[17 mars 1791.] 167 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] de 1756 et de 1774, les titulaires demandent que l’Assemblée veuille bien fixer le mode de leur remboursement. La finance de la plupart de leurs charges n’est pa-i connue. Les guerres civiles qui ont désolé la France sous les règnes de CharleslX, de Henri III et de Henri IV, et 1-s incendies qui ont détruit les différents dépôts publics, n’ayant rien laissé subsister de relatif à la comptabilité du seizième siècle, la preuve que rapportent les titulaires actuels, qu’il y a plus de 170 ans que leurs charges sont employées dans les états du roi, nous paraît devoir leur suffire pour établir la légitimité de leur demande La même difficulté s’est présentée lorsqu’il fut question de fixer le mode du remboursement des charges de judicature, de municipalités et de chancellerie, dont la plus grande partie remonte aussi au delà du dix-septième siècle, et l’Assemblée a ordonné, parles articles 3, 5 et 6 du décret des 2 et 6 septembre 1790 et par l’article 19 de celui du 21 décembre suivant, que les offices non soumis à l’évaluation prescrite par l’édit de 1771, ni à la fixation ordonnée par les édits de 1756 et de 1774, seraient liquidés sur le pied de leur finance, si elle était connue; et si elle ne l’était pas, sur le pied du dernier contrat authentique d’adjudication. Il nous semble qu’on doit faire l’application de celte loi à tous les offices militaires qui sont dans le même cas que les offices dont il vient d’être parlé ; les mêmes raisons militent en leur faveur. L’époque très éloignée de leur création, leurs traités, les démissions de leurs prédécesseurs, leurs provisions expédiées dans la forme la plus authentique, tout prouve qu’ils ont les mêmes droits. On objectera peut-être que les provisions de ces charges n’étaient accordées par le roi que sur la présentation des chefs; que ces officiers percevaient sur ces charges un droit de présentation ou de marc d’or à chaque mutation; qu’ainsi ils doivent être censés les avoir vendues originairement, et que l’Etat ne doit pas être chargé de leur remboursement. On répondrait alors que le droit qu’avaient ces chefs de présenter au roi les officiers, et de percevoir un droit de présentation ou de marc d’or sur leurs charges, n’était point un droit particulier aux charges dont il s’agit; que presque tous Jes grands officiers avaient le même droit ;que le garde des sceaux, par exemple, avait non seulement la nomination et la présentation à toutes les charges de chancellerie, mais qu’il percevait un droit de présentation ou de marc d'or sur ces charges à chaque mutation , et qu’il les ve?idait même à son profit , lorsque les titulaires décédaient sans avoir satisfait au payement de l’annuel qu’il était autorisé à percevoir; que néanmoins, lors de la suppression de ces charges, personne n’avait révoqué en doute qu'elles ne dussent être remboursées par l'Etat; que les articles 5 et 6 du décret des 2 et 6 septembre en ordonnent la liquidation comme des autres charges. Il semble donc que l’Assemblée ne pourrait décréter le contraire à l’égard des charges des états-majors de la cavalerie et des dragons, sans faire dire qu’elle a deux poids et deux mesures. Eu conséquence, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les offices des étais majors généraux de la cavalerie el des dragons, qui n’ont été assujettis ni à la fixation prescrite parles édits de 1756 et 1774, ni à l’évaluation prescrite par l’édit de 1771, seront liquidés suivant les règles établies pour les offices de municipalités et ne chancellerie, par les articles 3, 5, 6 et 10 du décret dos 2 et 6 septembre 1790 et par l’article 19 du décret du 21 décembre suivant. » M. Pétion de Villeneuve. Qu’il me soit permis d’observer que l’Assemblée n’a aucune base certaine pour déterminer le prix de ces charge-, et qu’il est important, pour ces sortes d’objets, qu’ils soient toujours concertés avec le comité des finances ou celui de liquidation. J’en demande donc l’ajournement. M. d’André. J’appuie la proposition du préopinant, et j’observe qu’on nous propose de décréter le remboursement d’objets non encore liquidés. Les propriétaires de ces charges militaires doivent s’adresser, comme ceux des brevets de retenue, comme tous les autres titulaires d’offices supprimés, au commissaire de la liquidation, dont le travail vous sera ensuite rapporté par le comité de liquidation. M. Alexandre de Vameth. Le comité militaire a déjà nommé deux commissaires pour se concerter avec celui des pensions sur tout ce qui lui reste à faire; car il est in lispensable que tout objet de dépense, tout remboursement soit examiné avec la phs si rupuleuse attention. Or, comme les remboursements dont il s’agit doivent être faits d’après les mêmes principes que ceux des brevets de retenue, je demande que le projet de décrit soit également soumis au comité des pensions qui a proposé, par l’organe de M. Camus, des principes sur ces 'brevets et pour qu’il soit représenté à l’Assemblée au nom des deux comités. M. d’André. J’appuie cette proposition. (L’Assemblée décrète le renvoi du projet de décret de M. de Wimpfen aux comités militaire et des pensions réunis.) M. le Président lève la séance à neuf heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 17 MARS 1791. Nota. Les observations de la Société royale d’ agriculture sur les domaines congéables, ayant été imprimées et distribuées à tous les députés, font partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale constituante. Nous les insérons ci-dessous, en conservant la date de leur impression. OBSERVATIONS DE LA SOCIÉTÉ ROYALE D’AGRICULTURE Sur la question suivante , qui lui a été proposée par le comité d'agriculture et de commerce de l’Assemblée nationale : « L’usage des domaines congéables est-il utile ou non aux progrès de 168 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] l’agriculture? » (Lues par M. l’abbé Le Febvre, le 17 mars 1791.) INTRODUCTION. La question sur les domaines congéables, en usage dans quelques cantons de la ci-devant province de Bretagne, faisait partie d’nn mémoire qui a été lu à la Société par M. Le Quinio. Nous avons été chargés, M. Boncerf et moi , de lui rendre compte de ce mémoire. Nous n'avons pas cru devoir nous occuper alors de l’examen de cette question pour deux raisons puissantes que nous avons exposées dans notre rapport du 17 janvier dernier. La première parce que la Société s’est fait une loi de ne point donner son avis sur les ouvrages imprimés qui lui seraient présentés, et que M. Le Quinio , quelque temps avant la lecture de son mémoire, lui avait remis une brochure, dont il était l’auteur, portant le titre d 'Elixir du régime féodal, autrement dit Domaine congéable en Bretagne. La seconde, parce que cette question étant soumise à l’Assemblée nationale, nous avons pensé que la Société devait attendre, dans un respectueux silence, la décision que les législateurs prononceraient dans leur sagesse. Nous avons cependant ajouté que si cette auguste Assemblée nous engageait à rompre ce silence et désirait que nous lui offrissions nos réflexions sur cette grande question, nous ne négligerions rien pour répondre à la confiance dont elle nous honorerait, et que nous nous empresserions de lui adresser nos observations sur l’espèce et le degré d’influence que le domaine congéable peut avoir en général sur l’agriculture, et sur c lui qu’il a en particulier dans les cantons de la Basse-Bretagne, où il est en usage. M. Dell, député à l’Assemblée nationale, a remis à la Société, le 24 du mois de janvier, un extrait du procès-verbal du comité d’agriculture et de commerce, du 17 du même mois, ainsi u’une lettre de M. le président de ce comité, en ate du 18. Il a accompagné ces deux pièces de réflexions particulières dont il a donné lecture. L’extrait du procès-verbal du comité contient une motion faite par M. Hell. Elle est conçue en ces termes : « La matière des domaines congéables agitée t à l’Assemblée nationale est d’une si grande « importance, que la décision qui interviendra « influera beaucoup sur la prospérité des con-« trées où cette espèce de contrat est en usage. « Cette considération doit porter l’Assemblée « à se procurer tous les éclaircissements possi-« blés pour ne se déterminer que dans la plus « grande connaissance de cause. « C’est ce qui ine pone à prier le comité d’in-h viter la Société royale d’agriculture à donner « son avis sur la qu< stion suivante : « L’usage des domaines congéables est-il utile « ou non aux progrès de l'agriculture ? » Le comité a adopté cette motion et a autorisé son président à écrire à la Société, pour l’engager à donner son avis sur la question proposée. Cette délibération est l’objet de la lettre adressée à la Société par M. le pré-ident du comité. M. Hell dit, dans s< s réflexions, qu’il croirait manquer à la justice s’il demandait l’avis de Ja Société sur la question de savoir si les baux de la nature de ceux à domaine congéable, ci-devaut faits, doivent être maintenus ou non, parce que l’Assemblée nationale ne peut ni ne veut changer l’effet de la volonté des contractants ou de leurs ayants-cause. Mais il engage cette compagnie à rédiger un modèle ou projet de location, qui encourage les dessèchements des marais et les défri-hements des terres incultes; qui favorise les progrès de l’agriculture; qui fasse le bien da proprietaire et du colon; qui les réunisse par des intérêts communs, et qui détruise jusqu’à la possibilité des procès entre eux. La Société nous a chargés, M. Abeille, M. l’abbé Tessier et moi , d’examiner la question sur laquelle le comité l’a invité à donner son avis, ainsi que la demande de M. Hell son correspondant. Nous nous sommes occupés de cet examen avec toute l’attention qu’exigeait une question de si grande importance ; avec le zèle qu’inspire le bien général, seul objet des travaux de la Société; entin, avec le courage et la constance dont il a fallu s’armer pour lire, analyser, méditer et comparer les nombreux écrits de controverse, publiés depuis peu, pour et contre, sur cette matière ; écrits qui ne nous ont été remis que successivement jusqu’au 3 de ce mois (1). L’intérêt opposé des parties a été de tout temps, et sera toujours la cause de la majeure partie des discussions. Plus les intérêts sont grands, plus les discussions deviennent graves et importantes; et lorsque l'amour-nropre se mêle à l’intérêt, ce qui n’arrive que trop souvent, il est bien