472 (Etats gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] sans qu’on ait pu s’en apercevoir, et c’est une raffinement de cruauté dont il ne se voit que trop d’exemples. Qu’il en soif, et c’est le vœu général, qu’il en soit pour les aides et gabelles comme il en a été ordonné pour la corvée, dont l’imposition, selon qu’il pourra être statué, ne tombera pas sur la partie du peuple la plus pauvre et qui use le moins les grandes routes. L’impôt n’a été mis que sur les taillables; les privilégiés en sont exempts, et ce sont eux principalement qui détruisent plus les chemins par leurs fréquents voyages et le transport de leurs denrées, tandis qu’un petit et mauvais sentier suffit au malheureux pour aller d’un endroit à un autre. C’est sur le pauvre déjà trop affligé, que tombe l’impôt des tailles. Seul il le paye, tandis que le riche n’y contribue que pour les terres qui sont affermées. Privilèges et exemptions. Art. 13. Les privilèges et les exemptions étant à l’infini, c’est toujours la classe moyenne qui paye, et le propriétaire n'en retire pas moins son fermage. C’est donc un revenu dont il ne paye rien, ainsi que des bois, prairies, parcs et clôtures immenses de pur agrément, qui ne rapportent rien à l’Etat et ne fournissent point les marchés publics.' Les propriétaires, au contraire, non privilégiés, payent la taille à raison de leurs revenus, et leurs fermiers la payent aussi à raison des terres qu’ils ont à bail. Voilà donc deux impôts que payent les non privilégiés, au lieu d’un, payé par le privilégié. Il arrive encore qu’à raison du crédit du propriétaire, son fermier ne paye pas les impositions en proportion de scs ferrhages ; la taille étant assise sur la paroisse, elle sera toujours la même. Si par faveur l’on fait grâce au fermier du privilège, ce sont les habitants qui payent l’excédant, et ce qui a été diminué au fermier protégé retombe et est rejeté sur les particuliers de la communauté. Quel objet de considération dans l’assemblée des Etats généraux, eu égard au vœu des princes et des grands les plus distingués du royaume, dont les ancêtres levaient des troupes pour la défense de l’Etat, qui toutes étaient soudoyées de leurs propres deniers ! C’est à celte époque qu’ils ont obtenu des privilèges qui étaient la récompense de leur dévouement et des sacrifices qu’ils faisaient en faveur de la patrie. Les descendants doivent-ils avoir les mêmes avantages, les troupes étant actuellement à la charge de l’Etat ? C’est d’après ces considérations que les habitants des campagnes espèrent, par rapport aux tailles, etc., une répartition juste en proportion des propriétés, de quelque nature qu’elles soient, dont le clergé et la noblesse ne seront plus exempts, puisque possédant la plus grande partie des biens du royaume, sans en payer de taille, ils payent encore moins, lorsqu’ils font valoir jusqu’à quatre charrues que leurs privilèges leur accordent, laquelle exploitation payerait dans les mains du fermier, et ne paye rien dans les leurs, et il en résulte que la communauté paye pour ces mêmes terres que devrait payer un fermier; c’est donc toujours une augmentation de taille qui porte sur le malheureux. Lois civiles et criminelles. Art. 14. Il est encore dans l’attente de voir se dissiper l’obscurité des lois civiles et de trouver dans les assemblées municipales, si bien établies, les moyens d'aplanir les difficultés et d’accommoder les particuliers de chaque communauté, qui auraient entre eux des discussions d’affaires ou d’intérêts, sans frais pour les parties; étant toujours à même d’aller à un tribunal supérieur après avoir préalablement proposé l’objet de leurs discussions à l’assemblée municipale. Les propriétaires et habitants de Coubron, d’après cet exposé dressé pour la rédaction des cahiers pour l’assemblée des Etats généraux, recommandent à leurs députés, en mettant tout intérêt particulier de côté, de concourir, avec les deux premiers ordres de l’Etat, au bien de la patrie et au service du Roi. Fait et arrêté en l’assemblée générale des habitants de Coubron, convoquée en la manière accoutumée, au son de la grosse cloche, et tenue en la salle des audiences, le dimanche 12 avril 1789, à l’issue des vêpres, et ont signé : Puezieux; Eavar père; J.