(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 septembre 1790.] 813 obligations nationales en échange, lesquelles porteront intérêt à 3 0/0 l’an. En conséquence, et à à compter du 1er janvier 1791, il ne sera plus fait compte d’aucun intérêt au-dessus de 3 0/0 sur quelque partie que ce soit de la dette exigible. Art. 9. Tous les assignats émis en vertu du présent décret, qui, après les quatre années échues de la date de leur émission, n’auront pas été employés dans l’acquisition des biens nationaux et auront ainsi perdu l’avantage de la prime, resteront dans l’emprunt ainsi et sur le pied qu’il a été dit dans l’article ci-dessus. Ils continueront d’être admis, dans les ventes des biens nationaux, en concurrence avec l’argent et avec les susdites obligations nationales; et à défaut, seront, ainsi que lesdites obligations, remboursés à la caisse de l’extraordinaire avec les deniers provenant de ladite vente, lequel remboursement sera fait dans l’ordre et au rang qui sera pour lors fixé. Art. 10. Il sera émis une quantité d’assignats semblables à ceux de la création du 16 avril 1790, laquelle ne pourra excéder la somme de 200 millions et sera exclusivement employée au service nécessaire du Trésor public et à mesure qu’il y faudra pourvoir. Art. 11. Et pour rétablir la confiance des capitalistes et des étrangers, si souvent ébranlée depuis plusieurs années par les divers projets de papier-monnaie qui ont été proposés pour la liquidation de la dette publique et les dépenses du gouvernement, l’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’il ne sera plus, à l’avenir, créé dans le royaume aucune espèce de papier forcé en circulation, sous quelque dénomination que ce puisse être. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ce projet de décret. La question préalable est prononcée. M. Goupilleau, secrétaire , commence la lecture des divers projets de décrets déjà connus de l’Assemblée. Pendant cette lecture, beaucoup de membres lui font passer de nouveaux projets. Les projets lus émanent de MM. Gigongne, An-son, Malouet, de Custine, de Lablache, de Gouv, Rewbell, de Tdustain-Viray, d’Allarde, Blin, d’Ha-rambure, LeCouteulx, Pisondu Galand, Barnave, Dubois-Grancé, de Glermont-Tonnerre, Poignot. M. de Cazalès. L'Assemblée nationale est au moment de jeter dans la circulation une masse effrayante de papier-monnaie. (On observe que la discussion est fermée.) J’ai l’honneur de répondre que c’est un amendement. M. le Président. Le règlement porte que la discussion étant fermée, les questions seront réduites par oui ou par non. Parler sur la manière de réduire la question, c’est exécuter le règlement. Beaucoup de personnes se sont fait iuscrire pour exposer leur opinion sur cet objet. (On lit la liste ; il s'élève beaucoup de murmures.) On témoigne de l’étonnement de voir tant de personnes inscrites pour la parole et l’on demande à s’occuper de la question de priorité; le vœu de l’Assemblée fait ma loi. M. de Cazalès. Je crois de la justice de l'Assemblée de s’expliquer clairement et avec loyauté sur la nature des engagements qu’elle prend avec les porteurs d’assignats. Je demande donc qu’elle décide si elle payera les faux assignats. ( Les murmures augmentent.) L’Assemblée décide que M. de Cazalès ne sera pas entendu. M. Camus demande la priorité pour le projet de décret de M. Poignot. Ge projet de décret contient 6 articles, les 3 premiers sont ainsi conçus : « Art 1er. Toutes les créances sur l’Etat, à l’exception de celles constituées en rentes viagères ou perpétuelles, et de celles à terme, seront remboursées à mesure des liquidations, et suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie sans intérêt. « Art. 2. En aucun temps et sous aucun prétexte, il ne sera mis en circulation au delà d'un milliard d’assignats. « Art. 3. Il ne pourra être fait des assignats au-dessous de 100 livres; mais il en sera fait de 125 livres, de 150 livres, et ainsi dans les diverses coupures, qui seront jugées les plus propres à favoriser les échanges. » M. Malouet. D’après la multitude des projets de décrets présentés, il est difficile d’accorder la priorité à aucun d’eux avant d’avoir dégagé les propositions principales des dispositions réglementaires. La première question à proposer est celle-ci : Pourvoira-t-on actuellement au remboursement total de la dette exigible à termes échus ou à échéance prochaine? 