m {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {10 novembre 1790.] tance, elle est seulement plus désastreuse, plus désespérante surtout pour les pauvres et pour ceux qui sont à 100,200,250 lieues de Paris. Où trouverons-nous donc un caractère qui distingue le moyen d’appel du moyen de cassation ? Ce sera, si vous le vouiez, dans une violation de la loi constitutionnelle. Ce sera peut-être encore, mais avec de très grands inconvénients, dans une violation de formes, c’est-à-dire des lois judiciaires; mais si vous la cherchez dans la violation des lois civiles, vous vous rejetez dans un chaos épouvantable, et il n’y a pas une seule affaire qui ne puisse être portée de toutes les parties du royaume à votre tribunal de cassation qui serait ainsi le plus monstrueux des tribunaux, puisqu’il serait dans la vérité le tribunal d’appel pour tous les procès du royaume. Qu’est-ce qu’une loi dans l’ordre civil? Vous n’avez que des compilations volumineuses et obscures, des dispositions contradictoires ou incohérentes, ou abrogées les unes par les autres, ou par un long usage, ou devenues sans application. Ainsi l’on ne manquera jamais de moyen de cassation en toutes affaires. Je ne trouve qu’une seule espèce de moyens de cassation que l’on puisse admettre sans inconvénient, ceux qui résulteraient de la prévarication des juges ou de leur faute grossière que la loi compare au dol et qu’elle punit pécuniairement comme le dol même. Je propose donc : « Que la cassation n’aura pas lieu contre les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix et qu’elle ne pourra être prononcée que pour contravention à la loi tellement caractérisée qu’elie pourrait fonder une demande de prise à partie, et subsidiairement que la cassation ne pourra être prononcée qu’en cas de contravention à la loi constitutionnelle, ou en cas de nullité dans la forme . » M. Le Chapelier. 11 faut bien distinguer les moyens d’appel et ceux de cassation : je sais bien qu’un moyeu de cassation est aussi un moyen d’appel ; mais tout moyen d’appel n’en est pas un de cassation. Vous avez décrété qu’il n’y aurait plus d’inégalité de partage des fiefs à raison de l’ancienne noblesse des personnes et des choses. Si un juge portait un jugement contraire à ce décret, il y aurait contravention à la loi et lieu à une demande en cassation; mais lorsque la loi a été mal appliquée à des faits contestés, ce n’est qu’un moyen d’appel et non de cassation. On pourrait ajouter à l’article présenté par le comité ces mots : « La cassation ne pourra être prononcée que lorsqu’il y aura eu violation des formes dont l’exécution est prescrite à peine de nullité, ou contravention directe au texte d’une loi. » (On applaudit.) M. Prieur. D’après la juste impression que viennent de faire les observations de M. Le Chapelier, je dois beaucoup restreindre les miennes; j’observerai seulement que la question me paraît si importante que; sans elle, il serait inutile de faire des lois, puisque rien n'en garantirait l’exécution. Vous avez décrété que les assignats-monnaie seraient considérés comme espèces sonnantes : un débiteur offre à son créancier ud billet de 100 écus ; le créancier refuse, parce qu’il veut être payé en écus; il intente un procès; intervient un arrêt de la cour des aides, qui déclare nulles les offres faites par le débiteur. Je vous parle d’un fait qui s’est passé sous mes yeux. Quel aurait été le désespoir du débiteur, s’il n’avait pas eu un moyen de faire triompher la loi? Cette affaire a été rapportée à l’Assemblée nationale, et un cri d’indignation s’est fait entendre dans toutes les parties de cette salle. Le tribunal de cassation est une sentinelle établie pour le maintien des lois. Je proposerai d’ajouter au décret présenté par M. Le Chapelier « que la demande en cassation sera établie tant en matière civile qu’en matière criminelle. » M. Chabrond. Je propose de poser ainsi la question ; « La demande en cassation sera admise pour la violation des formes prescrites pour la procédure, et pour la violation des lois