[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 septembre 1790]. 501 tie des offices ministériels se trouve exposée aux mêmes réformes que le surplus, puisque la nouvelle organisation des tribunaux, les nouvelles circonscriptions du ressort détruiront, dans le fait, tout ce qui existait précédemment en ce genre. Il faut observer ensuite qu’une partie notable des greffiers, possédant à titre d’eDgagement, n’ont pas été assujettis à l’évaluation, que, par conséquent, leurs finances n’ont pu être comprises dans les états ci-dessus. Cette portion d’offices est importante, et il est tel greffe dont la finance est aussi forte que celle de tous les autres offices du même tribunal, collectivement pris. Il y a, en outre, un-certain nombre d’offices, dont l’évaluation n’est pas faite, ou n’a pu être connue. Ces diverses considérations ont déterminé le comité à ajouter, dans son aperçu, un supplément aux sommes dont l’état vient d’être ci-dessus présenté. D’après ces observations, et pour appliquer le tableau ci-joint au premier rapport du comité, on peut calculer, sans craindre de s’écarter beaucoup de la vérité, que les offices de magistrature, proprement dits, en y joignant ceux des greffiers, des huissiers-audienciers et autres nécessairement supprimés avec les corps auxquels ils étaient attachés, en y joignant aussi les offices municipaux et les huissiers-priseurs, s’élèveront à 280 millions, ci ........ 280,000,000 liv. En ajoutant à cette partie des offices ceux de chancellerie ci-dessus fixés à . . . . 103,124,158 on aura un total de ..... 383,124,158 liv. Le surplus, c’est-à-dire la classe des officiers ministériels sur laquelle le comité présentera son rapport, aussitôt après l’organisation du nouvel ordre judiciaire, pourra, à raison des augmentations dont le comité rendra compte, en traitant cette partie, s’élever à la somme de .............. 77,000,000 liv. D’où il résulte que la totalité des offices évaluée ci-dessus, d’une part, à. . . 383,124,158 livres. De l’autre à ....... 77,000,000 formera un total de. . . . 460,124,158 livres. Calculons sur ..... 460,000,000 livres. En ce, non compris les offices de finance, les offices militaires et ceux de la maison du roi,dont le comité n’a point été jusqu’ici chargé de s’occuper. Sur ces 460 millions, il faut déduire le montant de plusieurs espèces d’offices, que l’Assemblée nationale ne croira peut-être pas devoir supprimer, du moins quant à présent. Tels sont les offices de notaires, qui entrent seuls, dans l’évaluation totale, pour. .... 23,859,607 liv. Mais on observe aussi qu’il faut ajouter, à l’égard des bureaux des finances pour les augmentations de finances notées ci-dessus (note 1) la somme de 9,414,659 Ce qui réduirait à ..... 14,444,948 liv. le bénéfice résultant de la conservation des notaires. Pour donner une marge plus étendue, ne calculons ce bénéfice qu’à 110 millions, ci 10,000,000 liv. et alors le terme le plus haut des remboursements n’excédera pas 450 millions, tandis qu’il est plus probable qu’il restera bien au-dessous, à cause des offices tombés aux parties casuelles, et par plusieurs autres raisons qu’il serait trop long de détailler. Si quelques personnes désiraient connaître les causes de la différence de cet aperçu avec celui que le comité avait annoncé, il y a quelques mois, d’après les premiers états fournis par l’administration des parties casuelles, et qui ne montait qu’à 319 millions, il est infiniment facile de les satisfaire. Aux trois cent dix-neuf millions présentés alors, ci . 319,000,000 liv. il faut d’abord ajouter pour les offices de chancellerie. . 103,124,158 Ce qui donne déjà ..... 422,124,158 liv. Le surplus, c’est-à-dire les 28 millions, ou à peu près, qu’on présente ici par approximation, pour compléter 460 millions, se trouvent dans les suppléments que le comité croit devoir faire entrer dans ses calculs, pour couvrir les augmentations qu’il a reconnues d’après la vérification des premiers états qui lui ont été fournis et de tous les détails qui lui sont parvenus depuis. Le comité aurait désiré pouvoir remplacer des aperçus, quelque rapporchés qu’il les croie de la vérité, par des calculs positifs; mais quelques efforts qu’il ait faits, malgré l’attention qu’il a eue d’envoyer à chaque tribunal ou corps supprimé, des tableaux détaillés et prêts à être remplis d’une manière claire et uniforme, il n’a pu compléter les renseignements nécessaires. Plusieurs tribunaux n’ont pas répondu; d’autres ont donné de3 