324 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Égalité, Liberté Citoyens Représentants, Nous avons lû votre adresse au peuple, la voix de la représentation nationale s’est fait entendre à notre coeur. Qu’il est doux le langage de la vertu! Comme elle paroît aimable, quand elle n’est pas défigurée! Représentants du peuple, longtems une poignée de brigands eurent le féroce talent de nous comprimer avec l’arme des tyrans ; mais nous allons saisir celles que vous nous fournissez, vos principes seront la massue d’Hercule avec laquelle nous les frapperons. Vils intrigants, lâches dominateurs, êtres immoraux, plats valets du tyran qui n’est plus, vous tous qui formâtes en secret des voeux pour sa résurrection... Levez un moment vos fronts humiliés et silonnés par le crime, Entendez-vous la voix puissante des représentants du peuple qui crient aux Français : Vos ennemis les plus dangereux sont ceux qui vous combattent par la calomnie... le plus grand malheur d’un peuple est celui d’une tourmente continuelle. Nous saurons épargner l’erreur et frapper le crime... C’est par l’autorité des loix qu’une nation doit être conduite... Repondez maintenant, petits tyrans et dites-nous si tels furent vos principes pendant le règne de votre dernier maître... Vous assassinâtes la vertu par la calomnie, à votre voix les cachots s’ouvrirent, et les hommes purs y furent ensevelis, vous trainâtes à l’echaffaud les patriotes les plus énergiques, et votre barbarie inventa des moyens de mort extraordinaire. Par vous la terre de la liberté fut couverte d’echaffauds et arrosés de sang, l’air ne retentit plus que des cris des malheureuses victimes de vos fureurs. Vous fîtes servir tous les elémens à vos crimes. Le pillage, l’assassinat et l’immoralité furent vos articles constitutionnels, et les passions vos loix... En vain vous chercheroit-on des modèles dans l’histoire. Ni les proscriptions de Marius, ni les injustices des decemvirs, ni les fureurs de Sylla, ni les cruautés de Néron ne peuvent être comparées à vos forfaits et dans la carrière du crime vous avez laissé derrière vous tous vos maîtres. 0 Convention nationale, toi l’espoir du peuple, le point de ralliement de tous les bons françois, tes principes consolateurs ont porté la joie dans toutes les âmes... Tous nos coeurs sont à toi, ton nom ne sera plus prononcé dans nos familles qu’avec attendrissement, il nous rappèle les idées trop longtemps méconnues d’humanité, de justice, de fraternité, de toutes les vertus, compagnes inséparables de la liberté... Reste, ah! reste au poste où la confiance du peuple t’environne et continue à frayer devant lui la route du bonheur... Nos armées victorieuses font mordre la poussière aux ennemis du déhors, c’est aux représentants à frapper ceux du dedans. Convention nationale, tu l’as dit et ce ne sera pas en vain. L’homme immoral doit être rejeté de la société. C’est un élément dangereux, corruptible par sa nature, prêt à se rallier au parti des conspirateurs soit donc inexorable pour les méchants et venge l’humanité des sanglants outrages qu’elle a soufferts. Les bêtes féroces ne peuvent exister dans une République. Surtout défie-toi des masques, et déchire le voile de l’hypocrite : l’assassin se cache ou dépose ses armes quand la gendarmerie passe, mais bientôt profitant du moment favorable, il saisit son poignard et frappe. Pour nous, Représentants du peuple, nous vous demeurerons inviolablement attachés, et nous n’oublierons jamais cette vérité tracée dans votre adresse aux français : Tant que le peuple et la Convention nationale ne feront qu’un, les efforts des ennemis de la liberté viendront expirer à vos pieds, comme les vagues écu-mantes viennent se briser contre les rochers. A bas les dominateurs et les assassins. Vive la liberté, vive la Convention! Grutier, juge de paix et 75 autres signatures. 13 Un secrétaire fait une seconde lecture des décrets du jour d’hier ; la rédaction en est adoptée (63). 14 La Convention nationale décrète que les représentans du peuple, François (de la Sarthe) et Servière, se rendront dans les départements des Alpes-Maritimes et cir-convoisins; ils sont revêtus des mêmes pouvoirs que les autres représentans envoyés dans les départemens (64). 15 Le citoyen Descures fait don à la patrie de la liquidation de son office de notaire. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité des Finances (65). 16 L’agent national près le district de Sens [Yonne] annonce qu’une portion des biens du nommé Macé, dit Saint-Martin, émigré, estimée 15 150 L a été vendue 55675 L; différence 40525 L. (63) P.-V., XLIX, 243. (64) P.