SÉANCE DU l1'1 THERMIDOR AN II (19 -JUILLET 1794) - N',s 69-70 319 « VIL - Les chefs de corps sont tenus, sous peine de destitution, de faire connoître sans retard au comité de salut public les nominations à faire dès-à-présent. « Il leur est enjoint, sous les mêmes peines, de l’avertir chaque fois qu’il vaquera un des emplois dont la Convention nationale se réserve la nomination. « VIII. - Sont déclarées nulles toutes les nominations qui seront faites au préjudice de cette réserve. « Les chefs de corps qui ne les auront pas empêchées, seront punis aux termes de l’article précédent. « IX. - L’état des nominations qui seront faites par la Convention nationale, sera imprimé et distribué chaque décade à la Convention nationale et aux armées. « X. - L’insertion du présent décret dans le bulletin tiendra lieu de publication »(l). 69 Sur la proposition d’un membre [A. Dumont], la Convention renvoie la pétition de la commune de Champs (2), district de Meaux, au comité d’aliénation; et attendu que la vente des terreins réclamés par cette commune est indiquée à demain duodi thermidor, la Convention décrète qu’il sera provisoirement sursis à la vente du terrein réclamé (3). 70 Bezard, au nom du comité de législation : Citoyens, il est dur pour le comité de législation de découvrir dans les pétitions nombreuses que vous renvoyez à son examen des injustices particulières qui déshonorent les tribunaux, et sous le poids desquelles les citoyens resteraient opprimés s’ils n’avaient le droit de réclamer auprès des représentants du peuple. Le citoyen Beaufils a sollicité vainement devant les juges que la loi a établis, contre un jugement rendu en faveur de sa sœur, qui en outrageant les droits de la nature et de la liberté, porte d’ailleurs atteinte à des dispositions formelles de nos lois. Le tribunal de cassation, après avoir admis sa requête à l’unanimité, l’a débouté de sa demande, contre l’avis du rapporteur et de quatre de ses collègues. C’est contre cette décision que le pétitionnaire est (l) P.V., XLII, 20-22. Bin, 1er therm. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 006. Débats , nos 667, 668; M.U., XLII, 41-44 et 129; J. Paris, nos 566, 567; Ann. R.F., n° 230 ; -J. Sablier, n° 1447; J. Perlet, nos665, 666; F.S.P., n° 370 [pour 380]; C. Eg„ nos700, 701; J. Fr., nos 663, 664; Audit, nat., nos 666; -J.S. Culottes, n° 520; J. univ., n° 1702; Mess. Soir, nos 699, 700; -J. Lois, nos659, 660 ; Rép., n° 212 ; C. Univ., n° 931 ; J. Mont., n° 84 ; Ann. patr., n° DLXV. Voir ci-après n° 77. (2| Seine-et-Marne. (3) P.V., XLII, 22. Minute de la main d’André Dumont. Décret n° 10 003. venu réclamer à votre barre. Jamais on n’invoqua votre justice à des titres plus légitimes. Beaufils est déshérité sans cause, toute la fortune paternelle et maternelle passe à sa sœur; elle est dans l’opulence, tandis qu’il traîne une vie laborieuse dans la misère profonde. Il serait à désirer, pour l’honneur de l’humanité, qu’il n’y eût point, d’exemples d’enfants opprimés par la haineuse autorité des pères et mères, ou sacrifiés à leur prédilection pour d’autres. Beaufils a été, à ce qu’il paraît, la victime de ces deux passions; ses parents le repoussèrent de leur sein dès ses plus tendres années. Depuis l’âge de douze ans on le fit successivement passer aux îles; de là dans les maisons d’arrêt; Bicêtre, Saint-Yon de Rouen, la rue de Cha-ronne et autres, furent le domicile que lui indiquèrent des lettres de cachet, obtenues aussitôt que demandées par ses parents, et ensuite par sa sœur. La Révolution lui a rendu sa liberté; mais sa fortune, elle est injustement dans les mains de sa sœur. Il s’est pourvu devant les tribunaux contre cet exhérédation, basée sur un mariage qu’il n’avait pas contracté; il a succombé