[Assamblée national».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 août 1790.J 181 ne leur pardonnera pas : ce n’était pas assez, la municipalité implora le secours du commandant de la province; le 9 arrivèrent des détachements de troupes étrangères, tous les citoyens se demandent quel désordre a-t-on commis? Où sont les crimes qu’il faut punir? « Le peuple, au milieu de ses inquiétudes, se permet à peine quelques murmuras ; les officiers municipaux et les chefs des troupes tiennent sur la place des conférences ; on décide que le régiment de Royal-Ghampagne ne fera plus de service ; que les portes seront occupés par la garde nationale ; que les nouvelles troupes garderont les faubourgs que les portes de la ville resteront toujours ouvertes, et qu’ainsi que les ponts-levis elles seront clouées ; telles sont les dispositions du congrès municipal et militaire. Le peuple en voyant appeler des troupes étrangères, en voyant qu’on leur livre les portes, n’a-t-il pas dû concevoir des inquiétudes pour sa liberté ?...» M. l’abbé Maury. Nous n’avons pas besoin de cette relation, elle n’a nul rapport avec l’objet actuel. (Cette observation est repoussée par des murmures.) M. Dubois-Crancé continue sa lecture. — «On ne se permettra qu’une réflexion sur ces dispositions despotiques. Ce n’est qu’à l’approche des troupes étrangères, rassemblées autour de Paris, qu’a commencé la Révolution. Enfin arrive un décret qui improuve la conduite du régiment de Royai-Champagne, et ce n’est pas ce décret fulminant qu’on avait annoncé. « On ne conçoitpas les raisons qui ont engagé les officiers municipaux à tenir la ville investie par des troupes étrangères. Ils auraient pu le faire peut-être, si les cavaliers n’avaient pas reçu avec modération l’humiliation qui leur a été infligée; mais ils n’ont pas donné ce triomphe à leurs ennemis. On a vu monter à l’hôtel-de-ville des soldats, peut-être gagnés, pour faire des déclarations dont on ne connaît pas la teneur: ces soldats, au nombre de 30, habitent un autre quartier de la ville; on leur a donné de la poudre et du plomb pour se défendre, dit-on, contre leurs camarades. Si l’on avait pu exciter la division, on se serait applaudi des dispositions qu’on vivait prises. Il résulte de ce récit : 1° que le faux avis donné par M. de, Fournès est le pivot sur lequel roule toute cette conduite ; 2° que les officiers municipaux, sous le prétexte de mettre en sûreté les officiers du régiment de Royal-Cham-pagne, qu’on a feint. être en danger, ont troublé la tranquillité publique et la liberté; 3° qu’on s’est permis d’infliger au régiment de Royal-Champagne des peines plus fortes que celles décrétées par l’Assemblée nationale, il résulte enfin qu’il n’y a plus de sûreté publique, plus de liberté; que les droits de l’homme sont une chimère, si les officiers municipaux peuvent clouer les portes, appeler les troupes étrangères et usurper le pouvoir militaire. Pour opérer une contre-révolution à Hesdin, on n’aurait pas pris d’autres mesures. L’Assemblée nationale est suppliée d’examiner si le corps municipal n’a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont délégués par la loi. » M. d’Ambly. J’ai reçu aussi une lettre de la municipalité: le régiment n’a pas fait ce qu’on craignait ; la municipalité n’a pas de tort pour avoir pris des précautions. Quand on a tenu un conseil, que le chef de la garde nationale a signé, et qu’on revient contre, il faut mettre la clef sous la porte. M . de Fournès, colonel du régiment de Royal-Champagne. Je dois vous dire que les faits contenus dans l’extrait de cette prétendue lettre sont inexacts ; je demande qu’on la porte au comité militaire, pour qu’il vous en soit rendu compte. ( Voyez aux Annexes la réponse de M. de Fournès à la lettre deM. Varlet, lue par M. Dubois-Crancé). (On demande l’ajournement à jour fixe de la motion de M. de Mirabeau l’aîné, et le renvoi au comité du récit lu par M. Dubois-Crancé.) M. de Mirabeau, l'aîné. Il me semble qu’on oublie la manière dont a été introduite là communication de la lettre de M. Dubois-Crancé; je l’ai demandée en preuve de la complication de la maladie de l’armée; elle ne peut être l’objet d’une motion. C’est