296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1789.] Ici on a beaucoup divagué. On a parlé de prendre un bureau pour ce comité; on a parlé de secourir tous les prisonniers d’Etat. Enfin, en se rapprochant de la question, l’on a dit qu’il fallait qu’il fût permaneut, pour que les quatre commissaires fussent plus à même de connaître les preuves des délits. L’on a dit qu’il devait changer tous les mois à cause de l’importance de ses fonctions. Enfin il est décidé que le comité changera tous les mois. M. Dupont de Nemours, au nom du comité des subsistances, rend comple d’une requête des habitants de la ville d’Houdan, qui demandent une diminution sur le prix du sel. Cette demande est renvoyée au moment où l’Assemblée s’occupera de l’impôt du sel. M. de Puisieux demande à lire un projet d’arrêté; il le présente comme le seul qu’on puisse prendre dans la circonstance actuelle. 11 est ainsi conçu: « L’Assemblée nationale, considérant que le payement des impôts ne peut être refusé sans les plus graves inconvénients, jusqu’au moment où, par une répartition plus juste, par une perception douce des impôts moins onéreux, l’Assemblée pourra procurer le soulagement des peuples; que le refus des impôts paraît être la cause des malheurs publics, l’Assemblée invite la nation à payer comme par le passé tous les impôts qu’elle a continués par son arrêté du 17. » Ce projet d’arrêté est vivement combattu. D’un côté on dit: l’Assemblée doit ordonner; de l’autre, elle ne doit pas annoncer le soulagement du peuple, puisque l’Etat est tellement obéré, que le produit des impôts actuels sera à peine suffisant pour payer les dettes du Roi. Au milieu de tous ces débals, on demande que l’examen de l’arrêté soit renvoyé à tour dans les bureaux. Cette proposition est adoptée, d’après les réflexions de M. Fréteau, qui a observé que l’arrêté que l’on proposait de prendre était trop important pour le rejeter ou l’admettre en ce moment, et surtout à la fin d’une séance. Le premier président du bureau des finances de Paris est introduit. Il parle en ces termes : cc M. le président et messeigneurs, le bureau des finances m’a député vers cette auguste Assemblée pour avoir l’honneur de lui présenter son respect et sa reconnaissance de l’intérêt qu’elle a pris aux alarmes de la capitale, et de ses soins pour les dissiper. Comment la nation pourrait-elle désormais borner ses vœux de félicité et de prospérité, puisque ses représentants, messeigneurs, réunissent pour les fixer sur le royaume un zèle sans bornes et les plus grandes lumières? « J’ai l’honneur de demander à messeigneurs la permission de remettre sur le bureau l’arrêté de ma compagnie. « Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal, qui est conçu en ces termes : « Du samedi 25 juillet 1789. « Ce jour, le bureau des finances, assemblé en la manière accoutumée, un des membres a dit que le Roi ayant adopté les moyens d’assurer la tranquillité publique, qui ont été présentés à Sa Majesté par l’Assemblée nationale, il estimait devoir proposer à la compagnie de présenter audit seigneur Roi et à l’Assemblée nationale son respect et sa reconnaissance. « Sur quoi, le bureau, délibérant, a arrêté que M. le premier président se retirera incessamment par devers le Roi, pour offrir audit seigneur Roi le respect et la reconnaissance de la compagnie, d’avoir dissipé, par son auguste présence dans la capitale, l’effroi qui y était répandu, et de s’en être rapporté aux représentants de la nalion sur les moyens d’assurer la paix et la félicité de ses sujets. « A arrêté, en outre, que ledit sieur premier président se retirera aussi par devers l’Assemblée nationale, pour lui présenter le respect et la reconnaissance de la compagnie d’avoir rappelé et rétabli le calme dans Paris, par son intervention auprès du Roi, et de s’occuper avec un zèle infatigable du bonheur de la nation. « (On applaudit.) M. Président, à la députation . Monsieur, les hommages que reçoit