16 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES ces d’empêcher les faillites et les banqueroutes, dont une seule entraîne souvent vingt autres. CHAPITRE xi. Du commerce. Que les barrières, pour la perception des droits d’entrée, traites et autres marchandises venant de l’étranger, soient reculées aux frontières du royaume, et que, dans l’intérieur, le commerce de toute espèce de marchandises soit entièrement libre; ce qui, en facilitant aux sujets du royaume le moyen de trafiquer comme ils le jugeront à propos, chacun selon son industrie, les mettra à portée d’élever leur famille, de payer leur part des charges de l’Etat de la manière qui sera avisée aux Etats généraux à l’égard des négociants et commerçants qui n’ont aucune propriété foncière ou qui ont leur fortune dans le commerce, et épargnera à Sa Majesté la solde et l’entretien de plus de quarante mille gardes ou commis qui sont répandus dans le royaume, qui ne s’occupent qu’à vexer et molester les sujets du Roi par des procès-verbaux de saisie, dont la moitié ne contient que des faits supposés contre les prétendus délinquants, procès-verbaux dont il n’en est-pas qui soient rédigés sur le lieu à l’instant, mais au bureau du receveur et directeur, hors la présence des parties, et tout cela par l’espoir que lesdits commis aux gardes ont d’avoir une part dans les amendes et confiscations, et d’avancer en grade, en proportion des saisies et des procès-verbaux qu’ils font justement ou injustement, sur la foi attribuée à leurs procès-verbaux, et qui ne devrait l’être qu’autant qu’ils auraient été dressés sur le lieu même de la contravention ou délit, en présence de deux témoins domiciliés non attachés à la ferme. CHAPITRE XII. Des péages. Que tout les droits de péages soient supprimés, comme gênant la liberté du commerce, n’étant pas juste d’ailleurs que ceux qui payent l’entretien des chemins soient encore obligés de payer pour y passer, si mieux n’aiment les seigneurs se charger de l’entretien des chemins où ils perçoivent un péage, comme ils y étaient payés dans l’origine. CHAPITRE XIII. De la police. Que les juges des-petites villes et bourgs soient tenus, conformément aux ordonnances, de faire exactement, comme cela se pratique dans les grandes villes, et au moins une fois tous les quinze jours, la vérification des poids et mesures et balances des marchands, singulièrement dans les marchés et notamment chez les boulangers, visites qui sont tellement négligées que le pain, qui est de première nécessité, se vend à faux poids par plusieurs, malgré les plaintes des pauvres et la rumeur publique, sans qu’il apparaisse aucun jugement de condamnation contre les délinquants ; abus qui se perpétue et s’augmente tous les jours par l’impunité. Que les juges de police, chacun dans leur juridiction, soient tenus de faire afficher dans un tableau permanent à l’auditoire du lieu, la taxe du pain et de la viande, suivant la variation des circonstances, pour que les habitants du lieu en soient instruits et aient à s’y conformer. PARLEMENTAIRES. [Paria hors las mura.] CHAPITRE XIV. Eaux et forêts. Sont priés les États généraux de prendre en considération qu’il existe dans ce que l’on appelle eaux et forêts des abus considérables, et d’aviser au moyen de les détruire. CHAPITRE XV. Des municipalités. Qu’il soit permis à toutes les villes, dont le corps municipal est érigé en titre d’office, de faire à leurs frais le remboursement des charges, et de choisir comme autrefois leurs officiers à la pluralité des voix. Signé Janvier ; Massy, syndic ; Petit-Henriette ; Mativet-Caillois ; Mathieu Galmures; Edme Masson ; Gauzier Le Gat ; Godefroy Guermer ; Nicolas Gelin; Renaut-Jannisson; Goursel-Gridelin. Coté et paraphé par première et dernière, au désir du procès-verbal, fait devant nous, président, prévôt de Gorbeil, cejourd’hui 13 avril 1789. Signé Robert de Gourville. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état composant la communauté de la paroisse de Saint-Gervais et de Saint-Protais de Pierre-fitte, près Saint-Denis en France , prévôté de Paris (1). A SA MAJESTÉ LOUIS XVI, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE. Art. 1er. Qu’il plaise à Sa Majesté, comme le père commun de toute la nation, prendre en considération le sort de la majeure partie de son peuple ; qu’il ne peut atteindre au prix exorbitant des denrées de première nécessité pour les subsistances, malgré que, dans l’opinion publique, il ne puisse avoir lieu à une disette en France, et ordonner par son autorité royale et toute-puissante, qu’il ne se forme, surtout point à l’avenir des sociétés pour accaparer le blé, dont elles font des amas considérables ; ce qui en empêche la circulation dans les lieux où il peut en manquer, et cause ainsi une disette désastreuse. Art. 2. Qu’il plaise à Sa Majesté de prendre en considération le sort des personnes du tiers-état de Pierrefitte, au nombre environ de six cents personnes de tout âge et de tout sexe, lesquelles, dans un territoire d’environ 900 arpents, qui se réduit à peu près à 780 arpents, parce que, sans aucun château seigneurial apparent, il s’en trouve environ 120 arpents enclos, tant dans les maisons des privilégiés que dans la grande route royale qui le coupe dans toute sa longueur, paye à Sa Majesté au moins 22,000 livres de toute espèce d’impôts, en sus au moins 2,000 livres pour les charges de la communauté; il en résulte que le territoire est surchargé par proportion d’un quart en sus, par la trop forte évaluation donnée aux terres, même comparaison à celles voisines. Art. 3. Qu’il plaise à Sa Majesté d’ordonner qu’il leur soit permis de se transporter dans tous les temps pour nettoyer les grains, faire leurs foins librement, quoique dans une capitainerie royale, où ils souffrent des dommages, d’ailleurs , de la (1) Nous publions ce cahier d’après uu manuscrit de* Archives de l’Empire. 17 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] part tant du gibier appartenant au Roi que des lapins, qu’ils supplient Sa Majesté de faire détruire, surtout dans les bois de Rochebourg, appartenant au seigneur de Montmagny, bornant leur territoire, où ils font annuellement un dégât considérable. Art. 4. Qu’il plaise à Sa Majesté de répartir tous les impôts, sous quelque forme qu’ils puissent être perçus, sur tous les citoyens et fidèles sujets, avec une parfaite égalité, de quelque ordieou qualité qu’ils puissent être, selon leur faculté, ainsi que la loi naturelle le demande ; sauf ensuite à Sa Majesté le droit de verser ses bienfaits, les distinctions et les honneurs sur ceux qui se distingueront à son service dans toutes les parties de son administration, suivant leur mérite ou leurs talents, afin que les dettes et charges de l’Etat étant acquittées et supportées par tous ses sujets également, ils puissent opérer un prompt soulagement dans leurs peines. Art. 5. Qu’il plaise à Sa Majesté ordonner que, dans toutes les communautés qui n’ont aucune fondation pour les écoles de charité, il sera annuellement versé quelques fonds pour encourager l’instruction publique, pour secourir les pauvres, les malades et les infirmes; et que, dans cette liste, Sa Majesté daigne ne pas oublier la paroisse de Pierrefitte. Art. 6. Qu’il plaise à Sa Majesté admettre le tiers-état de son royaume à la participation de ses droits, de ses grâces et de ses faveurs, et qu’il daigne les employer, sans avoir égard à la naissance, dans le clergé, dans le militaire sur terre et sur mer, dans toutes les parties, enfin, de l’administration de l’Etat. Qu’ayant supporté dans tous les temps la plus énorme partie des charges de l’Etat, ils puissent parvenir, comme dans les suites passées, aux honneurs et aux dignités de l’Eglise, de la magistrature, du service militaire, s’ils ont le bonheur de s’en rendre dignes. Art. 7. Qu’il plaise à Sa Majesté ordonner que, dans cette paroisse, les décimateurs entretiennent à leurs dépens tous les ecclésiastiques nécessaires pour l’exercice du saint ministère, selon les besoins spirituels des habitants et des étrangersque Sa Majesté y fait séjourner. Art. 8. Qu’il plaise à Sa Majesté d’ordonner que la multitude des pigeons qui s’augmente sensiblement, aux environs de la capitale, chez les seigneurs et laboureurs indistinctement, et surtout dans cette paroisse où se trouvent quatre fiefs différents et buitehâteaux