rare que l’aigreur ne se mette pas de la partie. Alors les écrits se multiplient à l’infini ; on y emploie les sophismes et toutes les subtilités de la chicane ; on trempe les plumes dans le fiel, on tord les textes, quelquefois on les altère; on va même jusqu’à abuser des mots qui en fixent le sens. Les intérêts opposés dans la question sur les domaines congéables sont très grands. Eu effet, si elle était décidée par l’Assemblée nationale, con-(1) Les écrits publiés contre l'usage des domaines congéables, qui nous ont été remis, sont au nombre de 6, savoir : Procès-verbal de l’assemblée do Bretagne et de l’Anjou, tenue à Pontivy. — Réponses des députés extraordinaires de Bretagne et d’Anjou, etc. — Pétition du corps électoral du Morbihan à l’Assemblée nationale. — Elixir du régime féodal, autrement dit Domaine congéable en Bretagne, par M. Le Quinio. — Le pour et le contre sur les domaines congéables, par le même. — Dernières réflexions sur les domaines congéables, par le même. Les écrits en faveur de cet usage font examen de la question de savoir si les Domaines congéables de la Bretagne, etc., par M. Henrion. — Délibération du directoire du district de Quimperlé sur les domaines congéables. — Consultation des jurisconsultes de Rennes sur les domaines congéables, par MM. Le Grand, Boy-lesve, Frot, Morice de Lérain, Le Livec, Chaillon, Potier, Le Gars et R. -G. Le Mirer. — Consultation sur les domaines congéables de Bretagne, par MM. Férey, du Verne et Collet. — Caractère et effets du bail à domaine congéable en Bretagne , par M. Boudet. — Réflexions impartiales , etc., par M. René Le Prêtre, de Château-Giron. — Mémoire sur les domaines congéa-bles de Bretagne, par M. Desnos l’aîné. — Dissertation sur les usements des domaines congéables, eic. , par le même. — Observations sur les domaines congéables dans l’usement de Rohan, par M. Burel. — Idées d’un agriculteur patriote. On nous a remis aussi deux autres imprimés : Essais de loi sur les domaines congéables , par MM. Lanjui-nais, Yarin, Le Gendre et Defermon. — Projet de décret sur les domaines congéables , par M. Baudouin. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] 169 formément aux vœux des demandeurs, les doma-niers , d’une part, qui n’ont en ce moment qu’une propriété imparfaite, partielle et résoluble d’un commun accord, deviendraient, pour une somme très mo lique, propriétaires absolus, fonciers et perpétuels. D’autre part, les fonciers perdraient tous leurs droit s sur les fonds, les surfaces, les édifices et sup rticies qui forment leur patrimoine, c’est-à-dire que, moyennant un très faible dédommagement, ils seraient privés d’une propriété réelle, primitive et aussi inviolable que telle espèce de propriété que ce soit. C’est donc parce que les intérêts opposés sont très grands dans la question sur les domaines corvéables, que cette question e-t devenue si importante. Si les fonciers et les domaniers eussent été persuadés, comme l’est M. Hell, que l’Assemblée nationale ne peut ni ne veut changer la volonté des contractants, ils se seraient, les uns et les autres, bien moins inquiétés, bien moins agités, bien moins tourmentés. Pour mettre de l’ordre dans ce travail, nous le diviserons en deux parties. Dans la première, nous donnerons les connaissances nécessaires pour l’intelligence de la question proposée; l’examen de cette question sera l’objet de la seconde. PREMIÈRE PARTIE. Connaissances nécessaires pour l'intelligence de la question proposée. Avant de nous livrer à l’examen de la question proposée, nous avons dû nous appliquer à connaître, non seulement ce que c’est que le domaine congéable, quelle est sa véritable définition, dans quels cantons de la ci-devant province de Bretagne il est en usage; mais encore bien saisir la signification des mots usités, et nous assurer de la vraie teneur des textes, parce que, dans leurs mémoire�, les domaniers et les fonciers définissent le domaine congéable, donnent aux mots les significations, rapportent et interprètent les textes suivant le degré d’intérêt qu’ils mettent à la question. Pour fixer nos idées au milieu de tant d’incertitudes, nous avons eu recours à la coutume de Bretagne et aux meilleurs auteurs qui l’ont commentée. Les détails dans lesquels nous allons entrer soot les résultats de nos réflexions, nous pourrions dire de nos méditations sur ces ouvrages. Si la matière des domaines congéables était plus familière aux membres qui composent la société, nous nous dispenserions de l’entretenir de ces détails minutieux, fastidieux même, mais devenus nécessaires, parce que ceux qui la connaissent sont en très petit nombre, et que l’avis que la société donnera doit être établi sur des notions certaines, pour porter le caractère de l’esprit de justice, d’impai tialité et de zèle pour le bien public qui ont toujours dirigé ses travaux. Nous allons donc : 1° indiquer les cantons de la ci-devant province de Bretagne où le domaine congéable est en usage; 2° fixer la signilication des mots employés dans les différents usements; 3° donner la définition du domaine congéable; 4° enfin, donner l’extrait des usements particuliers qui concernent ceux qui font l’objet des domaines congéables. Article premier. Cantons de la ci-devant province de Bretagne où le domaine congéable est en usage. Parmi les différents cantons de la ci-devant province de Bretagne où le domaine congéable est en usage, nous n’indiquerons que ceux qui ont rapport à la question. L’us'unent de Rohan est celui qui a excité avec raison le plus de réclamations de la part des domaniers. Il régit les territoires des anciennes juridictions de Rohan, Corlay , Pontivy, Baud et quelques autres inférieures. Il s’étend sur des cantons beaucoup moins vastes que chacun des trois suivants. Celui de Cornoailles régit presque tout le diocèse de Quimper et quelques parties de Saint-Pol-de-Léon. L’usement de Broueret s’étend en longueur depuis la rivière de la Roche-Bernard , jusqu’à la croix du pont de Quimperlé, et en largeur depuis le rivage de la mer jusiu’au comté de Porhoët, et le ci-devant vicomté de Rohan, ce qui comprend le territoire des juridictions royales de Vannes, Auray, Rhuys et Musillac, la plus grande partie de celle de Hennebon, avec les juridictions qui en relèvent, même les paroisses de Arzal, Péaule, Marsan , Noyai et autres voisines. L’usement de Tréguier et Goello comprend tout le diocèse de Tréguier , tout le ci-devant comté de Goello , ainsi que Paimpol, Lanvolon, Quintin, Pordic et plusieurs autres cantons dans les diocèses de Saint-Brieuc, Dot, Quimper et même Léon. Il y a aussi un usement particulier pour la ci-devant principauté de Léon et la juridiction de Daoulas. Indépendamment de ces usements, il en existait d’un autre espèce que l’on nommait droit de motte, droit de quevaise. Les tenanciers ou détenteurs qui y étaient sujets, s’appelaient Hommes motoyer quevaisiers. Les cantons dans lesquels ils étaient en usage, n’étaient pas considérables. Les autres usements compris dans la coutume concernent les villes et n’ont aucun rapport à la question. Art. 2. Signification des mots employés dans les différents usements. Les mots dont il est nécessaire de faire connaître et de fixer la signification sont ceux-ci: Usement , Edifices , Super fices, Droits convenantiers, Droits réparatoires , Acconvenancer , Do manier , Convenantier, Congément, Etayer, Baillée, Nouveautés, Commissions, Tenue, Héritage, Domaine congéable , Seigneur foncier. Le mot usement est synonyme avec ceux d’us et (V usances. Il signifie, comme ces derniers, des coutumes locales et particulières. Les usements ont eu la même origine que les coutumes; les uns et les autres étaient, dans le principe, des usages non écrits, formés par les conventions, que les habitants d’un canton avaient accoutumé de passer entre eux. Avant que les usements fussent écrits, ils ne se conservaient que par la tradition des hommes de loi, dont le témoignage était d’un grand poids dans les contestations qui y avaient rapport. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] 470 Les édifices sont les maisons et les bâtiments de service qui se trouvent sur les fonds. Les superfices sont les murs de clôture, les haies, les fosses, les récoltes sur pied, les tissus îles prairies, les bois puinais, c’est-à-dire mort-bois; les taillis, arbres fruitiers, engrais, tous les objets qui doivent leur existence à l’art, au travail ou à la culture de l’homme, et qui existent sur la superficie du fonds de laquelle ils ont pris la dénomination, et en général les améliorations utiles et permises. Les droits réparatoires ou convenantiers signifient les objets remboursables, tels que les édifices et sup plices. Le mot réparer est emnloyé dans les articles 3, 19, 24 et 25 de l’usement de Cornoailles, comme synonyme de rembourser. Acconvenancer c’est donner, céder, bailler, vendre avec des conventions particulières réciproquement con-enties. Domanier , Convenantier , est l’usufruitier d’un fonds, propriétaire en même temps des édifices et superfices de ce fonds, mais dont l’usufruit et la propriété peuvent cesser à des époques convenues. Le congément est le renvoi du domanier, qui s’opère par le remboursement des édifices, superfices, améliorations utiles et permises par le pro-priétabe foncier ou par un colon subrogé aux droits du foncier, au domanier, en vertu d’un jugement et conformément à une estimation par experts, qui se fait aux frais de celui qui rembourse. Un étager est un domanier qui a des bâtiments sur sa tenue. La baillée est un acte par lequel le propriétaire foncier consent la prolongation de la propriété des édifices etsuperficesen faveurdu mêmedomanier. Cette prolongation est ordinairement de six ou neuf ans. C’est encore un acte par lequel le foncier, en donnant à un autre colon le pouvoir de congédier celui qui est en jouissance, lui transporte la propriété des édifices et superfices pour un temps convenu. Les nouveautés ou commissions sont les deniers d'entrée ou pot-de-vin que le domanier consent de payer au propriétaire foncier, lors du renouvellement de la baillée. La tenue est le corps ou l’ensemble de tout ce qui est concédé au domanier par le propriétaire foncier. Domaine et congêable répondent nettement à deux objets très dLtincts, présentent deux idées absolument différentes. Domanium est un mot de la basse latinité qui est tb é du mot latin dominium, et qui a rigoureusement le n ême sens; il suppose nécessairement une propriété foncière, il présente l’idée d’un propriétaire de fonds. Congêable tiré de congeare, qui est aussi un mot de la basse latinité, rénondau mot latin dimittere. 