[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] 93 vaisseau le Léopard, commandé par M. Santo-Do-mingo. Ces gens-là cherchent à mettre l’insubordination dans l’escadre. C’est parce que votre comité a lieu de soupçonner cette intention, qu’il vous proposera de les appeler à la barre de l’Assemblée. M. de Curt lit le projet de décret. M. Duquesnoy. Je demande en amendement qu’il soit pris des précautions pour s’assurer que les personnes appelées à la barre ne manquent pas de s’y rendre. M. de Reynaud. Si l’on avait lu la lettre qui a été renvoyée, il y a quelques jours,, au comité colonial, on aurait vu que les membres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue sont partis de leur propre mouvement. Il n’est donc pas à craindre qu’ils refusent d’obéir au décret de l’Assemblée nationale ; ils n’intriguent point à Brest ; rien ne le prouve, et personne ne s’en plaint. M. Barnave. Je n’aurais rien à dire, sans les observations du préopinant ; mais puisque déjà on cherche à prévenir ici les esprits, comme on a tenté de le faire à Brest, je dois, moi qui ai vu toutes les pièces, rétablir la vérité, et dire que la ci-devant assemblée générale, actuellement à Brest, n’a cessé, depuis le premier moment de son existence, de préparer la scission de la partie française de Saint-Domingue avec la métropole. Lorsqu’à la réception de votre décret et de l’instruction qui l’accompagnait, toute la colonie retentissait d’acclamations de reconnaissance, cette assemblée, par des calomnies, par de perfides insinuations, par tout ce que l’intrigue a de ressources, s’efforçait à faire renaître dans l’esprit des colons des inquiétudes que vous veniez de dissiper. C’est par des décrets remplis d’audace, c’est en ouvrant les ports aux vaisseaux étrangers, c’est en licenciant les troupes, c’est en prescrivant un nouveau serment, qu’elle a cherché à tromper sur le sentiment qui vous animait : nous n’avons pas à regretter ses succès ; elle a elle-même détruit son pouvoir, et bientôt menacée de la dissolution elle s’est vue forcée à se réfugier sur le vaisseau le Léopard qui s’était rendu à elle par des manœuvres qu’en ce moment je ne m’occupe point à découvrir. Mais je puis vous annoncer que quand vous connaîtrez tous les faits de cette affaire, vous ne balancerez pas à déclarer rebelle l’assemblée générale, de la partie française de Saint-Domingue, et à casser en conséquence tous les actes émanés d’elle. J’appuie le projet de décret. M. d’Estourmel. La conduite de la municipalité a paru suspecte ; il me semble que, sans approfondir ces soupçons, il serait prudent d’autoriser les commissaires civils à s’adjoindre deux membres du directoire, et non de la municipalité. Ces amendements et celui de M. Duquesnoy sont écartés par la question préalable. Le décret présenté par le rapporteur est adopté, sans aucun changement, en ces termes : « L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses comités de marine, des colonies et des recherches, sur les actes d’insubordination commis à bord des deux vaisseaux de l’escadre de Brest, depuis l’arrivée du Léopard; justement indignée des écarts auxquels se sont livrés quelques hommes de mer, avec lesquels elle n’entend pas confondre les braves marins, qui se sont toujours distingués, autant par leur attachement à la discipline militaire que par leur courage : « Décrète : 1° que le roi sera prié de donner des ordres pour faire poursuivre et juger, suivant les formes légales, les principaux auteurs de l’insurrection, et ceux de l’insulte faite au sieur de Marigny, major général de la marine; « 2° Pour faire désarmer le vaisseau le Léopard , et congédier l’équipage, en renvoyant ceux qui le composent dans leurs quartiers respectifs, et enjoignant aux officiers de rester dans leur département ; 3° Pour faire sortir de Brest, dans le plus court délai, et transférer dans le lieu qui lui paraîtra convenable, les individus appartenant au régiment du Port-au-Prince, arrivés au bord dudit vaisseau ; « Décrète que les ci-devant membres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ; ceux du comité provincial de l’ouest de ladite colonie, et le sieur de Santo-Domingo, arrivé à Brest, commandant le vaisseau le Léopard, se rendront à la barre de l’Assemblée nationale, immédiatement après la notification du présent décret, laquelle leur sera faite en quelques lieux qu’ils puissent se trouver, d’après les ordres que le roi sera prié de donner à cet effet; « Décrète, en outre, que le roi sera prié de nommer deux commissaires civils, lesquels seront autorisés à se joindre aux membres de la municipalité de Brest, tant pour l’exécution du présent décret, que pour aviser aux mesures ultérieures qui pourraient être nécessaires au rétablissement de la discipline et subordination dans l’escadre, et de l’ordre dans la ville de Brest ; à l’effet de quoi tous les agents de la force publique seront tenus d’agir à leur réquisition. « M. de Curt. On a distribué une lettre attribuée à M. de Gouy : j’y suis inculpé, ainsi que plusieurs membres de cette Assemblée ; je ne me suis point occupé de moi, ils ne se sont point occupés d’eux ; mais aujourd’hui que des troubles agitent ma patrie, et qu’on m’en accuse, lorsque j’en gémis, je ne puis garder le silence ; je dénonce cette lettre dont je n’ai qu’une copie manuscrite ; je vais la lire, et j’interpellerai ensuite M. de Gouy de la reconnaître ou de la désavouer. M. de Gurt fait cette lecture. — Cette lettre est consignée dans un extrait des registres des procès-verbaux de l’assemblée générale de Saint-Domingue ; elle contient des détails de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale lors du décret du 8 mai : M. de Gurt, y est-il dit, demanda l’ajournement sur un prétexte frivole ; tous les amendements que je proposai furent toujours écartés par la question p réalable, demandée par MM. Charles de Lameth et Gérard. La lettre est terminée par le conseil donné à l’assemblée générale de ne prendre des décrets de l’Assemblée nationale de France que ce qui s’adapterait aux localités. — M. de Gurt rappelle que le jour où l’Assemblée délibéra sur les colonies étant venu à la séance, quoique malade, il tomba sans connaissance, et ne put revenir prendre part à la délibération. (M. de Gouy paraît à la barre. — Sur l’invitation de l’Assemblée, il monte à la tribune.) M. de Gouy. Les éloges que la colonie de la Guadeloupe a bien voulu me donner, il y a quelques mois, au sujet de la dénonciation du ministre de la marine, et les reproches qu’elle adressa,