[Assemblée netionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {9 mai 1791.) 681 une propriété commune; elles n’appartiennent à personne; elles appartiennent à tous. De là, il résulte que la société a le droit d’en disposer, sans porter atteinte à aucun droit individuel. L’affiche, la publication à son de trompe et du tambour, sont une manière prompte et efficace de faire connaître les lois de l’administration. Il importe que ces lois et ces actes ne soient pas confondus avec des sociétés ou des discours de particuliers. Donc, on doit réserver, pour les pouvoirs délégués, l’affiche, la publication au son de trompe et du tambour. A qui pourrait être utile le droit d'affiche? au citoyen un peu instruit? Non. Je ne sais qui a dit : l’instruction ne se placarde pas. On a dit vrai. Ce n’est pas au coin des rues que l’instruction s’acquiert : c’est dans les sociétés paisibles où l’on discute sans délibérer, où l’on s’éclaire sans passions, sans esprit de parti; c’est dans les livres, c’est enfin par des lois dictées par la 6aine philosophie. Est-ce à un particulier qu’on peut communiquer ses pensées? Non encore-Les placards ne produisant rien à leurs auteurs et leur coûtent des frais. 11 est rare qu’on prenne ce moyen pour communiquer ses pensées; il est impossible de mettre son livre en feuilles au coin des rues. Gela ne servira donc qu’à l’homme turbulent ou à l’intrigant méprisable qui voudra se faire un parti ou exciter un dangereux mouvement. {Applaudissements.) A qui donc cela peut-il servir? Aux sociétés, aux sections qui sont en état de faire des sacrifices pécuniaires. Eh bien! voilà le danger, c’est que des sociétés, des collections d’hommes, qui, par leurs discours, leurs arrêtés, prenant l’attitude d’une puissance, placent leurs délibérations à côté des lois et des actes d’administrations, et parviennent, en critiquant celles-ci ou celles-là, à rivaliser en tout les pouvoirs délégués par le peuple; et remarquez que, quand le droit d’affiche ne serait pas exclusivement délégué à ces pouvoirs, il ne pourrait jamais appartenir à une section ni à une société : à une section qui, je ne saurais trop le répéter, parce qu’il faut répéter tous les principes que tous les citoyens cherchent et doivent apprendre, à une section, dis-je, qui isolée n’est rien, qui n’est que la partie d’un tout, et dont les délibérations viennent, ou composer la majorité, ou sont étouffées par elle ; à une société qui n’a aucune existence publique, qui ne eut pas en prendre une sans usurper le pouvoir u p uple et les droits individuels des citoyens. Vous avez consacré des formes pour la publication des lois; nul ne pourrait se les arroger sans manquer à la loi. Afficher est une forme : en la réservant aux actes de la puissance publique, vous n’empiétez sur aucun des droits individuels d’aucun citoyen; car aucun citoyen n'a un droit individuel sur les lieux publics. Aux inconvénients majeurs de rendre méconnaissables les lois et les actes administratifs, au milieu de cette foule de placards dont ils seraient entourés et en partie couverts; à l’inconvénient d’éloigner les citoyens d’eu prendre connaissance et de diminuer le respect, joigoons-y cet autre inconvénient qui est très considérable, c’est que si toute personne a le droit d afficher, toute personne aura le droit de couvrir une affiche, attendu que les rues et les places pub iques seront alors au premier occupant. Or, à côté du droit du premier occupant, se trouve toujours le droit du plus fort ; ces étroits sont sur la même ligne : de là des désordres, de là des rixes souvent sanglantes; et je ne sais si une société bien ordonnée peut par ses lois préparer de tels désordres. Certes, Messieurs, c’est concevoir d’étranges alarmes sur la liberté, que de prétendre que la puissance publique ne peut pa3 se réserver un moyen de faire connaître scs acte?. Ce n’est pas du tout à cette réserve indispensable que tient la libre communication des pensées. Nous avons tout fait pour la liberté, et peut-être nous avons laissé momentanément quelque chose à la licence en ne faisant aucune disposition sur les cris qu’on entend pour annoncer, avec des feuilles qui se disent patriotiques, souvent des libelles anticonstitutionnels et des nouvelles fausses et alarmantes, des calomnies scandaleuses ; mais le profond respect qu’on doit avoir pour la liberté de la presse, ce palladium des droits des citoyens, cet ennemi des abus