250 [Etats gén. 1789, Cahiers.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | Bailliage de Bar-sur-Seine.J pénible de leurs fonctions aurait prématuré la caducité, ont acquis le droit naturel de demander une retraite qui en soit la récompense. L’objet de cette retraite est de les affranchir de la fâcheuse nécessité de continuer dans leurs paroisses des services que l’âge ou des infirmités particulières ne peuvent y rendre également utiles, et par là de les mettre à l’abri de l’indigence qu’ils auraient à redouter, si une sage prévoyance ne s’occupait du soin particulier d’y pourvoir. Les pensions créées sur leur bénéfice seraient un moyen imparfait, à charge tout à la fois à leurs sucesseurs et aux paroisses qui en souffriraient, par l’impossibilité où seraient ceux-ci d’y verser les mêmes secours ; par cette considération également juste et touchante, le clergé demande que le sort de ces honorables vétérans, soit fixé à la somme de 1,200 livres sans aucune retenue et pareille somme de 1,200 livres pour les vicaires, qui, à raison de lâcheuses infirmités, se trouveraient hors d’état de faire aucunes fonctions; il demande en même temps que cette somme soit assise sur la suppression de différents bénéfices simples dans l’étendue de chaque diocèse, ou d’un certain nombre de canonicats destinés à cet effet, et dont les titres demeureraient éteints. Art. 13. Les ministres des autels ont besoin de la confiance et de la considération des peuples. Une des dispositions de la déclaration du 15 décembre 1698, interprétative de l'édit de 1695, surprise à la religion de Louis XIV, peut les exposer à perdre l’une et l’autre, et même leur liberté. Cet article permet à un évêque de faire enfermer provisoirement dans son séminaire, un curé, vicaire, ou autre contre lequel il y aurait des plaintes. Ces plaintes peuvent être le fruit d’une cabale odieuse tramée par des méchants. Un respectable ecclésiastique en peut devenir la victime; on en a des exemples. Le clergé demande donc une dérogation à la disposition de cet édit, qui peut compromettre l’honneur et la liberté du clergé du second ordre, et que les évêques soient assujettis à la forme d’un jugement légal. Art. 14. Après avoir fait entendre ses doléances, le clergé du bailliage de Bar-sur-Seine finit par remettre ses intérêts entre les mains du député qu’il doit envoyer à l’Assemblée nationale, pour se conformer au désir de Sa Majesté, et pour ne point arrêter les opérations bienfaisantes des Etats généraux, il ne prétend apporter aucune limitation aux pouvoirs dont il charge son représentant, qui, par son zèle et son patriotisme, justifiera sûrement la confiance de ses commettants. Le présent cahier de plaintes et doléances de l’ordre du clergé du bailliage de Bar-sur-Seine, présidé par nous, Jean-François-Marie Le Pappe de Trevern, vicaire général du diocèse de Langres, abbé commendataire de Mores, assisté de M. Jean-François Noirot, curé de Bourguignoles-Bar-sur-Seine, et de Foolz, secrétaire dudit ordre, a été lu en présence de tous les membres assemblés, et par eux approuvé, et définitivement arrêté, lequel a été par nous signé, ainsi que de notre secrétaire et de tous MM. les commissaires qui ont travaillé à la rédaction d’icelui, et de nous coté et paraphé par chaque feuillet, par premier et dernier, cejourd’hui 23 mars 1789. Signé enfin sur la minute Blujet, curé de Riceys ; Clair, curé de Marolles ; Lebon, curé de Polisot ; Henrion, prieur de la maison ; Morel, vicaire de Bar-sur-Seine ; Piedmontois, vicaire de Bicey-Haute-Rive; l’abbé Le Pappe de Trevern, président, et JNoirot, curé de Bourguignoles, secrétaire. CAHIER DE LA. NOBLESSE DU COMTÉ DE BAR-SUR-SEINE, Remis à M. le baron de Crussol, maréchal des camps et armées du Rof, grand bailli d’épée , député. (1). Le ministre de Sa Majesté ayant, dans le rapport qu’il a fait au conseil, déclaré les intentions du Roi, et annoncé le retour périodique des Etats généraux aux époques qui seront déterminées avec eux, la liberté individuelle des citoyens, la liberté légitime de la presse, les députés seropt chargés de demander : 1° Que les Etats généraux seront assemblés tous les trois ans ; 2° Qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté, sans être mis entre les mains de la justice, pour que son procès lui soit fait, soit à la requête du ministère public, soit sur la plainte de la partie civile qui aura obtenu les ordres de sa détention. Il serait à désirer cependant qu’on donnât aux pères de famille