[19 décembre 1790.j [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. trise ; mais l'opinion favorable à celui-ci a aussi ses inconvénients. L’ancien ressort juridictionnel des maîtrises n’a aucune analogie avec le territoire des nouveaux tribunaux de district. Il est telle maîtrise dont le ressort se trouve aujourd’hui dispersé sous la juridiction de cinq ou six tribunaux différents : il n’en est aucune qui n’ait éprouvé une division plus ou moins considérable : il en est même beaucoup dont l’établissement ne se trouve pas dans le même lieu qu’un des nouveaux tribunaux . Voyez, d’après cela, quelle charge ce serait pour les procureurs du roi des maîtrises, que de leur confier la poursuite des délits. Ce qui leur était si facile autrefois, parce qu’ils le faisaient, pour ainsi dire, sur leur siège, ils ne pourraient plus le faire qu’à l’aide d’une surveillance très multipliée, et avec des déplacements onéreux : et ils seraient d’ailleurs obligés d’avoir des amis auprès de tous les tribunaux auxquels ont été réparties les diverses sections de leur ancien ressort. Certes, il est impossible d’imposer de tels devoirs à des officiers dont la suppression est prochaine : ce serait abuser du zèle qu’ils ont montré généralement dans ces temps difficiles. Reste le commissaire du roi; à son égard, Messieurs, un obstacle peut-être plus insurmontable encore né de votre constitution judiciaire, défend de lui donner, je ne dis pas la poursuite, mais l’action en réparation des délits. L’article 2 du titre VIII du décret du 16 août, porte que les « commissaires du roi exerceront leur minis-« tère, non par voie d’action, mais seulement « par celle de réquisition, dans les procès dont « les juges auront été saisis » : ainsi le commissaire du roi se trouve dans une incapacité absolue de diriger une action quelconque, non seulement au civil, mais même au criminel où vous avez délégué le droit d’agir à un accusateur public. Il ne peut que poursuivre, par voie de réquisition, les instances dont le tribunal est déjà saisi. Quelque embarrassante que fût celte position, il fallait cependant en sortir. Votre comité, Messieurs, a cru en trouver le moyen dans un tempérament qui lui a paru concilier le respect dû aux règles, et les égards réclamés par les convenances. Ce tempérament consiste à donner l’action au procureur du roi de la maîtrise, et la poursuite au commissaire du roi. Par là, Messieurs, les règles conservent leur empire ; car le ministère du commissaire du roi borné à la poursuite du délit, ne sort point des limites posées par la Constitution, et le procureur du roi de la maîtrise qui, parce qu’il est l’administrateur, doit être la véritable partie, se trouve revêtu de cette qualité, au moyen de ce que c’est à lui qu’est réservé le droit de saisir le tribunal par une action intentée à sa requête. Les convenances ne sont pas moins ménagées par cet expédient. En effet le procureur du roi de la maîtrise ne se trouve pas dépouillé d’une des fonctions de l’administrateur, avant d’en perdre le caractère : il n’est point surchargé de l’embarras de la poursuite dans divers tribunaux; et l’action est accordée à celui qui, par son expérience, est le plus en état de connaître s’il est utile de l’intenter. Le ministère du commissaire du roi devant se borner à la poursuite par voie de réquisition, lorsque le jugement sera rendu, ce sera au procureur du roi de la maîtrise d’en procurer l’exécution par les voies légales. 565 Ainsi la loi provisoire que nous vous proposons pourvoit aux besoins du moment, et elle y pourvoit d’une manière constitutionnelle : les actions en réparation des délits ne seront point suspendues, faute d’un agent qui puisse les diriger ou les poursuivre ; et l’impunité n’offrira pas un nouvel attrait à la dévastation de cette espèce de propriétés dont la conservation est si importante à l’Etat. Un dernier article a pour objet de fixer les doutes qui se sont élevés dans nombre d’endroits sur la manière dont doit se faire le triage des papiers et minutes des greffes et des maîtrises. Ces papiers sont de deux espèces: les uns concernent la juridiction, les autres sont relatifs à l’administration; et, aux termes de