[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |28 avril 1791.J 397 « Qui pourrait eu mesurer la vaste étendue? Qui pourrait en calculer les heureux effets? Oaus toutes les parties de l’Empire, il s’est élevé un concert de bénédictions, qui ;a retenti jusque dans cette auguste enceinte. « Nous, Messieurs, nous nous bornerons à rap-eler ici ce nouvel ordre judiciaire, dont le tri-unal de cassation est le complément, cette institution des juges, des bureaux de paix, le salut du peuple et le désespoir de ses oppresseurs; cet établissement des tribunaux de district, qui remplace avec tant d’avantages les corps redoutables de l’ancienne magistrature; cette sublime organisation des jurés, si propre à épouvanter l’audace du crime, et à rassurer la timidité de l’innocence. « Vous nous avez investis, Messieurs, du pouvoir de repousser, par une salutaire rigueur, les attaques qu’on tenterait de livrer aux jugements même les plus réguliers, et de réprimer, par la cassation, les violations de la loi, dont notre premier devoir est de conserver l’inaltérable pureté. « C’est en nous concentrant, Messieurs, dans ces fonctions ; c’est en nous constituant dans l’indépendance de toute considération étrangère aux obligations sacrées que vous nous avez im-f >osées; c’est en vous présentant chaque année 'état et les motifs de nos jugements, que nous ourrons nous flatter d’obtenir l’approbation du orps législatif, et que, rendus au repos de la vie privée dans le terme sagement prescrit à notre ministère, nous nous tiendrons heureux si ceux qui nous ont élus peuvent dire de nous : ils ont fait le bien qu'ils pouvaient faire. » (Applaudissements.) M. le Président répond : « Messieurs, les tribunaux répandus sur la surface de l’Empire français auraient pu paraître isolés et se croire indépendants ; les habitants des divers territoires de ces juridictions auraient pu s’envisager comme étrangers les uns aux autres, si la Constitution n’avait assuré leurs relations et resserré leurs liens réciproques. La faculté accordée de convenir de tribunal entre ceux de tout le royaume, l’obligation imposée aux plaideurs qui ne pourraient s’accorder sur le choix d’un tribunal d’appel, d’en choisir un entre plusieurs de différents départements, étaient déjà de grands points de réunion. Mais, en plaçant tous les tribunaux sous la même égide du tribunal de cassation, la Constitution a posé la clef de la voûte, et a fait de l’ordre judiciaire un tout inébranlable , qui durera aussi longtemps que la liberté et la justice seront chères aux Français. « Vous pensez avec raison, Messieurs, que c’est en respectant les jugements conformes à la loi, et en marquant du sceau de la réprobation ceux contraires à la loi, que vous ferez respecter la loi, que vous ferez aimer la justice, et que vous ferez disparaître ce funeste préjugé qui range parmi les maux nécessaires de l’homme en société, le recours aux juges, quand le juge peut étouffer impunément le cri de sa conscience. Honorés du choix de vos concitoyens, placés près du Corps législatif, la nation attend beaucoup de votre zèle et de votre fermeté, et vous surpasserez sans doute son attente. C’est avec la plus vive satisfaction que l’Assemblée nationale reçoit votre hommage. Elle y voit le commencement de vos travaux, si importants pour la prospérité publique, et j’exprime son vœu en vous invitant a sa séance. »> (Applaudissements.) M. Delavlgne. Je demande que le discours que nous venons d’entendre et la réponse de M. le Président soient insérés dans le procès-verbal. (Cette insertion est décrétée.) M. Merlin. Messieurs, vous avez décrété dans le mois de février dernier, un assez grand nombre d’articles relatifs à l’ordre judiciaire. Parmi ces articles, il en est deux qui ont été adoptés sur ma motion les 27 et 28 février : l’un d’eux concerne la forme de procéder dans les tribunaux établis dans les villes où l’ordonnance de 1667 n'a jamais été publiée ni exécutée ; l’autre concerne la manière de se pourvoir en révision contre les arrêts rendus au ci-devant parlement de Oouail Une chose inconcevable, Messieurs, c’est que ni l’un ni l’autre de ces articles ne vous a été relu lors de l’arrété définitif du nouveau décret sur l’ordre judiciaire en date du 16 mars dernier; il en est résulté que le nouveau décret sur l’ordre judiciaire a été sanctionné et envoyé dans les tribunaux sans que ces deux articles s’y trouvent. D’après cela, je propose de décréter que ce3 deux articles seront présentés incessamment à la sanction du roi ; en voici la teneur : Art. 1er. « Dans les tribunaux établis dans des villes où l’ordonnance de 1667 n’a été publiée ni exécutée, les juges et les avoués se conformeront, pour la procédure, aux règlements qui y sont usités, en ce qui n’est pas contraire aux modifications faites à cette ordonnance par l’article 34 du décret du 6 mars dernier; et néanmoins aucune cause n’y pourra être instruite ni jugée comme procès par écrit, soit en première instance, soit en cas d’appel, si elle n’a été préalablement portée à l’audience, et si les juges n’ont cru devoir l’appointer, après avoir entendu les