253 1 Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (20 mai 1791. J veraineté nationale. Il serait inconvenant et illusoire que celui qui a violé la décence et le repos de l’Assemblée, pût rentrer dans le sein de cette même assemblée. Il vaut mieux faire éprouver une abstention à celui qui a mauqué à la souveraineté nationale. Une partie de la nation, qui a choisi un mauvais sujet, ne peut pas porter préjudice à la nation entière qui n’a voulu former une Assemblée de représentants que pour s’assurer de ses intérêts. Pour la limitation du temps des arrêts et à la prison à temps, comme le maximum des peines de l’intérieur de l’Assemblée du Corps législatif, je l’adopte. Voici, en conséquence, la rédaction que je propose : Art. 39. « Le Corps législatif fera tous les règlements qu’il jugera nécessaires pour l’ordre de son travail et pour la discipline de ses séances; mais il ne pourra prononcer contreceux de ses membres qui s’écarteront de leur devoir, d’autre peine que la censure, les arrêts, qui ne pourront être étendus à plus de 8 jours, et la prison, qui ne pourra l’être à plus de 3. » {Adopté.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 40, ainsi conçu : « Le public sera admis aux séances, en se conformant aux règles qui seront établies pour le maintien du bon ordre; le Corps législatif pourra faire arrêter et punir correctionnellement ceux qui troubleraient ses fonctions ou lui manqueraient de respect. » M. lie Chapelier. Je demande que le principe de la publicité des séances soit exprimé d’une façon plus formelle dans l’article et qu’on dise : « Les délibérations du Corps législatif seront nécessairement publiques.” (Cette motion est adoptée.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 40. « Les délibérations du Corps législatif seront nécessairement publiques, mais le Corps législatif pourra faire sortir les assistants, s’ils troublaient la délibération, même faire arrêter et punir correctionnellement ceux qui apporteraient quelque trouble aux fonctions du Corps législatif, on lui manqueraient de respect.» {Adopté.) (La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.) M. le Président lève la séance à 3 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD, EX-PRÉSIDENT. Séance du vendredi 20 mai 1791, au soir (1). La séance est ouverte à 6 heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture : 1° du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté ; 2° d’une adresse de la Société des amis de la Constitution, séant à Clermont-Ferrand , département du Puy-de-Dôme , par laquelle elle demande le licenciement momentané des officiers des troupes de ligne et se plaint de l’incivisme de plusieurs d’entre eux. (Cette adresse est renvoyée au comité militaire.) 3° d’une Adresse des Juifs domiciliés à Paris , ainsi conçue : « Les Juifs résidant à Paris, prenant la liberté d’exposer à l’auguste Assemblée nationale que la plupart d’entre eux ont de père en fils, plus de cent ans d’habitations dans cette capitale; Su’ils s’y sont toujours comportés comme des dèles sujets et de braves citoyens, qu’ils ont fourni des preuves de leur patriotisme dès le commencement de la Révolution, et qu’ils se sont montrés, des premiers, les zélés partisans de la Constitution; qu’ils se sont fait inscrire dans la garde nationale aussitôt sa formation ; qu’ils ont fait des dons patriotiques, suivant leurs facultés, et ont payé avec empressement leur contribution patriotique, et qu’ils sont toujours prêts à répandre leur sang pour la gloire de la nation et le soutien de la liberté; qu’ils élèvent leurs enfants dans ces principes et qu’ils les instruisent des lois et des décrets de l’Assemblée nationale, qu’ils regardent comme un catéchisme que tout bon français doit faire apprendre à ses enfants pour leur faire aimer leur patrie, défendre leur liberté, et se soumettre et obéir à la Constitution et aux décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi. « Les exposants ne dissimuleront pas qu’ils voient avec la plus grande joie que leurs frères, les Juifs espagnols et portugais, ont obtenu le titre de citoyen