détails défectueux ou incomplets, en sorte qu’on ne pourra connaître au vrai la somme totale des offices, que par la liquidation même. Mais il suffira pour les opérations de l’Assemblée, pour la fixation des bases qu’elle croira devoir adopter, d’avoir uae approximalion, dont les variations en plus ou en moins ne peuvent former un objet important. L’aperçu qu’on présente ici est l’extrait non seulement des travaux faits aux parties casuelles, mais encore de quarante cartons au moins d’états, de notes et renseignements que le comité a recueillis de toutes les parties au royaume, et qui seront de la plus grande utilité pour la liquidation. SECOND RAPPORT fait au nom du comité de judica-iure, sur les dettes des Compagnies supprimées , par M. Grossin. Messieurs, lorsque l’intérêt le plus puissant, celui de la raison et des peuples, vous a déter-minésà abolir, sans retour, la vénalité desoffices, l’esprit de justice, qui dirige toutes vos opérations, vous a fait reconnaître que cette vénalité avait depuis longtemps introduit, en France, un genre de propriété que les lois de l’Etat, que des siècles de possession et de garantie avaient rendue inviolable et sacrée. Vous n’avez pas voulu que cette propriété fût anéantie. Vous n’avez pas voulu qu’une opération destinée à contribuer au bonheur de tous, devint, pour qui que ce fût, une occasion légitime de plaintes. Vous n’avez pas voulu, en rétablissant la nation dans ses véritables droits, punir ceux qui avaient acheté chèrementjusqu’ici l’honneur de la servir, et de lui consacrer leurs veilles. K02 [Àssemhlée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1790. C’es donc pour remplir un grand but de justice et de loyauté, qu’en décrétant, comme indispensable, le remboursement des offices supprimés, vous avez chargé votre comité de judicature de vous proposer les règles auxquelles ce remboursement doit être assujetti. C’est pour répondre à votre confiance qu’il vient vous présenter aujourd'hui ses réflexions et ses vues sur le mode du remboursement ; mais, Messieurs, vos intentions ne seraient qu’impar-faitement remplies; la justice que vous êtes jaloux de rendre serait incomplète, si, dans la fixation de l'indemnité que vous accorderez aux magistrats, vous négligiez de prendre en considération les dettes contractées par ces corps antiques, dont vous avez prononcé, dont vous allez consommer l’anéantissement. Ce sont ces dettes qui.forment l’objet de notre rapport. Sa division nous a été naturellement indiquée; nous vous soumettrons d'abord nos principes et nos preuves sur la nécessité de charger l’Etat des dettes des compagnies. Nous vous présenterons ensuite l’application de ces principes généraux, et les modifications dont nous les croyons susceptibles.. Enfin nous traiterons des moyens d’exécution applicables, tant à la reconnaissance des dettes qu’à la liquidation même des offices, de manière que cette opération immense en apparence, mais simplifiée par d’utiles précautions, puisse se consommer sous vos yeux, et fixer promptement le sort de toutes les parties intéressées. Pour déterminer notre opinion sur la première partie de ee rapport, nous nous sommes demandé quelle était la nature et l’objet du remboursement que vous avez décrété : et nous nous sommes convaincus que ce remboursement n’était autre chose qu’une indemnité, qui, distinguant le titre de l’office supprimé et le capital auquel cet office était attaché, n’imposait au titulaire le sacrifice de son état, qu’en lui évitant celui de sa ortune. Dans des temps plus heureux, dans des suppressions partielles, votre munificence, Messieurs, eût calculé tout ce que la perte d’un état a de funeste pour des citoyens, que des études sérieuses et des fonctions exigeantes avaient rendus comme étrangers aux autres emplois de la société, il vous on coûtera sûrement de ne pouvoir faire -entrer ces considérations dans la balance ; mais nous rendrons aux.magistrats la justice de penser qu’ils sont bien éloignés d’y prétendre. Ils connaissent tous les embarras de la situation actuelle, -et ils n’oublieront pas leur dévouement ancien: c’est pour la patrie qu’ils s’honoraient d’exister; et quand son intérêt vous commande la suppression générale des tribunaux, ils feront sûrement gloire de donner l’exemple du patriotisme et du désintéressement. Ce n’est donc plus que comme créanciers de TEtat que vous devez les considérer; c’est à ce titre qu’ils nous paraissent devoir être placés, dans un juste milieu, entre la perte