11 suppose nécessairement et représente à l’idée un fermier que le propriétaire est en droit de congédier, de renvoyer au temps convenu. D'Ar-gentré traduit en latin le domaine congêable par ces mots domanium migratorium; et il ajoute, congedialia Do mania dicuntur, quia suo tempore migrare accipientes coguntur. Enfin quant aux mots seigneur foncier , ou en trouve la vraie signification dans les textes des différents usements. D’après ces text s seigneur foncier ne signifie pas seigneur possédant fief , mais propriétaire de fonds , dominas fundi. En effet voici ce qu’on lit à la fin de l’article 2 de Fusement de Cornoailles (1) « leurs veuves (des <« domaniers) y prennent douaire, quand ils sont « vendus (les édifices et superfices) àautres qu’au « seigneur foncier , les retirent par prémi sse, en « prennent possession, font bannir et s’en appro-« prient avec pareilles solennitésqneronobserve, « pour soi rendre seigneur irrévocable de tout autre « héritage, sans que pour cela ils payant aucunes « ventes.» Le mol seigneur employé dans ce texte ne signifie certainement pas seigneur de fief, il signifie bien évidemment propriétaire d’un foncls, dominus fundi , propriétaire d’un héritage. Nous venons de dire qu’un héritage était un bien dont le fonds et les édifices et superfices appartiennent au même propriétaire. L’article 13 de Fusement de Tréguier et Goello porte (2). « Il n’est pas besoin d’avoir fief et juri-« diction pour avoir des convenantiers congéa-« blés, comme plusieurs croient faussement; il « suffit d’avoir terre et maison à la campagne, « soit noble ou roturière. » Suivant ce texte, il est bien constant qu’un roturier peut être propriétaire de domaines congéables. Le propriétaire roturier est appelé comme les autres seigneur foncier; et cependant on n’ entend pas par ces motssei-gneurde fiefs, mais propriétaire de fonds : dominus fundi. Fundus est locus cum ædificio ; Ager dicitur rure locus sine ædificio qui in urbe dicitur Area. Dans Fusement de Rohan, ainsi que dans les autres, les propriétaires de domaines congéables sont appelés tantôt: seigneurs sans autre épithète, comme dans l’article 4 (3). « Le seigneur exclut « les autres collatéraux comme les oncles, tantes, « cousins et leurs enfants. » tantôt propriétaires , comme dans l’article 16 (4). «Aussi les douairières » ne peuvent congéer sans le consentement du « propriétaire. » Tantôt enfin seigneur foncier , comme dans l’article 32(5). « Aucun de droit pré-« messe n’appartient des édifices et tenues ven-« dues en la dite vicomté, après le consentement « du seigneur foncier. » Etdansl’articlel3 (6) « au « prisage des édifices sont employés les arbres « portant fruits de la dite tenue, et non les ar-« bresetboisde décoration qui appartiennent au « seigneur foncier. » Si ces textes ne suffisaient pas pour fixer la signification du mot seigneur , employé dans tous les usements, nous renverrions aux titres qui existaient avant l’établissement des fiefs en France; titres écrits, pour la majeure partie en latin on y trouverait le mot Dominus, employé très souvent , et on serait forcé de convenir que ce mot ne pouvait alors signifier que propriétaire de fonds , lorsqu’il s’agissait de fonds, puisqu’alors il n’existait aucun fief; et que par la même raison celui de seigneur, employé dans tous les usements, ne peut avoir une signification différente, puisque, de l’aveu de toutes les parties, les domaines congéables, et par suite les usements qui les régissaient, existaient dans la ci-devant province de Bretagne avant l’imroduction des fiels. Nous avons insisté davantage sur la signification des deux mots seigneur foncier , que sur celle de tous les autres, parce que, dans les mémoires en faveur des domaniers, on a affecté, d’une manière trop remarquable, de leur donner celle de (1) Coutumes de Bretagne . A Rennes, chez Joseph Vatar, édition de 1742, page 411. (2) Ibidem, page 4. (3) Coutume de Bretagne, déjà citée, page 407. (4) Ibidem, page 408. (5) Ibidem, page 409. (6) Ibidem , page 408. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] seigneur de fiefs , et que l’on a même été dans l’un de ces mémoires, jusqu’à substituer, un assez graud nombre de fois, le mot vassal, à ceux de colon, détenteur, tenancier, domanier, tandis que ce mot vassal n’est employé que deux fois dans les usements, qu’il est aux articles 4 et 26 de ruseraient de Tréguier et G >ello, et que ces articles ne sont pas cités dans le mémoire en question. Art. 3. Définition du domaine congèable. Le domaine congèable peut être généralement défini d’après la teneur de tous les userai* nts, Une propriété composée de trois parties principales, savoir : le fonds, les édifices, les superfxces; la première desqrn lies parties le fonds est affermé ou donné à bail pour 6 ou 9 années par un contrat synallagmatique moyennant une rente annuelle dont le montant est fixé par les contraciants; les deux autres parties les édifices et les superfices , sont cédées, aliénées, vendues pour une somme qui en représente la valeur, et qui est plus ou moins considérable, suivant les clauses particulières insérées dans l’acte, d’après fusement qui régit le canton où le domaine est situé; mais universellement avec la faculté perpétuelle au bailleur de congédier le pren ur à la fin du bail, en lui remboursant préalablement les édifices et superficies, ainsi que les améliorations utiles et permises qu'il peut avoir faites, et ce, suivant l’esiimation par experts convenus entre les parties, ou nommés d’office aux frais du propriétaire foncier. Nous regardons comme superflu de prouver chacune des parties de cette définition; mais en rapprochant, comme nous l’avons fait, les différents articles des usements qui contiennent des clauses générales, on conviendra, du moins nous le pensons, qu’il serait difficile de définir plus exactement, plus clairement et plus brièvement le domaine congèable. Oa conclura, et avec raison, de cette définition, que l’acte relatif à un domaine congèable est un contrat mixte qui contient un bail et une vente. Un bail à l'égard du fonds, puisque la jouissance en est abandonnée pour 6, 9 années, et quelquefois plus, moyennant une somme payable chaque an par ie "preneur; une vente, à l’égard des édifices et superfices, puisque Je bailleur reçoit une somme qui représente leur valeur. On conclura aussi que, par cet acte, le bailleur conserve la propriété entière du fonds, et transporte celle des édifices et des superfices au preneur, puisqu’il en reçoit de lui le prix. On conclura encore que par cet acte, le preneur n’est qu’usufruitier du fonds, et propriétaire seulement pro tempore des édifices et superficies, puisque le bailleur se réserve le droit de rentrer dans cette propriété, en remboursant la somme qu’il a reçue du preneur. Enfin on conclura que le fermage du fond' est la principale et la prédominante convention de l’acte, et que la résolution de la vente des édifices et superfices lui est subordonnée, puisque le propriétaire foncier peut congédier le domanier à l’époque où finit le fermage, en lui remboursant la valeur de ses édifices et superfices. _ Les clauses d’un pareil acte semblent contrarier d’abord les idées ordinaires et communes; 171 mais si ou les compare à celles insérées dans les contrats de vente à réméré, assez généralement connus, on verra que ces deux actes se rassemblent sous beaucoup de rapports. Afin de faciliter c. tte comparaison, et pour que l’on puisse mieux juger de cette ressemblance, nous I r-mmerons ces détails par faire connaître les clauses particulières et essentielles que contiennent les différents usements. D’ailleurs si nous omettions de les rapporter, nous n’aurions rempli que très imparfaitement notre tâche, parce que nous n’aurions donné qu’une idée incomplète des domaines congéables. Art. 4. Extrait des usements qui concernent chacun de ceux gui font l’objet des domaines congéables. Parmi les clauses particulières et essentielles que contiennent les usements qui régissent les différents cantons de la basse Bretagne, où le domaine congèable est en usage, il en est qui concernent f s propriétaires lonciers, d’autres les domaniers, et quelques-uns la femme, les enfan's et les héritiers de ces derniems. Nous avons rassemblé ces clauses par extraits, sous chai un de ces trois principaux titres, en distinguant les usements, afin q m l’on puisse en saisir mieux et plus facilement l’esprit et l’ensemble. Section première. Extrait des usements particuliers qui concernent les propriétaires fonciers (1). ÜSEMENT DE ROHAN. Les propriétaires fonciers ont justice sur leurs domaniers comme sur les autres hommes de fief. — Ils ont le droit ou de rembourser les acquéreurs des tenues qui ont été vendues par des domaniers ayant dos enfants, ou de payer les superfices, c’esi-à-dire d’experts, et de prendre un droit de consentement sur le taux des lods et ventes. Doubles ventes leur sont dues, lorsque les acquére irs de domaines congéables ont négligé de leur exhiber, ou à leurs officiers, leurs contrats dans les 40 jours. — Lorsqu’une tenue est vendue sans leur consentement, ils ont un droit de prémesse ou retrait. -— Si les mêmes propriétaires fonciers ou Leur# prédécesseurs ont donné à bail plusieurs pièces de terre aux mêmes domaniers, ou à leurs prédécesseurs, ils peuvent, d’accord avec les domaniers, former une seule leuue de ces tnê nés terres. — Lorsqu’ils rentrent dans leurs domaines, à la fin du bail, ils o it droit au quart des productions de la terre qui doivent être récoltées, et des engrais. _ Le fonds et la propriété des tenues leur ap-(1) Dans tous les usements, on donne indifféremment aux propriétaires les noms de seigneurs, seigneurs fonciers, propriétaires, propriétaires fonciers, et aux colons, ceux de détenteurs, tenanciers, convenanciers, colons, domaniers. Afin d’éviter toute équivoque, nous prévenons que pour désigner les premiers, nous emploierons toujours les mots propriétaires fonciers, et que nous appellerons constamment les seconds domaniers. 