lAasamblé* nation&lo.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 avril 1T91.I IfJ pourra donner beaucoup de jour sur la question délicate et importante que voua avez à traiter; il présente d’ailleurs le développement judicieux des considérations qui les ont engagés à soumettre leurs vues à l’Assemblée nationale. Voici cette pétition : « Les citoyens marchands-fabricants de la ville de Paris ont l’honneur d’exposer à l’Assemblée nationale que, , ainsi qu’on l’avait prévu, les besoins de la circulation sont loin d’étre remplis par la coupe actuelle des assignats, attendu que les fractions, depuis 100 jusqu’à 50 livres, où ces divisions s’arrêtent, apportent bien peu de facilité dans les affaires de détail, c’est-à-dire dans celles qui, sans comparaison, sont les plus nombreuses, les plus nécessaires, les plusimportante3. Cela devait arriver ainsi, quoique, par l’échange des assignats entre eux, on puisse parvenir à faire des assignats de 10 livres; car, pour faire ce payement, il faut avoir des assortiments d’assignats; il faut avoir un fond décaissé. Or, ce rond, Messieurs, n’est communément convenable et possible qu’à de riches marchands, soit en gros, soit en détail, ou à de riches capitalistes. « L’expérience n’a cessé de prouver qu’on ne eut attribuer le renchérissement du numéraire un prétendu discrédit des assignats; car d’un côté la valeur du numéraire ne s’est pas élevée en raison de l’émission d’une grande quantité d’asBignats, comme l’annonçaient ceux qui s’opposaient à cette opération ; et de l’autre, on voit que les assignats ae petites sommes, quoique trop fortes encore, jouissent d'une faveur dont ne jouissent pas ceux de 1,000 et de 2,000 livres, faveur qui a été jusqu’à 3 0/0 de bénéfice. On a môme observé que l’usage comme monnaie des petits coupons représentatifs de l’intérêt, originairement attribué aux petits assignats, avait influé sur le prix de l’argent; qu’il l’avait fait retomber à un taux modéré; et que cet effet salutaire a cessé depuis que le Trésor public a pris soin de retirer de la circulation ces coupons dont on ne lui demandait pas le remboursement. « Enfin on n’aura plus de doute sur la nécessité de combattre l’enchérissement du numéraire par de petits assignats, si l’on fait attention à la manière dont le numéraire métallique se trouve lui-mème divisé. Les pièces sont plus nombreuses à mesure qu’elles diminuent de valeur; il y a plus de pièces de 6 livres que de 24 livres; plus de pièces de 24 sols et de 12 sols, que de pièces de 3 livres; plus de pièces de cuivre que de pièces d’argent, tandis que la coupe des assignats est faite dans le sens inverse des besoins, en sorte que les petits renchérissent à cause de leur rareté. Cependant cette sorte d’augmentation dans le prix du numéraire, lorsqu’elle résulte évidemment d’un vice dans le mécanisme de l’organisation, impose un tribut sur l’industrie et les premiers besoins; et le mal s’accroît jusqu’à ce qu’on ait trouvé le remède. « Le besoin d’arrêter le mauvais effet du défaut de petits assignats a été si bien senti dans les villes du commerce, qu’on a vu se former, dans plusieurs de ces villes, des compagnies qui, pour éviter l’échange onéreux des assignats ont mis en circulation de petits billets de 12 et de 6 livres; et leur utilité s’est trouvée telle qu’avec la liberté de les refuser, ils y gagnent contre les assignats et sont admis par les ouvriers, par les journaliers et, en général, par la classe des citoyens la plus formée à la défiance; mais ces billets et ceux du môme genre seront toujours insuffisants, tant qu’ils seront circonscrits dans les limites d’une ville; et ne pouvant mériter ailleurs la même confiance, ils ne peuvent produire qu’un effet partiel et gênant pour la Circulation d’une ville à l’autre. Leur bigarrure favorise la fraude. Le moindre accident peut les discréditer. Cet accident peut venir de la seule réflexion que ce papier n’étant point reçu en payement de biens nationaux, ôn entrevoit un moment où il en restera dans plusieurs mains, sans possibilité d’échange, puisque l’établissement qui en fait l’émission ne s’oblige qu’à les payer en papier. « Dira-t-on que la représentation des petits billets doit se trouver en assignats dans les caisses? Mais peut-on compter que partout l’espoir du gain ne dirigera pas ces établissements? Et s’il les dirige, quel garant aura-t-on que des