-C. Alexandre; Louis; F. Touroul ; Lenoir ; Foucault ; Favar jeune; Poupart; Royer; F. Guilleminaut ; D. Guilleminaut ; P. -G_ Royer; P.-C.Raya,MartheLardin; D.-J. Delion; J.-G. Royer ; Morand; J. Alexandre; F. Alexandre; J. -J. Royer; G. Guilleminaut ; A. -Marthe Alin; Denis Guilleminaut; Chef; P. Royer; Dupuy ; R. Lacroix; D. David; G. Guilleminaut ; L.-F. Dure!; L. Marthe; Vellv; J. Domage, syndic municipal, et Pavie, curé'. Et ont délaré ne savoir signer : Pierre Aubra; Pierre Ronestin; D. David père; Simon Brémond; D. Brémond ; Louis David , François Langlade ; Christophe Pilet ; Antoine Thomas ; qui tous se sont trouvés à l’assemblée, excepté : J. -F. Févré et Martin Ganneron , et Delion le père; pour Denis Thomas ; il était absent par maladie. Signé Christophe Lime, procureur fiscal. CAHIER Des plaintes et doléances de la paroisse du Cou-dray-sur-Seine , à présenter par ses députés aux Etats généraux du royaume (1). Les habitants de la paroisse duCoudray, voués comme vrais citoyens au bien général pour le soutien de la majesté du trône et de l’auguste monarque qui l’occupe, et l’avantage de la nation, sont pleins de confiance dans la bonté du Roi et dans les opérations dont va s’occuper la respectable assemblée des Etats généraux. En conséquence, ils chargent les députés qui voudront bien être leurs représentants de demander : Art. 1er. La suppression totale des tailles, vingtièmes et autres impositions accessoires, dont il est impossible à la majeure partie des citoyens de connaître l’étendue .et l’objet, et de convertir ces objets en un seul, sous le titre d’impôt territorial, dont la répartition sera faite sur les propriétaires fonciers, sans distinction d’ordre de noblesse, clergé ou tiers-état , sauf aux Etats généraux à aviser aux moyens les plus propres pour asseoir la contribution de ceux qui n’ont leur fortune qu’en capitaux inconnus, comme espèces ou papiers. Art. 2. lis désirent que tous privilèges d’exemption de cet impôt soient supprimés, et cela sous le point de vue que tous sujets d’un Etat doivent contribuer à son soutien et à sa propriété. Art. 3. Que tous droits soient supprimés comme (1) Nous publions cc cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 473 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] droits gênants, inconnus à la majeure partie des sujets, et que la tolérance de leur extension et des crimes dont on les rend suceptibles par la vigilance et insatiabilité des fermiers généraux et de leurs commis sont trop dangereux. Art. 4. Que ceux des gabelles, traites et autres de cette nature, soient aussi supprimés, et que le sel et le tabac soient, comme les autres denrées, un objet de commerce libre. Art. 5. Que les capitaineries , grueries, même les tribunaux des eaux et forêts, soient supprimés à cause de l’oppression des uns et de l’inutilité des autres. Art. 6. Qu’il n’y ait plus à l'avenir que deux degrés de juridiction, soit que les justices seigneuriales soient supprimées ou conservées. Art. 7. Que la liberté individuelle soit respectée et ne puisse être interceptée qu’en vertu de sentences, jugement ou arrêt des juges ordinaires ; mais que toute lettre de cachet soit abhorrée, si ce n’est pour crime de lèse-majesté divine et humaine. Art. 8. Qu’il soit assuré aux pasteurs des paroisses un sort honnête pour leur donner la faculté d’exercer dignement leurs fonctions et même de pourvoir aux besoins des pauvres. Art. 9. Que tout champartetdîme soient abolis, vu que les seigneurs perçoivent ces droits-là avec injustice, ce qui est totalement la ruine des cultivateurs. Art. 10. Que toutes haies et remises soient arrachées, parce que c’est la retirance du gibier et la ruine des cultivateurs. Art. 11. Que tous les colombiers des seigneurs et des bourgeois soient détruits, ainsi que les corneilles, qui, nous le pouvons prouver, dans des années arrachent un quart du blé du royaume, et qui sont encore la perte des cultivateurs. Art. 12. Que tous les péages des ponts, des routes et les entrées de barrières soient abolis. Art. 13. Que tous les intendants du royaume soient abolis. Art. 14. Que toutes les corvées soient abolies; l’on nous fait contribuer l’argent et l’on ne fait aucun