de toutes parts l’Assemblée nationale lui sont d’autant plus agréables, que, portant tous l’assurance d’une adhésion entière à ses principes et à ses démarches, ils portent nécessairement les vrais caractères du patriotisme, du dévouement à la chose publique. L’Assemblée nationale est assurée de trouver en vous, monsieur, ces généreux sentiments, et reçoit avec plaisir l’hommage respectueux que le bureau des finances de la ville de Paris lui présente. M. Dupuisel, député du Perche, a entretenu l’Assemblée des troubles qui agitent cette province ; et il fait une motion relative à la perception des impôts actuels. Cette motion a été appuyée ; mais, d’après l’observation de quelques membres, elle aété ajournée. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE DUC DE LIANCOURT. Séance du mercredi 29 juillet 1789 (1). M. le Président a annoncé à l’Assemblée le retour de M. Necker. L’Assemblée a témoigné, par des applaudissements, sa satisfaction de voir enfin totalement rendu aux vœux de la nation et du Roi, le ministre vertueux dont elle a demandé le rappel. M. le Président a annoncé que les nouvelles désastreuses arrivées du Soissonnais étaient dénuées de fondement. 11 a été rendu compte des adresses des villes de Brioude, Larnballe, Gap, Cosne-sur-Loire, Dunkerque, Roque-Brou, Maurs, Quimperlé, Apt, Yalogne,Saint-Brieux,Fontenay-le-Comte,Ghauny, Charost, Saint-Sauveur-le-Yicomte, Tarascon, Monlélimart, Briançon, Montcontour, Annonay, et sénéchaussée, Saint-Marcellin, et de l’ordre des avocats de Morlaix. M. de Grosbois, premier président du parlement de Besançon et député de la noblesse , prend la parole, et dit qu’il est chargé par sa compagnie de remettre à l’Assemblée nationale un arrêté (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1789.] 297 relatif aux troubles de la Franche-Comté. Il demande qu’il en soit fait lecture. L’arrêté est lu comme il suit : Extrait du registre des délibérations du 'parlement de Besançon. « Ce jour, la cour, les chambres assemblées, après lecture de l’arrêté de la précédente séance, qui a été approuvé ; M. le président de Camus a fait lecture du procès-verbal dressé par MM. les commissaires à l’exécution de l’arrêt rendu à la précédente séance, contenant les raisons qui les ont empêchés de donner suite à l’exécution dudit arrêt, et a proposé à messieurs de délibérer. < La matière mise en délibération, il a été arrêté que copies en forme dudit procès-verbal seront envoyées à M. le président, en le priant et le chargeant de les faire parvenir au Roi et à l’Assemblée nationale. «Arrêté en outre, queM. le premier président demeurerait chargé expressément de supplier le Roi et l’Assemblée nationale de pourvoir le plus promptement possible aux moyens de faire cesser les désordres qui affligent la province, tels que des démolitions de châteaux, incendies de dépôts publics et d’archives particulières, attroupements et excès commis contre différentes personnes, soit dans leurs domiciles, soit sur les chemins publics, malgré tous les soins que l’autorité civile et militaire et les communes des villes y ont apportés jusqu’à présent. « La cour a arrêté de plus que mondit sieur le premier président demeure chargé d’assurer le Roi et l’Assemblée nationale de sa confiance la plus entière dans les mesures et les moyens qu’ils croiront devoir employer pour le bonheur de la nation, et pour assurer à tous les citoyens la liberté et la sûreté de leurs personnes, ainsi que la propriété de leurs biens -, déclarant qu’elle attend et qu’elle désire l’établissement de toutes lois et décrets que leur sagesse leur dictera, auxquelles la cour déclare qu’elle sera aussi inviolablement attachée, qu’elle l’a été jusqu’à présent à celles dont l’exécution lui a été confiée. » 11 a été lu ensuite un procès-verbal annexé à l’arrêté ci-dessus, par lequel il constate que la mission donnée par le parlement à ses commissaires, d’informer sur l’événement désastreux qui a eu lieu