votre décret du 12 octobre, ceux de la première espèce doivent être triés incessamment, pour être portés aux greffes des tribunaux de district. Cette opération est de la nature de celles qui sont dévolues naturellement à des commissaires ; et comme il s’agit d’y conserver les droits respectifs de l’administration et de la juridiction, nous vous proposons de la confier à deux commissaires nommés, l’un par le tribunal, l’autre par la maîtrise. Il y aura des papiers juridictionnels, tels que des registres d’audience, qui intéresseront plusieurs districts à ia fois. Il n’est pas possible de les diviser, et l’on ne trouverait peut-être pas convenable de les donner à un district, plutôt qu’à un autre. L’avis du comité est qu’ils restent provisoirement au greffe de la maîtrise, avec les papiers de l'administration, jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur les uns et sur les autres. Il me reste à observer, Messieurs, que les dispositions du décret que je vais avoir l’honneur de vous proposer, concernent non seulement les maîtrises, mais encore les grueries royales, et les ci-devant juridictions des salines. Ces grueries et ces juridictions des salines sont des établissements de même nature, que les maîtrises ; ils étaient comme elles à la fois administratifs et judiciaires, et comme elles, ils ne sont dépouillés que de la juridicliou. Il y a donc nécessité de les mettre sur la même ligne, et de rendre commune à toutes les administrations actuelles des bois, quelle que soit leur dénomination, la loi provisoire que sollicitent, de votre vigilance, des incertitudes momentanées dont les effets pourraient n’être que trop durables. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, voulant pourvoir à ce que les délits, qui se sont commis et se commettront dans les bois, soient poursuivis avec la plus grande activité, décrète provisoirement ce qui suit, en attendant l’établissement du nouveau régime qu’elie se propose de former pour l’administration des forêts. Art. 1er. « Tous les gardes des bois et forêts, reçus dans les maîtrises et grueries royales, dans les ci-devant juridictions des salines et dans les ci-devant justices seigneuriales, sont tenus, sous les peines portées par les ordonnances, de faire, dans la forme qu’elles prescrivent, des rapports ou procès-verbaux de tous les délits et contraventions commis dans leur arrondissement respectif ; les procès-verbaux seront rédigés en double minute et seront affirmés dans le délai de 24 heures, soit [19 décembre 1790.] S66 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. devant le plus prochain juge de paix, ou l'un de ses prud’hommes assesseurs, et, dans le cas où ils ne seraient point encore en fonctions, devant le maire ou autres officiers de la municipalité la plus voisine du lieu du délit, soit devant un des juges du tribunal du district dans le ressort duquel le délit aura été commis.» Art. 2. « L’une des minutes des procès-verbaux ainsi affirmés sera déposée, dans la huitaine de leur date, au greffe du tribunal du district dans le ressort duquel le délit aura été commis; l’autre minute, sur laquelle il sera fait mention de l'affirmation, sera envoyée dans le même délai, par les gardes au procureur du roi de la maîtrise, gruerie, ou ci-devant juridiction des salines du ressort. » Art. 3. « Si dans quelque communauté il a été négligé de préposer des gardes en nombre suffisant pour la conservation de ses bois communaux, conformément à ce qui est prescrit par l’article 14 du titre XXV de l’ordonnance de 1669, le directoire de district enjoindra à la municipalité de convoquer, dans la huitaine, le conseil général de la commune pour faire choix desdits gardes ; et faute, par elle, de satisfaire dans la huitaine, à cette injonction, il sera procédé, par le directoire de district, à la nomination desdits gardes ; pourront les gardes ainsi nommés, faire, après leur réception, des rapports et procès-verbaux de tous les délits commis dans les bois du territoire pour lequel ils auront été institués. » Art. 4. « Les gardes nommés depuis que les tribunaux de district sont en activité, prêteront serment devant eux, et y seront reçus sans frais; les actes