qu’ils ne peuvent être contraints d’essuyor, et le bénéfice auquel ils n’ont pas droit de prétendre. Ils ne doivent pas bénéficier, car vous ne leur devez qu’une indemnité. Mais ils ne doivent pas perdre non plus, car c’est une indemnité que vdus leur devez. Quel que soit donc le mode de remboursement que vous adopterez, soit que vous preniez les contrats pour règle, soit que l’évaluation de 1771 devienne votre base, le magistrat doit y trouver, non tout ce que dans l’Etat ancien, le hasard des circonstances, tout ce que la chance des spéculations particulières pouvaient lui faire espérer d’une résignation volontaire, mais tout ce que la loi lui avait promis, tout ce qu’elle lui avait formellement assuré. O , Messieurs , ce remboursement légitime n’existerait plus ; il se trouverai t absorbé d’avance si, en accordant au titulaire le prix réel de son office, vous le forciez à en distraire une partie pour l’acquittement des dettes du corps auquel il était attaché. Considérez, Messieurs, cette foule des titulaires qui, depuis l’introduction de la vénalité, se sont succédé jusqu’à nos jours. Ces officiers, pourvus sous la foi de l’hérédité, tenaient constamment de la loi, l’espoir certain de transmettre leurs offices de la même manière qu’ils les avaient reçus. Croirez-vous que l’obligation passagère, attachée à leur exercice personnel, de payer les arrérages des emprunts faits par leurs compagnies, ait pu entraîner pour eux celle de fournir au remboursement des capitaux, même en cas de dépossession? Ne penserez-vous pas, au contraire, que quand la nation a supprimé pour son utilité les corps de magistrature, elle doit supporter seule les charges de cette suppression, par la même raison qu’elle seule en retirera tous les avantages ? Pour nous, il nous semble, Messieurs, qu’on ne peut pas raisonnablement vouloir que dans ua corps, composé de la succession d’une foule d’individus, l’obligation d’acquitter momentanément l’intérêt des emprunts soit commuée tout à coup pour les titulaires actuels en celle de supporter tout le poids des capitaux. Que pourrions-nous, en effet , répondre aux magistrats qui nous disent : ce que vous voulez nous imposer de charges, ce n’est pas nous qui les avons contractées, ce n’est pas nous qui avons emprunté. Ce sont nos prédécesseurs qui l’ont fait pour eux, pour nous, pour tous ceux qui devaient nous suivre. Nos dettes appartiennent au passé, au présent et à l’avenir. C’est vous qui rompez cette chaîne de solidarité dont nous ne devions former qu’un anneau. C’est vous, qui, en nous enlevant le caution Bernent de notre postérité, remplacez nos successeurs 4 jamais. C’est l’État qui se subroge volontairement aux obligations imposées par nos auteurs à toutes les générations subséquentes. La nature de nos engagements personnels est totalement changée. L’acte d’acquisition de nos offices serait évidemment nul pour cause de lésion , si le fardeau des dettes portait exclusivement sur nous. Il serait indispensable, dans une telle position, de nous accorder un recours contre nos vendeurs, et ceux-ci, en remontant de l’unû l’autre jusqu’au premier pourvu, jusqu’au premier homme de la magistrature. Il serait inévitable de prononcer que chaque génération de magistrats payerait les fautes de son administration , et supporterait seule et sans répétition le poids des ■exactions du gouvernement sous lequel elle a vécu. Cette garantie ascendante que dans l’hypothèse la plus défavorable vous ne pourriez refuser de reconnaître, est effrayante sans doute : mais le désordre affreux qu’elle pourrait entraîner, serait-ce aux titulaires actuels à le remplacer par le désordre de leur fortune , quand la nation s’y trou ve obligée par un principe de justice rigoureuse ? Votre comité l’a déjà dit, Messieurs, et il le répète� une indemnité qui ne couvrirait qu’une partie du sacrifice , cesserait d’en être une ; et ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {2 septembl 1790.] | Assemblée nationale.] celle que vous voulez assurer aux magistrats serait nécessairement illusoire , si vous les forciez à en employer partie pour l’acquittement dés dettes communes. Les magistrats ne sont point dans l’erreur, lorsqu’ils soutiennent qu’ils n’ont contracté, sous la foi de l’hérédité, que des obligations transitoires et momentanées. Or, dans le moment même où vous détruisez pour eux la ressource de l’hérédité future, pourriez-vous argumenter contre eux de l’hérédité passée, et les rendre cautions, représentants