plaidoiries respectives des parties. Art. 2. « La règle établie par l’article 3 du décret du 11 février dernier, pour déterminer à quels tribunaux doivent être portées les requêtes civiles, sera observée pour les révisions intentées ou à intenter contre les arrêt3 du ci-devant parlement de Douai. » (La motion de M. Merlin est décrétée.) M. Merlin. Je propose également d’ajouter à la suite de ces deux articles un troisième article ainsi conçu : « Le roi sera prié de sanctionner et de faire incessamment publier le présent décret dans les départements qui composaient ci-devant les ressorts des parlements de Pau, Douai et Nancy. » M. Delavlgne. Je crois que la mesure proposée par M. Merlin est insuffisante; je vous demande ce qui arriverait dans le ca3, par exemple, où des habitants de Douai iraient se faire juger au tribunal d’Aix. Je demande donc la question préalable sur l’article additionnel proposé par M. Merlin. M. Merlin. Je retire l’article. L’ordre du jour est la lecture de V ensemble des articles décrétés sur l'organisation de la marine. M. Defermon, au nom du comité de la marine. Messieurs, je viens vous donner lecture de tous 398 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [38 avril 1191.] les articles qui ont été décrétés sur l’organisation de la marine, avec les quelques légers changements que nous Avons cru devoir y introduire. Le comité m’a également chargé de vous présenter un article additionnel ainsi conçu : « Tous les enseignes parvenus à l’âge de 40 ans ne pourront être appelés au service de l’Etat que d’après un décret du Corps législatif qui fixera leurs traitements et leurs grades. » M. fianllier-Biauzat. L’article que le comité vous propose donnerait à croire que l’on pourrait contraindre les enseignes non entretenus, qui auraient l’âge de 40 ans, à servir sur les vaisseaux de l’Etat sans leur donner l’espoir de récompense ou d’avancement. Un membre propose, par amendement, de dire que « le3 enseignes non entretenus ne pourront être appelés au service public après 40 ans. Un membre observe que, dès que les enseignes non entretenus ne peuvent, après l’âge de 40 ans, acquérir, par leur service, le grade de lieutenant, il est évident qu’ils ne peuvent, après cet âge, être contraints au service public. Ainsi l’amendement ne comprend que des dispositions réglementaires; il n’y a donc pas lieu de l’adopter. (Ces différentes propositions sont rejetées. Plusieurs membres proposent quelques modifications de rédaction sur divers articles, qui sont adoptées. M. Defermon, rapporteur , donne lecture de l’ensemble des articles amendés; ils sont ainsi conçus : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La marine française sera composée de tous les citoyens soumis à la circonscription maritime. Art. 2. Mousses. « Nul ne pourra être embarqué comme mousse, sur les bâtiments de l’Etat, que de 10 à 16 ans. Art. 3. Novices. « Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans et n’auront pas satisfait à l’examen exigé par l’article 15 seront novices. Art. 4. Matelots. « Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices, pourront, après 12 mois de navigation, être admis à l’état de matelot. Art. 5. « Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et, à cet effet, la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes. Art. 6. « Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye sans avoir passé par les payes intermédiaires. Art. 7. Officiers mariniers. « Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots ; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu*aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu’ils auront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions. Art. 8. <' On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier. Art. 9. « Toutes les augmentations de solde et tous avancements en grade pour les gens de l’équipage seront faits, pour chaque vaisseau, par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard. Art. 10. Pilotes côtiers. « Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu’il n’ait le temps de navigation, et qu’il n’ait satisfait à l’examen qui sera prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers. Art. 11. « Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s’il n’a commandé au moins 3 ans en qualité de maître au petit cabotage et qu’il n’ait satisfait à l’examen qui sera prescrit. Ait. 12. Maîtres entretenus. « Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus et le nombre des entretenus sera déterminé d’après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus vacantes dans chaque département, seront données à l’ancienneté et l’autre tiers au choix du roi. L’ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les vaisseaux et autres bâtiments de l’Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître. Art. 13. « Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu’ils eussent passé l’âge auquel l’admission aux différents grades d’officiers pourrait avoir lieu. Art. 14. Écoles publiques. « Il y aura des écoles gratuites d’hydrographie et de mathématiques dans les principaux ports du royaume.