une autorité correctionnelle sur leurs enfants, et que sur leurs vœux, appuyés de l’avis de leurs plus proches parents, au nombre de sept au moins, il pût être expédié des ordres qui réprimassent les écarts trop répréhensibles de la jeunesse de leurs enfants. Que la liberté de la presse soit assurée, en obligeant néanmoins tous les imprimeurs d’avoir entre leurs mains la minute du manuscrit signé de l’auteur, pour que l’auteur puisse être responsable, soit aux particuliers qu’il aura insultés, soit au public, s’il avait attaqué la religion ou les mœurs : et si l’imprimeur avait négligé de s’assurer de la connaissance certaine de l’auteur de l’ouvrage qu’il aurait imprimé, dans ce cas il en demeurera personnellement responsable. La noblesse demande une loi à cet égard. Le ministre ayant annoncé que l’intention de Sa Majesté était de réformer les vicés et les abus qui se sont glissés dans l’exécution des lois civiles et criminelles, on espère que les Etats généraux procureront à la nation la réformation des procédures prescrites par l’une et l’autre ordonnance. En conséquence, les députés seront chargés de demander que les Etats généraux s’occupent sans délai de proposer au Roi des lois qui procurept aux accusés les moyens de justifier leur innocence plus aisément. Il faut d’abord qu’il n’y ait aucune évocation, aucune commission établie, et que les accusés soient toujours jugés par leurs juges naturels. 11 est juste de donner un conseil aux accusés à l’époque où la confrontation aura complété vis-à-vis d’eux tous les moyens d’obtenir les aveux personnels résultants de leurs interrogatoires, et les défenses résultantes de la confrontation ; et qu’alors le conseil donné aux accusés ait la communication de la procédure. Il parait également juste d’ordonner l’instruction des faits que les interrogatoires de l’accusé, ou les confrontations, pourront faire juger utiles à sa justification, sans attendre qu’à la fin du procès l’accusé propose ses faits justificatifs. Les cours souveraines ne doivent jamais, en prononçant les condamnations , se servir des expressions pour les cas résultants du procès ; elles doivent spécifier les délits pour lesquels les accusés sont condamnés. Il serait à désirer que l’avis de la meut ne prévalût pas, à moins qu’il n’y eût trois voix déplus. (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] Ces objets paraissent devoir être discutés et réglés les premiers ; ils sont importants, ils sont faciles : et tout ce qui intéresse la vie, la liberté et l’honneur des citoyens, leur importe beaucoup plus que ce qui intéresse leur fortune. Celle de tous les Français doit contribuer aux dépenses du gouvernement utiles à tous ; ainsi la mesure de la contribution est, d’un côté, celle des dépenses indispensables ; et de l’autre, la proportion de la fortune individuelle. La noblesse a déclaré qu’elle renonçait à toutes les exemptions dont elle a joui jusqu’à présent sur les contributions; et elle demande à contribuer, avec tous les ordres de l’Etat, à toutes les impositions qui seront déterminées pour subvenir aux dépenses nécessaires. Elle ne réclame que le maintien des droits sacrés de la propriété, et les distinctions honorifiques, qui la mettent à portée de défendre avec plus de zèle la liberté publique, de maintenir le respect dû au Roi, et l’autorité des lois. Mais les Etats généraux doivent s’occuper à réduire aux seuls objets nécessaires, et dans la juste proportion de la nécessité, toutes les différentes dépenses pour rendre, s’il est possible, toutes augmentations d’impôts inutiles, et faire trouver même, dans une plus juste répartition, un soulagement à ceux qui auraient été jusqu’à présent surchargés. Ainsi les députés seront chargés de prendre une connaissance approfondie de la dépense des différents départements ; de proposer sur chaque partie toutes les économies dont elles se trouveront susceptibles. Le sacrilice que la noblesse a fait de ses privilèges emporte nécessairement la suppression de tous les privilèges semblables , attachés aux charges de la maison du Roi et des princes, ainsi que des abonnements sur les aides, et des villes qui seraient affranchies de la taille. La conséquence de ces sacrifices paraît être encore de ne plus attacher la noblesse aux charges de magistrature, de secrétaire du Roi, et autres. La noblesse ne doit s’acquérir que par des services rendus à la patrie dans la profession des armes ; et la décoration dont jouissent les militaires, après le temps fixé