172 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mars 1791 .J [Assemblée nationale.] parliennent, si le contraire ne peut être démontré par titres. — Les tuteurs et curateurs ne peuvent rentrer dans les domaines congéables, sans décret de justice et avis de parents. — Les propriétaires fonciers peuvent congédier les doma-niers quand bon leur semble en leur remboursant les édifices, superfices et droits convenantes, selon l’estimation qui en est faite par des commissaires-priseurs, dont les parties conviennent, ou qui sont nommés d’office : cette estimation est laite aux frais des propriétaires fonciers. — Ils ne peuvent congédier les domaniers qu’après l’expiration des baux, qui sont ordinairement de 6 années, lorsqu’ils ont reçu des deniers ou pots-de-vin ; et s’ils les congédient avant l’expiration des baux, ils sont obligés de leur rembourser les pots-de-vin. Lorsque les 6 années des baux sont expirées, ils ne sont i as tenus au remboursement. — Ils ont, pour leur consentement, le cinquième du prix de la vente des domaines congéables, lorsque les domaniers, sans enfants, sont forcés de les vendre ; ce qu’ils ne peuvent faire sans une très grande nécessité. ÜSEMENT DE CoRNOAILLES. Les propriétaires fonciers peuvent congédier les domaniers de leurs tenues quand bon leur semble, mais seulement après l’expiration des baux, soit que leur durée soit de 9 années ou plus; et dans ce cas, ils doivent rembourser les édifices et superfices à dire d’experts, arpenteurs, appréciât urs convenus : ils peuvent même les congédier pendant la durée de leur bail, s’ils veulent habiter les tenues; alors ils sont ienus, envers les domaniers, à un dédommagement particulier et indéi endant du remboursement des édifices et superfices, dans lesquels sont compris les arbres fruitiers, les améliorations faites dans les jardins, vergers, clôtures ou pourpris, les pailles, trempes, stucs ou engrais, qui sout sur et dans la terre, les prairies, même les genêts ou landes lorsqu’ils ont plus d’un an. Ils ne peuvent exiger, et il ne leur est point dû de droits de ventes pour les baux de 19 ans ni pour ceux à plus long terme. USEMENT DE BROUEREC. Les propriétaires fonciers peuvent congédier les domaniers lorsqu’il leur plaît, en leur remboursant préalablement les édifices et superfices, et en les laissant jouir des stucs et engrais; mais le congé mei t ne peut être fait qu’après l’expiration du termeportépar le bail, s’il en existe un. — Ils n’ont pas be-oin de prouver la possession des domaines congéables, lorsqu’elle leur est contestée parles domaniers qu’ils congédient : la présomption est pour eux, jusqu’à ce que le contraire soit établi par titres de la part des domaniers. — Ils ne sont point obligés de renouveler les baillées aux mêmes domaniers; ils peuvent, apres l’expira1 iou du bail, en passer à un autre et le subroger à faire le remboursement des édifices, supertices et droits réparatoires ou les rembourser eux-mêmes. — Ils n’ont point, à titre de propriétaires fonciers, de juriuiction, ni justice civile ou criminelle sur leurs domaniers, ni lods et ventes, rachats ou autres droits semblabhs. — Ils sont tenus aux frais du prbage, ainsi qu’à ceux du remboursement. La revue est aux dépens de celui qui la demande. USEMENT DE TrÉGUIER ET GOELLO. Les propriétaires fonciers peuvent abattre les bois parle pied, sur les tenues de leurs domaniers, en les dédommageant, pourvu que ce ne soit pas des arbres fruitiers, parce qu’ils appartiennent en entier aux domaniers, qui peuvent en disposer à leur volonté, ainsi que des émondes des chênes et des puinais ou mort-bois. — Lorsqu’ils ont des domaniers dans l'étendue de leurs fiefset dans labanlieue de leurs moulins, ils peuvent les obliger àsuivre leur justice et leurs moulins ;mais si les domanierssontétagers,et s’ils demeurent dans le fief d’un aulre, ils suivent lajus-tice et le moulin de ce dernier, parce qu’il n’est pas besoin d’être seigneur de fief, pour avoir des domaniers, comme plusieurs le croient faussement : il suffit d’avoir des terres et une maison à la campagne, soit nobles ou roturières. Section II. Extrait des usements particuliers qui concernent les Domaniers. ÜSEMENT DE ROHAN. Les domaniers doivent aux'propriétaires fonciers aveu et déclaration des terres de leurs tenues, des rentes dont ils sont chargés, à chaque mutation d’hommes; ils doivent comparaître de 10 ans en 10 ans à la réformation de leurs rôles, en faire à leur tour la recette, ainsi que celle des rentes, suivre leurs moulins, charroyerdu vin, du sel, du bois pour leur provision, faner leurs foins et les cbarroyer, leurs dépenses leur sont remboursées. — Les douairières ne peuvent les congédier sans le consentement des propriétaires fonciers. Ils ne peuvent, sans pareil consentement, faire sur leurs tenues de nouveaux bâtiments, ni augmenter ceux qui existent. — Ceux qui ont des enfants peuvent vendre les édifices de leurs tenues; ruais ils ne peuvent les grever de rentes sans le consentement des propriétaires fonciers. — Ils n’en ont pas besoin pour sous-fermer leurs tenues, lorsque le bail n’excède pas 9 années. ÜSEMENT DE CORNOAILLES. Les domaniers, dans tout le ci-devant comté de Gornoailles, excepté la partie de la juridiction de üaoutas, sont maîtres des édifices et superfices de leurs tenues; ils peuvent en disposer comme de leurs héritages, ils peuvent partager entre eux Jes fonds et superfices sans appeler les propriétaires fonciers, mais ils ne peuvent diviser les rentes sans leur consentement. — La seule possession de 40 ans rend les domaniers propriétaires irrévocables des édifices sans qu’ils aient besoin de prouver leur propriété par titres. — Les bois qui croissent sur les fossés et au dedans b ur appartiennent, excepté ceux propres à merrain, dont ils n’ont que les émondes, ainsi que tous les b 4s de merrain de haute futaie qui croissent dans leurs parcs et clôiures. Ils ne peuvent émonder les rabines et bois de haute lutaie qui sont au pourpris de leurs tenues, soit nobles ou rotuuères, encore moins les couper par pieds. — Ils ne peuvent également construire sur leurs tenues des bâtiments nou- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 17 mars 1791.J 173 veaux, sans le consentement du propriétaire foncier, parce qu’ils ne peuvent grever le fonds sans sa permis?ion (1). — IU peuvent, sans la permission des propriétaires fonciers, faire les améliorations utiles et nécessaires, telles que haies, fosses, vergers, jardins et prairies. — Ils doivent, s’ils n’en sont pas dispensés par les baux, 9 corvees p.i r an aux propriétaires fonciers; savoir : 3 journées de voitures d’attelage pour les transports de leurs bois, vins et foins; 3 de chevaux sans attelage, et 3 de travaux de leurs mains. Ils ne les doivent pas hors de la juridiction où ils habitent, si ce n’est pour les charrois de vins, blés et ardoises. Ces corvées sont estimées à raison de 10 sols, les 3 premières, 5 sols les secondes, et 2 sols 1/2 les troisièmes. Elles ne sont pas dues par les domaniers qui n’ont aucune maison dépendante de leurs tenues. — Ils peuvent vendre leurs édifices à qui bon leur semble même par parties, sans le consentement des propriétaires fonciers, à condition que la rente restera due sur l’universalité de la tenue; sans cette clause, le consentement du propriétaire foncier est nécessaire. — Ils ne peuvent forcer les propriétaires fonciers à les congédier ; ils peuvent l’être séparément lorsqu’ils ont divisé leurs tenues. — Ils peuvent déguerpir les domaines, loisqu’ils les trouvent trop arrentés et chargés ; mais il faut qu’ils en préviennent judiciairement les proprietaires fonciers ; il faut que le bail soit fini ; il faut qu’ils renoncent au remboursement oes édifices et superficies et autres droits réparatoires, qu’ils acquittent les arrérages échus, qu’ils donnent une déclaration des terres qu’ils abandonnent. ÜSEMENT DE BrOUEREC-Les domaniers ne sont pas obligés de passer de nouveaux baux, à moins qu’ils n’en soient requis par les propriétaires fonciers, ce qu’ils peuvent faire quanti bon leur semble lorsque le bail qui existait est expiré. — Ils peuvent transposer leurs droits réparatoires à un tiers, qui demeure soumis à ce même congément. — Ils ne peuvent, sans une permission expresse des propriétaires fonciers, faire aucuns nouveaux bâtiments sur leurs tenues ; changer l’état, la forme et les dimensions des anciens en les réparant; de même à l’égard des fossés et des clôtures des terres; et en cas de contravention, les propriétaires fonciers ont l’option, dans 40 ans, de les obliger à dérmdir les innovations qui les grèveraient par l’estimation, lors du congément, ou de prendre, s’ils veulent s’en contenter, des lettres ai-reconnaissance et de non-préjudice qui les garantissent que dans le cas de congément, les innovations neserontpas comprises dans les estimations, et qu’ils ne seront pas obligés d’en tenir compte. — Ils doivent suivre le moulin des propriétaires fonciers, et déclarer, dans les reconnaissances et dénombrement qu’ils leur donnent, l’obligation du respect. — Ils sont t nus aux corvées naturelles à l’usement et sans stipulation. Elles sont au nombre de 6 : 3 à bras pour battre, amasser les grains et les foins des propriétaires fonciers; et 3 avec chevaux et char-(1) Grever les fonds, s’entend quand les édifices, une fois payés, valent plus que le fonds une fois prisé, non pas plus que l'affranchissement de la rente au denier 20, qui est souvent fort médiocre, attendu les grands avantages dont jouissent les domaniers. rettes si la tenue est suffisante pour entretenir des bêtes de charge ou d’attelage. — Les corvées à faner doivent être continuées de jour en jour, jusqu’à l’entière récolte, elles ne sont comptées que pour une. Celles par chevaux ou charrettes ne peuvent s’étendre au delà du chemin nécessaire pour aller et revenir en un jour. Ils sont encore tenus à des corvées extraordinaires pour la construction et la réparation de la maison, des moulins, étaugs et biens des propriétaires fonciers, qui ne peuvent les appeler qu’à leur tour et rang, et qui doivent les nourrir ainsi que leurs bestiaux. — Les obj ts remboursables aux domaniers sont les superficies et droits réparatoires, les maisons, murs, fossés, arbres portant fruits, qui sont estimés à la charretée, comme si c’était de simple bois de chauffage, mais les autres bois de la nature de ceux qui s’élèvent en haute futaie, savoir : chênes, frênes, hêtres et ormeaux, n’y sont pas compris, parce qu’ils appartiennent aux propriéudres fonciers, à l’exception des émondes des chênes plantés sur les fossés, dont le tronc n’excède pas 10 pieds de hauteur et est couronné. Les stucs et engrais employés à l’amélioration des terres destinées à recevoir