billets qui représentent des assignats trouveront toujours des assignats? Enfin dès que ces billets ne repré-sentent que des assignats, n’est-il pas plus simple et plus conforme à l’ordre que la nation fasse elle-même de petits assignats qui, sans intermédiaire, s’éteindront comme les gros, danB l’acquisition des biens nationaux? « 11 est d’autant plus nécessaire de se résoudre à une division qui complète le système monétaire des assignats, qu’on se flatterait inutilement du prompt retour de l’abondance du numéraire effectif. Nous ne pouvons rembourser aux étrangers la partie de la dette publique qui leur appartient, qu’avec du numéraire. La balance du commerce ne se rétablira que lentement en notre faveur; et, en attendant, le Trésor public, qui achète l’argent chez l’étranger à 16 0/0, fait une opération tellement ruineuse que, en ne le renouvelant que quatre fois par an, il lui en coûtent millions pour en acquitter 25, sans compter les frais extraordinaires et les pertes indirectes qui en résultent. « Doutera-t-on après cela qu’il ne soit temps de faire cesser cet ordre de choses? Et comment y parviendrait-on, si ce n’est en rendant les écus moins nécessaires? Or, on ne peut obtenir ce résultat sans détruire l’intervalle qu’il y a entre les assignats de 50 livres de cette monnaie d’argent, c’est-à-dire en créant une quantité de petits assignats qui descendront jusqu’à 15, 12 et 5 livres. « Il est démontré que les billets que mettraient dans la circulation les établissements particuliers ne peuvent circuler avec le même avantage ni avec la même confiance que les assignats. Il est démontré que le peuple ne repoussera pas les petits assignats, puisque dans plusieurs villes les ouvriers reçoivent les petits assignats qui en tiennent lieu. Il est démontré que les opérations du Trésor public ne font qu’empirer le mal et sont ruineuses sous tous les rapports. Rien ne doit donc arrêter l’émission des petits assignats. « L’Assemblée nationale n’a qu’à décréter que les assignats brûlés seront remplacés, somme pour somme, par des petits assignats, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive d’une émission suffisante dans tout le royaume. Bien entendu que l’Assemblée fixerait un maximum auquel on ne serait pas obligé d’atteindre, mais qui préviendrait toute inquiétude sur une émission totale supérieure à la valeur des biens nationaux. C’est à quoi nous concluons dans cette respectueuse adresse. » Cette pétition est signée de près de 400 citoyens. M. Prugmon. Messieurs, je vais d’abord vous présenter les raisons qui s’élèvent contre l’énqis- 428 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 avril 1791.1 sion de petits assignats, pour qu’elles soient bien connues et afin que, si l’Assemblée en décrète la création, ce ne soit pas sans avoir aperçu les inconvénients dont ils sont susceptibles. On peut dire d’abord que l’assignat est le représentant du numéraire; et le résultat nécessaire de la présence du représentant est de faire disparaître progressivement le représenté. L’assignat fait les fonctions du numéraire, mais il en est qu’il ne peut remplir; il ne peut faire tout ce qui fait l’argent. Ce n’est pas seulement parce qu’il n'est pas de convention universelle, c’e>t parce qu*il ne peut être divisé tellement qu’avec lui on soit en état d’acheter et de mesurer les plus petites valeurs. L’assignat va donc nécessairement chercher l’argent; et par cela seul, l’argent doit le rançonner. Les gros assignats sont d’une négociation plus difficile que les petits; et par une juste conséquence, les petits doivent rançonner les gros. Voilà la marche éternelle des choses. Chaque fois que le petit assignat, fût-il de 5 livres, comme on le propose, ne pourra faire ce que fait l’argent, l’argent gagnera sur lui. Ainsi donc, proposer de faire des assignats de 5 livres, c’est proposer, en d’autres termes, de faire subir au pauvre la perte que subit aujourd’hui l’homme aisé. C’est là vraiment la précision de la thèse. M. Rabaud-Saint-Etienne. Je demande la parole pour rectifier un fait. M. le Président. Vous n’avt z pas la parole. M. Prugnon. Si M. Rabaud m’avait écoulé, il saurait que j’ai d’abord annoncé les raisons qu’on peut apporter contre l’émission; et celle-ci est certainement une des plus spécieuses. Avant la création des assignats de 50 livres, toutes les caisses étaient réduites à payer en écus