[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1790.] 259 L’Assemblée, fermant la discussion, a demandé qu’on prenne les voix sur les diverses propositions. M. le Président met aux voix l’amendement qui porte que la première assemblée du département se tiendra à Mâcon, sans rien préjuger pour les assemblées suivantes. L’Assemblée adopte l’amendement dans les termes qui ont été précédemment énoncés. La question préalable est demandée sur les autres amendements. Plusieurs membres appuient cette question préalable. D'autres annoncent que les amendements changent le projet de décret proposé par le comité ; on attribue la priorité au décret proposé par le comité. Le décret du comité étant été mis aux voix avec le premier amendement relatif à la ville de Mâcon, l’Assemblée décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de Constitution que le département du Méconnais est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Mâcon, Ghalon, Louhans, Autun, Bourbon -Lan cy, Charolles, et provisoirement Semur en Brionnais, sauf, en faveur de Mar-cigny, d’être le chef-lieu du tribunal du district, à moins que les électeurs ne jugent que le district y serait mieux placé qu’à Semur; auquel cas cette dernière ville conservera son tribunal; que la ville de Tournus sera annexée au district de Mâcon, et que la première assemblée du département aura provisoirementl ieu à Mâcon ; qu’après la première session, les électeurs se retireront dans le chef-lieu de l’un des districts autre que Mâcon et Ghalon pour déterminer dans quelle ville du département le chef-lieu sera définitivement fixé. » M. Ducpct, rappelant que la demande de la ville de Tournus n’a pas été jugée, la proposition de lui laisser le droit de se réunir au district qui lui conviendrait, est mise aux voix; l’Assemblée la rejette. M. Démeunier lit une lettre adressée au comité de Constitution, par la municipalité de Saint-Quentin, conçue en ces termes: « Messieurs, nous avons reçu avec la plus grande satisfaction la lettre que vous nous avez fait l’honneur de nous écrire le 13 de ce mois, par laquelle vous avez bien voulu nous mander que l’avis de plusieurs des membres du comité de Constitution était qu’à Saint-Quentin on regardât comme impôt direct la contribution pour la garde soldée. Nous nous sommes empressés de rendre votre lettre publique, par la lecture que nous en avons faite à l’issue de l’audience de police de samedi dernier. Le peuple y a répondu par des applaudissements, parce qu’elle lui faisait connaître qu’on avait un nouveau droit pour concourir à la formation de la municipalité. � «Cette nouvelle satisfaisante ne tarda pas à être rendue au parti qui existe ici, contraire à celui de la commune, et composé de personnes ci-devant privilégiées , qui tiennent à l'ancien régime et se plaignent hautement que l’imppt de la garde soit actuellement proportionné aux facultés des citoyens. Il ont eu la cruauté de dire publiquement qu’ils n’auraient aucun égard à l’avis de plusieurs des membres du comité de Constitution ; qu’une lettre n’était pas un décret, et qu’ils s’en moquaient. Nous croyons qu’il est de la délicatesse de ne pas vous rendre exactement les propos que votre lettre leur a occasionnés. « Le moment de la formation de notre municipalité approche; le jour en est fixé à lundi prochain. Nous n’osons pas nous flatter que nous triompherons des difficultés que Ton élèvera, si nos armes se bornent à la lettre que vous nous avez écrite. Il dépend de vos bontés de les rendre, pour nos adversaires, plus à craindre qu’elles ne le sont, et notre reconnaissance n’aura pas de bornes. Vous sauverez, d’ailleurs, à la ville.de Saint-Quentin une révolution qui arriverait infailliblement, si, au moment de l’élection, on soutient au peuple qu’il doit renoncer à vouloir profiter de votre lettre. « Pardonnez à nos importunités, et daignez agréer nos sincères remerciements des peines que nous vous avons déjà causées. « Nous sommes, avec le plus profond respect, « Messieurs, « Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, « Les président, vice-président et membres du comité municipal de Saint-Quentin. Signé, Cam-bronne, Hüet, Margerin, Possel père ; le Caisne le jeuue; Jorand, Blondel, Dilly, Vielle, Duplessis, le Roi, Cambronne, Adam, C. Delafosse, Boulanger fils. » L’Assemblée prend le décret suivant : « Sur la question proposée par le comité municipal de Saint-Quentin, l’Assemblée nationale décrète que provisoirement la contribution de la garde soldée, usitée dans cette ville, doit être regardée comme un impôt direct, relativement à une des conditions exigées pour remplir les fonctions de citoyen actif , ou pour être admis aux municipalités ou assemblées administratives. j> M. le Président. Le comité de Constitution est prêt à faire un rapport sur la presse. Je donne la parole à M. l’abbé Sieyès, rapporteur. M. E*’abbé Sieyès lit un rapport sur un projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits et des gravures (1). Messieurs, le public s’exprime mal lorsqu’il demande une loi pour accorder ou autoriser la liberté de la presse. Ce n’est pas en vertu d’une loi que les citoyens pensent, parlent, écrivent et publient leurs pensées : c’est en vertu de leurs droits naturels ; droits que les hommes ont apportés dans l’association, et pour le maintien desquels ils ont établi la loi elle-même et tous les moyens publics qui la servent. L’imprimerie n’a pu naître que dans l’état social, il est vrai ; mais si l’état social, en facilitants l’homme l’invention des instruments utiles, étend l’usage de sa liberté, ce n’est pas que tel ou tel usage puisse jamais être regardé comme un don de la loi. La loi n’est pas un maître qui accorderait gratuitement ses bienfaits ; d’elle-même, la liberté embrasse tout ce qui n’est pas à autrui; la loi n’est là que pour l’empêcher de s’égarer : elle est seulement une institution protectrice, formée par cette même liberté antérieure à tout, et pour laquelle tout existe dans Tordre social. (l) Le Moniteur ne donne qu’une analyse dn rapport de M. l’abbé Sieyès.