2° Le mode du payement sera-t-il uniquement en assignats forcés ou en assignats non forcés, ou résultera-t-il de la combinaison de ces deux modes? Déterminera-t-on un terme au delà duquel ne pourra pas s’élever l’émission du papier forcé? Ge terme excédera-t-il 800 millons? Quoique je pense que la monarchie serait dissoute, si nous consultions les provinces, je crois cependant que quand vous avez dit que le vœu du commerce serait entendu, que quand, le 3 novembre, vous avez décrété que vous ne disposeriez des biens nationaux que sur l’instruction des provinces ..... (Il s'élève des murmures.) On interprète mal ma pensée, si l’on conclut de ce que je dis que je veux m’opposer à la vente des biens nationaux; je n’avais pas été de l'avis de votre décret, mais à présent je reconnais que la vente de ces biens importe au salut public. M. Brlois de Beaumetz. La discussion est fermée. Je respecterai votre décret et je ne me permettrai pas de suivre les observations du préopinant, je me bornerai à demander que la priorité soit accordée à la motion qui parait la plus claire et qui conduira le plus promptement à la délibération . Celle de M. Barnave me paraît remplir éminemment cet objet. Après un mois de discussion, il vaut mieux se renfermer dans un décret qui exposera les deux principes de liquidation et les grandes bases de cette opération. Je trouve dans la proposition de M. Poignot un défaut capital. Il propose de ne rembourser que ce qui est déjà échu. Un décret qui, d’un seul mot, exclurait du remboursement des créances en valeur de 560 millions qui offrirait encore à l’agiotage une opération lucrative, qui détournerait de la vente des biens nationaux pour 560 millions de créances, que les propriétaires garderaient, parce qu’elles portent intérêt, ne peut être adopté. Je demande que l’Assemblée décrète d'abord ce grand principe, qu’elle est décidée à remboureser en totalité la dette exigible désignée par le comité des finances. Je demande encore qu’elle adopte le second article de M. Barnave, mais je présente un amen- 314 [Assemblée nationale»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.1 dement à cet article. M. Barnave propose de borner à un milliard l’opération simultanée des assignats; mais ce n’est pas au hasard, c’est d’après un calcul certain que celte opération doit être faite. Les effets suspendus, l’arriéré des départements, les effets circulant sur la place, etc., forment un capital de 790 millions800 mille livres. Il est problable que la seule somme de 800 millions pourra suffire pour toute l’opération, en faisant faire la navette à tous les assignats circulant. M. Démeunier. En accordant la priorité à l’un de ces projets de décrets, vous ne pouvez avoir en vue que de prendre un canevas des délibérations, sans rien préjuger. Il me semble que M. deBeaumetz s’est trompé en réclamant la motion de M. Barnave. Vous avez à vous décider sur des questions qui sont la base fondamentale de l’opération; les trois premiers articles de la motion de M. Poignot vous présentent, sauf amendement, le moyen de terminer promptement la délibération. Dans la circonstance où nous nous trouvons, quel que soit le parti que vous preniez, tous les bons citoyens se réuniront pour le soutenir, et ils le soutiendront; mais il est un ordre à établir, qui peut rallier tous les esprits ; il faut décider d’abord quelle somme d’assignats pourra être mise simultanément en circulation. En conséquence, le second article de M. Poignot deviendrait la première question. Ceux qui ont combattu l’immense quantité d’assignats pour 2 milliards se réuniraient à cette opinion. La seconde question regardera le mode de