456 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 août 1789. J ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du mercredi 19 août 1789, au matin (1). MM. les secrétaires ont présenté des adresses de félicitation, remerciements et adhésion de la communauté du bourg de Villepreux ; de la ville de Saint-Avold en Lorraine ; des officiers municipaux et des députés des communes de Lanion ; des trois ordres de Saint-Livrade d’Agénois ; des citoyens de la ville d’Argenton en Berry ; du conseil politique de Pamiers, et des députés delà généralité; des habitants, du corps municipal et conseil politique de Tulle; des officiers du présidial de la même ville ; des habitants de la ville de Château-Renard, et des députés des paroisses de Triguerres, Douchy, Moncorbon , Chuelles, Saint-Firmin -des-Bois, La Selle en ïïermoy, Saint-Germain, Melleroy, Chenevenoult-les-Nonains, la Chapelle-sur-Laveron et Dicy ; des trois ordres de la communauté d’Àlbon ; des citoyens de la ville de Monllucon ; de la ville de Pau en Béarn ; des juges de la juridiction des baronnies du Faouet, Barrégan, vicomté de Meslan, et annexes de celle de la commanderie de Saint-Jean du Croisty, et autres membres en dépendant, qui déclarent se soumettre en entier à l’arrêté de l’Assemblée nationale du 4 de ce mois, et renoncer à toutes immunités et à tous privilèges qui pourraient empêcher la régénération de la nation ; de la ville et communauté de Vannes ; du comité d’administration de la ville de Chû-teau-Gontier en Anjou ; des habitants de la ville et île de Bouin ; des citoyens de la ville de Chollet ; des trois ordres de la ville de Bourg-Saint-Andéol en Vivarais ; de la bourgeoisie d’Haguenau, et des électeurs de la campagne du Nivernois et Donziois. 11 est donné lecture du procès-verbal de la séance du 17 et de celui de la séance du 18 août. MM. le marquis de Mesgrigny et Camusut de Belombre, députés de la sénéchaussée de Troyes, remettent sur le bureau l’expédition d’une délibération prise, le 15 de ce mois, par les officiers du bailliage et siège présidial de Troyes, portant qu’à compter de ce jour, cette compagnie jugera gratuitement tous les procès et contestations, tant civils que criminels, qui seront portés en son tribunal en première instance et par appel. M. Camusat de Belombre (2). Messieurs, les officiers du bailliage dont nous avons l’honneur d’être députés ont prévenu nos vœux ; saisis d’une juste admiration pour le noble désintéressement des magistrats qui sont dans cette auguste Assemblée, et jaloux de les imiter, ils nous chargent de vous représenter l’acte particulier de leur zèle patriotique; il nous est d’autant plus doux de vous offrir cet hommage, que leur empressement à se dévouer les premiers pour la chose publique lui donne un nouveau prix. L’Assemblée ayant désiré la lecture de cet arrêté, un de MM. les secrétaires a lu ce qui suit : « Extrait des registres des délibérations du bailliage, siège et présidial de Troyes. « La compagnie du bailliage de Troyes, assemblée pour conférer sur les affaires présentes, considérant les grands et mémorables travaux que Nosseigneurs de l’Assemblée nationale ont entrepris pour le soulagement du peuple, l’établissement d’une Constitution solide et durable, le bonheur de la nation et la gloire du nom français ; « Pénétrée de la plus respectueuse admiration pour le zèle et les motifs de nosdits seigneurs ; persuadée que l’hommage le plus pur et le plus agréable qu’elle puisse offrir à l’Assemblée nationale de son dévouement, serait de-faire jouir le plus promptement qu’il est en elle, les peu-les de son ressort, des heureux effets de cette ienfaisance qui anime et dirige les décisions de cette auguste Assemblée ; « Considérant que ce bailliage étant le premier des grands jours de la province dont la ville de Troyes est la capitale, lui doit l’exemple des vertus qui réfléchissent de l’Assemblée nationale; « La compagnie a arrêté unanimement et déclaré qu’à compicr de ce jour, elle jugera gratuitement tous les procès et contestations, lant civils que criminels, qui seront portés à son tribunal en première