constitutionnelles. » M. Duport. Jusqu’à la réformation des anciennes lois qui seront remplacées par le code général, il me semble qu’on doit conserver les lois des provinces qui se sont réunies à la France sous la garantie qu’on en protégerait l’exécution. Je proposerais donc de rédiger l’article en ces termes : « Le tribunal de cassation ne pourra pro-noncef sur le fond des affaires, mais seulement annuler tous les jugements dont les formes auraient été violées, ou qui seraient évidemment contraires au texte des lois, jusqu’à la réformation des coutumes. La violation des formes emportant nullité, ou des lois particulières des provinces, donnera lieu à la cassation. » M. l’abbé Maury. M. d’Aguesseau regardait le conseil des parties comme le garde du corps des lois; le règlement de ce grand homme approche, selon moi.de la perfection; et, dans un moment où l’organisation d’un tribunal de cassation est devenue indispensable, je ne vois pas qu’il y ait d’inconvénient à l’assujettir aux mêmes usages que le conseil des parties. M. Le Chapelier. Il s’agit ici de la compétence et non de la forme de procéder; lorsque cette seconde question sera mise sous vos yeux, vous verrez que nous avons rempli les vues de M. l’abbé Maury. (La discussion est fermée. On demande la priorité pour le projet présenté par M. Duport; elle lui est accordée). L’Assemblée nationale décrète que « le tribunal ne cassation ne pourra jamais connaître du fond d’aucune affaire ; qu’il sera tenu d’annuler tout jugement dans lequel les formes auront été violées, ou qui contiendront une contravention expresse au texte de la loi. « Et néanmoins, jusqu'à la formation d’un code unique de lois civiles, la violation des formes de procédure, désignée comme emportant peine de nullité et de contravention aux lois particulières aux différentes parties de l’Empire, donneront ouverture à la cassation. » (La suite de la discussion est reuvoyée à une séance ultérieure.) M. Gassendi, rapporteur du comité ecclésiastique, obtient la parole au sujet de la suppression de paroisses à Cahors, à opérer sur l’avis de l’évêque diocésain. Il lit la lettre suivante : « Monsieur le Président, le directoire du département du Lot s’est empressé d’exécuter les décrets de l’Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé. Il a jugé qu’un de ses premiers soins devait être de donner à l’église cathédrale le caractère d’église paroissiale. II a considéré que c’est le seul huoyen de procurer à 352 [Assemblée aationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 novembre 1790.] l’évêque du département le conseil dont il doit être désormais assisté. « Le directoire, après avoir pris l’avis de l’évêque diocésain et celui du directoire du district de Cahors, a indiqué, dans l’arrêté dont j’ai l’honneur de vous envoyer une copie, les paroisses qui doivent être supprimées et former désormais le territoire de la cathédrale, de manière que le nombre des paroisses de la ville épiscopale se trouve réduit de neuf à trois. Le directoire n’a cru pouvoir mieux faire que d’adopter l’avis sur lequel se sont rencontrés l’évêque diocésain et le district, mais il n’a pas cru pouvoir y donner suite avant d’avoir obtenu un décret qui le ratifie ; il m’a chargé de vous engager à le soumettre, si vous le jugez nécessaire, à l’Assemblée nationale. Rien n’est plus pressant que l’opération dont il trace le plan . •• Je suis avec respect, etc. « Baudel, « Procureur général syndic du département du Lot. « Cahors, le 21 octobre 1790. » M. Gassendi, après cette lecture, propose un projet de décret. M. l’abbé Maury. Je ne m’oppose pas au décret, mais j’observe qu’il n’est pas de notre compétence. L’Assemblée nationale n’est point un tribunal d’homologation. Le projet présenté au nom du comité ecclésiastique est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d’une délibération prise le 31 octobre dernier, par le directoire du département du Lot, en conséquence de l’avis de l’évêque diocésain et du directoire de district, pour la formation de la paroisse cathédrale de la