toutes les sommes au-dessous de 200 livres. L’homme aisé payait aussi en espèces, sinon tous les fournisseurs, au moins tous les ouvriers. Du moment où les assignats de 50 livres ont paru, la perle qu’il subissait seul a commencé à peser en partie sur les ouvriers; et il a attendu, pour les payer, qu’il fût leur débiteur de 50 livres et au delà. Que vous fassiez maintenant descendre l’échelle jusqu’à cent sous, ce sera non seulement l’ouvrier, mais le journalier, l’homme de peine qui supporteront la peine qu’essuiera l’assignat. Celui qui achetait des écus pour payer ces trois classes n’aura plus à en acheter ; et ce seront elles qui se trouveront réduites à le faire. Les coupons, va-t-on s’écrier, ne perdaient pas, pourquoi les petits assignats perdraient-ils? 1° Les coupons étaient conversibles en écus à la volonté du porteur, à la caisse de l’extraordinaire, et les petits assignats ne le seront pas. La différence est immen-e. Un papier ne peut approcher du niveau de l’argent, ou s’y mettre, que lorsqu’il est réalisable en écus à la volonté du porteur et sans perte; 2° Il y avait pour 1,500,000 livres de coupons ou à peu près, et ils ne sont guère sortis des murs de Paris, ou au moins les exceptions sont rares, et il s’agit ici d’un papier que l’on prétend faire circuler dans les campagnes et dans la classe indigente, puisque le fabricant et l’homme qui lait travailler le journalier quelconque le payera avec cela. On oppose encore quil y a eu des assignats conventionnels à Lyon, et qu’ils y ont réussi. Je réponds d’abord, qu’il n’y a nulle comparaison à établir entre des assignats payables par des particuliers, entre de bonnes lettres de change et des billets sur l’Etat. Ces effets conventionnels ne sont pas seulement réalisables en écus à volonté; mais ils sont libres et de pure confiance. Enfin, cela peut réussir dans une ville de manufacture, et qui renferme tous ses ouvriers dans son sein ; mais cela le serait-il dans une autre, dans une ville de manufactures dispersées, dont les ouvriers sont répandus dans la campagne, à Rouen, par exemple? Mais l’in— llexible nécessité renverse, ou au moins ébranle ces considérations. L’argent s’élève et s’élèvera; nul moyen direct de le faire baisser. Dès que vous frappez l’agiotage, il se retire, mais il emporte l’argent avec lui. C’est une idée beaucoup trop hardie que d’essayer de se passer d’argent; il faut seulement tâcher d’en avoir moins besoin : et les assignats sont le moyen unique; car nous n’avons pas le choix des moyens. Un remède nous est indispensable, et melius est anceps remedium experiri, quàm nullum. Ce n’est point une émission nouvelle, c’est seulement une division différente. Mais, je ne descendrai pas aussi bas qu’on vous propose de le faire. Law lui-même ne passa pas 10 livres, et on trouva qu’il avait été trop loin. Cen’e-t pas que je veuille établir une comparaison entre le système de Law et le vôtre. Il y a autant de différence qu’entre le vin du clos Yougeot et celui de Suresne; mais il faut se tenir toujours à une juste distance des écus; il ne faut pas que l’on puisse s’en passer; car on n’en verrait plus. Les assignats de 5 livres auraient d’ailleurs un inconvénient doublement à craindre pour la nation ; ou leur fabrication serait très soignée, et alors elle coûterait énormément; ou elle ne le serait pas, et alors il y aurait une grande faculté de les contrefaire. Nul danger égal à celui-là. Quel temps n’emporterait pas une fabrication de ces petits écus de papier; et quand la circulation pourrait-elle en jouir? Arrêtons-nous donc à 10 livres, non pas seulement pour ne pas faire disparaître entièrement le numéraire, mais pour diminuer et les frais et le danger de la contrefaçon; et enfin pour qu’on ne spécule pas sur les assignats de 5 livres, comme on le fait sur les écus. Si vous franchissez cette ligne, le pauvre et le journalier seront sous l’oppression au papier. Il nous faut du papier nouveau; sacrifions à la nécessité, mais ne faisons que les sacrifices qu’elle commande impérieusement, et sachons nous arrêter aux limites. Décréter des assignats de 5 livres, c’est bannir tous les écus de la circulation, et c’est un genre d’ostracisme qu’un Etat ne se permet pas impunément. Je conclus à ce que la nouvelle émission soit faite en assignats de 20, 15 et 10 livres. M. Aubry-du-Bochet. Messieurs, dans le plan que je vais vous proposer, je