instance et par appel ; « Promettent et s’engagent les officiers de ladite compagnie, soussignés, sur leur honneur et leur devoir, tant pour eux que pour leurs confrères absents, d’exécuter la présente déclaration ; « Persuadée du désintéressement qui anime les juges de son ressort, la compagnie les invite de mômedans ce moment àrendre Injustice gratuite, et à redoubler d’efforts et de zèle pour procurer à tous leurs justiciables le même avantage ; les invitant et leur enjoignant néanmoins de vider procès mus et à mouvoir ; 'ordonne qu’il y sera pourvu à la diligence du procureur du Roi par la compagnie elle-même, selon son autorité, par toute voie due et raisonnable ; « Arrête en outre que la présente déclaration sera incessamment présentée à Nosseigneurs de l’Assemblée nationale, pour être très-humblement suppliés de Jui donner son approbation. « Fait et arrêté dans la ville de Troyes, le 15 août 1789. » Après la lecture de cet acte de désintéressement et de patriotisme, les plus vifs applaudissements se sont fait entendre dans l’Assemblée. M. D’André, député de la noblesse d'Aix , dit ; Messieurs, lorsque l’honorable membre qui vous traça hier un si beau plan d’ordre judiciaire témoignait le désir de voir les parlements concourir avec ardeur à la construction de ce grand édifice, je souhaitais vous apporter, au nom du parlement d’Aix, son adhésion respectueuse. Assuré des sentiments de cette compagnie, qui donna dans tous les temps l’exemple du désintéressement, et qui, dès le mois de mars dernier, a renoncé, sans qu’on l’exigeât, à l’exemption des tailles dont elle jouissait depuis sa création, j’étais certain qu’elle s’empresserait de professer les principes de cette auguste Assemblée. Je m’estime heureux de pouvoir être aujourd’hui son interprète, et de présenter à l’Assemblée nationale les témoignages de sa confiance et de son respect. M. D’André présente et dépose sur le bureau un arrêté de la teneur suivante : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Ce discours n’a pas été inséré au Moniteur, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 aoiit H89.J 457 Extrait des registres du parlement séant à Aix , du samedi 8 août 1789. « Les Chambres ayant été assemblées, sur ce qui a été proposé que la cour doit, avant la tin de ses séances, faire parvenir à l’Assemblée nationale ses vœux et ses hommages, la matière mise en délibération, la cour a unanimement arrêté de charger M. D'André, conseiller en icelle, de présenter à l’Assemblée nationale, dont il a l’honneur d’être membre, les témoignages de son respect et de son amour, d’assurer l’Assemblée de son adhésion aux maximes qu’elle soutient avec une si généreuse fermeté, de la confiance entière dans laquelle est la cour que la Constitution qui va être donnée au royaume fera le bonheur du peuple français et des habitants de cette province, et que l’ordre, la paix, la cessation des troubles et la réunion des cœurs, seront les fruits heureux des lois sages auxquelles auront concouru tant de vertus et de lumières réunies. « Signé: d’Albert Saint-Hippolyte. « Collationné. Signé: Sancisies. » L’Assemblée témoigne qu’elle reçoit avec satisfaction les hommages du parlement d’Aix. M. Duquesnoy, député de Lorraine , demande à l’Assemblée d’entendre la lecture d’une lettre qui lui est adressée par M. l’évêque de Saint-Dié ; elle est conçue en ces termes : « Le vœu connu de l’Assemblée nationale, concernant la pluralité des bénéfices, me paraissant aussi conformeàla justice qu’à l’esprit de l'église, je n’hésite pas à opter entre les deux que je possède, et j’envoie aujourd’hui à M. l’archevêque de Vienne la démission de mon évêché. » (On applaudit vivement.) M. Rédon s’étant excusé d’entrer au comité de recherches et d’informations, parce qu’il était nommé du comité des matières féodales , M. Bu-zot, qui avait réuni le plus de suffrages après les membres dernièrement élus pour le comité de recherches a été nommé pour y remplacer M. Rédon. La discussion sur la déclaration des droits, présentée par le comité des cinq, est reprise. M. l’abbé Bonnefoy. Après avoir com