les semences entrent aussi dans l’estimation , eu égard à la quantité de terres ainsi engraissées, et jusqu’à la concurrence des 3/4 des terres labourables de la tenue, si lant il s’en trouve; mais dans le cas où if y en aurait plus des 3/4, le surplus n’est point estimé. L’estimation de ces stucs et engrais ne peut excéder 6 livres par journal. Les domaniers ont la faculté d’ense-menser les terres engraissées, jusqu’à la concurrence des 3/4 ci-devaut énonces, et de recueillir une fois les 3/4 des fruits, charges déduites, laissant l’autre quart aux propriétaires fonciers. A l’égard des marnix et engrais existant en nature, les domaniers congédiés sont tenus de les laisser sur le lieu, on les leur paye la moitié de l’estimation faite par experts. Quant aux terres déjà ensemencées, ainsi qu’aux fruits pendants et attachés à la terre, lors du congément, les congédiés en ont les 3/4 et les proprietaires 1/4. Les congédiés ont le droit d’emporter les foins récoltés et les pailles de froment, mil, avoine et blé noir; mais les pailles de seigle restent sur le lieu. Pendant l’instance du congément, les domaniers peuvent continuer la jouissance, labourer et faire les réparations en bons pères de famille, nonobstant les oppositions et les déclarations faites par le libellé à lin de congément. — Les domaniers ne peuvent être congédiés par les tuteurs et curateurs, non plus que par la douairière, sans le consentement des propriétaires fonciers. ÜSEMENT DE TrÉGUIER ET GOELLO. Les droits convenantiers sont immeubles pour les domaniers, c’est pourquoi ils n’eu doivent aux proprietaires ni aveux ni hommages, ventes ni rachats; mais ils doivent payer les rentes seigneuriales à leur déchargé, les tailles ordinaires et extraordiuaiies. Ils doivent encore déclaration notariée à chaque mutation de propriétaire, par tenants et aboutissants, pour empêcher les changements dans le domaine et la nature de la rente, parce que le contrat à domaine coogéable ressemble, sous quelque rapport, au contrat de cens; mais il en diffère essentiellement en ce que le cens transporte la propriété du fonds, se réservant le bailleur une rente annuelle, et que, par [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il mars 1791.] ili le contrat de convenant congéable, le propriétaire vend seulement les édifices ei supertices en se réservant la propriété du fonds, moyennant une renie ainsi que la faculté de congédier le doma-nier, en lui retnhoursam les édifices et supertices, les trempes, pailles, stucs ou engrais qu’ils ont dans ou sur les terres, également que les genêts sur pied qui ont plus d’un an. Les Irais d’estimation de ces objets sont à la chaige des propriétaires fonciers. — Les domamers ont la liberté de bâtir sans somptuosité, sur les anciens fondements; mais ils ne pmvent construire des bâtiments neufs sur de nouveaux fondements, sans le consentement des propriétaires fonciers ; et s’ils le font, lors du congément les édifices ne sont prisés que comme des (lierres en monceaux, ei des bois debout qui n’ont reçu aucune façon. — Les domaniers ne sont obligés de payer les corvées en argent, qu’en cas de refus de leur part et de contestation. Elles ont pour cbjet de faner et charroyer les foins, les vins, les bois de provision et l’ardoise : ils sont nourris, ainsi que] leurs bestiaux, par les propriétaires fonciers. Elles ne sont dues que dans le cas où la tenue est un peu considérable et ne peuvent être exigées que lorsqu’elles sont nécessaires ; si elles ne l’étaient pas, les propriétaires font iers ne pourraient les apprécier. — Les domaniers qui trouvent leurs rentes excessives peuvent déguerpir et abandonner leurs tenues, mais ils doivent le déclarer, en justice, aux propriétaires fonciers, et fournir une déclaration des terres qu’ils abandonnent. SECTION III. Extraits des usements qui concernent les héritiers des domaniers. U SEMENT DE ROHAN. Lorsque les domaniers meurent sans enfants de légitime mariage, leu s tenues appartiennent en totalité aux propriétaires loneiers;les collatéraux, te s que les oncles, tantes, cousins, cousmes et ieui s enlanis n’y ont aucun dn il; cependant les frètes etsœurs quisetrouventhabitei le domaine à leur dé ès, ou qursont à servir, à apprendre un métier, et qui n'ont point de domicile particulier hors du domaine héritent de leurs pères. Le plus jeunedesenfatits légitimes des domaniers, soit lils ou tille, est héritier de ce domaine à l’exc usion des autres. S’il y a plusieurs tenues distinctes et séparées dans une succession, le plus jeune des enfants a le choix entre elles, tnsuite son aîné immédiat, ainsi de suite, du plus jeune au premier né, soit mâles ou femelles, et lorsqu il y a plus de domaines que d’e fants, le plus j une recommence à choisir. Celui qui hérite de la tenue est obligé de loger ses tîèies et sœurs ju.-qu a ce qu’ils soient mariés ; il doit les nourrir et les enti\ tenir pendant leur minorité sur le bail à ferme et les profits de la tenue. Lorsqu ils sont mariés, il peut les expulser. — Les meubles se partagent également entre les enfants des doma-niers. Les fumiers et engrais se partagent comme meubles. Une veuve ne peut exiger, même à la rigueur, pour son douaire, le tiers de la tenue, mais seulement un logement suffisant et quelque bétail nourri, et elle doit payer, au prorata de sa jouissance, les rentes et autres charges; une veuve qui se remarie perd son douaire sur les tenues. ÜSEMENT DE CORNO AILLES. Les veuves ont droit, pour leur douaire, aux édifices et superfi es quand ils sont vendus à d’auires qu’aux propriétaires fonciers, elles les retirent par prémesse, en prennent possession, font bannir et s’en approprient avec les mêmes formes que l’on observe pour se rendre propriétaire irrévocable de tout autre héritage. ÜSEMENT DE BrOUEREC. Les lignagers n’ont pas la faculté de retraite dans le cas de congément. — Les droits répara-toires sont réputés immeubles et susceptibles d’hypothèques et de retrait lignager à l’égard des domaniers; mais non de division ou partage. A l’égard des seigneurs fonciers, ils ne tiennent lieu que de meubles. ÜSEMENT DE TrÉGUIER ET GOELLO. Les domaines congéables sont immeubles à l’égard des héritiers des domaniers ; ils ont droit à tout ce qui les compose, après que le propriétaire foncier a été payé de i-a rente, et que le douaire de la veuve a été levé et as-is, car comme les uomanlTs ont le droit à bon marché, et souvent à vil prix, et que par leurs soins les terres et maisons s’augmentent de valeur, il y a ordinairement du prolit et des rentes de reste après le propriétaire payé ; aitendu que pur leurs baux conveuuntiers les domaniers se cha'gent de moins de rente qu’ils peuvent suivant les conventions volontaires et la somme qu’ils dorment aux propriétaires à cet effet. Lorsqu’un mari donne les terres et maisons de sa femme à domaine congéable, il doit faire emploi de ia somme qu’il reçoit du domanier pour les édifices et smperfices, parce que les biens de la femme se trouvent diminués d’autant. Le mari esi aussi tenu de faire emploi de la somme qu’il reçoit lrsqu’il vend ou aliène les domaines Cungéabies de la femme, parce que c’était sou piopre héritage immeuble. Les héritiers des domaniers partagent les droits réi aratoires; mais ils ne peuvent diviser la rente due aux propriétaire fonciers qui peuvent agir soli virement contre chacun d’eux, sauf li ur recours. Les deniers des remboursements faits par les propriétaire fonciers sont meubles; ainsi ils entrent dans la communauté, et le mari domanier n’est point obligé u’en faire l’emploi; s’il vend les droits t épar atones à tout autre, il doit faire emploi des neniers qu’il reçoit; dans ce cas üy a lieu au retrait lignager, et nullement au retrait féodal. Cet article , pore le texte, est grandement considérable pour La décision de plusieurs questions. Lorsqu’un mari domanier retire les droits de convenant de sa femme, il doit être dédommagé de la moitié des deniers du retrait ou conge-ment : il en est de même à l’égard de sa femme. Nous ne parlerons pas des autres usements qui se trouvent dans la coutume de Bretagne, sous les titres de droits de motte, de droit de quevaise, parce que les derniers ont été abolis p œ un décret particulier de f Assemblée nationale dn 15 mais 1790, et que ceux de motte auraient subi le même sort, s’ils n’eussent pas cessé d’exister quelque temps avant ce décret. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] 175 Nous avons pensé que les détails dans lesquels nous venons d’entrer étaient nécessaires pour mettre la Société en ét..t de donner un avis fondé sur des connaissances cer taines. Elle peut actuellement juger si nous pouvions sans manquer à sa confiance, et sans l’exposer à se compromettre, nous dispenser de lui faire connaître : 1° quels sont les cantons de la ci-devant province de Bretagne dans lesquels le domaine congéable est en usage; 2° quelle est la véritable signification des mots employés dans les usements; 3° ce que c’est que le domaine congéable ; 4° enfin quels sont les usements particuliers qui concernent ceux qui font l’objet des domaines congéables. Elle peut juger si toutes ces connaissances ne doivent pas précéder les réflexions que nous allons lui présenter sur fa question que le comité d'agriculture et de commerce fui a adressée, et qu’elle nous a chargés d’examiner. SECONDE PARTIE. Examen de la question proposée. Si nous eussions été chargés, il y a trois ans, de /a part de la Société, de lui présenter nos réflexions sur la question des domaines congéables, persuadés, comme nous l’étions alors, comme nous l’avons toujours été, et comme nous ne cesserons jamais de l’être, que toutes les lois, us et coutumes qui peuvent tendre à aggraver le sort et la condition des fermiers, laboureurs et cultivateurs, à ralentir leur activité naturelle, à étouffer leur industrie et à contrarier leurs travaux importants, sont opposés au progrès de l’agriculture, nous aurions fait toutes les recherches possibles pour connaître l’époque de l’étab iste-ment des domaines congéables en Bretagne; nous aurions tout employé pour découvrir les motifs qu’avaient eu ceux qui les ont établis ; enfin nous nous serions appliqués, avec le plus grand soin, à suivre les effets de ces établissements. Ce que nous auiioiis fait alors, nous l’avons fait en ce moment. A l’egard de l’époque de l’établissement des domaines congéables en Bretagne, nous sommes assurés que l’un peut la fixer avec certitude emre le