8 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Couteulx de Canteleu, rapporteur. Messieurs, je viens de mettre sous vos veux les tableaux dé la situation des contributions patriotiques. Ces tableaux vous ont fait connaître les départements qui ont payé, ceux qui n’ont que promis de payer et enfin ceux qui n’ont rien payé. Le second terme approche, Messieurs; il est très important que le pouvoir exécutif, les commissaires du roi fassent les exhortations les plus vives pour que la recette se réalise. Il ne faut pas se dissimuler que ceux qui ont payé exactement le premier terme et qui voient que leurs voisins ne font aucune déclaration ou ue font aucun payement, feront une résistance juste et naturelle pour payer le second terme. Or, si le second et le troisième terme ne se payaient pas, cette contribution serait anéantie. Ainsi je demande que l’Assemblée veuille bien décréter l’impression des tableaux et la distribution à MM. les députés, pour que, d’après ce qu’ils auront sous les yeux, ils veuillent bien écrire dans leurs départements et presser l’exécution du payement de la contribution patriotique. M. d’André. J’appuie la proposition de l’impression ; mais je demande une autre mesure que celle d’inviter les députés d’écrire, car c'est les compromettre vis-à-vis de leurs départements : c’est au pouvoir exécutif, et non pas aux députés individuellement, à faire cotte démarche. Je demande que M.le Président soit chargé rie se retirer par devers le roi pour le prier de donner les ordres les plus précis pour l’exécution des décrets relatifs à la contribution patriotique. (L’Assemblée décrète la motion de M. d’André et ordonne l’im pression des tableaux de la contribution patriotique.) M. Maréchal. Messieurs, vous avez décrété qu’il serait fabriqué 15 millions de petite monnaie et vous avez invité les artistes à présenter des modèles d’une nouvelle empreinte; il est d’autant plus important de hâter cette fabrication que la petite monnaie devient plus rare de jour en jour. Je demande que le comité soit chargé de rendre compte à l’Assemblée, à la séance de dimanche prochain, de l’exécution de ce décret. (Cette motion est décrétée.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l’organisation du Trésor public (1). M. liebrun, rapporteur. Messieurs, vous prononçâtes hier que la nomination des administrateurs du Trésor public ou de l’ordonnateur appartiendrait au roi. Il s’agit en ce moment de déterminer s’il y aura un ou plusieurs administrateurs. Il faut bien définir ce que c’est qu’un administrateur ou un ordonnateur, quels sont ses fonctions, ses devoirs, sa responsabilité : c’est par là qu’a commencé votre comité des finances; mais il a cru qu’il fallait d’abord déterminer les fonctions de cet administrateur. Pour me renfermer dans la seule question qui doit être ici traitée, je pense qu’il doit y avoir, pour la direction du Trésor public, un administrateur qui ait une communication habituelle avec (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXIII, séance des 8 et 9 mars 1791, pages 730 et 743, le commencement de la discussion sur cet objet. [10 mars 1791.] le Corps législatif. Je pense que la responsabilité du Trésor public doitêtre particulière à toute autre responsabilité; que l’ordonnateur public doit être un, et son action une. En effet, Messieurs, toute action est individuelle : il faut, dans toute exécution, un premier ressort, un mobile premier, qui mette en mouvement des agents subordonnés. On a vu quelquefois le commandement de plusieurs armées dirigées vers le même but, confié à plusieurs généraux; mais ou a vu ces mêmes armées rester immobiles, ou un seul général s’emparer detoute l’autoritéettout emporter par la force de son caractère. Si vous établissiez dans la direction du Trésor public plusieurs coopérateurs, votre Trésor public n’aurait bientôt plus de mouvement, plus d’harmonie, ou l’un des ordonnateurs ferait tout et les autres ne feraient rien. Ne croyez pas qu’on puisse partager cette administration. Le versement, le dépôt, la distribution, la comptabilité forment une chaîne d’opérations dépendantes � et indivisibles. Sans versement, point de dépôt; sans versement, point de distribution; sans versement, sans dépôt, sans distribution, point de comptabilité. Chacune de ces opérations forme le contrôle perpétuel et nécessaire de toutes les administrations. Il faut que toutes partent ensemble, que toutes soient d’accord et soient mises en mouvement par l’impulsion de la même volonté. Cette unité de direction, cette unité de pouvoir, ce n’est pas votre comité qui l’a proposée, c’est la nature qui l’a faite, c’est la raison qui la commande, c’est vous qui l’avez décidée, quand vous avez créé la caisse de l’extraordinaire. Cette caisse importante et qui, plus que toutes les autres, semblait devoir appartenir à Faction du pouvoir législatif, vous l’avez organisée en une seule séance; vous l’avez organisée, j’ose le dire, plutôt avec l’instinct de la raison qu’avec les formes lentes de la délibération. Quand vous l’avez organisée, cette caisse, on ne vous a pas proposé, vous n’avez pas imaginé de lui assigner plusieurs ordonnateurs; vous avez pensé qu’elle ne devait obéir qu’à un seul, qu’un seul pouvait y entretenir le mouvement et l’harmonie, que plusieurs ne feraient que les ralentir; mais cet ordonnateur unique, vous lui avez mis un contrôle, vous lui avez donné des surveillants multipliés. Ainsi autour du Trésor public, vous ne sauriez en y attacher de plus cerlains, de moins équivoques; un registre à parties doubles, les comptes à chaque instant et dans tout leurs détails et dans leur ensemble, un premier commis de la caisse, un premier commis contrôleur, les inspecteurs nécessaires, des agents toujours conseillés par d’autres agents qui ne peuvent avoir le même intérêt, enfin une comptabilité centrale, avec laquelle doivent s’accorder toutes les comptabilités premières; dans une pareille organisation, toute erreur, toute infidélité est impossible. Ajoutez à toute cette garantie toutes les garanties extérieures: nous vous avons proposé toutes celles que nous avons pu imaginer, toutes celles qui nous ont paru pouvoir s’allier à votre Constitution. Ajoutez-v surtout cette garantie suprême, cette garantie qui ne trompe jamais, la publicité des comptes de mois en mois, et enfin la célérité dans la comptabilité générale. Chaque année, l’état du Trésor public peut et doit vous être offert tout à nu, sans aucune des fictions anciennes, dans les registres mêmes et