actif avec tous les droits qui en dépendent, mais qu'ils voient en même temps avec la plus grande peine, qu’ils sont privés de cette faveur, quoique plusieurs d’entre eux aient des lettres de maîtrise, et quoiqu’ils soient de la même famille, tous descendants de Jacob, fils d’Isaac, dont la généalogie est d’autant plus certaine que la tradition parmi eux vaut titre. « L’Assemblée nationale a décrété que les étrangers résidant en France, jouirait, après 5 ans de résidence, des droits de citoyens français. Par quelle fatalité les exposants seraient-ils réputés moins que des étrangers et seuls exclus des droits que la nature donne et que les décrets de l’Assemblée nationale rendent à tous les hommes. Considérés comme juifs, ils font partie des citoyens français, puisqu’ils en remplissent les fonctions et les devoirs ; considérés comme étrangers, quoique la plupart soient nés en France, ils ont, au terme de la loi, acquis le titre de citoyens français, qu’une longue habitation dans la capitale leur donne, donc ils doivent jouir de tous les droits qui en dépendent. « La municipalité est à la veille de faire une liste des citoyens actifs et éligibles* conformément au décret du 29 décembre 1790. Un décret récent en ordonne la prompte exécution ; c’est un nouveau motif pour les exposants, également propre à justifier leur instance et leur vive sollicitude, et à déterminer l’Assemblée nationale de régler leur destinée. « Le vœu des sections de la capitale en faveur des exposants lui est connu ; une députation des représentants de la commune de Paris a porté dans son sein l’expression de ce vœu authentique contenu dans leur arrêté du 24 février 1790, et la réponse de M. le Président, l’évêque d’Au-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1791.] tun, bien flatteuse pour les exposants, soutint leurs espérances. « Mais ils ne peuvent plus rester dans cette cruelle perplexité ; ils supplient l’auguste Assemblée de prendre en considération la présente supplique, de prononcer enfin sur leur sort, de les placer dans la classe de la société politique, les admettre au rang de citoyens actifs et leur accorder les mêmes droits dont jouissent leurs frères les juifs espagnols et portugais. Ce bienfait sera publié avec empressement dans les différentes contrées de l’univers, et la nation juive espagnole et portugaise avec les exposants partagera une éternelle reconnaissance. » Signé : Mardoché-Elie, député. L’ordre du jour est un rapport du comité des finances sur la fabrication des assignats de 5 livres et de la monnaie de cuivre. M. de Cernon, au nom du comité des finances. Messieurs, je viens, au nom de votre comité des finances, vous rendre compte des mesures d’exécution de votre décret du 6 de ce mois, relativement à la fabrication des assignats de 5 livres et à l’émission de la monnaie de cuivre. Il devait d’abord s’occuper de ce dernier objet ; car ces assignats viendront encore embarrasser la circulation, si la monnaie de cuivre ne leur assure pas au même instant un échange assuré, si le pauvre ne voit un métal qui est, j’ose le dire, son patrimoine. L’examen du métal des cloches, qui doit servir à cette publication, a d’abord fixé notre attention. Le comité des monnaies nous a présenté le résultat de nos vues combinées, et ce n’est pas ici le moment de vous faire part des mesures ultérieures du comité des finances sur les moyens de subvenir à la suite de cette fabrication, sur l’emploi à faire du métal des cloches. Les essais qui doivent fixer notre opinion ne sont peut-être pas encore assez certains. L’assignat de 5 livres, destiné, dans la circulation, à être souvent dans la poche, dans la main de la classe la plus laborieuse, de ceux qui, par état, sont sujets à la malpropreté, dont les travaux grossiers sont l’occupation la plus habituelle, cet assignat, dis-je, doit être fait d’une manière plus solide que ceux que leur valeur semble destiner au portefeuille; ieur forme doit être aussi de telle matière que la numération en soit très facile. Un assignat d’un papier mince ne peut obtenir ces avantages; s’il est grand,- il faut le