ne chercherai pas à vous démontrer que l’émission de petits assignats doit être fixée à telle où telle quantité ; mon but est de vous découvrir comment l’agiotage a fait disparaître les écus. Ainsi je vous prie de ne pas vous impatienter. (Rires.) On ne peut détruire l’agiotage si l’on n’en connaît la véritable cause. La différence de valeur entre l’écu-papier et l écu-monnaie l’a fait naître, et cette cause se représente sous autant de formes qu’il y a d’assignats de différentes valeurs. Le gros assignat est une richesse réelle ; il augmente le numéraire même en perdant. Le petit assignat, quand il perd, et il a toujours perdu 429 (Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» 129 avril 1791*] jusqu’à ce jour, fait naître l’agiotage par la disparition du numéraire. Le seul moyen de rétablir la circulation du numéraire est de trouver une mesure qui mette au pair avec l’argent, ou au moins le plus près possible du pair, l’assignat, et c’est dans cette vue que j’ai présenté à l’Assemblée un projet de décret sur l’établissement d’une caisse de remboursement et échange d’assignats à bureau ouvert, tellement organisée, que sans autre inconvénient que celui d’attendre son tour, on puisse recevoir en écus le remboursement d’un assignat de 50 livres, ou échanger un autre assignat contre un plus petit assignat, avec l’appoint en espèces, ou contre deux autres assignats seulement. Avant d’indiquer la forme de cet établissement, j’ai dû suivre les assignats dans leur marche successive depuis leur émission, et j’ai dit : Les assignats occasionnent aujourd’hui une véritable révolution, un nouvel ordre de choses, et ce n’est qu’en adoptant par la suite une marche contraire à celle quon a suivie, que le numéraire peut reparaître. J’ai dit encore : Il n’est pas vrai que nous manquions véritablement de numéraire; mais, par la manière dont il se renouvelle aujourd’hui, il est certain qu’il s’en faut de beaucoup que nous en ayons assez, et dans ce cas, c’est pour nous la même chose que s’il n’existait pas. Nous devons donc chercher le moyen de Je rappeler à sa circulation naturelle. Pour cela connaissons d’abord le mal et nous appliquerons le remède. Avant l’émission des billets de la caisse d’escompte, deux à trois milliards circulaient. Dans ces premiers temps, les billets de la caisse ont facilité le commerce, mais il n’y avait alors que de gros billets, et dans ce temps le billet ne perdait rien. L’établissement était, il est vrai, dans toute sa pureté; les marchands d’argent n’avaient point calculé sur d’autre bénétice que celui résultant de l’intérêt légitime que la compagnie devait retirer jusqu’à l’époque du billet ou lettre de change qu’elle avait escompté, et dans ces heureux temps, sous ce rapport seulement, le gouvernement n’avait rien de commun avec les actionnaires de la caisse d’escompte; mais depuis les choses ont bien changé de face. A l’époque de l’ouverture de l’Assemblée nationale, on voyait encore des écus, parce qu’à cette époque il n’y avait que peu de billets de caisse de 2 ou 300 livres; depuis on les a multipliés, et les écus ont disparu, et la cause de cette disparition était naturelle. Les porteurs d’assignats ou billets de caisse se multipliaient. Ils avaient des dépenses à faire au-dessous de 2 et 300 livres; ils ne pouvaient le faire qu’en escomptant les billets et les assignats, et alors il est arrivé qu’il s’est établi deux prix très distincts entre les écus-papier et les ecus-monnaie. Le papier perdant a toujours circulé ; les écus-monnaie gagnant n’ont circulé que dans cette circonstance; or, dans toutes les autres, l’écu-monnaie est resté dans le coffre. En effet, avant qu’il y eut une différence sensible entre l’écu-papier et l’écu-monnaie, l’un et l’autre avaient cours indifféremment, et nos 2 à 3 milliards en espèces, qui circulaient sans cesse, servaient de change dans toutes les parties de l’industrie et du commerce. Depuis que le papier vaut moins, c’est toujours le papier qui circule. Or il n’y avait, avaat la dernière émission d’assignats, que 400 millions d’écus-papier; donc, à cette époque, les 2 à 3 milliards d’écus-monnaie, ne circulant que pour le change de 400 millions d’assignats, les cinq sixièmes des écus sont restés dans le coffre-fort, où ils reposent encore. Tout cela me paraît évident. On a cru remédier à cet inconvénient, dans la dernière émission, en