dans le château de Quincey, a éprouvé quelques obstacles. M. de Grosbois cherche à dissiper les préjugés défavorables qu’on avait semés dans l’Assemblée sur le compte de cette compagnie. M. Bureaux de Pusy. Mon intention n’est pas de jeter le moindre doute sur la sincérité des sentiments que le parlement de Besançon exprime à l’Assemblée nationale ; mais je crois devoir observer que la confiance publique ne parle pas en faveur de cette cour ; que pour la faire renaître, elle doit retirer l’arrêté du 27 janvier ; arrêté par lequel le parlement, en cherchant à maintenir les abus des anciens Etats généraux sur leur convocation et leur composition, déclarait que les députés ne pouvaient rien innover sur cet objet ; que les Etals généraux ne pouvaient déroger aux immunités de la province, et que les impôts devaient être consentis parles Etats de la province, et enregistrés au parlement. M.Gourdan. C’est dans le défaut de confiance des peuples, dans les sentiments qui animent cette cour, qu’on doit chercher la cause des désordres qui déchirent cette province. Cette cour, comme douzième parlement, s’est déclarée gardienne des maximes inviolables du royaume. Qu’elle se rende digne de la confiance de la province, et l’ordre y renaîtra. M. le marquis de Toulongeon donne de nouveaux détails sur les troubles et les dévastations qui se commettent dans cetie province. Yesoul, dit-il, a été forcé; trois abbayes ont été détruites, onze châteaux ruinés. Le parlementa envoyé une commission sur les lieux, mais elle n’a pas été reçue. Cette cour ne jouit pas de la confiance qui seule peut assurer l’empire des lois. Un arrêt a évoqué l’affaire de Quincey. Cet arrêt est illégal, puisque le coupable est encore inconnu, et que, jusqu’à ce qu’on en ait la connaissance, l’instruction appartient au premier juge... Il y a bien d’autres choses à dire ; mais il n’y a qu’un moyen, c’est la suppression du parlement. Après quelques débats, on demande le renvoi de cette affaire au comité des rapports. Le renvoi est ordonné. — Une lettre de lord Georges Gordon, écrite à l’Assemblée en anglais, est renvoyée aux bureaux. L’Assemblée décide que les originaux des pouvoirs seront déposés aux archives. M. Rabaud de Saint-Etienne fait lecture de la nouvelle rédaction du règlement corrigé et rédigé d’après les observations des trente bureaux. Quelques articles donnent lieu à la discussion. M Bouche propose de nommer un membre de chaque bureau pour fixer les articles contestés, et, en attendant, d’admettre provisoirement le règlement. L’article qui fixe la majorité des suffrages à la moitié plus un est vivement combattu. Quelques membres veulent une pluralité graduée. MM. Desmeuniers, Target, de Toulon - geon et Lanjuinais ont combattu la pluralité graduée, comme incompatible avec le bien public, et tendant à empêcher la réforme des abus. M. Tréteau demande l’ajournement .de cette discussion. M. le comte de Mirabeau. Je n’ai pas cessé un moment de croire que, quel que soit le règlement de police qu’on nous propose, il sera susceptible d’inconvénients. Eh ! quelle institution humaine n’en a pas? Mais il me parait en général composé avec assez de sagesse, et pénétré d’un assez bon esprit, pour que je désire son adoption au moins provisoire, et sauf les améliorations que pourra nous suggérer l’expérience de chaque jour. Toute loi est par sa nature révocable à la volonté de celui qui l’a faite. Le principe contraire serait l’apothéose des préjugés, la proscription de la raison . Mais les premiers éléments de l’ordre doivent être admis le plus tôt possible, lorsqu’on veut travailler à un plan digne de gouverner les hommes, et capable d’opérer notre bonheur. Hâtons-nous d’adopter une police quelconque, en attendant que l’habitude des assemblées, le dépouillement des préjugés et nos propres observations nous donnent une police perfectionnée. Cependant, pour vous ôter les regrets que deux des préopinants voudraient vous donner sur