[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 12 ;“îiL . 377 une centaine de prêtres, de religieuses, de feuil¬ lants, qui ne savaient pas, disaient -ils, qu’il fallût, pour être républicains, sacrifier tout pour son pays... Ils sont à Chantilly, où ils ont tout le temps de l’apprendre et de dire leur bréviaire. Vous voyez devant vous un échantillon des riches ornements qu’offre à la Eépublique la ville de Senlis, ainsi que la garde-robe du fa¬ meux Boquelaure, son ancien évêque. Dans le département de Seine-et-Oise, nous avons marché le même pas. Levasseur, repré¬ sentant du peuple, est venu couronner l’œuvre ; et, grâce à son sans-culottisme avéré et son énergie républicaine, les ennemis de la liberté, les fanatiques, qui infectaient eette contrée, sont rentrés dans la poussière et dans les pri¬ sons. Bientôt la statue de la liberté s’élèvera par¬ tout sur les autels si longtemps déshonorés par d’infâmes gibets. Luzarches donne à la Convention, et nous eu sommes porteurs, des dépouilles de châsses renfermant de prétendues reliques que nous avons fait profondément enterrer; des calices, des soleils et des saints, etc., etc. Luzarches, pour toute reconnaissance, demande que vous restiez fermes à votre poste, jusqu’à ce que la patrie soit hors de tout danger. Senlis et les communes qui l’avoisinent vous envoient : Encore des ehâsses, des croix, des crosses, des calices, des soleils, des ciboires ; Des bijoux d’or et des pierreries. Senlis a fait tomber toutes les grilles de fer et les cloches qui se trouvaient dans son sein. Le directoire du district en a fait faire autant aux communes environnantes ; et, dans ce moment, nous avons à Senlis et à Luzarches, à la disposition de la Eépublique, plusieurs millions pesant de cuivre, de fer, de plomb, de cloches, qui seront bientôt dans les magasins de Paris. Les patriotes de Senlis ont déployé un grand caractère ; ils ont terrassé le fanatisme avec une vigueur vraiment républicaine; ils se sont mon¬ trés avec un courage énergique. En échange des trésors qu’ils vous offrent, ils demandent pour la compagnie de canonniers déjà' formée dans leur ville, deux pièces de canon... Nous les demandons pour eux avec instance; ils s’en serviront utilement pour la Eépublique. Nous amenons avec nous 10 hommes, dont les têtes coupables paraissent vouées à l’échafaud. Un Oudaille, scélérat contre -révolutionnaire, prêtre infâme et fanatique. Un Dufresnoy, un Lenfurmé, monstres abo¬ minables, qui pervertissaient, à Senlis, de mal¬ heureux enfants qu’ils entraînaient dans des retraites obscures, pour y entendre leurs messes et les fanatiser. Nous avons entre les mains, et nous les déposerons à vos comités, les preuves de leurs crimes. Le frère du vertueux Eolland est aussi avec nous : son nom seul a paru suspect : de plus, il était moine » et l’est encore. Voilà des drapeaux où l’on voit des fleurs de lys, des armoiries. Nous nous promettons d’y mettre le feu et de danser autour la Carmagnole. Les canonniers de Bon-Conseil, nu détache¬ ment de l’armée révolutionnaire de la même section, et 26 gendarmes du Luxembourg ne nous ont pas quittés depuis ®ix semaines. Ce sont des républicains courageux et pleins de vertu. Partout ils se sont montrés avec cette fermeté imposante qui pulvérise' les ennemis du bien et ranime le courage dés amis de la liberté. Dans toutes les Sociétés populaires que nous avons formées, ils ont propagé les vrais principes et prêehé l’amour de la patrie. La calomnie a fait tons ses efforts pour nous atteindre : fermes de notre conscience, nous lui avons opposé la vérité de nos actions et nous l’avons réduite au silence. A toute heure du jour et de la nuit, les eanon-niers, les volontaires de Bon-Conseil et les gendarmes sont prêts, au moindre signal de la Convention, à voler partout où elle l’ordonnera. Et le comité de surveillance du département de Paris sera toujours glorieux quand la Con¬ vention nationale choisira quelques-uns de ses membres pour les accompagner et les gui¬ der dans le chemin de la gloire et de la liberté. Clémence, Marchand, Membres du comité de surveillance du dépar¬ tement de Paris, séant rue de la Convention. Le comité de surveillance du département de Paris ayant entendu le rapport de ses deux collègues, arrête qu’il sera imprimé, affiché, envoyé aux sections, aux Sociétés populaires, à. Senb's et à Luzarches. Les membres du comité, Moessard, Chery, Delespine, Génois, D ed ouvres, Nicolas, Franchet, L’Ecri¬ vain, Foürnerot, Guigue jeune. Le représentant du peuple Cavagnac (Cavai-gnac), à Auch, rend compte des progrès de la raison dans ce département; il envoie la décla¬ ration du citoyen Gaud, ci-devant prêtre. Mention honorable, insertion au « Bulletin », renvoyé au comité des secours publics (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Le représentant du peuple Cavaignac écrit d’Auch le 3 frimaire : « La levée extraordinaire des chevaux s’opère avec activité dans la 12e division que vous avez confiée à ma surveillance. Je les réunis à Auch, où déjà sans doute ils seraient tons en dépôt, si les localités l’eussent permis. Je fais construire des crèches dans les temples ; la Eépublique aura là de superbes écuries. Dans ce pays, généra¬ lement stérile, j’ai rencontré bien des obstacles (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 239. (2) Bulletin de la Convention du 10e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (samedi 30 novem¬ bre 1793). M. Aulard dans son Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8,. p. 662, ne reproduit que le texte incomplet du Mo¬ niteur, 378 