faisant des assignats depuis 50 livres jusqu’à 100 livres, mais le contraire est arrivé, et l’on devait s’y attendre; car en diminuant la valeur de l’assignat, on a fait enfermer un plus grand nombre d’écus; on a fait plus; on a fait enfermer les petits assignats eux-mêmes, et cela par une suite de leur rapprochement avec les écus, et parce qu’ils ont en effet une valeur supérieure aux gros assignats. S’il est vrai que les petits assignats ont produit des effets si funestes, à quoi ne devons-nous pas nous attendre, si, sans aucune précaution, nous décrétons une émission considérable de petits assignats, soit de 5 livres, soit de 10 livres? car il arrivera certainement, commeil est arrivé dans les deux premières émissions d’assignats, que le numéraire diminuera encore, et que sa rareté sera telle, qu’on ne verra plus d’écus, qu’on accaparera jusqu’à la monnaie, pour la vendre aux porteurs d’assignats de 5 livres, c’est-à-dire aux pauvres , et par conséquent au plus grand nombre. Mais en prenant des précautions, car je pense qu’il nous faut de petits assignats, ce malheur n’arrivera pas. Ces précautions ne sont autre chose que l’établissement que j’ai proposé; j’y reviens, mais avant, l’Assemblée doit seconvaincre de cette vérité constante, c’est que le gros assignat, qui ne peut être qu'entre les mains du riche, augmente, par cela seul, la circulation du numéraire, et que les petits assignats le font renfermer, et que par conséquent elle doit, par une disposition particulière, déclarer que, quand on sera parvenu à remettre le papier au pair de l’argent, on brûlera de préférence les petits assignats pour conserver les gros. Sans cette précaution, l’agioteur, qui veille sans cesse, ne tardera pas, par d’autres combinaisons que l’on ne peut prévoir, à faire renaître de nouveaux abus ; mais, qu’on adopte cette mesure, le combat cesse alors faute de combattants ; car, plus de petits assignats, plus d’assignats au-dessous de 1,000 livres, plus d’agioteurs; ces derniers n’existent et ne peuvent exister que par de petits assignats. Il est inutile je pense d’en dire davantage; aussi, je me résume, en répétant qu’on ne peut remettre véritablement le papier au pair avec l’argent, qu’en adoptant cette caisse de remboursement (1) à bureau ouvert, dont j’ai fait distri-(1) On doit concevoir aisément que l’organisation de cette caisse de remboursement présente, pour une même personne, trois motifs qui l’appellent à recourir à cette caisse : l’échange d’un assignat de SO livres pour de l’argent ; l’échange d’un assignat quelconque pour un assignat, et 10 livres d’appoints pour 2 assignats et enfin le placement d’une somme d’argent quelconque, depuis 200 jusqu’à 2,000 livres, pour un bénéfice ou intérêt depuis 2 jusqu’à 6 0/0, en proportion de la somme d’argent qu’il veut placer, mais qui ne peut être moindre de 2 livres, ni supérieure à celle de 2,000 livres pour chaque personne ; et l’on doit reconnaître alors que dans l’hypothèse où les trois sections de cette caisse seraient en pleine activité, il s’y négocierait chaque jour pour 900,000 livres d’affaires, qui coûteraient à la nation 12,000 livres, mais qui ména-Seraient aux citoyens plus d’un million chaque jour. r doit-on hésiter d’accueillir un tel établissement qui 430 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 1791.) buer le projet de décret, et (à rétablissement de laquelle je pense qu’on ne peut faire d’autres objections que celle de dire qu’on n’apportera pas chaque jour les 300,000 livres dont il s’agit dans l’article 9 du projet de décret. Mais à cela je réponds, et c’est précisément la raison pour laquelle j’insiste davantage sur l’adoption de l’établissement, en ce que s’il arrive qu’on n’apporte pas d’écus à la caisse, ce dont il m’est pourtant permis de douter, car le bénéfice est trop réel pour qu’il n’y ait pas toujours quelqu’un qui veuille gagner la prime; dans ce cas, dis-je, tous les jours, on pourra y distribuer les petits assignats proposés par M. Rabaut-Saint-Etienoe, et par là on reconnaît que mon plan s’accorde parfaitement avec celui d’une nouvelle émission de petits assignats, soit de 5 livres, soit de 10 livres. Le grand avantage de mon plaD, c’est qu’avant huit jours il peut être mis en activité, moyennant une dépense journalière d’environ 12,000 livres, tandis qu’avant deux ou trois mois nous n’aurons pas de petits assignats (1) ; et que, iusqu’à ce temps, l’intérêt de l'argent pour nos besoins ordinaires du Trésor public augmentera si sensiblement, qu’il en coûtera beaucoup davantage. Cette nouvelle considération mérite toute l’attention de l’Assemblée. Voici le projet de décret que je vous propose. « Art. 1er. Il sera établi un bureau de remboursement des assignais. « Art. 2. Il sera remboursé, chaque jour, en écus, les dimanches et fêtes exceptés, depuis neuf heures du matin jusqu’à deux heures de l’après-midi, cinq mille assignats de 50 livres. « Art. 3. Ou ne pourra échanger qu’un assignat à la fois. « Art. 4. Ceux qui voudront échanger un assignat de plus grosse somme, ne recevront que l’appoint en écus, de manière que, pour un assignat de 60 livres, ils recevront un assignat de 50 livres et 10 livres eu écus. « Il en sera de même pour toutes espèces d’assignats, en suivant les mêmes proportions, et l’on ne pourra en échanger que jusqu’à pareille somme de 250,000 livres, dont un sixième en assignats, depuis 60 jusqu’à 100 livres, un sixième en assignats ae 200 livres, un sixième en assignats de 300 livres, un sixième en assignats de 500 livres, un sixième en assignats de 1,000 livres, et un sixième en assignats de 2,000 livres. n’est antre chose qu’une véritable caisse de contre-agiotage, dont la perte particulière n’est que dans la proportion, pour la nation, de 1 de perte pour 80 de bénéfices, puisqu’on évite par ce moyen une perte de 80 aux citoyens en général, et, outre cet avantage, celui de rétablir la circulation des écus. (Note de l'opinant.) (1) Au lieu de faire des assignats de papier, on pourrait en faire frapper de nctal de cloche, qu’on peut rendre malléable, et dont la circulation présente beaucoup moins d’inconvénients que le papier. Nota. — Il s’est fait une omission dans l’impression de l’article 9 du projet de décret, qu’il est important de rectifier : cette omission nécessite une nouvelle rédaction de l’article; le voici tel qu’il faut le lire. « Article 9. Le bureau de remboursement est autorisé « à accorder à ceux qui lui apporteront des écus contre « des assignats, une prime ou intérêts depuis 6 jusqu’à « 2 0/0; en conséquence, il pourra délivrer un assi-« gnat de 2,000 livres, moyennant une somme de 1,880 « livres, un assignat de 1,000 livres moyennant 950 li-« rres, un assignat de 500 livres moyennant 480 livres, < un assignat de 300 livres moyennant 291 livres, et « enfin un assignat de 200 livrés moyennant 196 livres. « (Note de topmanl ). « Art. 5 La même personne ne pourra également échanger qu’un seul assignat à la fois. « Art. 6. Le bureau de remboursement sera placé à la distance la plus éloignée possible de l’entrée qui doit conduire à ce bureau, et cette entrée sera disposée de façon que ceux qui voudront échanger un assignat ne puissent entrer que par la même porte, et n’arriver qu’un très petit nombre de front, dans un passage construit a cet effet. « Art. 7. Ce passage devra être divisé en plusieurs parties, pour empêcher qu’il n’y ait foule, et les barrières ne s’ouvriront qu'à mesure qu’une enceinte se videra. « Art. 8. On ne pourra retenir son tour, ceux qui sortiront de l’enceinte le perdront. « Art. 9. Le bureau de remboursement est autorisé à délivrer ou échanger des assignats de 2,000 livres, contre une somme de 1,880 livres en écus par assignat; « Des assignats de 1,000 livres contre une somme de 950 livres en écus; « Des assignats de 500 livres contre une somme de 480 livres en écus; « Des assignats de 300 livres contre une somme de 291 livres en écus ; « Et enfin des assignats de 200 livres contre une somme de 196 livres en écus. « Art. 10. Chaque jour le bureau de remboursement ne pourra délivrer d’assignats, comme il est dit en l’article précédent, que jusqu’à concurrence d’une somme de 300,000 livres dont un cinquième de chaque espèce d’assignats. « Art. 11. Le bureau de remboursement rendra public chaque jour, par la voie de l’impression, combien il aura remboursé d’assignats de 50 livres eu écus; combien en autres assignats et écus; et combien il aura délivré d’assignats contre des écus, conformément aux dispositions del’article9. » Art. 12. Le comité des fluauces présentera incessamment à l’Assemblée un projet de règlement pour l’organisation de ce bureau de remboursement, qui sera sous l’inspection immédiate du ministre de la caisse de l’extraordinaire. » M. l