94 [Convention nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j nivôse an II 1 (21 décembre 1793 se touchent. On ne peut se dissimuler qu’il existe beaucoup d’agents probes et républicains; ceux-ci méritent la confiance publique. La sur¬ veillance active qui presse les autres, la peine qui doit suivre leur délit, sert à les contenir dans les bornes du devoir. S’il en était autrement, quel parti prendre, et à qui, dans l’espèce, donner la préférence des employés dans les subsistances militaires, où dans les dépôts de la République? La dépradation est-elle plus à craindre quand les premiers seront chargés de la préparation et du mélange de la subsistance dont il s’agit, que si elle était confiée aux autres? Peut-on penser qu’il y a plus de danger à s’en rapporter à l’employé des subsistances mili¬ taires, pour la préparation du mélange ci-dessus énoncé, en un mot pour l’exécution du projet dont il s’agit, s’il est adopté, que de s’abandon¬ ner à la discrétion du préposé à la garde des dépôts de chevaux? Dans le premier cas, les employés dans les subsistances militaires se trouvent en opposition avec les préposés à la garde de dépôts, intéressés à vérifier si les attri¬ butions déterminées par la loi, leur sont exac¬ tement délivrées. Dans le deuxième, cette opposition n’existe plus : car si on laisse les préposés à la garde des dépôts les maîtres d’opérer le mélange en ques¬ tion) qui assurera, d’après le préjugé établi, qu’ils ne divertiront pas le son et l’avoine des¬ tinés aux chevaux des dépôts, puisqu’ils seront bien moins surveillés que les employés des sub¬ sistances militaires? S’il existe de part et d’autre des inconvé¬ nients, les premiers sont moins considérables que les autres. Mais, disons-le franchement. Ces objections sont si vagues, si générales, qu’à peine méritent-elles d’être discutées. En ramenant donc la question à son véritable point de vue, vos comités n’ont rien vu que d’utile dans le plan qu’ils vous proposent, ils vous en ont fourni les causes, les effets, vous pouvez l’apprécier; ils vous proposent le projet de décret suivant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport fait au nom de ses comités de Salut public, et de l’examen des marchés, décrète ce qui suit : Art. 1". « A compter du 15 de ce mois, les rations d’avoine accordée par la loi du 23 vendémiaire dernier, pour la subsistance des chevaux de remonte, ou autres, au service de la République, repartis dans les différents dépôts, établis par le ministre de la guerre ou les généraux français, sont supprimés. Art. 2. « Il sera substitué à cette nourriture un mé¬ lange de paille, de trèfle ou do luzerne, hachés le plus menu possible, de son et avoine. Art. 3. « Cet amalgame sera fait dans les proportions ci-après. « Il y entrera moitié de paille, un quart de trèfle ou luzerne, un huitième de son, et un hui¬ tième d’avoine. Art. 4- « La ration de cette substance ainsi combinée, sera uniforme, elle sera composée d’un boisseau, mesure de Paris, pour tous les chevaux quel que soit le genre de leur arme, et leur service. Art. 5. « Les préposés à la garde des dépôts à qui cette substance sera délivrée, ne pourront la faire manger aux chevaux qu’après l’avoir légère¬ ment imprégnée d’eau. Ait. 6. « L’administration des subsistances militaires est spécialement chargée de l’exécution de la présente loi sous sa responsabilité; elle est en. conséquence tenue de ] sel pourvoir des instru¬ ments nécessaires à la préparation de la sub¬ stance dont il s’agit. Art. 7. « Les commissaires des guerres sont tenus de surveiller l’exécution de la présente loi, sous leur responsabilité. Art. 8. « Tout agent civil ou militaire convaincu de l’avoir enfreinte sera puni de cinq années de fers. Art. 9. « La loi du 23 vendémiaire dernier conti¬ nuera d’être exécutée en tout ce qui n’est pas contraire à la présente. » Un membre [Collot-d’Herbois (1)] fait le récit des faits qui se sont passés pendant sa mis¬ sion à Commune-Affranchie. La Convention ordonne l’impression et la dis¬ tribution de son rapport. A la suite de ce rapport, il présente un projet de décret que la Convention adopte en ces ter¬ mes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Salut public sur une pétition présentée par des citoyens se disant en¬ voyés par Commune-Affranchie, décrète : Art. 1er. « Les sections de Paris feront, sous trois jours, le recensement des citoyens venus de Commune-Affranchie qui résident dans leur arrondissement, et en feront parvenir de suite le tableau au co¬ mité de sûreté générale. (1) D’après le rapport qui existe aux Archives nationales. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 18. (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g'gîï” g5 Art. 2. « La Convention approuve les arrêtés et toutes les mesures prises à Commune-Affranchie par les représentants du peuple. Art. 3. « Il sera fait, sans délai, par le comité de sû¬ reté générale, un rapport sur les motifs gui ont déterminé le décret d’arrestation du général de l’armée révolutionnaire. » Suit le texte du rapport de Collot-d’ Herbois, d’après le document imprimé (1). Rapport paît au nom du comité de Salut PUBLIC SUR LA SITUATION DE COMMUNE-Aferanchie, par J.