cinquième et sixième siècle, c’est-à-dire 4U0 ans environ avant que les fiefs fussent connus dans cette contrée. Les motifs de cet établissement sont consignés dai s la coutume de Bretagne, et voici le texte qui les contient : « Le convenant en domaine congéable est une « espècede conliat emphytéotique, par lequel les « seigneurs ont excité les laboureurs à entre-« prendre des défrichements et cultures, en lais-« sant la jouissance du fonds, à charge de certaine « prestation annuelle, avec faculté d’y faire cer-« taines améliorations, dont ils ne pourront être « expulsés qu’en leur remboursant le prix de. ce « qu'elles se trouveront valoir lors du congé-« ment (1). » Quant aux effets de cet établissement, nous avons reconnu que des terrains en friches, que des laudes, que des soh que l’on ne croyait propres à aucune production sont devenus très fertiles en grains de toute espèce, eu fourrage et en bois. Ges faits sont particulièrement connus de l’un de nous qui a passé de longues années dans la ci-devant province de Bretagne, qui n’a (1) Supplément de l’usement de Brouerec, page 425. aucun intérêt à la question, puisqu’il n’y possède aucun bien, mais qui, pendant le long séjour qu’il y a fait, a été nécessité de s’occuper particulièrement de tout ce qui a rapport aux lois qui la régissent. En nous en tenant il y a 3 ans à ces recherches et à ces découvertes, nous aurions conclu que l’usage des domaines congéables était utile aux progrès de l’agriculture, mais nous n’aurions pas alors borné notre examen à ces recherches et à ces découvertes. Convaincus que par le laps de temps les abus s’introduisent imperceptiblement et successivement dans les établissements que les motifs fes plus purs et fes plus favorables an bien public ont dirigés dans leur origine, nous nous serions assuré si celui des domaines congéables en avait été exempt. N> us aurions reconnu, et nous ne l’aurions pas dissimulé, que les seigneurs de fiefs, et peut-être encore plus qu’eux, leurs gens d’affaires, étaient parvenus successivement à insérer dans quelques contrats à domaine congéable des clauses qui approchent beaucoup de celles que l’orgueil, la vanité, et un pouvoir étrange que des hommes libres ont voulu exercer sur d’autres hommes aussi libres qu’eux, c’est-à-dire des clauses que la féodalité a introduites; que ces contrats ont ensuite servi de base aux auteurs qui ont dans la suite rédigé les usements, que c’était ainsi q te la pureté de l’établissement des domaines congéabhs a été altérée. Mais nous aurions observé que c’est particulièrement dans Fusement de Rohan que cet abus s’est introduit; que les domaines congéables de ce territoire ont, pour la majeure partie, et de tous temps, appartenu à des seigneurs de fiefs : que le territoire qui est régi par l’usement de Rohan est beaucoup moins considérable que chacun de ceux de Cornoailles, Brouerec, Tréguier et Goello, dans lesquels la pureté de l’établissement des domaines congéables n’a point, on n’a été que très peu altérée. Convaincus de ces vérités affligeantes pour les colons et desiruetives de leur industrie, nous aurions dit à la Société il y a trois ans : "Vos travaux assidus et désintéressés, votre attachement sincère et inaltérable pour la classe d’hommes la plus intéressante de l’Empire français ; voire zèle infatigable pour tout ce qui peut contribuer au bien-être et au bonheur des habitants des campagnes, vos amis, vos plus chers et plus utiles coopérateurs, tous ces titres vous engagent à entieprendre de faire rétablir le domaine congéable particulièrement sur le territoire de Rohan dans toute la pureté de son établissement. Commencez donc par employer tout votre crédit pour y parvenir; lorsque vos efforts seront couronnés, et que vous aurez obtenu de vos démarches le succès que vous devez en attendre, nous nous empresserons de vous présenter nos réflexions sur la question de savoir s’il est utile ou non à l’agriculture. Mais nous sommes dispensé� aujourd’hui de former la demande préalable que nous aurions cru indispensable de faire il y a trois ans. L’Assemblée nationale a détruit le régime féodal dans son origine et dans ses causes : dans son origine, en abolissant toutes 1 s seigneuri s; dans ses causes, en déclarant tous les hommes égaux entre eux vis-à-vis de la loi. Elle a doue rétabli le domaine congéable dans toute la pureté de son établissement, et c’est sous ce point de vue que nous devons et que nous allons le considérer. Nous regardons comme utile à l’agriculture tout ce qui peut favoriser la multiplication des |76 [Assemblée nationale.] propriétés, ou au moins des exploitations; tout ce qui peut assurer aux colons la continuité de la culture, en donnant à celui qui cultive de petites ou de grandes propriétés appartenant à autrui, la certitude d’avoir travaillé pour lui-même pendant la durée de son bail, tout ce qui lient tendre à laisser au colon la plus gramie liberté dans la manière de cultiver et dans le choix des productions qu'il veut préférer; tout ce qui peut le déterminer à améliorer le terrain qui lui est abandonné pour un temps, et à lui assurer, à la tin de ce temps, si le propriétaire ne veut pas le prolonger, la rentrée de s-s premiers fonds, ainsi que de ceux qu’il aura employés pour toute espèce d’ameliorations permises; enfin, tout ce qui peut entretenir et augmenter le travail par l’espérance d’en obtenir un jour la récompense en devenant propriétaire, après avoir été coion. Examinons donc si le domaine cungéable, réintégré dans toute la pureté de son origine, favorise ou contredit des résultats si évidemment conformes au bien public et particulier. Ou connaît les obstacles qui se sont opposés, jusqu’à piésent, à la multiplication des petit* s propriétés (I). On sait que cette calamité publique va diminuer insensiblement, et peut-être cesser tout à fait eu assez peu d’années, par l’ardeur qui se manifeste partout pour ces défrichements, pour la formation des prairies artificielles, et par conséquent pour l’augmentation du bétail et des engrais; moyens sans lesquels, loin de pouvoir tirer un parti avantageux des défrichements, nous ne pourrions tout au plus soutenir notre agriculture actuelle. A ces moyens d’améliorations, vont s’en joindre d’autres très puissants eu eux-mêmes, et fort fiés de plus en plus par les décrets de l’Assemblée nationale. Ces moyens sont le< dessèchements des marais et de cette multitude de terrains inondés, qui, en dérobant des sols immenses à l’agriculture vouent à la maladie et à lu mort tous les riverains de ces cantons empestés. Ces grandes entreprises, à mesure qu’elles s’exécuteront, appelleront et attireront infailliblement une multitude de bras. Mais tout le détail de la culture exige des avances énormes en bâtiments, (1) Nous n’ignorons pas que l’idée qu’on attache aux mots petites propriétés ou petites fermes n’est pas à beaucoup près la même partout. Ce qu’on nomme petite ferme, dans un lieu, serait regardé comme exploitation de quelque importance dans un autre. Nous savons aussi que dans les trop petites possessions (quoique proportion gardée clics produisent plus que les grandes), presque tout le produit est absorbé par la subsistance et les besoins ou du propriétaire, ou. du petit fermier et de leur famille ; que, par conséquent, les grandes exploitations sont plus utiles à l'Etat, parce qu’elles laissent un grand résidu, après avoir fourni aux frais de culture, à la subsistance des ouvriers, à leurs salaires, aux contributions publiques, etc. Mais nous pensons que dans la position malheureuse où se trouvent la très majeure partie des habitants des campagnes et dans le besoin pressant d’augmenter la somme des terrains cultivés, il est très essentiel de favoriser toutes les cultures, même les plus petites, soit dans les défrichements, soit dans les dessèchements. La pente irrésistible des choses ne conduira que trop tôt à la réunion de plusieurs de ces parcelles les unes aux autres, et peut-être à de plus grandes possessions. L’essentiel, jusqu’à ce que notre agriculture soit devenue assez étendue et assez florissante pour suffire à tout, est de commencer par multiplier les moyens de travail et de subsistance pour la multitude. 117 mars 1791.] en bestiaux, en instruments aratoires, en approvisionnements de grains, de fourrages, etc., etc. Nous ne doutons pas que ceux q>ri auront de vastes terrains à défricher, de vastes dessèchements à faire, ne se portent, autant que leurs faculté-le leur permettront, à faire les avances nécessaires, sans lesquelles il serait non seulement inutile, mais onéreux de défricher de nouveaux terrains, ou de dessécher dos terrains inondés. Nous ne doutons pas qu’ils ne soient secondés dans leurs utiles opérations par des gens qui, ayant de petits capital x, les emploieront à acquérir de petites portions de ces terrains, par la certitude d’en tirer un parti avantageux parle travail, l’économie et cette intelligence qui accompagnent toujours l'amour de la propriété. Mais nous ne doutons nullement que si les baux à domaine congéable s’introduisaient dans le royaume, cette heureuse nouveauté ne hâtât, pour l’avantage de tous, et les défrichements et la culture des terrains desséchés. De simples fermiers jerieraient les propriétaires de vastes terrains dans la nécessité de faire les frais de construction de bâtiments qui, joints à ceuxde défrichement et de dessèchement, deviendraient fori onéreux. Quand il leur se ait possible de suffire à ces efforts, les fermiers y porteraient nécessairement la répugnance naturelle et assez juste en soi, de continuer, jusqu’au dernier jour du bail, des améliorations et une activité de culture dont ils craignent de ne pas profiter, et qui ne serait utile qu’à leurs successeurs. C’est ce grand obstacle à la culture, qui a excité pendant si longtemps les réclamations contre lu courte durée dus baux; on y a remédié en autorisant les baux déplus longue durée. Mais ce lemède, qui diminue le mal, ne le détruit pas entièrement; le fermier, dans les dernières années d’un bail de 18 ans, négligera la culture et les améliorations, comme il les négligeait dans les dernières années du bail de 9 ans. Cet inconvénient majeur, et pour la chose publique, et pour le propriétaire, et pour le nouveau fermier, n’aurait et ne pourrait même avoir lieu avec le domanier. Sûr d’être complètement remboursé jusqu’au dernier jour île son bail de tes soins, de ses dépenses, de ses améliorations, au cas qu’il ne pût s’aceorder