-V., XLIX, 243. J. Paris, n° 58, mention; J. Fr., n° 783; J. Mont., n° 33. Rapporteur Thibault selon C* II, 21. (65) P.-V., XLIX, 243. J. Fr., n° 783, indique le citoyen Descamps. SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN III (17 NOVEMBRE 1794) - Nos 17-19 325 Insertion au bulletin, renvoyé au comité des Finances (66). 17 Le citoyen Gillion, officier municipal de la commune de Maubeuge [Nord], ayant voué la haine la plus implacable aux despotes couronnés et notamment au tyran d’Angleterre, fait don à la patrie d’une pièce en or, portant l’effigie de ce dernier despote. La Convention nationale accepte l’hommage, décrète la mention honorable du don et l’insertion au bulletin de correspondance (67). [Le citoyen Gillion, officier municipal, au représentant du peuple Sallengros, Maubeuge le 21 brumaire an III\ (68) Citoyen, Depuis longtant j’ai voué la haine la plus implacable aux tirant de toutes espese notem-ment a celui de Londre. C’est pourquoi je te prie de remettre a la Convention la piese d’or si joingt qui porte pour empreinte la taite et les armoirie de cest celeras pour que la Convention en face l’usage quel croiras le plus utille a la patrie, assure a la Convention que si mes forces correspondois a mes desire il ÿ a long-tant que Jorge et Pitt aurois aiter livré a la vengeance national. Gillion. 18 Le citoyen Mittié, médecin, écrit pour demander un prompt rapport sur une pétition tendante à procurer aux malades des moyens de guérison prompts, efficaces et peu coûteux. Renvoyé aux comités Militaire et des Secours publics (69). Le médecin Mittié se plaint, par l’organe d’un membre, de la commission de santé, qui ne veut pas admettre son spécifique anti-vénérien. BARAILON répond que l’on ne doit pas jeter de défaveur sur une commission où se trouvent des hommes de mérite, rigoureusement impartiaux, et qui rend des services journaliers. Il (66) P.-V., XLIX, 243. Bull., 30 brum. (suppl.). (67) P.-V., XLEX, 243-244. (68) C 323, pl. 1380, p. 12. Réception du don portée en marge, signé Ducroisi. Bull., 27 brum. (suppl.) et 30 brum. (suppl.) ; Moniteur, XXII, 521. (69) P.-V., XLIX, 244. demande le renvoi de la plainte de Mittié aux comités des Secours publics et Militaire. Cette proposition est décrétée (70). 19 Les ouvriers de l’atelier d’armes de l’Isle de la Fraternité [ci-devant Ile-de-la-Cité], ci-devant maison Breton villiers [Paris], sont admis à la barre. Ils demandent à être autorisés à rentrer dans leurs ateliers; ils se plaignent de leur conseil d’administration et réclament une augmentation de paiement et un nouveau réglement. La Convention nationale renvoie la pétition au comité de Salut public et cependant décrète que les pétitionnaires ouvriers sont autorisés à rentrer de suite dans leurs ateliers (71). Une députation est admise à la barre : Citoyens représentans, dit l’orateur, les ouvriers de l’atelier d’armes de l’Ile de la Fraternité ci-devant maison Bretonvilliers, viennent en masse vous prouver leur dévouement pour la cause de la liberté. N’étant menés tous les jours que par des actes arbitraires, où l’on veut nous faire prendre la chandelle à six heures et demie du matin, dans un temps où les citoyens mêmes n’en peuvent pas avoir pour leur utilité; car c’est une dilapidation que de prendre la chandelle pour une demi-heure de travail. D’après cela, un conseil d’administration s’autorise à casser les chefs les plus instruits, et ne nous laisse que des gens qui leur sont affidés [pour y substituer des hommes ignorants] (72). Citoyens Représentans, il est temps que l’aristocratie succombe sous le poids des républicains opprimés. Nous nous sommes présentés ce matin, comme à l’ordinaire, pour travailler à sept heures, l’on nous a refusé la porte de l’atelier : et ne voulant pas que l’utilité de nos travaux fasse languir un travail si nécessaire à la République, nous venons vous demander que vous mettiez fin à toute entrave, en nous donnant les moyens d’obvier à tant d’in-convéniens qui ne sont occasionnés que par la cherté des denrées, qui augmentent tous les jours, et que l’ouvrier ne pouvant vivre avec un prix si modique que l’on lui donne, nous vous demandons que vous cassiés un réglement qui ne nous a été donné que par la tyrannie : vive la République, vive la Convention nationale. La masse des ouvriers de l’île de la Fraternité (73). (70) Moniteur, XXII, 522. Débats, n° 785, 605 ; Bull., 30 brum. (suppl.). Mess. Soir, n° 822, mention. (71) P.-V., XLIX, 244. Rapporteur Crassous selon C* II, 21. (72) Moniteur, XXII, 521. (73) Débats, n° 785, 804-805. Moniteur, XXII, 521-522; J. Paris, n° 58 ; J. Mont., n° 33, résumé ; mentions dans J. Per-let, n° 785; M.U., n° 1345; Mess. Soir, n° 822; Gazette Fr., n° 1050.