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { Wmaire an H 1 J * su nnvAmnrn \ TQ-mais constamment dirigé par des principes révolutionnaires, j’ai vaincu les difficultés, et, en quelque sorte, forcé la nature d’obéir à la loi. « Le comité de Salut public est instruit de mes premières opérations. J’ai déjà un très grand nombre de beaux chevaux; je compte en lever près de 2,000. Je réforme tous ceux qui, manquant des qualités qu’elle exige, sont im¬ propres au service militaire. L’équipement com¬ mence à se compléter; l’armement est plus dif¬ ficile, et le voisinage des armées épuise à la fois l’avoine des magasins publics, celle des par¬ ticuliers, et celle que je ramasse en exécution de votre décret. « Cependant je puis vous assurer que la Ré¬ publique peut lancer bientôt sur tous ses enne¬ mis la plus formidable cavalerie qu’on ait vue encore en Europe. Que l’Espagnol, battu sur tous les points, se console par de ridicules rodomontades; que l’Autrichien barbare dévaste encore quelques chaumières; le terme de leurs forfaits s’avance et l’heure de la vengeance va sonner; ils seront à leur tour poursuivis, dévas¬ tés, anéantis; des escadrons immenses, des lé¬ sions intrépides vont courir les frapper jusque dans leurs derniers retranchements et les punir jusque dans leurs tombeaux. « Ce ne sont point là des chimères; ces pré¬ sages se réalisent; nos ressources se multi¬ plient, la terre enfante de nouveaux guerriers, le patriotisme s’exalte et la raison publique nous mène à pas de géant vers l’entier affranchisse¬ ment du peuple. Déjà je vous ai décrit ses pre¬ miers miracles; je vais vous dire aujourd’hui ceux qu’elle vient d’opérer encore sous mes yeux. « Notre collègue Dartigœyte, par ses prédi¬ cations civiques, avait électrisé tous les esprits, avait entraîné tous les cœirrs. Je l’avais secondé de tous mes moyens dans cet apostolat philo¬ sophique; tout était préparé; le peuple était mûr. Le dernier jour de la 3e décade fut fixé pour célébrer à Auch la fête de la raison et l’abolition totale du fanatisme. Ce jour solennel arrivé, le peuple entier s’assembla sur un bou¬ levard champêtre, et là, dans un banquet frater¬ nel, fit éclater les premiers transports de sa joie. « Ce repas lacédémonien s’achève et le peuple va parcourir l’enceinte de la ville; tous les signes fanatiques qu’il rencontre, il les arrache et les foule à ses pieds; mais ce n’était là que le prélude d’un élan plus sublime de sa raison, d’un acte plus imposant de sa puissance. De retour sur la place consacrée à la liberté, il s’assemble autour d’un bûcher couvert de titres féodaux et se fait amener dans un tom¬ bereau deux vierges à miracles, célèbres dans ce pays, les croix principales etvles saints qui, naguère, recevaient l’encens des superstitieux. Alors l’enthousiasme civique éclate, le bûcher est allumé, et ces ridicules idoles y sont préci¬ pitées aux acclamations de ce peuple innom¬ brable. « Suppléez, s’il se peut, à l’impuissance de ma plume. Je ne puis vous décrire les trans¬ ports, les élans de ce peuple sublime; je ne puis exprimer l’enthousiasme dont je fus saisi moi-même. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tout était passionné pour la liberté, tout célé¬ brait le retour de la raison et le triomphe de la • nature. « La carmagnole dura toute la nuit autour de ce brasier philosophique qui consumait à la fois tant d’erreurs. TJn bal très brillant fut ouvert à tout le monde, et cette journée à jamais mémorable fut terminée par des danses et des chants d’allégresse. « Vive la République ! ô mes collègues, et vive à jamais la raison ! « Je vous envoie la déclaration du citoyen Gaud, ci-devant prêtre et vraiment sans-cu¬ lotte. Il abjure sa prêtrise et marche à l’enne¬ mi. Il rend à la République une pension qu’elle lui faisait, et lui demande uniquement de hii réserver de cette pension 300 livres pour secou¬ rir son père et sa mère. « Je vous prie d’accorder une mention hono¬ rable à sa conduite et d’accueillir favorable¬ ment sa demande (1). » La Société des sans-culottes de Marigni [Ma* rigny] offre à la Convention nationale deux cavaliers montés et équipés, et invite les repré¬ sentants du peuple à rester à leur poste. Mention honorable; insertion au « Bulletin », renvoyé au ministre de la guerre (2). Compte rendu du Bulletin de la Convention (3). La Société des sans-culottes de Marigny invite la Convention à rester à son poste jusqu’à la paix et offre deux cavaliers montés et équipés. Mention honorable. Paré, ministre de l’intérieur, envoie les lettres de prêtrise du citoyen Domanget (Domenger), domicilié à Grenoble. Insertion au « Bulletin », renvoyées au comité d’instruction publique (4). Suit la lettre du ministre de V intérieur (5). Le ministre de V intérieur, au citoyen Président de la Convention nationale. « Paris, ce 8 frimaire l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Je t’envoie les lettres de prêtrise (6) du citoyen Domenger, domicilié à Grenoble, que (1) D’après le Journal de Perlet [n° 436 du 12 fri¬ maire an II (lundi 2 décembre 1793), p. 9], et d’après les Annales patriotiques et littéraires [n° 334 du 1 1 fri¬ maire an II (dimanche 1er décembre 1793), p. 1513, col. 1], la lecture de cette lettre fut accueillie par les plus vifs applaudissements. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 232. (3) Bulletin de la Convention, du 10e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (samedi 30 no¬ vembre 1793). (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 239. (5) Archives nationales, carton F19 878, dossier Domenger. (6) Nous n’avons pas pu retrouver ces lettres.