environnants, ayant co-lombier à peu de distance, soit diminuée, afin que les cultivateurs n’aient plus la douleur de voir leurs semailles de toute espèce dévastées par ces fléaux, et que ceux auquels les pigeons profitent soient obligés de les nourrira leurs frais. Art. 9. Qu’il plaise à Sa Majesté de faire ouvrir la seule source d’eau potable qui se trouve dans le territoire et à portée du village de Pierrette, dont une seule maison opulente s’est emparée, et après avoir fermé la conduite par des canaux dans son enclos de 25 arpents qui en est inondé et où elle se perd, pendant que la communauté est obligée d’aller chercher cet aliment indispensable à près d’une demi-lieue, dans un territoire étranger, où elle est souvent refusée dans les sécheresses ; qu’il soit permis à tout le village de supprimer l’ouverture où elle a été ouverte pour l’ouvrir dans l’emplacementoù cette eau a sa source, qui est à portée du village et où elle a été très-longtemps; de puiser de l’eau à cette source, qui pourrait fournir suffisamment à quatre paroisses comme celle de Pierrefitte ; que même en allant lre Série, T. Y. chercher l’eau à cette fontaine on y commet des délits sur le territoire dont chaque propriétaire souffre beaucoup, parce qu’il n’y a pas de chemin ouvert qui y conduise. Art. 10. Les malades de la paroisse de Pierrefitte n’ont aucune ressource ; autrefois il y avait dans cette même paroisse une maladrerie à laquelle était attaché, entre autres objets, un revenu annuel que le grand aumônier payait ; que depuis nombre d’années cette fondation a disparu. Que l’on ne peut sans doute en attribuer la cause au malheur du temps ; mais comme le terrain sur lequel était construite la maladrerie est actuellement réuni aux propriétés que l’abbaye de Saint-Denis adans cette paroisse, les habitants demandent que leurs malades soient reçus à l’Hôtel-Dieu de Saint-Denis, parce qu’il est richement fondé en partie par cette abbaye même. Arrêté en l’assemblée générale tenue cejourd’hui 15 avril 1789. Signé Beaugrand; Emery ; Ressy ; Jean Ducerf; Thomas Cousin-Lemaire ; Cheval ; Jean Heude ; Jean-Jacques Ducerf ; Jean-François Pérard ; Protais de LaMarre; Carpentier ; Pleesville; Ridou ; Louis-Baptiste Emery ; Pierre Divary ; Château ; La Caillette ; Jean-Pierre Duval. Paraphé ne varietur, fait ce 15 avril 1789, au désir de notre procès-verbal de nomination de député, cejourd’hui. Signé Maillet. CAHIER Des pleintes , doléances et remontrances de Jean-Baptiste Lardier, écuyer, vétéran de la maison militaire du Roi , seigneur haut justicier territorial du fief Saint-Gervais de Pierrefitte, près Saint-Denis en France (1). Au Roi et à Nosseigneurs des Etat» généraux représentant la nation. Je croyais bien être appelé à cette auguste assemblée et j’étais dans la plus grande sérénité, parce que, fidèle sujet et bon patriote, je me reposais entièrement sur les bontés du Roi, sur la sagesse de ses ministres et sur les lumières de la nation rassemblée en Etats généraux. Je ne voyais que des secours attendus de tous les fidèles sujets du Roi, mes compatriotes, qui n’ont jamais été conduits que par l’honneur et qui, en toute occasion, se sont distingués des sujets des autres puissances par leur fidélité et leur amour pour le Roi et pour la patrie ; mais il faut des moyens pour opérer ces secours. Or, que n’ai-je pas lieu d’espérer? Dans un moment où l’honnèur de la nation paraîtrait compromis aux yeux des autres nations par les écrits dangereux qui se sont répandus et par des propos hasardés qui n'inspirent que la crainte et la défiance, un Français peut-il se livrer à des idées sinistres? Oh ! mes chers compatriotes, rappelez vos sens, souvenez-vous que vous êtes Français et surtout que vous avez un Roi qui vous aime, que vous aimez, que vous devez adorer comme une divinité, et qu’on pourrait, à juste titre, nommer Phomme Roi, comme Jésus-Christ fut nommé l’homme Dieu. Rendez, comme moi, grâces à son amour et à ses bontés ; il veut nos conseils et nos avis et ne veut agir que par nos lumières. Puisse-t-il vivre éternellement ! J’ai vu la lettre de Sa Majeété, du (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives dé l’Empire. 2