plier ; de là des froissements, des déchirures -, s’il entre dans la poche, il finit par se couper et s’y divise ; s’il est petit, quelle consistance a un petit papier mince que le vent, que le souffle emporte, et dont l’usage commande la plus grande précaution? s’il est faible, pourra-t-il recevoir l’emprunte d’un timbre? Cette empreinte, vous la regardez, à juste titre, comme la sauvegarde la plus assurée contre la contrefaçon. lia donc fallu chercher un papier d’une consistance assez forte pour qu’il puisse se soutenir sans être plié. Il faut que le papier ait assez de transparence pour que la lecture en soit très visible ; il faut que l’empreinte, le frottement et la salissure ne l’endommagent pas ; tel est le papier que vous pouvez faire exécuter par la papeterie qui a fourni celui des derniers assignats. Uu procédé adopté par votre comité simplifie et accélère le travail ; il consiste à faire 20 assignats sur la même feuille, à les imprimer tous ensemble. 11 en résulte que la manipulation des assignats de 5 livres est supérieure à celle de l’assignat de 100 livres, avec cet avantage encore que les feuilles étant plus épaisses, il est plus difficile de les rompre. Quant aux caractères de l’impression, nous avons pensé que si les presses de M. Didot n’ont pas démérité près de vous, il n’est pas de motif pour chercher ailleurs un travail auquel tout est disposé chez lui. Il nous reste à assurer la perfection de l’assignat par un timbre sec. Ce timbre doit être regardé comme l’écueil de la contrefaçon. Ainsi, rien ne doit être négligé. Il résulte de toutés les combinaisons de votre comité la possibilité, la certitude même de voir les assignats en émission dans le mois prochain. Les assignataires, les numérateurs pourront être assez multipliés pour assurer cette émission dans ce court délai. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « Art. 1er. Le papier des assignats de 5 livres sera conforme au modèle remis au comité des finances, tant pour le format que pour la qualité de papier. « Art. 2. Les assignats seront imprimés de vingt à la feuille, et contiendront ces mots ..... « Art. 3. Us seront révêtus d’un timbre sec, portant l’effigie du roi. « Art. 4. Les assignats seront signés, numérotés et enregistrés. » M. de Crillon, le jeune. Voici un projet proposé par M. Chauvet, bordelais, dont les commissaires de la trésorerie ont eu la plus favorable idée. Cela m’engage à vous le lire. Vous remarquerez que le projet du comité exige trois semaines ou un mois et que celui de M. Chauvet peut avoir lieu dès demain. {Applaudissements.) Le voici : « Je viens présenter un moyen provisoire, mais prompt à tel degré que, par son exécution facile, demain à pareille heure, Paris peut jouir de l’abondance du numéraire. « Divisez en huit parties égales des assignats de 50 livres, suivant les procédés que je vais indiquer, de manière que chaque citoyen pourra détacher de l’assignat qu’il possède une somme de 6 1. 5 s. Pour produire cette division sans inconvénient, il faut que l’assignat reçoive au dos et sur la partie blanche une empreinte noire qui produise une division en huit parties égales, de telle sorte que chaque division soit bordée d’un cadre noir bien entier. Dans chaque cadre seront inscrits les numéros de chaque coupon depuis un jusqu’à huit. La somme de 6 1. 5 s. sera exprimée en chiffre, et la démarcation portera toujours sur une partie déterminée dans chaque assignat, en sorte qu’il ne sera pas possible de douter que chaque coupon ne contienne un huitième complet de l’assignat. « C’est à cela que se bornent toutes les précautions nécessaires. Les instruments sont tout trouvés. Une simple planche d’imprimerie suffit, et sa composition est l’ouvrage d’une demi-heure. 48 presses, dont une dans chaque district, peuventfournir dans un jour 10 millions tournois; ce qui est plus que suffisant pour satisfaire à tous les besoins, et calmer toutes les alarmes. » Voici quelques objections qu’on a faites à l’auteur du projet, et ce qu’il y répond : « Ces coupons pourront être contrefaits. Oui, mais chaque partie ne sera pas plus aisée à