de leur nomination et réception seront en outre enregistrés sans frais, au greffe de la maîtrise, gruerie royale, ou ci-devant juridiction des salines duressort. » Art. 5. « L’action en réparation des délits ci-devant commis dans les bois et forêts sera formée incessamment, si fait n’a été, devant le tribunal du district dans le territoire duquel ils auront été commis ; et par rapport à ceux qui se commettront par la suite, elle sera formée devant le même tribunal, dans la quinzaine au plus tard de l’envoi du procès-verbal au procureur du roi de la maîtrise, gruerie royale, ou ci-devant juridiction des salines. Art. 6. * L’action sera intentée à la requête du procureur du roi de la maîtrise, gruerie, ou ci-devant juridiction des salines, avec élection de domicile en la maison du commissaire du roi près le tribunal de district, sans que ledit procureur du roi soit astreint, en aucun cas, à se pourvoir préalablement devant le bureau de paix, et sauf la prévention de l’accusateur public, lorsqu’il y aura ouverture à la voie criminelle ; pourront, au surplus, les particuliers à qui les délits feront éprouver un dommage personnel, en poursuivre eux-mêmes la réparation par les voies de droit. » Art. 7. « Lorsque l’action aura été intentée à la requête du procureur du roi de la maîtrise, gruerie, ou ci-devant juridiction des salines, elle sera poursuivie et jugée à la diligence et sur la réquisition du commissaire du roi; à l’effet de quoi ledit procureur du roi sera tenu d’adresser au commissaire du roi toutes les pièces nécessaires à la poursuite de l’affaire. » Art. 8. « Aussitôt après que le jugement aura été rendu, le commissaire du roi le fera expédier et le transmettra au procureur du roi à la requête de qui l’action aura été intentée, et le procureur du roi fera exécuter ce jugement dans les formes prescrites par les ordonnances; les procureurs du roi seront remboursés de leurs avances par ta caisse de l’administration des domaines, sur un état certifié d’eux, arrêté par le directoire de département. » Art. 9. « L’Assemblée nationale charge les tribunaux de district d’apporter la plus grande célérité au jugement des instances civiles et criminelles introduites par-devant eux pour raison des délits commis dans les bois, de se conformer striote-temerit aux dispositions des lois rendues pour la conservation des bois et forêts, et de prononcer contre les délinquants les peines y portées. Art. 10. « Le triage des papiers et minutes des greffes des maîtrises des eaux et forêts, grueries royales, et ci-devant juridictions des salines, auquel il doit être procédé incessamment, en exécution du décret du 12 octobre dernier, sera fait par deux commissaires nommés, l’un par le tribunal de district, l’autre par la maîtrise, gruerie royale, ou ci-devant juridiction des salines. Ceux desdits papiers et minutes, qui concernent l’exercice de la juridiction, seront remis au commissaire du tribunal de district, lequel en donnera sa décharge au bas de l’un des deux états qui en auront été dressés, et cet état, ainsi déchargé, restera déposé au greffe de la maîtrise, gruerie royale, ou juridiction des salines, ainsi que les papiers qui sont relatifs à l’administration. Il en sera de même provisoirement des papiers concernant la juridiction, qui se trouvent être communs à plusieurs districts, et sur le dépôt définitif desquels l’Assemblée nationale se réserve de statuer en même temps que sur celui des papiers d’administration. » Art. 11. « L’Assemblée nationale charge son Président de porter, dans le jour, le présent décret à la sanction royale. # (Ce projet de décret est mis aux voix et décrété.) M. Goupil, rapporteur du comité des pensions , propose le projet de décret suivant, qui est adopté sans discussion : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des pensions, délibérant sur l’exécution de son décret du 19 juin 1790, par lequel elle s’est réservé de prendre en considération l’état de ceux des vainqueurs de la Bastille auxquels la nation doit des récompenses pécuniaires, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les blessés an siège de la Bastille, dont les noms suivent, savoir : Etienne-Georget, Jean-