remboursement, et la mesure des assignats cessera de paraître dangereuse avec la certitude qu’on n’ira pas au delà d’un miliard, sauf l’amendement de M. deBeaumetz. Je demande donc qu’on mette aux voix le second, puis le premier, puis le troisième article du projet de décret de M. Poignot. M. Poignot. J’ai demandé que les dettes à termes fussent exceptées du remboursement; en effet elles montent à 560 millions : il y a 400 millions d’assignats en circulation, 200 millions sont nécessaires pour les besoins du Trésor public; la dette suspendue s’élève à 108 millions, la dette arriéréeà 100 millions ; ainsi vous auriezdéli-vré 1,368 millions d’assignats avant d’avoir rien fait pour les créanciers du clergé, pour les titulaires d’offices et autres; et si vos ventes n’étaient pas aussi rapides que vous l’espérez, vous seriez obligés ou de différer le remboursement de ces créanciers, qui ont tant de droit à votre justice, ou de créer une plus grande quantité d’assignats. C’est pour cela que j’ai demandé que la dette à terme fût réservée, et que ces objets passassent auparavant. Nous ne savons à quelle somme peuvent monter les biens nationaux, je crois qu’ils peuvent s’élever à 2 milliards 500 millions, ou 3 milliards; mais il y aurait moins de danger à se trouver de 500 millions au-dessus, que de 500 millions au-dessous. Voilà mes motifs, je vous les soumets. (On applaudit.) M. de Mirabeau. On complique maintenant la question par des observations incidentes ; d’abord celles d’un des préopinants ont roulé sur des suppositions extrêmement fausses. Personne n’a dit que la dette exigible montât à 1,900 millions; un autre préopinant a encore compliqué la question par le calcul effrayant du nombre des assignats qui peuvent se trouver en circulation. On n’a jamais prétendu que rémission de toute la somme qui pourra être nécessaire dût être simultanée, et ce n’est que pour guérir l’imagination que M. Barnave a stipulé, dans son projet de décret, qu’il n’y aurait jamais plus d’un milliard en émission. Je n’ai demandé la parole que pour dire que je trouve dans les principes de la pieuse nécessité des circontances... ( Des rires se font entendre dans la partie droite.) Peu m’importent les rires de ceux qui trouvent l’impiété dans la liberté. Je voudrais qu’on nous dît sans ambages pourquoi nous décrétons plus que nous ne devons, nous ne devons que la dette exigible échue. C’est une chose inutile de déclarer que jamais il n’y aura plus d’un milliard en circulation. Si l’on dit que l’émission ne sera que simultanée, c’est une chose niaise, car c’est la nécessité de . la nature des choses. Je demande si, par impossible, sans qu’il y eût des assignats rentrés, un créancier venait, sa créance échue à la main, vous demande de l’argent, vous pourriez le refuser? Je finis par une remarque de détail, et j’observe que 800 millions sont échus, et qu’il n’y a pas de raison pour ne pas se mettre an courant. J’invite à bien remarquer que l’émission dont il s’agit est au dehors des 400 millions déjà en circulation. M. Malouet.M. de Mirabeau a proposé une première émission de deux milliards ; je demande pourquoi il nous dit aujourd’hui que nous n’avons pas besoin, à beaucoup près, de cette somme? M. de Mirabeau. Ma réponse est extrêmement simple : d’abord le comité n’a porté la dette exigible qu’à 1,400 millions; quant à moi, mon premier discours , mon premier décret est imprimé; j’atleste mon discours et les journaux que je n’ai pas proposé une émission de deux milliards. Dans mon second discours, qui est également imprimé, j’ai demandé un milliard pour la dette rigoureusement exigible : voilà comme la mémoire de M. Malouet n’est pas toujours très heureuse et très fidèle. Ou demande que la discussion soit fermée. M. l’abbé Maury réclame la parole. — On la lui conteste. — L’Assemblée décide qu’il sera entendu. M. l’abbé Maury. Nous nous bccupons d’un principe, et l’on vous mène aux conséquences. On nous propose un décret, et Ton veut qu’il en renferme dix. Notre marche est tracée : sur quoi avons-nous délibéré ? Sur les besoins du Trésor public. M. le président pourrait mettre aux voix la question de savoir quelle somme est nécessaire pour le service du reste de Tannée courante, et pour le commencement de Tannée prochaine. Celte difficulté résolue, les deux opinions contradictoires se trouveront Tune devant l’autre; ou décidera alors cette question : Le Trésor public remboursera-t-il la dette constituée eu assignats forcés, oui ou non? C’est-à-dire l’Assemblée nationale veut-elle placer la nation entre le Trésor public et les créanciers de l’Etat ? L’Assemblée nationale voudra-t-elle que le commerce et l’agriculture. ..? (On rappelle qu'on ne peut se permettre aucune discussion.) On a élevé des sophismes qui ne seraient pas difficiles à combattre. L’appel nominal doit porter sur la seconde question que j’ai posée. (La discussion est fermée sur la question de priorité.) (MM. de Montlosier et de Folleville réclament. Il est impossible de les entendre.) 315 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] M. JUadier de Montjau. Vous discutez depuis un mois ce principe : Ja dette exigible sera-t-elle liquidée par des assignats? seront-ils libres, seront-ils forcés? Voilà les objets de votre délibération. Le côté droit réclame la discussion sur la priorité. Après de longues agitations, . M. Demeunier saisit un moment de silence pour faire lecture des articles de M. Poignot. — Il est interrompu. M. le Président. Dans une question dont les suites sont si importantes, je vous demande le silence. Vous vous le devez à vous-mêmes, car c’est votre loi. M. de Foucault. Je demande la parole. M. le Président. A l’ordre! Monsieur. M. de Foucault. Je veux parler. M. le Président. A l’ordre! Monsieur. M. de Foucault. Dussé-je être mis à l’ordre, dussé-je éprouver toutes les punitions qu’on voudra, rien ne pourra m’arrêter. Je déclare, en présence de la capitale et de tous ceux qui sont dans les environs, que, si l’on ne pose pas textuellement la question, tout le monde pourra dire que je n’aurai participé en rien à la délibération. ( Une partie du côté droit se lève pour s'unir à cette délibération). La question se borne à ceci : Y aura-t-il des assignats-monnaie, oui ou non ? M. Camus. Voici à quoi se réduit en effet la question : La dette exigible sera-t-elle remboursée en assignats-monnaie ? Voilà la première question. (La grande majorité se lève pour appuyer cette manière de la poser.) Je propose ensuite cet amendement : Il n’y aura pas en même temps plus de 800 millions d’assignats en circulation : or, d’après vos principes, l’amendement doit être délibéré avant la motion. (La partie droite réclame. \ Vous n’avez pas d’autre route que la route légitime; la route légitime est celle que prescrit le règlement, et à cet égard le règlement est formel. (La partie droite fait entendre de longs murmures. On demande à aller aux voix.) L’Assemblée délibère, et la priorité est accordée à la question posée par M. Camus. Il fait lecture de son amendement rédigé en ces termes : « En aucun temps et sous aucun prétexte, il ne sera mis en circulation au delà de 800 millions d’assignats, outre les 400 millions existants. » (On applaudit. — Une grande majorité appuyé cet amendement.) M. de Cazalès monte à la tribune. L’amendement est mis sur-le-champ aux voix, et décrété. L’Assemblée applaudit. La droite se soulève. M. de Cazalès s’élance de la tribune au bureau du président. -- Quelques membres de Ja droite le suivent. — Il parie avec violence. — Il fait des gestes menaçants. — Un codéputé de M. le président court se placer entre M. de Cazalès et lui. — Les huissiers entourent M. le président qui se couvre. — La majorité applaudit, se découvre et reste dans le silence. — Le tumulte de la minorité recommence. — Elle devient un moment silencieuse. — Les agitations violentes de M. de Cazalès continuent ainsi que ses menaces au président, qui demeure ferme, et impose silence. — Quelques applaudissements se font entendre. — M. le président s’élève contre