et de la tyrannie, a éloigné notre pensée de vous présenter aucune loi à ce sujet : c’est l’abus d’un moment, et c’est à la police, aux administrateurs et aux tribunaux à faire rechercher et punir par des voies légales les auteurs coupables qui conseillent. le crime et profanent la liberté. Ainsi, si le droit de pétition est un droit individuel de tout citoyen, le droit d’affiche au contraire ne doit être exercé que par l’autorité publique; c’est d’après ces principes qu’a été rédigé le projet de décret que nous allons vous soumettre : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de Constitution, décrète : « Art. 1er. Le droit de pétition, déclaré par l'article 62 du décret du 14 décembre 1789, est le droit qu’a tout citoyen actif de présenter son vœu au Corps législatif, au roi, aux administrateurs, sur tous les objets qui tiennent à la législation, à l’ordre général du royaume, et à l’administration. « Art. 2. Le droit de pétition, étant un droit individuel qui appartient à chaque citoyen actif, ne peut pas être délégué, et il ne peut par con-sêqu.nt (être exercé ni par les corps municipaux, administratifs ou judiciaires, ni par les électeurs : les uns et les autres peuvent seulement faire parvenir au Corps législatif et au roi des instructions et des mémoires. « Art. 3. Les citoyens actifs ont le droit de se réunir, paisiblement et sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger les adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au Corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées, et de ne pouvoir députer que 10 citoyens pour apporter et présenter ces adresses et pétitions. « Art. 4. L’objet d’une pétition sera précisément et spécialement déterminé. La pétition ne pourra ni être intitulée du nom d’une assemblée ou d’une section, ni être présentée sous aucune dénomination collective. On ne reconnaîtra pour pétitionnaires que ceux qui auront signé. « Art. 5. Un seul citoyen actif peut faire une pétition. « Art. 6. Si l’objet de la pétition n’est pas de la compétence des administrateurs auxquels elle est adressée, ils le déclareront en rendant la pétition. « Art. 7. Les citoyeos qui voudront exercer le droit de pétition déclaré ci-dessus ne pourront se former en assemblée de commune par communauté entière, ou par section. « Art. 8. Les assemblées des communes ne [Assemblée QiüoMia.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mai CT9Î.J ÔS8 peuvent être ordonnées, provoquées et autorisées que pour les objets d’administration purement municipale qui regardent les intérêts propres de lancommune. Toutes convocations et délibérations des communes et des sections, sur d’autres objets, sont nui les et inconstitutionnelles. < Art. 9. Dans la ville de Paris, comme dans toutes les autres villes et municipalités du royaume, les citoyens actif* qui, en se conformant aux règles prescrites par les lois, demanderont le rassemblement delà commune ou de leur section, seront tenus de former leur demande par un écrit signé d'eux, et dans lequel sera déterminé d’une manière précise l’objet d’intérét municipal qu’ils veulent soumettre à, la délibération de la commune ou de leur section ; et, à défaut de cet écrit, le1 corps municipal ou le président d’une section ne pourront convoquer la section ou la commune. « Art. 10. La commune, ni aucune des sections, ne pourront délibérer sur aucun objet autre que celui contenu dans l’écrit d’après lequel leur rassemblement aura été ordonné. « Art. 11. Les délibérations des communes ou des sections de commune, rassemblées conformément à loi, seront regardées comme nulles et non avenues, si le procès-verbal ne fait pas mention du nombre des votants. « Art. 12. Dans les villes où la commune se réunit par sections, les assemblées des sections pourront nommer des commissaires pour se rendre à la maison commune, et y comparer et constater les résultats des délibérations prises dans chaque section, sans que les commissaires puissent prendre aucune délibération, ni changer sous aucun rapport le résultat de celles prises par chacune des sections. « Art. 13. Si les sections ne se sont pas accordées sur les objeis soumis à leur délibération, les commissaires réduiront la proposition sur laquelle il y aura diversité d’opinions, de manière qu’elle puisse être délibérée par oui ou par non. La question sera dans cet état rapportée aux sections par leurs commissaires, et le dernier résultat