pour leur service, ne devrait être accordée qu’à eux. 11 est en même temps juste qu’ils jouissent dans les paroisses, après les seigneurs , de la préséance aux processions, pour l’offrande et le pain bénit. On supplie le roi de vouloir bien maintenir la noblesse dans le droit exclusif de porter l’épée, comme la marque distinctive qui lui appartient ; l’épée étant l’emblème des vertus et du courage, un gentilhomme ne peut manquer ni à l’un ni à l’autre, sans se rendre indigne de l’être. La noblesse supplie encore le Roi d’ordonner qu’à l’avenir, personne ne puisse changer son nom ; que chacun porte le sien avec celui du baptême, si ce gentilhomme n’a pas le droit de porter un titre, soit par l’hérédité de ses pères, soit par les terres qui le lui donnent , ou acquis par la faveur du prince ; de même que la défense de porter l’épée retiendra chaque citoyen dans les bornes que son état lui prescrit ; de même aussi cette distinction de noms et de titres, évitera des procès souvent ruineux : les familles seront mieux connues ; et ceux qui parlent d’elles sans les connaître seront plus circonspects. Pour l’exécution de ces deux objets importants, il serait nécessaire que, dans chaque bailliage la noblesse nommât, par la voie du scrutin, deux 1 anciens gentilshommes qui, après avoir prêté serment, en deviendraient les vérificateurs dans leurs bailliages : on leur donnerait l’autorité de les faire examiner et observer ; ils seraient, à cet effet, tenus d’avoir registre bien en règle : faute d’exécution, les Etats prononceraient surcetobjet. L’inféodation des domaines, en rendant propriétaires incommutables ceux qui les inféoderaient, donnerait une nouvelle valeur aux terres inféodées, procurerait au Roi des droits de mutation et de centième denier, et épargnerait des frais d’entretien. L’inféodation des forêts et la suppression des maîtrises, qui en serait la conséquence, augmenterait la quantité de bois dans le royaume, par de plus grands soins que des propriétaires particuliers apporteraient à leur conservation. L’exemple de la Normandie, où des forêts considérables du Roi se trouvent presque anéanties aujourd’hui, est une preuve que l’administration actuelle n’est pas avantageuse. C’est après avoir fait l'examen de tous ces objets, que la dépense des différents départements sera fixée ; et c’est alors qu’il serait juste de rendre les ministres responsables de leur administration. 11 importe à la nation d’être assurée que les dépenses fixées pour les départements ne pourront être excédées ; il importe aux ministres de savoir qu’ils ne pourront les outre-passer. La garantie de la dette publique est l’objet qui doit suivre la fixation des dépenses des différents départements. L’honneur de la nation assemblée ne permet pas de délibérer sur la garantie de cette dette; mais en la garantissant, il faut songer à l’éteindre, et préparer des moyens qui fassent envisager une libération progressive, par l’établissement d’un fonds d’amortissement qui s’augmentera des extinctions des rentes viagères et des pensions, dont on ne remplacerait qu’une partie, pour des services dont il ne serait pas possible de différer la récompense. C’est lorsque tous les objets seront réglés , que la nation connaîtra véritablement sa situation, et si les revenus publics suffisent à acquitter les charges. Mais ce n’est pas encore, à cette époque , qu’il faudra s’occuper de la fixation de la somme à imposer ; il faudra examiner auparavant les différentes économies dont la perception actuelle est susceptible. Il est possible, en effet, que l’augmentation qui résultera de l’imposition du clergé, et d’une plus forte contribution que la noblesse a offerte, suffise à l’acquittement des charges. Lorsque la nation aura ainsi déterminé sa situation, elle s’occupera alors d’examiner chaque partie des revenus, pour connaître ce qu’elle produit et ce qu’elle coûte , si une autre imposition ne pourrait pas remplacer avec avantage le même revenu. Ainsi, par exemple, elle examinera la gabelle ; le vœu des notables a été de la supprimer. C’est aussi le vœu du Roi. La nation examinera les différents moyens qui ont été proposés et qui peuvent se proposer encore. On peut attendre des sentiments patriotiques des provinces, affranchies de cette imposition, qu’elles ne s’opposeront pas, qu’elles faciliteront même les moyens de la supprimer et de la remplacer. Les aides présentent les mêmes inconvénients que la gabelle, et peuvent être aussi remplacées. On laisse aux députés le choix des moyens à proposer pour remplacer ces deux impositions. 