avec le proprié-taue du fonds sur la continuation des anciennes j conditions, ou sur des conditions nouvelles, il aurait tout à perdre, à négliger le sol pendaat les dernién s années, et tout à gagner à redoubler d’activité, puisqu’il est sur d’être remboursé du fruit de ses soins et de ses améliora ions. Voilà d ne un grand motif pour assurer à l’Etat la continuité de tous les travaux agricoles. Un uomauier qui, d’après un titre invariable qui lui assure la propriété desediln es et superficies du terrain qu’il cultive, est sur de travailler pour lui, de ne travailler que pour lui, a toutes sortes de motifs pour espérer que son travail et son économie te meriront, un peu plus tôt ou un peu plus tard, en état d’acquérir une propriété plus ou mo ns étendue avec ce qu’il reçoit du remboursement des édifices et superflues des domaines congéables, soit que le propriétaire veuille exercer ce droit, qu’il s’est réservé par le contrat, soit que le domanier ne veuille pas continuer l’exploitation au delà du bail, et qu’il la cède, à un tiers. Un cas vraisemblab'ement fréquent serait celui des petiis cultiva eurs, proprietaires de quelques pièces de bétail et de quelques instruments aratoires, mais hors d’état d’acheter la ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] 177 plus petite portion de terrain à défricher ou nouvellement défrichée, qui demanderaient à se charger, au moyen d’un faible prix de fermage, d’un petit fonds, pendant 9,18 ou 27 années; de construire de petits logements sur ce terrain encore sans valeur, d’y faire des fossés, de le cultiver, d’y planter des arbres fruitiers et autres, sous la condition qu’à la fin du bail, ils seraient remboursés comme propriétaires mobiliers de tout ce qui existerait en bâtiments, plantations, cultures et autres améliorations quelconques, à moins que le domanier ne continuât son exploitation d’après un nouveau bail, sous les mêmes conditions ou sous de nouvelles dont le propriétaire et le domanier conviendraient librement. Alors on procurerait à l’agriculture qui n’a aujourd’hui que des propriétaires qui cultivent eux-mêmes, ou par leurs fermiers ou métayers, une classe mitoyenne qui tiendrait d’un côté à la classe des propriétaires, et de l’autre à celle des fermiers : à la première par la propriéié des édifices et superfices acquis et accrus en valeur, par la faculté d’améliorer; à la classe des fermiers: 1° par la limitation de la durée de l’exploitation fixée par le bail; 2° par le payement du faible prix du fermage pour le fonds du sol qui, sans appartenir au domanier, serait la base de l’accroissement de sa fortune, par un travail, des plantations, des améliorations dont la valeur lui serait nécessairement remboursée à la lin de son exploitation. Voilà de grands motifs pour hâter la mise en valeur de petites parties de terre à défricher, de petites portions de terrain desséchées par la certitude du colon de ne travailler que pour lui, ce qui amènerait insensiblement l’augmentation du nombre des petites propriétés; enfin ce serait une cause évidente d’accroissement de travail et de produit de l’agriculture, dans le royaume. Sous ces différents aspects, il paraît que loin d’abolir l’utile contrat à domaine congéable, il serait à désirer qu’il s’accréditât partout. Ce vœu est d’autant plus naturel à former que les personnes qui connaissent la ci-devant province de Bretagne, relativement à son agriculture, et qui n’ont aucune part à la discussion de la question proposée, assurent unanimement que les terres à domaines congéables sont généralement les mieux cultivées, les mieux entretenues, et que, parmi les cultivateurs non propriétaires, les do-maniers sont sans comparaison les plus aisés, qu’il y en a un certain nombre au-dessus de l’aisance et quelques-uns riches. S’il était nécessaire de prouver que les succès et les progrès de l’agriculture dépendent principalement et presque uniquement de la certitude qu’a le cultivateur de ne travailler que pour lui, nous nous autoriserions, quoi-qu’à regret d’un très grand abus qui dure depuis très longtemps dans le Santerre qui fait partie de la ci-devant province de Picardie. C’est un abus qu’il serait sans doute très convenable de faire cesser; mais dans la question qui nous occupe, il n’en est pas moins une preuve des bons effets de la persuasion où est le cultivateur fermier que ses soins et ses travaux tourneront tout à fait à son profit. L’usage le plus général, dans le Santerre, contrée d’une fertilité remarquable en grains, est que les fermiers se sont rendus maîtres absolus de leurs fermes, sans addition aux anciens fermages ; ils disposent des biens qu’ils cultivent comme s’ils en étaient propriétaires. Ils les transmettent comme une succession à leurs enfants ; lre Série. T. XXIV. ils les leur donnent en tout ou en partie en les mariant; ils les morcellent en s’en réservant pour eux-mêmes des portions. Le propriétaire n’ose jamais changer de fermier ; et s’il Pose, il ne tarde pas à s’en repentir par les actes de vengeances terribles et presque inévitables que se permettent les fermiers, qui, sur ce point, se tiennent tous, comme ils le feraient pour la conservation légitime de leur propriété. Voilà un grand et un très grand désordre, duquel cependant résulte une agriculture très florissante. Si l’on avait dans le Santerre des doma-niers, au lieu de fermiers, la même prospérité existerait pour l’agriculture, et il n’existerait ni désordre ni abus. L’un de nous vient de demander les plus amples éclaircissements sur tout ce qu’on se permet à cet égard dans le Santerre, contre les droits de la propriété. Il s’est adressé à un homme parfaitement instruit et plein d’amour et de zèle pour le bien public. Lorsque ces éclaircissements auront été fournis, la Société regardera certainement comme un devoir de les mettre sous les yeux du comité d’agriculture de l’Assemblée nationale. Si les abus connus de la féodalité qui avaient introduit, pour ainsi dire, une langue nouvelle, ont introduit dans les usements des expressions et des espèces d’assujettissements pour les do-maniers qui ont pu les faire assimiler à des vassaux, toute féodalité, toute inégalité dans les partages ayant été abolies par des décrets sanctionnés, il ne reste pas même le plus léger motif de réclamation et d’inquiétude sur ces accessoires du domaine congéable, considéré en lui-même. Si, de plus, le projet si désiré de la suppression des coutumes, et à plus forte raison des usements locaux est exécuté, le domaine congéable ne sera plus ce qu’il a été dans son origine, c’est-à-dire un contrat très libre, très lieue, très compatible avec les droits de l’homme et dont les effets seront évidemment favorables à l’agriculture. Une foule d’autorités plus graves les unes que les autres attestent cette vérité. Nous nous bornerons à rapporter ici le sentiment de Du Parc-Poulain, et celui du directoire du district de Quimper lé consigné dans une déclaration prise le 20 décembre 1790, sur le réquisitoire du procureur-syndic. « Il serait facile, dit Du Parc-Poulain (1) , « de prouver que ces concessions (à domaine « congéable) sont beaucoup plus avantageuses « pour la population et pour l’agriculture que « les simples fermes muables qui ont lieu dans « le reste de la province, et même dans le pays « de Léon où le domaine congéable n’avait pas « lieu dans le principe. Un paysan, propriétaire « des édifices et superfices de sa tenue, dont la « jouissance ne peut cesser que par le congément « et qui a toujours espérance de l’empêcher en « payant une commission à l’expiration de sa « baillée, se regarde comme propriétaire de sa « tenue, et i’améliore avec plus de soins et de « courage, qu’un fermier, qui prévoit la cessa-« tion de sa jouissance à l’expiration de sa ferme. « Gela produit l’abondance et la richesse. Aussi, « pendant que presque tous les métayers sont « pauvres dans les différentes parties de Ja proie vince, il est très ordinaire de voir les doma-« niers riches ; ce qui produit la population, (1) Journal du Parlement de Bretagne, tome V, chapitre CLXXII, pages 596 et 597. 12 178 [Assemblée nationale.] « outre l’augmentation de l’agriculture. Ainsi « l’on ne peut trop favoriser la multiplication * des domaines coi géables, et les premières con-« cessions qui en sont faites. » Voici comment s’explique le d rectoire du district de Quimperlè: « Sous le pays d’usemen s, « les paysans sont beaucoup plus aisés, leurs « terres sont mieux cultivées, plus garnie-*, « mieux entretenues, et plus boisées que dans « la haute Bretagne, < ù les métayers, souvent à « mi-croît, ne quittent point la terre avec de « fortes sommes comme nos fermiers domaniers; « et que ceux-ci sont d'amant plus libres de « leurs personnes, qu’ils afferment et peuvent « affeimer leurs dions réparatoires, les vendre, « les hypothéquer, charger le rs sous-fermi -rs « de lés libérer de leurs rentes et charrois, « même d< s réparations et de to aies les charges « de la tenue. » Voilà des témoignagnes en faveur des domaines congéables, qui non seulement ne peuvent être suspects, mais qui sont d’un très giaud poids. Mais on dira peot-êire: Si le domaine congéa-ble procure aux colons des avantages aussi réels que vous l’avancez, s’il est aussi favorable à l’agricuiture que vous le prétendez, pourquoi tous les domaniers se sont-ils réunis pour en demander la suppression? pourquoi ces réclamations vives, ces i élitions multipliées, adressées à l’Assemblée nationale, contre cette espèce de fermage? Pour répondre à cette objection d’une manière satisfaisant il est indispensable de remonter à l’origine de la demande faite par les domaniers: la voici. Lors de la rédaction des cahiers, dans les assemblées primaires, on insista, dans toutes les parties du royaume, avec auiant de chaleur que de raison, sur la demande positive de l’abolition du régime féodal. Gomme dans les usements qui régissent plusieurs cantons de la basse Bretagne et particulièrement dans celui de Rohan , il s’était introduit des expres-ions et des conditions ressemblantes à celle de ce régime, la proscription de ces expressions fut également demandée. L’Assemblée nationale a dirigé ses premiers travaux contre la féodalité. Elle en a prononcé l’abolition totale par un decret solennel. Les expressions et les conventions contenues dans les usements, qui avaient quelques rapports à ce régime, ont donc été proscrites par ce décret, et le domaine congeable a été rétabli dans toute la