ville de Cahors, décrète : « 1° Que les neuf paroisses de la ville de Cahors seront réduites à trois ; savoir : celles de la cathédrale, de Saint-Barthélemy et de Saint-Géry ; « 2° Que ces trois paroisses seront circonscrites dans les limites indiquées dans la délibération du département du Lot, dudit jour 31 octobre dernier ; « 3° Que toutes les paroisses de la ville de Cahors, autres que la cathédrale, celle de Saini-Barthélemy et celle de Saint-Géry, sont et demeurent supprimées ». M. le Président. Le comité de Constitution demande à rendre compte de la pétition des électeurs 'présumés de la commune de Paris qui lui a été renvoyée hier. M. lie Chapelier, rapporteur , dit que le comité ne voit dans Paris que six divisions marnées pour les tribunaux.il pense que les juges e chacune doivent être nommés uniquement par les justiciables de chacune. 11 n’est pas d’avis que chaque section perde son privilège en le fondant dans une assemblée commune. D’ailleurs, les principes constitutionnels veulent que les I'uges soient choisis par leurs justiciables seuls. 1 propose, en conséquence, de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, considérant que les électeurs nommés par les assemblées primaires des sections de la ville de Paris et des cantons du dehors ne pourront se réunir pour l’élection des administrateurs du département, sans avoir fait préalablement en commun la vérification de leurs titres ; « Considérant, d’un autre eôté, que les six tribunaux à établir par arrondissement pour la ville et le département de Paris, sont aussi distincts et aussi indépendants les uns des autres que les tribunaux de districts formés pour les divers départements du royaume; « Décrète : « Que les électeurs présumés des sections de Paris et des cantons du dehors commenceront à faire en commun la reconnaissance et la vérification de leurs pouvoirs ; qu’ensuite les électeurs reconnus et vérifiés se retireront chacun dans l’arrondissement respectif auquel ils appartiennent et que chacune des six assemblées électorales fera séparément l’élection des juges du tribunal de l’arrondissement et de leurs suppléants; « Décrète : « Que s’il arrive que plusieurs des assemblées électorales choisissent les mêmes sujets, ceux-ci appartiendront de droit, sauf leur refus ou leur option, au tribunal de l’arrondissement, dont l’Assemblée électorale les aura choisis la première; « Décrète : « Qu’après que l’élection des juges et des suppléants aura été consommée par l’acceptation des sujets élus, tous les électeurs des six arrondissements se réuniront pour faire, soit tous ensemble, soit par bureaux formés aux termes du décret du 28 mai dernier, l’élection des trente-six administrateurs du département. » M. Duport combat l’avis du comité et propose un projet de décret. M. Barnave développe les principes de droit public applicables à l’élection des juges. M. Camus représente que Paris n’est qu’un seul district et que, par conséquent, les électeurs ne doivent pas être séparés. M. de Mirabeau demande la priorité par le projet de décret de M. Duport. Cette priorité est accordée et le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que la ville de Paris se trouve dans une position particulière relativement à la distribution des tribunaux, décrète : 1° Que la vérification des pouvoirs des électeurs se fera en commun : 2° Que les électeurs vérifiés se réuniront en commun pour nommer les juges des six tribunaux, de manière qu’il en soit nommé successivement un pour chaque tribunal, en tirant au sort le premier. « Décrète enfin, que les six tribunaux de district, et séparés, formés dans Paris, ne pourront, en aucun cas, se réunir pour former un seul tribunal. » Une députation de la commune de Paris , présidée par le maire, est admise à la barre. M. Bailly, maire de Paris , dit : « J’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale les députés des quarante-huit sections composant la commune de Paris; ils ont rédigé une adresse où est déposé le vœu de cette commune : ce vœu est la suite des inquiétudes du