252 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] La question du reculent ent des barrières aux extrémités du royaume a déjà été discutée à l’assemblée des notables ; c était le vœu des Etats de 1614 ; et depuis longtemps on voit avec peine la France partagée en provinces des cinq grosses fermes, provinces réputées étrangères et étrangères effectives. Cette question sera certainement agitée aux Etats généraux; elle intéresse des provinces considérables ; et il est à désirer que la sagesse des députés trouve les moyens de concilier les différents intérêts. La taille, qui est une imposition territoriale, en grande partie, par la renonciation de la noblesse et du clergé à leurs privilèges, va sans doute être convertie en un impôt réparti, indistinctement, sur tous les propriétaires, à raison de leurs propriétés ; ce sera aux Etats généraux à régler la manière de faire justement cette répartition. 11 paraît juste, seulement, que la portion de l’imposition acquittée aujourd’hui par les fermiers, continue de l’être par eux, à la décharge du propriétaire, pendant la durée de leurs baux. La portion delà taille qu’on appelle taille d’industrie, ou doit être supprimée, sans être remplacée dans l’impôt territorial , ou confondue dans la capitation personnelle que payeront ceux qui ne jouissent pas de la noblesse. Les loteries sont un revenu qui a causé déjà bien des regrets au ministre des finances. Elles in Huent beaucoup sur la dépravation des mœurs. Il n’y a guère de banqueroutes qui ne soient consommées par les pertes qu’elles occasionnent. Il serait bien à désirer de pouvoir remplacer le revenu de cet impôt, tant qu’il sera nécessaire. Les banqueroutes des notaires causent la ruine de bien des familles qui leur ont donné leur confiance, en déposant chez eux leurs fonds. Userait à désirer que les notaires fussent solidairement responsables des dépôts qui leur sont confiés : comme ils forment à Paris une compagnie, ainsi que dans d’autres villes capitales, ils pourraient prendre des moyens pour veiller avec efficacité sur tous les membres de leurs compagnies. La liberté du commerce sera vraisemblablement le vœu général de la nation ; mais la fidélité est aussi essentielle que la liberté. Les banqueroutes sont quelquefois l’effet du malheur ; quelquefois aussi elles sont l’effet de l’infidélité, telles que celles des caissiers infidèles. Il faut que les lois s’occupent du soin de les réprimer avec efficacité : ce peut être l’effet d’une nouvelle ordonnance du commerce, devenue nécessaire, et qu’il faut hâter. A l’égard de la confection des chemins, il paraît que le plan qui présente le moins d’inconvénients serait l’établissement des barrières, qui seraient établies, comme dans la Flandre autrichienne. Il paraît naturel que la confection et l’entretien des chemins soient payés par ceux qui les usent : ce qui tournera à la décharge de ceux qui allaient à la corvée. Mais tous les impôts actuels ou les impôts nouveaux, s’il était question d’en établir ou d’en remplacer, ne pourront l’être que pour l’intervalle qui sera déterminé d’une tenue des Etats à l’autre, et la perception cesserait d’en être légitime, si la convocation des Etats généraux n’avait pas lieu à 1 époque déterminée. L’est un objet essentiel de la mission des députés. Les députés pourraient être chargés d’instructions sur beaucoup d’onjets particuliers ; mais il est à présumer que les Etats généraux, quelle que puisse être leur durée, ne voudront s’occuper que des grands objets que nous venons d’exposer , et qu’ils réserveront aux Etats suivants soit la perfection de ce qu’ils auront commencé, soit l’examen des différents objets qui n’auraient pu fixer leur attention à la première assemblée, ou qu’ils en renverront la discussion aux Etats particuliers. Mais un objet important, c’est l’éducation publique. Il faut la perfectionner dans les colleges; il faut en répandre même les premiers éléments dans les campagnes et dans les couvents. Il serait très-important, pour les intérêts du comté de Bar-sur-Seine, que l’arrêt du conseil, obtenu par M. le maréchal de Praslin, et renouvelé par lettres patentes du roi Louis XVI, fût exécuté. Il s’agissait de rendre navigable la rivière de Seine, depuis Bar-sur-Seine jusqu’à Méry : ce plan avait été approuvé ; mais les circonstances qui assujettissent les grandes opérations en ont jusqu’ici retardé le succès. On attend, avec impatience, l’exécution