-M. Collot-d’Hf.rbois, le 1er nivose. (Imprimé par ordre de la Con¬ vention nationale .) Citoyens, votre comité de Salut public allait s’occuper de considérations importantes sou* mises à son attention par les représentants du peuple actuellement à Commune-Affranchie, lorsqu’une pétition présentée hier (2) au nom de cette commune, et renvoyée à son examen, a détourné cette attention sur des faits particu¬ liers, sur lesquels il m’a chargé de vous éclairer. Il n’en sera que plus urgent ensuite, d’appeler vos regards sur les objets de méditation dont j’ai parlé. La nature des choses vous sollicite de prononcer sur les moyens les plus prompts, les plus conformes à la grandeur de votre carac¬ tère et à la générosité nationale, pour licencier et disséminer la très nombreuse population que rassemble Commune-Affranchie. Les hommes vraiment dignes de la liberté ne regretteront pas de s’éloigner d’une terre qui fut souillée par tant de crimes, et les citoyens laborieux devront trouver dans vos dispositions pater¬ nelles les moyens de seconder leur industrie, en quelque lieu qu’ils veuillent le porter. Il est pressant aussi de mettre en valeur d’immenses propriétés nationales que le sé¬ questre rend stériles, de rendre à l’utilité géné¬ rale toutes les denrées et matières dont elle a été momentanément privée par des précau¬ tions nécessaires. Enfin, pour que l'inscription décrétée, qui doit attester que Lyon qui fit la guerre à la liberté, n’est plus, ait l’énergie qu’elle doit avoir, il faudra qu’elle présente à la postérité un témoignage imposant et réel de la puissance nationale, et n’y arrive pas comme une sorte d’énigme difficile à comprendre, si ce monu¬ ment� de la plus exécrable rébellion dont l’his¬ toire des peuples fasse mention se trouvait entouré des habitations nécessaires à plus de 130,000 individus; habitations vers lesquelles la pensée des ennemis de la République se portera toujours avec complaisance comme vers un (1) Bibliothèque nationale, 20 pages in-8°. Le", n° 615. Bibliothèque de la Chambre des dépu¬ tés : Collection Portiez (de l’Oise), t. 392, n° 2. Archives nationales, ADxviii : 230, n° 23. (2) Voy. ci-dessus, séance du 30 frimaire an II (vendredi 20 décembre 1793), p. 33 la pétition des citoyens de Commune-Affranchie. point éternel de ralliement pour le brigandage royal et pour les conspirations de l’intérieur. Mais ce que votre comité a jugé nécessaire avant tout, d’après la pétition qui lui a été renvoyée, c’est d’instruire votre religion, de soulager une sorte d’amertume qu’on fait peser à dessein sur les cœurs, de dissiper les inquiétudes qui vous tourmentent relativement à Commune-Affranchie, depuis que vous y avez envoyé de nouveaux commissaires. Un voile odieux a été jeté sur des événements dont les seuls amis ou complices des conspirateurs peuvent gémir : on a calomnié l’appareil majes¬ tueux et terrible qui accompagne les actes de justice populaire. L’audace, comprimée par la terreur, s’est convertie en perfidie; l’hypocrite mensonge, venu tant de fois à cette barre pour vous tromper, alors qu’on méditait à Lyon l’assassinat des patriotes, alors qu’on y fabriquait la révolte, s’ est encore présenté nou¬ vellement pour vous induire en erreur, sou3 la forme de repentir. Rappelez -vous, citoyens, les circonstances qui vous ont déterminés à envoyer à Commune-Affranchie les représentants du peuple qui y sont aujourd’hui. Lyon était soumise : était-elle affranchie? Non. La rébellion ne se présentait plus les. armes à la main, à la vérité, mais elle était con¬ centrée, enracinée dans le cœur d’un grand nombre d’habitants. Les plus signifiantes ex¬ pressions que le crime puisse hasarder alors qu’il mûrit et combine ses moyens, décelaient de nouveaux projets, dont V infâme Tréey, tou¬ jours vivant, était le moteur invisible. Ceux de vos collègues qui précédèrent ceux-ci, avaient fait le siège : entrés dans la ville après tant de combats, ce fut un besoin pour eux de reposer, sur des sentiments doux, leur âme, si longtemps tourmentée par de violentes secousses; une pente naturelle entraîna leurs cœurs vertueux vers les consolations et l’indul¬ gence. Les ennemis de la patrie, toujours prompts à frapper les vrais patriotes, dans leur endroit le plus sensible, trouvèrent dans ces dispositions bienveillantes des armes pour nuire à la chose publique. Nos collègues étaient dans le chaos et, malgré leur courage à tirer dans cet abîme les fragments qui pouvaient encore appartenir à la patrie, leur bonne foi fut souvent trompée, et lorsqu’ils exprimaient des résolutions fortes, nous avons reconnu que les moyens leur ont presque toujours manqué pour les faire exécuter. Le principal obstacle au progrès des prin¬ cipes républicains fut toujours, dans la cité lyonnaise, l’asservissement où le riehe tint le pauvre par la féodalité des besoins, si je puis m’exprimer ainsi. Voilà le crime dont tous les hommes riches ou aisés furent coupables. Ce fut la plus cruelle conspiration contre la dignité humaine; elle enfanta toutes les autres. Les riches Lyonnais ont tué l’énergie qui devait ani¬ mer 60,000 individus indigents; ils ont comprimé sans cesse par la misère, l’élan qui les portait vers la liberté, ils en ,ont privé pour longtemps la République. Oui, ce sont les plus viles et les plus hor¬ ribles passions dont le cœur humain puisse être dégradé, qui organisèrent la rébellion des Lyonnais. Ces passions n’étaient pas vaincues, elles vivaient : donc la rébellion existait encore. Ses derniers retranchements n’étaient point forcés; il y avait, en quelque sorte, un nouveau