes raisons qui déterminent la ville de Château-Chinon à solliciter la création d’une justice royale, lui donnent lieu d’espérer que Sa Majesté ne lui refusera pas celle d’une juridiction consulaire, ce siège n’ayant été institué que pour rendre une justice moins coûteuse, plus expéditive, et Nevers, où est établi celui dont relèvent les commerçants du Morvan, étant éloignée déplus de treize lieues de la capitale de ce canton. Mettre ces sortes de tribunaux hors de la portée de ceux qui leur sont sujets, c’est s’écarter du but de leur établissement. Enfin, on prendra la liberté d’observer que la ville de Château-Chinon ne peut se passer d’une subdélégation du bureau de l’hôtel de ville, à moins que Sa Majesté ne croie à propos d’attribuer aux justices ordinaires la connaissance des procès relatifs aux bois destinés pour la provision de Paris, les salaires des mouleurs, ceux des charretiers , les passages , empilages , occupations, etc., engendrant tous lés jours des débats purement provisoires et de très-peu de conséquence. N’est-ce pas un abus énorme que de forcer de misérables ouvriers de porter devant M. le prévôt des marchands, ou le subdélégué de Cla-mecy, des réclamations qu’il leur serait facile de faire juger sans tant de retard, et à moins de frais, dans une juridiction moins éloignée. C’est au centre même des contestations qu’une branche de commerce fait naître, que la saine politique exige que soit placé le tribunal qui doit en connaître, Ainsi signé à la minute : Millin ; Duvernoy de Vamont ; Roch ; Tapenier de Villars ; Richou ; Rollot, comte de Rochambeau ; Cottin ; Jean Collas ; Perrein ; Paul Meulé ; Bobin ; Martin ; Charrette; Lenoir; Cottin ; Devallery; Rasse et Ravet. [États gén. 1189. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail!, de St-Pierre-le-Moutier.] 043 PÉTITIONS PARTICULIÈRES De la ville de Pouilly-sur->Loire , pour être jointes au cahier général du bailliage royal de Saint-Pierre-le-