pureté de son origine. Mais cette proscription n’a pas paru suffisante à quelques habitants de la basse Bretagne. Ils ont pensé que l’Assemblée nationale pouvait anéantir les baux à domaine congéable, dans leur totalité, même ceux existant actuellement, et faire passer aux domàniers, moyennant une somme très modique, la propriété entière et absolue des fonds dont, par conventions libres et Ïiarticuüèfes, ils n’avaiént que la jouissance imitée, même la propriété des bois qui couvrent ces fonds, et sur lesquèis ils n’avaient aucun droit. Ce système proposé aüx domaniers ne pouvait manquer de leur plaire; ils ne pouvaient manquer de l’adopter, surtout leur ayant persuadé en même temps qu’il entrait dans les vues des législateurs, et que l'Assemblée nationale n'excéderait pas ses pouvoirs en l’adoptant. Ils se sont donc proposé de former la demande de son adoption, et ils ont êxécuté ce projet dans une assemblée très nombreuse tenue à Pontivy, [1? mars 1791.] dans le mois de février de l’année dernière, assemblée qui avait pour principal objet d’apaiser les troubles qui désolaient alors la Bretagne, de rétablir l’ordre et de mettre sous la sauvegarde publique les personnes et les propriétés. Si les créateurs de ce système avaient é é pénétrés des principes de M .Stell, principes que nous avons rapportés aü commencement de ces observations; s’ils eussent tenu un lang'ge qui y fût conforme; si enfin ils eu sent dit aux domaniers : l’Assemb'ée nationale ne peut ni ne veut changer la volonté des contractants qui est un des plus précieux effets de la liberté; elle a fût tout ce qui était de sa justice, en abo issant le régime féodal et tout ce qui y a rapport ; en détruisant ju-qu’aux apparences de tout ce qui pouvait aggraver votre sort et votre condition; en rendant au domaine congéable toute la pureié de son établissement; mais la même justice qu’elle a mise dans sa conduite, à cet égard, elle l’emploiera pour assurer, défendre et conserver les propriétés; ce devoir n’est pas moins sacré pour elle que celui qu’elle s’est empressée de rempiir à l’égard des citoyens opprimés. Mieux instruits, l» s domaniers ne se seraient certainement pas réunis pour demander l’abolition entière et actue le des domaines congéables; ils n’auraient pas fait de réclamation, ils n’auraient pas adressé de pétitions . Cette réunion n’est donc que l’effet de l’erreur dans laquelle on les a plongés sur les dispositions des législateurs et sur l’esprit de justice de l’Assemblée nationale. Gela paraît si constant que le district de Quimperlè , composé de membres qui ont assisié al’assemblée tenue à Pontivy, et quien ont signé le procès-verbal, expose dans sa délibération dont nous venons de parler des principes et une opinion diamétralementopposés à ceux avancés dans cette assemblée. On pourrait donc croire, avec quelque fondement, que si, après avoir retiré les autres domaniers de l’erreur dans laquelle ils peuvent être encore sur les dispositions des législateurs et la justice de PA-semblée nationale, on leur demandait, maintenant que le domaine congéable est rétabli dans toute la pureté de son otigine, s’ils veulent jouir aux mêmes titres et sous les mêmes conditions que les fermiers des autres parties du royaume, ou comme ils ont vécu jusqu’à présent, c’est-à-dire comme domaniers, ils préféreraient tons la jouissance domauiale. Encore une réflexion; ce sera la dernière. Il est généralement reconnu ei avoué que les biens ruraux, possédés et affirmés par les ci-devant ecclésiasiiques réguliers, étaient du nombre de ceux qui étaient les mieux entretenus, les mieux soignés et les plus productifs; qu’ils étaientgar-nis des plus beaux et des plus nombreux bestiaux ; qu’ils étaient couverts de plus grande quantité et de meilleure qualité d’arbres fruitiers; qu’ils fixaient d’une manière particulière l’attention des voyageurs, qu’on les distinguait aisément au mili u de ceux qui les entouraîe t. Pourquoi ces biens étaient-ils dans cet état vraiment remarquable d’abondance, de fertilité et de prospérité? G’est que les fermiers des religieux possédaient, dans le fait, et sous les rapports les plus essentiels, à l im-tar des domunieis; c’est qu’il était très rare que les religieux changeassent leurs fermiers; c’e� qu’ils existaient de père en filsdans leurs biens; qu’ils les regardaient comme leur propriété et les soignaient comme telle; c’est qu’iis ne craignaient pas de perdre les avances qu’ils faisaient pour les améliorer, parce qu’ils ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. 118 mars 1791.1 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. avaient la presque certitude de n’être pas congédiés à la lin d’un bail, moyennant une légère augmentation qu’ils donnaient ; c’edtqu’ils étaient assurés qu’ils ne travaillaient que pour eux et que pour les leurs; c’est qu’eufiu ils ne rendaient de leurs fermes qu’un prix modéré, et que les bénéfices qu’ils faisaient les mettaient dans l’heureuse facilité d elever leurs enfants, de leur donner une sage éducation et de leur procurer des établissements solides, convenables et proportionnés à leur fortune. Voilà des faits, et des faits aussi notoires qu’incontestables. Tout est dit en agriculture, lorsque les faits ont parlé. Si donc, comme nous croyons l’avoir démontré, le domaine congéable, tel que nous devions le considérer, et qu’il existe en ce moment, c’est-à-due ramené à la pureté de son origine, favorise la multiplication des propriétés et des exploitations; assure aux colons la continuité de leur culture; leur offre la plus grande liberté dans la manière de cultiver et dans le choix des productions qu’ils veulent préférer; les détermine à améliorer le terrain qui leur est concédé; leur donne l’espérance d’être un jour récompensés de leurs travaux en devenant propriétaires, nous ne devons pas hésiter et nous n’hésitons pas à conclure que cette espèce de fermage est utile au progrès de l’agriculture; nous ajoutons même avec confiance que plus tôt il se propagera dans toutes les parties du royaume, plus tôt cet art, le premier et le plus important de tous, parviendra au degré de perfection où il doit être dans un Empire agricole et libre. Il nous reste, pour avoir complètement rempli notre tâche, à rappeler à la Suciété la demande que M. H 11 lui a faite et qu’elle nous a chargés d’examiner. M. Hell demande que la Société donne un modèle ou projetée location des terres, qui encourage les dessèchements des marais et les défrichements d s terres incultes; qui favorise les progrès de l'agriculture, qui fasse le bien du propriétaire etdu colon ; qui les réuni se par des intéiêis communs et qui détruise la possibilité des procès entre eux. La question que nous venons de Iraiter ayant exigé un travail consiuéruble, qui a employé tout notre temps, nous n’avons pu nous occuper de ia demande de M. Hell. Nous nous livrerons très incessamment à cet examen. Mais nous croyons devoir avouer aujourd’hui à la Société notre insuffisance, pour la rédaction u’un projet de location, qui satisfasse à la dernière tondifion de la demande de M. Hell, c'est-à-dire qui détruise jusqu'à la possibilité des procès entre les propriétaires et les colons. Nous ne connaissons que la loyauté, l’amour delà justice et de la paix réciproques, dans la rédaction ainsi que dans l’exécution des traités et des actes, qui puissent éloigner les procès. Gomme ci s \erlus, qui dirigent toutes hs aurons de M. Hell, doivent prédominer dans le cœur de tout citoyen libre et qui est gouverné par des lois sages, auxquelles tous indistinctement doivent être soumis, il nous est agréable de nous persuader qu’elles piendront dans celui de tous les Français la place de la mauvaise foi, de l’éguïsme et de la cupidité, qui ont été jmqu’à présent la source de tous les procès. Au Louvre, le 17 mars 1791. Signé: Abeille; i’abbé Tessier, l’abbé Le Febvre. Extrait des registres de la Société royale d'agriculture du 17 mars 1791. La Société, invitée par le comité d'agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale à lui donner son avis sur la question suivante : l'usage des domaines congéables est-il utile ou non au progrès de V agriculture? avait nommé MM. Abeille, i’abbé Le Febvre et l’abbé Tessier pour rassembler tous les renseignements sur cet objet, et lui faire un rapport particulier, afin d’être à portée de répondre au comité. La Compagnie, après avoir entendu la lecture faite par M. i’abbé Le Febvre des observations de ses commissaires, lésa adoptées, et a chargé son secrétaire d’en adresser une copie à M. le Président du comité d’agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale. Certifié conforme à l’original. Signé: A. Broussonnet, secrétaire perpétuel. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. de montesquiou. Séance du vendredi 18 mars 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d’hier au matin et au soir, qui sont adoptés. M. Fréteau. Messieurs, je n’étais point hier au commencement de la séance, lorsqu’on a ordonné le remboursement d’un grand nombre d’oi lices de jndicature, liquidés par le commissaire de la liquidation. Dans ce décret, figure l’office de conseiller dont j'étais pourvu au parlement de Paris, et cet olfice y est liquidé à un taux supérieur au prix de l’acquisition. En effet, mon père n’a acheté cette charge — car j’étais mineur alors — que pour une somme de 43,000 livres, et elle est liquidée aujourd’hui sur le pied de 50,000 livres. Voici le principe de cette erreur: Une partie de la charge fut payée eu argent, l’autre par un contrat de renie qui, à la veiné, était de 14,000 livres, mais qui, perdant alors la moitié de sa valeur, n’a été effectivement donné que pour 7,000 livres; c’était uq contrat sur l’hôtel de ville, réduit en vertu u’arrêts du conseil. Ainsi ma charge a paru être aclie ée pour une somme de 50,000 livres, taudis qu’en réalité elle n’en a coûté que 43,000; il lésulte de là que mon office ne uoit être remboursé que sur le pied de 43,000 livres. Je crois, Messieurs, cette considération importante-, car plusieurs charges ont « té achetées alors de la même manièie; elles seraient ainsi remboursées au delà du prix de leur acquisition. Je sais bien qu’on pourra opposer à votre justice des considérations d’bumaniié en faveur de ceux qui ont acheté leurs charges beaucoup au delà de la finance et comme des objets de commerce; mais je ne crois pas que la nation soit en état de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.