de ce projet. Les Etats généraux s’occuperont sans doute du soin d’organiser les provinces, de manière à opérer avec facilité tout le bien qui aura été l’objet de leurs délibérations ; et la constitution des Etats particuliers de chaque province pourra être leur dernier ouvrage. Les provinces qui n’auront pas joui de cet avantage, doivent soumettre aisément leur opinion à celle des Etats généraux, admis à la discuter ; n’étant imbus d’aucuns préjugés, c’est la vérité qu’ils chercheront. Les provinces déjà constituées en pays d’Etats peuvent être plus aisément attachées à leur constitution : mais si elles renferment des abus, elles reconnaîtront sans doute avec plaisir l’empire de la raison universelle; et s’il était nécessaire d’obtenir, de quelques ordres, des sacrifices, que ne doit-on pas attendre de ceux qui ont renoncé à des privilèges aussi utiles, et dont ils étaient en possession depuis si longtemps ? Que ne doit-on pas espérer de la sagesse et de la modération de l’ordre qui a rendu si noblement hommage à la générosité des deux autres ? Ainsi on ne doute pas que les députés, en discutant aux Etats généraux la constitution qu’il est utile de donner à la Bourgogne, ne trouvent les moyens de concilier tous les intérêts, faciles à concilier, lorsque les privilèges sur la contribution n’établiront plus une inégalité de charges entre les différents ordres des contribuables. En formant la constitution des différents pays d’Etats, il sera digne de la sagesse des Etats généraux de défendre le luxe des tables et des jeux de hasard : ces assemblées, destinées à discuter les intérêts de la province et à établir dans ses dépenses la plus sévère économie, doivent commencer par en donner l’exemple ; et il serait à souhaiter qu’elles le reçussent des Etats généraux eux-mêmes. Si les privilèges pour les impositions doivent être abolis, il faut que toutes les propriétés soient respectées ; c’est au même titre que les seigneurs et les vasseaux possèdent et leurs seigneuries, et leurs domaines. Il est à présumer que ceux qui possèdent des héritages, assujettis à des droits reconnus, n’en contesteront point la légitimité, et que les Etats généraux s’interdiront même toutes délibérations sur les atteintes qu’on voudra porter aux différentes propriétés. Le clergé et la noblesse ont fait tous les sacrifices qu’ils pouvaient faire. Quand il s’agira, aux Etats généraux, d’impositions pécuniaires seule- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine. 253 ment, ils consentiront que, si les deux ordres ne sont point d’accord, des commissaires de l’ordre contraire se réunissent avec ceux qu’ils nommeront, pour tâcher de concilier les trois ordres ensemble ; et s’ils ne pouvaient pas y parvenir, alors et dans ce seul cas, ils consentiraient d’opiner par tête sur cet objet ; mais pour tout autre quelconque , ils déclarent formellement de ne voter que par ordre. Depuis longtemps on s’est occupé, dans différentes provinces, d’instruire des sages-femmes, pour qu’elles puissent garantir dans les campagnes des malheurs qui sont souvent l’effet de leur inexpérience. Il est à désirer que les Etats généraux s’occupent de cet objet important, et invitent les Etats particuliers, qui s’en sont déjà occupés, à redoubler leurs exhortations aux habitants des campagnes pour en profiter. Il est également important de veiller à ce qu’aucun chirurgien ne puisse s’établir dans les villes, et surtout dans les campagnes, sans avoir donné des preuves suffisantes de sa capacité, qui seront constatées par les précautions que les Etats généraux croiront devoir proposer. Enfin, il serait à désirer d’établir dans chaque paroisse une administration de charité, composée des seigneurs, des curés et de deux notables habitants, pour procurer des secours à la vieillesse, aux infirmités et à la misère ; et ce serait le meilleur moyen de détruire la mendicité. Tous les détails dans lesquels viennent d’entrer ceux qui confient à leurs députés leurs pouvoirs sont plutôt des instructions que des ordres : leurs pouvoirs sont aussi étendus que la confiance qu’ils ont inspirée ; ils doivent être illimités, parce que rien ne doit arrêter Faction des Etats généraux ; et dans un moment où le ministère du Roi a déjà annoncé à la nation la satisfaction qu’elle désirait sur les objets les plus importants de ses vœux, les limitations qui seraient apportées aux pouvoirs des députés, ne répondraient ni à la confiance due aux Etats généraux réunis, aux députés séparés, ni