paré les divers plans de déclaration des droits avec celle deM. de Lafayette, j’ai vu que cette dernière est le texte dont les autres ne forment que le commentaire. Je trouve dans le plan de M. Mounier les mêmes maximes augmentées de plusieurs autres. Je conclus pour celui de M. de Lafayette, qui est simple et clair, et qui réunit en peu de mots les droits primitifs de l’homme. Je désire seulement qu’on y ajoute: « que l’homme a un droit sacré à sa conservation et a sa tranquillité, et que l’Etre suprême a fait les hommes libres et égaux en droits. » M. Pellerin. Le principe de toute société consiste dans la propriété et dans la liberté. L’homme perd de cette liberté à raison de ce que la loi lui défend. L’homme perd de sa propriété par les contributions qu’il doit à la chose publique. Telles sont les restrictions que l’on doit apporter aux principes fondamentaux. 11 semble, au surplus, que c’est les reconnaître que de promettre à chacun liberté, sûreté et propriété. Si les principes sont certains, si chacun connaît ses droits, il paraît qu’il est plus facile de les concevoir que de les exprimer ; chacun de nous a senti que si c’était notre devoir d’éclairer nos concitoyens sur leurs droits, il n’était pas moins prudent de les éclairer sur l’exercice de ces mêmes droits; c’est un flambeau salutaire dans les mains de l’homme sage et paisible, qui devient une torche incendiaire dans les mains d’un furieux. Sans doute tous les principes que l’on nous a présentés sont vrais en eux-mêmes ; mais il a fallu étayer les conséquences qui pouvaient devenir dangereuses. Aussi cette méthode a-t-elle gêné tous les auteurs; tantôt il a fallu taire des principes, tantôt il a fallu les circonscrire. C’est ainsi qu’il a fallu prévenir les fausses interprétations. C’est à vous à guider le peuple dans les routes obscures où il serait entraîné. C’est à vous à l’instruire. Vous allez lui indiquer ses droits; mais ces droits supposent des devoirs: il est incontestable que les uns ne peuvent exister sans les autres; ils ont entre eux des idées relatives. Il est incontestable, en effet, qu’aucun citoyen n’a de droits à exercer, s’il n’y a pas un autre citoyen qui ait des devoirs à remplir envers lui. Il faut donc établir que les droits ne peuvent exister sans les devoirs; ainsi, lorsque nous établissons que la vie de l’homme, son honneur, son travail, forment sa propriété, il convient cependant de dire qu’il en doit une portion à la patrie. Ainsi il convient encore d’ajouter que, lorsque l’on porte atteinte à ses droits, il ne doit pas repousser la force par la force, mais recourir à la justice. Nous n’oublierons pas surtout de rappeler à l’homme qu’il ne tient pas la vie de lui-même; que les vertus sont récompensées. C’est par la méditation de ces vérités que l’on rétablit la morale et que l’on parvient à rendre les hommes vertueux. Un membre a présenté un projet qui, dans deux colonnes, renferme les droits de l’homme et les devoirs du citoyen. Cette forme éprouvera peut-être des difficultés; mais jamais on ne doit renoncer au mieux. Et si l’Assemblée n’en reconnaît pas la nécessité, elle ne peut se refuser à celle d’y céder. Je demande donc une déclaration qui renferme les droits et les devoirs de l’homme en société. M. le vicomte de Mirabeau. Pour trancher le nœud gordien, je propose qu’à la place d’une déclaration des droits, on mette simplement à la tête de la Constitution : pour le bien de chacun et de tous, nous avons arrêté ce qui suit , etc. M. Oulot. Vous avez deux grands inconvénients à éviter : le premier, de vous traîner sur les pas des préjugés; le second, de vous égarer dans les détails obscurs de la métaphysique, et de substituer des maximes artificielles aux vérités simples de la nature : il faut remonter au principe générateur et en suivre les conséquences. Il existe, et il doit en exister un qui embrasse tous les droits et tous les devoirs de l’homme; c’est celui de veiller à la conservation de son être; les autres n’en sont que la suite naturelle. M-le Président propose d’aller aux voix pour admettre ou rejeter la discussion du projet