partout. Partout néanmoins il a prouvé qu’il était fils, et par conséquence héritier, que son droit était égal à celui de sa sœur; il n’a pas été écouté. On a reconnu qu’il était fils, mais on a jugé que sa sœur était seule héritière. De misérables, de méprisables fins de non-recevoir ont été accueillies dans les tribunaux, et un droit accordé par la nature et par la loi n’a été d’aucune considération. Votre comité a vu avec indignation que la nature, la raison et la justice n’avaient pas encore sur quelques individus toute leur force et toute leur majesté. Ces odieuses fins de non-recevoir, dois-je les discuter devant la représentation nationale ? Non, ce n’est pas en cette matière qu’elles peuvent être écoutées. Sum filius, ergo hœres. Voila ce que disent la nature et la loi. L’exhérédation est un acte luctueux, qui dépouille à la fois et de l’honneur et des biens; il rompt les liens les plus sacrés; il rend l’enfant étranger à ses père et mère. Ce droit a pris naissance avec le régime féodal; qu’il soit aussi anéanti ! Elevez un monument à la justice et à l’humanité, en annulant le jugement du tribunal de cassation et ceux du district de Verneuil, et en renvoyant devant les tribunaux compétents (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Bezard au nom de] son comité de législation sur la pétition du citoyen Beaufils, qui réclame contre plusieurs jugemens rendus au profit de sa sœur, et en vertu desquels une exhérédation, faite sans cause par ses père et mère, a été maintenue; « Déclare nulle et de nul effet la décision du tribunal de famille du 29 janvier 1793, les deux jugemens du tribunal du district de Verneuil, des 12 septembre et 13 octobre dernier (vieux style), ainsi que celui du tribunal de cassation, rendu entre le pétitionnaire et la citoyenne Meran sa sœur; « Et renvoie les parties devant les tribunaux compétens, (l) Mon., XXI, 271. SÉANCE DU l1'1 THERMIDOR AN II (19 -JUILLET 1794) - N',s 69-70 319 « VIL - Les chefs de corps sont tenus, sous peine de destitution, de faire connoître sans retard au comité de salut public les nominations à faire dès-à-présent. « Il leur est enjoint, sous les mêmes peines, de l’avertir chaque fois qu’il vaquera un des emplois dont la Convention nationale se réserve la nomination. « VIII. - Sont déclarées nulles toutes les nominations qui seront faites au préjudice de cette réserve. « Les chefs de corps qui ne les auront pas empêchées, seront punis aux termes de l’article précédent. « IX. - L’état des nominations qui seront faites par la Convention nationale, sera imprimé et distribué chaque décade à la Convention nationale et aux armées. « X. - L’insertion du présent décret dans le bulletin tiendra lieu de publication »(l). 69 Sur la proposition d’un membre [A. Dumont], la Convention renvoie la pétition de la commune de Champs (2), district de Meaux, au comité d’aliénation; et attendu que la vente des terreins réclamés par cette commune est indiquée à demain duodi thermidor, la Convention décrète qu’il sera provisoirement sursis à la vente du terrein réclamé (3). 70 Bezard, au nom du comité de législation : Citoyens, il est dur pour le comité de législation de découvrir dans les pétitions nombreuses que vous renvoyez à son examen des injustices particulières qui déshonorent les tribunaux, et sous le poids desquelles les citoyens resteraient opprimés s’ils n’avaient le droit de réclamer auprès des représentants du peuple. Le citoyen Beaufils a sollicité vainement devant les juges que la loi a établis, contre un jugement rendu en faveur de sa sœur, qui en outrageant les droits de la nature et de la liberté, porte d’ailleurs atteinte à des dispositions formelles de nos lois. Le tribunal de cassation, après avoir admis sa requête à l’unanimité, l’a débouté de sa demande, contre l’avis du rapporteur et de quatre de ses collègues. C’est contre cette décision que le pétitionnaire est (l) P.V., XLII, 20-22. Bin, 1er therm. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 006. Débats , nos 667, 668; M.U., XLII, 41-44 et 129; J. Paris, nos 566, 567; Ann. R.F., n° 230 ; -J. Sablier, n° 1447; J. Perlet, nos665, 666; F.S.P., n° 370 [pour 380]; C. Eg„ nos700, 701; J. Fr., nos 663, 664; Audit, nat., nos 666; -J.S. Culottes, n° 520; J. univ., n° 1702; Mess. Soir, nos 699, 700; -J. Lois, nos659, 660 ; Rép., n° 212 ; C. Univ., n° 931 ; J. Mont., n° 84 ; Ann. patr., n° DLXV. Voir ci-après n° 77. (2| Seine-et-Marne. (3) P.V., XLII, 22. Minute de la main d’André Dumont. Décret n° 10 003. venu réclamer à votre barre. Jamais on n’invoqua votre justice à des titres plus légitimes. Beaufils est déshérité sans cause, toute la fortune paternelle et maternelle passe à sa sœur; elle est dans l’opulence, tandis qu’il traîne une vie laborieuse dans la misère profonde. Il serait à désirer, pour l’honneur de l’humanité, qu’il n’y eût point, d’exemples d’enfants opprimés par la haineuse autorité des pères et mères, ou sacrifiés à leur prédilection pour d’autres. Beaufils a été, à ce qu’il paraît, la victime de ces deux passions; ses parents le repoussèrent de leur sein dès ses plus tendres années. Depuis l’âge de douze ans on le fit successivement passer aux îles; de là dans les maisons d’arrêt; Bicêtre, Saint-Yon de Rouen, la rue de Cha-ronne et autres, furent le domicile que lui indiquèrent des lettres de cachet, obtenues aussitôt que demandées par ses parents, et ensuite par sa sœur. La Révolution lui a rendu sa liberté; mais sa fortune, elle est injustement dans les mains de sa sœur. Il s’est pourvu devant les tribunaux contre cet exhérédation, basée sur un mariage qu’il n’avait pas contracté; il a succombé partout. Partout néanmoins il a prouvé qu’il était fils, et par conséquence héritier, que son droit était égal à celui de sa sœur; il n’a pas été écouté. On a reconnu qu’il était fils, mais on a jugé que sa sœur était seule héritière. De misérables, de méprisables fins de non-recevoir ont été accueillies dans les tribunaux, et un droit accordé par la nature et par la loi n’a été d’aucune considération. Votre comité a vu avec indignation que la nature, la raison et la justice n’avaient pas encore sur quelques individus toute leur force et toute leur majesté. Ces odieuses fins de non-recevoir, dois-je les discuter devant la représentation nationale ? Non, ce n’est pas en cette matière qu’elles peuvent être écoutées. Sum filius, ergo hœres. Voila ce que disent la nature et la loi. L’exhérédation est un acte luctueux, qui dépouille à la fois et de l’honneur et des biens; il rompt les liens les plus sacrés; il rend l’enfant étranger à ses père et mère. Ce droit a pris naissance avec le régime féodal; qu’il soit aussi anéanti ! Elevez un monument à la justice et à l’humanité, en annulant le jugement du tribunal de cassation et ceux du district de Verneuil, et en renvoyant devant les tribunaux compétents (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Bezard au nom de] son comité de législation sur la pétition du citoyen Beaufils, qui réclame contre plusieurs jugemens rendus au profit de sa sœur, et en vertu desquels une exhérédation, faite sans cause par ses père et mère, a été maintenue; « Déclare nulle et de nul effet la décision du tribunal de famille du 29 janvier 1793, les deux jugemens du tribunal du district de Verneuil, des 12 septembre et 13 octobre dernier (vieux style), ainsi que celui du tribunal de cassation, rendu entre le pétitionnaire et la citoyenne Meran sa sœur; « Et renvoie les parties devant les tribunaux compétens, (l) Mon., XXI, 271.