à celle qui est due au Roi, qui rassemble la nation, et au ministre qui a si bien mérité d’elle dans une précédente administration, et qui a été rendu à ses vœux dans une circonstance presque désespérée. Et ont signé : MM. LE VICOMTE DE COETLOSQUET, ) le comte Joseph de Faüdoas, commissaires DE FaRGÈS, l commiShanes-Le chevalier de Thyerry, ] baron de Crussol, président ; Vautier, secrétaire de la noblesse. El ont signé les membres composant la chambre de la noblesse. Fait en la chambre de la noblesse, ce 21 mars 1789. doléances, Très-humbles supplications et remontrances, arrêtées en l’assemblee générale du tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine, tenue en la grande salle du Palais , en exécution de la lettre close du roi Louis XVI , actuellement régnant, signée de Sa Majesté , et plus bas , Laurent de Villedeuil , adressée à M. le baron de Crussol d'Uzès, bailli d'épée, en date du 7 février dernier, portant convocation des Etats généraux en la ville de Versailles , et de l'ordonnance de mondit sieur le bailli, du 27 dudit mois de février , rendue pour l'exécution de ladite lettre , publiée en la salle de l’audience du palais royal de ladite ville de Bar-sur-Seine, ledit jour 27 février, signifiée avec ladite ordonnance aux maire et échevins de ladite ville de Bar-sur-Seine, par acte de Socard, huissier , du lendemain 28, et aux syndics et habitants des différentes communautés du ressort dudit bailliage de Bar-sur-Seine, et publiée de nouveau tant au prône des messes paroissiales de ladite ville de Bar-sur-Seine et communautés dudit bailliage , qu'aux portes des églises, à l'issue des messes (1). Puisqu’il est permis d’exprimer ses vœux et d’exposer ses maux, le tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine, dans la confiance de trouver dans les bontés du Roi et dans son attachement pour ses peuples, le remède qui leur convient, remerciant Sa Majesté du bienfait qu’elle accorde à la nation en la rétablissant dans ses droits par la convocation des Etats généraux, mettra sous ses yeux quelques-uns des abus dont la réforme devient nécessaire ; il le fera avec les sentiments de reconnaissance, de respect et de soumission que doivent des sujets fidèles à un monarque qui veut bien entrer dans leurs peines, qui, pour en tarir la source, daigne les entendre. Des Etats généraux du royaume. Art. 1er. Le malheur du troisième ordre de la nation tire sa première source de l’infériorité de l’influence qu’il a eue dans les précédents Etats généraux; ce n’est qu’en faisant jouir le tiers-état de l’égalité de suffrages avec les deux premiers ordres, que l’on parviendra à faire cesser ce malheur. Le Roi a déjà commencé cet ouvrage digne de son cœur, en appelant aux Etats généraux que Sa Majesté vient de convoquer des députés de ce troisième ordre en même nombre que ceux du clergé et delà noblesse ensemble. Pour finir cet ouvrage et n’en pas perdre le fruit, il convient qu’une loi irrévocable qui précédera toute autre délibération aux Etats généraux, ordonne que le tiers-état y sera dorénavant et à toujours représenté par un nombre de députés au moins égal à celui du clergé et de la noblesse réunis, lesquels députés, choisis librement et dans la forme observée pour les Etats généraux de la présente année, ne pourront jamais être pris que dans l’ordre du tiers-état, ni présidés que par un de leurs pairs; que tous les ordres délibéreront en commun aux Etats généraux sur tou tes les matières qui y seront proposées, et que les délibérations y seront arrêtées à la pluralité des voix prises individuellement et comptées par tête. Et comme il a toujours été de principe (principe sur lequel il rie reste plus aujourd’hui de doute), que deux ordres ne peuvent lier le troisième, dans le cas où les Etats généraux n’adopteraient pas la délibération en commun, il est au moins nécessaire de statuer qu’après avoir délibéré par ordre séparément, si l’un des ordres n’est pas" d’accord avec les deux autres, celui-là sera admis àdemander(ce qui pourra ne lui être refusé) la délibération commune et par tête, comme il est ci-dessus dit. Art. 2. Comme les meilleures lois ne sont pas exemptes d'infraction, que le temps introduit toujours des négligences et des abus dans leur exécution, c’est une nécessité de les renouveler de temps à autre, et de réparer ce quelles ont souffert des atteintes que les hommes injustes ne manquent jamais de leur porter. C’est d’ailleurs le (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.