ma motion qui doit être délibérée ou renvoyée à un comité, selon le désir de l’Assemblée. M. Robespierre. Il est évident que M. de Mirabeau a présenté sa motion, comme essentiellement attachée à l’affaire de Toulon... M. Alexandre de Lameth. Il me semble, sans examiner au fond la motion de M. de Mirabeau, qu’elle renferme deux mesures, dont l’une peut-être adoptée à l’instant, tandis que le moment de décréter l’autre n’est point encore arrivé. Il reste au comité militaire deux rapports à faire: l’un sur les tribunaux militaires, l’autre sur l’avancement. Ce n’est que quand les militaires connaîtront l’avancement qu’ils peuvent espérer, et les peines auxquelles ils seront soumis, qu’on pourra exiger d’eux le serment qu’on veut leur faire prêter. C’est alors que la mesure très importante qu'on vous présente et qui mérite ua grand examen,, pourra être discutée. Quant à l’adresse à l’armée, je n’y vois aucun inconvénient. L’armée est trompée, elle présente donc un très grand avantage. M. de Mirabeau. Je me range à l’avis du préopinant. Le comité est plus en état que qui que ce soit de déterminer le moment où le travail sera assez avancé pour l’exécution de cette forte mesure. J’adopte également une observation qui vient de m’être faite, et je prie de substituer le mot lettre à celui d'adresse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angély). Cette lettre ne servira à rien ; elle peut arriver à un régiment en insurrection. Les mal intentionnés soutiendront que vous avez des raisonnements et point de puissance. Au moment où la seconde proposition de M. de Mirabeau, sera adoptée, il sera utile de faire une adresse pour accompagner cette grande mesure. L’insubordination ne vient pas des gens à qui s’adressera votre lettre. Les malintentionnés la dédaigneront; il ne faut leur opposer que la force publique; les autres ne la comprendraient pas. Je demande qu’on ajourne en entier la motion de M. de Mirabeau l’aîné. (L’Assemblée délibère, et la première proposition de M. de Mirabeau est renvoyée au comité militaire.) M. deFoncault. Quand on démolit avec violence, il faut rétablir avec célérité. Quelle est la lettre qu’on doit envoyer à l’armée? La loi, Fins- 4M [Assemblé* nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1196 J traction sur la loi. Le comité dit qu’il sera bientôt prêt: qu’it passe les nuits à son travail. Il n’y a pus un bon citoyen qui, dût-il y périr, ne reduu-blàt d’efforts quand il s’agit de sauver la chose publique. L'ordre judiciaire est achevé; donnons tous les jours au comité militaire et terminons cet important travail. (On demande le renvoi au comité de la seconde proposition de M. de Mirabeau l’aîné. ) M. de lloailles. Je crois la proposition de M. de Mirabeau l'iiîné d’autant plus nécessaire, qu’il y a à Paris douze ou quinze députations de régiments avec des prétentions différentes. On fixera dans la lettre à l’armée les prétentions qui doivent naître et celles qu’on doit abandonner sur-le-champ. Il faudra plusieurs séances pour achever le travail du comité militaire, et chaque jour un régiment se détraque. Les soldats trompés croient faire une chose utile en envoyant une députation à l’Assemblée. Je demande donc qu’une lettre soit écrite sur-le-champ, et que M. de Mirabeau l’atné soit chargé de la présenter au comité et à l'Assemblée. (Od se dipose à mettre cette proposition aux voix.) M. de Toulongeon. Je demande la parole sur la manière de poser la question. Il faut simplement charger le comité militaire de cette rédaction, n’attacher à cette lettre aucun nom particulier; je crois que je me fais entendre. M. de Mirabeau, l’alné. Je soutiens l’avis de M. de Toulongeon, quoique je sois obligé de me rappeler avec reconnaissance qu’une fois l’Assemblée m’a fait l’honneur de me charger, par décret, d’écrire à tout le royaume; celte lettre à l’armée sera entièrement l’ouvrage du comité, et M. de Toulongeon a toute raison. (L’Assemblée décrète que le comité militaire présentera une lettre A adresser à l’armée.) (La séance est levée à 3 heures.) PREMIERE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE du 20 août 1790. Opinion de M. J. A. Creuzé-Tatouohe (1), au sujet du jardin