sera déterminé par l’avis de la majorité des sections. « Art. 14. Dès que l’objet mis en délibération aura été terminé, les sections de commune ne Sourront plus rester assemblées, ni s’assembler e nouveau, jusqu’à. ce qu’un nouvel objetreiatif aux intérêts particuliers de la commune, et présenté dans les formes prescrites, amène une convocation nouvelle. « Art. 15. Toute délibération prise par les communes ou par leurs sections, sur d’autres objets que ceux dont l’espèce est déterminée, ou sons avoir observé les formes qui sont prescrites-par kk présente loi, seront déclarées nulles par les corps muoicipaux, ou à défaut,. par les direc-1- toires de département. « Art. 16. Le droit d’affiche au coin des rues et places publiques, et de publication à son de trompe et tambour, n’appartient qu’aux pouvoirs délégués par le peuple, savoir : au Corps législatif, au roi, aux administrateurs, aux officiers municipaux et aux tribunaux-, de justice. Aucune, section, aucune société, aucun citoyen, n’ont le droit do faire afficher, ou publier àson de trompe ou de tambour, leurs arrêtés, réflexions ou invitations.. « Art. 17. Ceux qui contreviendront à la disposition de L’article précédent seront, par voie ae police, condamnée à une amende de 100 li-vros, pour la payement de* laquelle seront solidairement poursuivis, et celui qui aura affiché-ou publié, et l’imprimeur, et le rédacteur de? l’affiche ou du billet de publication, san»préj«=~ dice de la poursuite de l’accusateur public, si l’affiche ou la publication contenait une pro� vocatiou de commettre des actes qualifiés délit» parlai loi, ou d’êmployer la violence pour détruire lès lois ou; attaquer lesrautorités constitutionnelles. « Art. 18; Nesont compris dans la présente loi, les avertissements et annonces pour les ventes de terre, maisons ou autres effets, ni en général toute» lesaf fiches qui sont de simples indications, et qui n’ont aucun caractère d’arrêtés ou délibérations ; tout citoyen pourra faire-faire les affiche» et publications de cette nature. » (L’ Assemblée décrète l’impression du: rapport de M. Le Chapelier et du projet de décret (l).) M. Pétion de Villeneuve (2). Messieurs, le projet de décret qui voua est soumis par votre) comité de Constitution et sur lequel vous êtes appelés à délibérer, mérite de fixer toute votre. attention, présenté aou& de» dehors très séduisants».. Un membre : Et très vrais. M. Pétion de Villoneave. ...il renferme des articles du plus grand danger que vous ne pouvez décréter sans le plus sérieux examen. M. le rapporteur a eu raison de vous dire qu’on ne manquerait pas de lui objecter que le droit de. pétition, ce droit qui est; si sacré, qui est un des remparts de notre liberté, un droit aussi simple n’avait pas besoin d’un projet de 18 articles pour l’établir. Jetons les veux_sur ce projet et examinons les différents articles qui présentent, des difficultés et des difficultés très sérieuses. Le premier article est celui peut-être qui vous: paraîtra le plus étrange, le plus contraire à tou» les droits, à la justice, à tous les principes, à Ih saine politique. Tous les citoyens ont droit de. pétition, dit-on, et sur-le-champ en prétendant se conformer à la Constitution que vous avez décrétée, on dit : par une conséquence nécessaire des principes que vous avez posés, vous ne. pouvez pas, vous ne devez pas accorder le droit de pétition aux citoyens qui ne sont pa» actifs. L’ôn s'appuie de l’autorité de vo» propres décrets, comme si le droit de pétition pouvait, s’assimiler aux droits politiques accordés à une classe exclusive de citoyens. Le droit de pétition n’est autre que celui de faire dea-représentations, que celui de formerutre demande en des formes légales. Est-il des citoyens qued’OD puisse empêcher de faire-des-représentation», de former une demande dfems dès formes légales ? Vous n’avez pa»cru devoir accorder à une classe-de citoyens le droit d î s'assembler avec les autres pour délibérer; mais, comme dit le comité iüi-même, il n’est pas question dè*déli-bérer, ni de détibérerd’tine' manière collective : i est question d’une demande; et on ne peut: trop favoriser lesj demandes légales, le» demandes constitutionnelle» de ce» citoven»' qm pourraient être-tentés de s’écarter despote. Je suppose par exemple que vous établissiez* (i; Le manuscrit d» ce: rapport n’a, pas été fourni à l’imprimeur. (Z) Ue discours dé M. Pétion n’a par été inséré an. ftinitenr.