SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N° 21 359 elle établissoit dans son sein un comité de correspondance; il étoit l’oeil, le tube optique par lequel elle devoit tout voir : un comité exécutif, il étoit le bras par lequel elle devoit tout frapper. Cette organisation devoit lui épargner l’état de stagnation dans lequel étoit tombé la seconde législature, qu’elle voue ailleurs à l’exécration et au mépris de la postérité ; et ce n’étoit point là une vaine théorie. Consultée par un de nos collègues sur le choix des fonctionnaires publics, elle agit et délibère comme autorité constituée; et lorsqu’il croit ne point devoir adopter tous ceux qu’elle lui désigne, il devient l’objet de sa censure. La détention, les fers, la traduction au tribunal révolutionnaire ont été, pour un grand nombre d’hommes probes et patriotes sincères, le fruit des dénonciations dont elle fut le théâtre. Pour se conserver le pouvoir, elle s’interdisoit toute réception de nouveaux sociétaires jusqu’à la paix, et se prescrivoit à elle-même de rayer tout sociétaire qui oseroit s’élever contre cet arrêté, qui n’a été rapporté que depuis la chûte des triumvirs. Un tableau fut suspendu dans le lieu de ses séances; il représentoit une hydre vomissant des crapauds, à chacun desquels devoit être attaché le nom de quelques-uns de nos collègues, foibles ou trompés dans une occasion importante, mais qui ont tout réparé par deux ans de fermeté et de vertus civiques, mais dont le grand crime étoit de connoître et de combattre les oppresseurs de leur pays. Quel étoit le législateur et le principal moteur de cette société? un Julius Junius de 20 ans, en 1791 bas valet de la royauté, soutenant que le gouvernement républicain est impossible à établir chez un peuple de 25 millions d’hommes ; tour à tour flagorneur de Mirabeau, de Pétion, de Robespierre, et sur-tout de lui-même; s’annonçant comme le consolidateur de la société, le chef des Sans-culottes, dont il fait une faction Renaudine ; se plaçant sous les poignards à l’exemple de son patron, avec lequel il disoit être en correspondance suivie. Un très petit nombre de meneurs, ralliés sous l’étendard de ce Régnault, ont suffi pour maîtriser la société, et par elle presque toutes les autorités constituées. Je suis convaincu que leurs intrigues tenoient au grand plan d’usurpation que votre fermeté acheva de déjouer, et j’en transmettrai les preuves à votre comité. Il avoit fait arrêter Régnault. La société fit placer au-dessus du siège de son président, cette inscription : La patriote Régnault est opprimé. Ce tableau ne fut enlevé qu’au moment où, placé à la tête d’une imprimerie, Régnault fut exempté de prouver par des faits, dans la première réquisition, ce dévouement à la patrie dont il se vantoit dans tous ses discours. Malgré les torts multipliés, la masse de la société populaire est bonne; il sera facile de l’épurer et de la ramener aux principes dont elle s’est écartée par une confiance aveugle; je regarde cette opération comme une des plus importantes de la mission qui m’est confiée. Sans m’écarter des règles du gouvernement révolutionnaire, j’ai recueilli le voeu du peuple sur les citoyens qui, par leurs talens, leur probité, leur civisme constant, méritent d’être conservés ou admis dans les autorités constituées, et vous pouvez être assurés que la loi du 7 vendémiaire sera exécutée pour le plus grand avantage de ce département ; l’esprit public est bon dans cette commune et dans le district, les pratiques superstitieuses y sont entièrement abolies; le peuple, en masse, exècre les intri-gans, les oppresseurs, les dilapidateurs ; environne les hommes probes de son estime, se rallie autour de la représentation nationale, se livre dans toutes les réunions à son enthousiasme pour la liberté, l’égahté, et fait retentir les airs de ces cris sacrés que les meneurs vou-loient proscrire : Vive la Convention nationale! vive la justice! Salut et fraternité. Signé, Ch. Delacroix. 21 La société populaire et les autorités constituées de Dijon [Côte-d’Or] demandent à la Convention de faire refluer dans l’intérieur les denrées de première nécessité prises par nos braves marins sur les ennemis de la république, et maintenant en stagnation dans les villes maritimes. Mention honorable, renvoi au comité de Commerce (34). La commune et les sections de Dijon rappellent à la Convention que l’on a annoncé dans son sein qu’il y avait dans nos ports beaucoup de matières premières ; que ce fait a été confirmé par un représentant du peuple; que cependant les fabriques manquent partout de matières premières. Ils invitent en conséquence la Convention nationale à prendre les mesures nécessaires pour mettre ces matières en circulation. La Convention décrète la mention honorable de cette pétition, et son renvoi au comité de Commerce. Une députation de la commune et du conseil général expose son dévouement aux principes qui sont aujourd’hui ouvertement et généralement professés dans la République, et elle ajoute qu’elle a arrêté une lecture de l’Adresse au peuple français pendant deux decadis, et ensuite chaque mois; elle a arrêté en outre que cette Adresse serait réimprimée à ses frais, en nombre suffisant pour être distribuée à chaque père de famille, pour ôter tout prétexte à la malveillance et à l’ignorance, et afin qu’elle pût servir de modèle à chaque citoyen dans sa conduite individuelle. La Convention en décrète la mention honorable (35). (34) P. V., XL VIII, 12. (35) Moniteur, XXII, 338.