ces applaudissements. — Pendant quelque temps la délibération reste suspendue. — Peu à peu le tumulte de la droite diminue. — ■ Le calme se rétablit. M. le Président. Quand j’ai réclamé la première fois l’ordre et le silence, qui conviennent à vos délibérations, si je n’eusse été interrompu, j’ose dire d’une manière indécente, je crois que j’aurais prévenu la scène au moins désagréable... ( Plusieurs voix s'élèvent: Dites scandaleuse.) On dit qu’on n’a pas entendu, quand j’ai mis aux voix l’amendement de M. Camus ; je vous propose, pour qu’une délibération de cette importance ne soit point accusée, de recommencer l’épreuve. (Le tumulte de la droite se renouvelle.) MM. Dufraisse,deFawcign�, de Montio-sier s’écrient : Faites-nous connatre maintenant' la question sur laquelle nous avons délibéré. M. de Tracy demande la parole. Quelques membres de la partie gauche s’opposent à -ce qu’il l’obtienne; d’autres, du même côté, appuyent sa demande. On relit la motion et l’amendement, il se fait un grand silence. M. le Président. On propose ici deux sous-amendements; l’un consiste à réduire à 200 millions les assignats qui seront décrétés ; l’autre à n’avoir en circulation que 800 millions d’assignats, y compris ceux déjà décrétés. M. de Itlontlosier . Je demande que les amendements soient divisés de la question principale, et qu’en conséquence cette question soit mise immédiatement aux voix. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement de 200 millions. La question préalable est invoquée sur le second sous-amendement. Une première épreuve paraît douteuse. On observe que ce sous-amendement n’exprime pas la quantité absolue qui sera mise en circulation, mais la quantité qui y sera mise à la fois. M. Madier de üfontjau. Que veut dire à la fois? M. Camus. J’avais entendu, par l’amendement sur lequel le sous-amendement a été fait, que jamais il n’y aurait en circulation plus de 1,200 millions d’assignats, parce qu’on craignait que la circulation ne fût gênée par une plus grande quantité. Voici l’amendement en termes très clairs : « Il n’y aura pas en circulation au delà de 1,200 millions d’assignats, y compris les 400 millions déjà décrétés. » M. Duval d’Fprémesnil. Si l’on ne commence pas par la question principale, tout ce côté-ci n’entend pas délibérer. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le second sous-amendement. L’amendement de M. Camus est une seconde fois décrété. Une partie de la droite ne prend point de part à ces deux délibérations. On demande à aller aux yoix par appel nomi- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] 316 nal sur la question principale, ainsi posée : t La dette non constituée de l’Etat et celle du ci-devant clergé seront remboursées, suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts. » L’amendement de M. Camus est joint à cette proposition. On invoque le règlement contre la demande de l’appel nominal. Un de MM. les secrétaires lit les dispositions suivantes : Les voix seront prises par assis et levé, et s'il y a du doute elles seront recueillies par appel nominal. M. de Crillon le jeune. Je déclare que mon opinion personnelle étant qu’il doit y avoir en circulation 1,200 millions d’assignats, par l’ambiguité du décret proposé par M. Camus, il m’est impossible de voter. On croirait, ce qui n’est pas, que l’Assemblée décrète plus de 1,200 millions, et que ces assignats feront la roue. Il faut dire qu’il sera fait une émission de 800 millions d’assignats qui, réunis aux 400 millions déjà décrétés, formeront la somme de 1,200 millions; qu’il ne pourra être fait une autre émission que par un décret de l’Assemblée nationale, et d’après les renseignements qui seront donnés par les départements. M. de Mlenon. Nous appuyons l’amendement de M. de Crillon. Un de MM. les secrétaires fait lecture de la motion principale avec l’amendement décrété : « Art. 1er La dette non constituée de l’Etat, et celle du ci-devant clergé, sera remboursée, suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts. « Art. 