des plantes et des acadé~ mies (2). Messieurs, vous êtes assez pénétrés de l’importance des lettres, des sciences et des arts, et de la part qu’ils ont aux causes de la prospérité pu-(1) L’opinion de M. Creuzé-Latouclie n’a pas été insérée au Moniteur . (Ü) Lorsque dans la séance du 17 août, M. Lebrun proposa un projet de décret concernant l'Académie fran-çaisç çf les autre? académies, l’Assemblée nationale ordonna, sur les réclamations de plusieurs membres, l’ajournement de ce projet de décret; le même sujet ayant été repris dans la séance du 20, je crois utile de Settrç soys les yeux de? membres de l’Assemblée, les ées que j’aurajs désiré lui exposer sur ces objets, si le peu de ' moments qu’elle paraissait disposée à employer & cette discussion me faussent permis. blique pour qu’il soit inutile de vous recommander, à ce titre, ceux de nos établissements qui doivent être consacrés à leur entretien et à leurs progrès. Ge qu’il est permis seulement de mettre en question devant vous, ce sont les meilleurs moyens de s’assurer ces avantages. Peut-être toute réflexion eût-elle été étrangère en ce moment si M. Lebrun, en nous parlant au nom du comité des finances, se fût strictement renfermé dans les fonctions de ce comité. Mais puisque les vues qu’il vous a présentées sur ces institutions les embrassent dans tous leurs rapports, non seulement avec les progrès des sciences, mais encore avec la morale et la Constitution, le moment est venu de vous en occuper sous tous ces rapports. Vous aurez, Messieurs, à revenir sur l’article du jardin des plantes, pour lequel on vous a proposé provisoirement quelques réductions de dépenses; et sans vouloir vous prévenir aujourd’hui sur tout ce que l’on pourra faire dans cesuperbe établissement pour en retirer les avantages infinis que la nation peut et doit en attendre, je me contenterai de vous indiquer comme un des plus grands obstacles à ces avantages, et un abus qui demande la plus pressante réforme, taut à l’égard de l’administration, qu’à l’égard de l’économie que vous devez rechecher, l’existence d’un intendant pour le gouverner. Vous n’oublierez pas, Messieurs, l’espèce d’ana-Ihêrne dont vos décrets et l’opinion publique ont frappé le nom seul d’intendaut dans toute espèce d’administration; et vous verrez, d’après cette observation, les abus des intendants dans cette école des sciencesnaturelles qui, hors M.deBuffon, ne s’en sont jamais occupés et n’y ont pas même daigné résider dans un logement qui leur était pompeusement attribué. Vous verrez l’intendant actuel, absolument étranger à une école d’histoire naturelle, recevant les émoluments d’une place (déjà, par un autre abus digne de l’ancien régime, affectée à une survivance), recevant, dis-je, les émoluments d’une place où l’on ne saurait deviner ce qu’il fait d’utile, ni se dissimuler ce qu’il fait de nuisible, puisque rien, en effet, n’est plus nuisible aux sciences, ni plus décourageant pour ceux qui les cultivent, que l’intervention de ce pouvoir ministériel. Vous verrez enfin cet administrateur, dédaignant, comme ses prédécesseurs, ce logement fastueux destiné à sa résidence, pour en occuper un autre que le gouvernement lui fournit encore et peut-être aussi abusivement ailleurs. Si, comme on vous l’a observé, cet établissement doit beaucoup à M. de Buffon, c’est au savant naturaliste, célèbre dans toute l’Europe et non à l’intendant; il suffira toujours, pour lui obtenir la faveur publique et augmenter sa gloire, d’y attacher les hommes les plus chers aux sciences; et le titre d’intendant ne rappelle ici que trop de particularités contrastantes avec cette qualité (1). J’ose vous assurer qu’en réformant d’autres abus de l’administration de ce même lieu vous trouverez, dans cette réforme, une réduction considérable de ses dépenses, et en même temps la (1) Outre ce que j’ai dit ci-dessus, de l’intendant actuel, étranger aux sciences naturelles et à ceux qui les cultivent, je citerai un autre intendant appelé M. Chiriac, qui avait converti, pour son profit, une partie du jardin, destinée à l’instruction publique, en un pota-er ; et avait rempli de personnes peu convenables, ce âtiment considérable destiné A aon logement.