entretien. Art. 15. Que la destruction générale du gibier soit faite, comme lièvres, perdrix, lapins et faisans, qui rendent absolument les fermiers et vignerons malheureux, et qu’il faut payer les tailles et les loyers et ne rien récolter, et dépendant des chasses de monseigneur le duc de Villeroy et M. France, seigneur deMonceaux, et de M. le prince deGhalais, notre seigneur. Art. 16. Nous demandons qu’il nous soit accordé une messe dans la chapelle de MM. les révérends pères carmes Billeltes, à leur maison de campagne, au Plessis-Chenet, hameau de la paroisse du Coudray et sur la route de Fontaine-bleauj à distance de la paroisse de trois quarts de lieue, et . que ledit bien leur a été donné à la charge de dire une messe fêtes et dimanches. Art. 17. Nous demandons le rétablissement de la route de Milly au Plessis-Chenet, qui est un chemin très-utile aux étrangers, ainsi qu’aux villes et aux villages des environs, et qui est une ancienne grande route dont les fossés sont tout faits, et que l’on ne ferait aucun tort à pas un de rassemblée. Art. 18. Nous demandons que le chemin du haut Coudray, conduisant au port de la Seine où est établi un passage public, soit rétabli et rendu praticable pour la commodité publique et l’avantage général. Art. 19. Qu’il ne soit jamais permis à aucun seigneur, ni ecclésiastique, ni aucun bourgeois fortuné de faire commerce de blé ni aucune exploitation de grains. Fait et arrêté le 16 avril 1789. Signé Berrault, syndic ; Moreau ; Vrineaux ; Jul-lenvier ; Luc-François Corbeau; Guennecorlay ; Brias; Dupont; Michel Corbay ; Robert Paron, et Gallois. CAHIER Des doléances et remontrances des habitants de Courbevoie près Paris (1). Les habitants rendent de très-humbles actions de grâces au Roi de ce qu’il a convoqué les Etats généraux de son royaume et a admis les représentants du tiers-état en nombre égal à celui des deux autres ordres. Art 1er. Us supplient Sa Majesté de supprimer les capitaineries des chasses, lui observant qu’elle a le droit de chasser dans tout son royaume, et qu’il n’y a pas un seigneur qui ne regardât comme un bonheur de la voir chasser sur ses terres. Ils conviennent que Sa Majesté trouvera moins de gibier que par le passé, mais ses sujets en seront plus heureux, et ils sont persuadés qu’elle sacrifiera volontiers le plaisir d’un moment au bonheur de ses peuples. Ils observent que la multiplicité du gibier de toute espèce détruit leurs semences ; que depuis douze ans ils sont souvent obligés de semer à deux fois les mêmes légumes et grains ; qu’ils ne peuvent conserver leurs vignes et leurs jeunes arbres pendant l’hiver qu’en les enveloppant de paille pour les garantir de la dent des lièvres, espèce de gibier que les gardes-chasses ont soin de multiplier à l’infini. Ils observent enfin à cet égard que le terroir de Courbevoie, placé dans la conservation de monseigneur comte d’Artois, ne sert pas aux plaisirs de ce prince, mais qu’il semble destiné aux délassements d’une comédienne. Dans le cas où Sa Majesté ne jugerait pas à propos de supprimer les capitaineries et notamment celle de Saint-Germain en Laye, ils la supplient de permettre ; 1° La destruction des lapins sans être obligés de faire visiter le terrain par aucun délégué ni commissaire, pour éviter les longueurs, les faveurs et la corruption ; 2° Que chacun puisse faucher son foin quand bon lui semblera pour* en éviter le dépérissement; 3° Que chacun puisse faire enclore son champ de murs sans être obligé d’en obtenir la permission de la capitainerie ; 4° Que les instances pour faits de chasse soient portées aux tribunaux ordinaires ; 5° Qu’il soit libre aux malheureux dont les champs auront été dévastés ou endommagés par le gibier de former, contre les conservateurs ou même contre les capitaines des chasses, des demandes en indemnité devant les juges ordinaires; 6° Et enfin qu’il ne puisse être infligé aucune peine corporelle pour faits de. chasse seulement et lorsque les délinquants ne seront pas convaincus d’avoir voulu maltraiter les gardes. Art. 2. Ils supplient Sa Majesté, pour encourager l’agriculture, de permettre aux propriétaires des terres qui avoisinent les doubles allées adja-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.