2. Il n’y aura pas en circulation au delà de 1 ,200 millions d’assignats, compris les 400 millions déjà décrétés. «* Art. 3 Les assignats qui rentreront dans la caisse de l’extraordinaire seront brûlés; et il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du Corps législatif, toujours sous la condition qu’ils ne puissent ni excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions en circulation. » On applaudit. — On demande à aller aux voix. L’appel nominal est de nouveau réclamé. M. de Folleville. M. le président, vous devez exécuter le règlement, il ordonne qu’on aille aux voix par assis et levé. La motion principale est mise aux voix. M. de Folleville réclame le doute, et demande l’appel nominal. — La droite l’appuie. M. le Président. Je ne crois pas qu’il y ait du doute, cinq de MM. les secrétaires sont du même avis. M. de Folleville et la partie droite renouvellent la demande de l’appel nominal. Après de longues agitations, M. le président propose de faire une seconde épreuve, ou de consulter l’Assemblée pour savoir s’il y a du doute. M. de Folleville. Le règlement dit positivement que s’il y a du doute on procédera à l’appel nominal. M. de Mirabeau demande la parole. M. de Faucigny. Si l’on ne procède pas à l’appel nominal, j’invite tous ceux de mon opinion à manifester demain leur vœu par écrit. (Une partie du côté droit se lève pour répondre à cette invitation.) M. de Montlosier. L’appel nominal éclairera les consciences. La partie gauche demande l’appel nominal, et l’on y procède. La motion principale amendée est adoptée à une majorité de 508 voix contre 423. (On applaudit de toutes parts.) La séance est levée à huit heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 SEPTEMBRE 1790. Des assignats, par M. Duport, député de Paris (1). Lorsqu’on vous proposa, Messieurs, il y a 3 mois, le projet d’une vente de 400 millions aux municipalités, j’osai la combattre dans cette tribune, comme présentant une manière partielle et dangereuse de disposer des biens nationaux. Aujourd’hui l’on soumet à votre délibération une idée vaste et grande, la seule, à mon sens, qui soit en proportion avec nos besoins et les circonstances, qui arrive jusqu’à la racine de nos maux, qui rétablisse nos finances, notre agriculture, qui ranime partout le travail , ce premier besoin de tous les pays policés, ce principe unique de la richesse, de là prospérité et de la tranquillité publique; la seule enfin qui soit le sceau et comme la garantie de notre heureuse Révolution. Ce n’est pas ici le lieu de savoir si la France même, sans les propriétés immenses qu’elle possède, ne devrait pas créer un papier circulant, pour suppléer à la rareté des espèces : il n’est pas temps d’examiner si, au sortir d’une Révolution aussi complète, après la réunion de tant de causes naturelles et forcées de la disette numéraire, il ne serait pas nécessaire de créer un papier circulant qui pût rendre inutiles les efforts de nos ennemis, en soutenant notre commerce, notre agriculture, et nous aider à franchir, sans désastre, le court intervalle qui nous sépare encore des jours de la paix et de la prospérité. Mais vous refuseriez d’entrer dans tous les détails longs et abstraits de cette importante question, et vous désirez que la discussion se resserre dans les bornes que lui assigne la situation actuelle des choses. Je vais donc examiner la question des assignats, en la liant aux différentes circonstances qui les accompagnent, et aux diverses conditions sous lesquelles on propose qu’ils existent. Quelle est notre position actuelle? nous avons des dettes exigibles, et pour les payer, nous n’avons que deux moyens : vendre des biens qui sont en régie, et établir des impositions. Quel (1) J’ai cru qu’il était utile de présenter les idées suivantes avant la décision de l’Assemblée nationale, et que, celte opinion étant trop longue pour lui être présentée à la tribune, je pouvais espérer qu’elle serait lue, moins pour la manière dont la question est traitée que pour son importance.