directs et nécessaires de tous ceux qui les ont précédés ? Si Ta fiction de la loi qui leur promettait des successeurs, s’est évanouie, cette même fiction qui les subrogeait à leurs devanciers , ne s’évanouit-elle pas avec elle ? Certes, la même loi, le même événement, ne peut les rendre à la fois �actifs , à l’effet de supporter les dettes anciennes, et non actifs, à l’effet de De les transmettre pas. Et prenez-y garde, Messieurs ; tout ce que vous dirait à cet égard la génération actuelle, appelez les précédentes, elles vous le diront aussi. Toutes avaient vu leur libération dans la faculté de se donner des successeurs, et dans la perpétuité de ces corps dont elles avaient fait passagèrement partie. Et lorsque vous les supprimez, lorsque l’espoir le plus légitime vient se détruire et se fondre dans les opérations de votre sagesse, c’est à vous que doit passer l’obligation qui s’y trouvait attachée. Sans doute, il faut de nouvelles lois pour des situations nouvelles. Notre histoire n’offre rien, notre code n’a rien prévu de semblable à ce qui arrive aujourd’hui. C’est donc la raison, c’est la justice qu’ii faut consulter, et elles nous paraissent décider que l’État peut seul être tenu de garantir les actions de cet être moral, de ce corps politique que les siècles et lui avaient formé quand c’est l’Etat qui, l’arrêtant tout à coup au milieu de sa carrière, vient par un évémenent imprévu, mettre fin à son existence. Ici, Messieurs , se présente une objection qu’il importe de discuter. Mal à propos, dira-t-on, les titulaires actuels viennent-ils se plaindre de se trouver seuls chargés des dettes de leurs corps. Inutilement viennent-ils demander un recours de garantie contre ceux qui les ont précédés. Ce recours est écarté par un moyen puissaut. C’est que la considération des dettes est entrée dans ia fixation du prix moyennant lequel ils ont acquis, et qu’en diminuant ce prix de tout le capital de la dette dont l’office était grevé, les vendeurs ont successivement reporté sur les acquéreurs les obligations qui leur avaient été imposées. Cet argument , Messieurs, tout spécieux qu’il puisse paraître, est précisément celui que tes magistrats auraient employé pour défendre leursytè-me. Sans doute, l’office a été vendu, l’office a été /évalué d’après la considération des dettes au dessous de sa valeur intrinsèque. Mais c’est précisément à cause de cela que, dans les mains du possesseur actuel, il ne doit pas éprouver une seconde réduction pour le même objet. C’est précisément à cause de cela que la nation, débitrice directe de toute la valeur de l’office, ne peut vouloir profiter, d’un côté, de la diminution que les dettes y ont apportée, et regarder, de l’autre, comme étrangère pour elle la cause de cette diminution. C’est précisément pour cela que vous feriez, au préjudice du titulaire, un double emploi ma-nisfeste, si, quand vous ne le remboursez que fie ce qu’il avait payé en se chargeant des dettes, vous le forciez encore à retrancher de ce rem-boursement le capital de ces mêmes dettes. Payer sur le pied du contrat, c’est se subroger aux obligations pécuniaires des contractants. Or, le prix de la vente est ici la somme stipulée, plus celle des dettes que l’acquéreur se chargeait d’acquitter. Voulez-vous rembourser sur le pied de l’évaluation de 1771 ? les conséquences seroat les mêmes. Cette évaluation n’a pas compris les valeurs mortes ; elle n’a été que la fixation de la valeur commerciale, que la fixation du prix du contrat. Admettons, par exemple, Messieurs, qu’un office quelconque, ayant originairement une finance de 40,000 livres et 1,200 livres de gages, ait été grevé de 10,000 livres de dettes, il ne s’est plus vendu alors que 30,000 livres. Les dettes montaient-elles à 20 à 30,000 livres? il n’a pu se vendre que 20 ou 10,000 livres. Mais sa valeur réelle et intrinsèque n’a cependant pas varié : elle n’a pas cessé d’être de 40,000 livres; ses gagesont continué d’être de 1 ,200 livres, et la dégradation successive du prix de la vente est restée étrangère à l’Etat. Si, en suivant toujours celte hypothèse, le même office eût été, par l’effet des dettes communes, grevé de 40,000 livres, et qu’il eût été vendu sans autre prix que l’obligation de les acquitter à la décharge du vendeur; croiriez-vous, Messieurs, pouvoir le reprendre, sans rien payer, et changer encore le titulaire dépossédé de rembourser 40,000 livres au créancier? Telle serait pourtant la conséquence du raisonnement que nous discutons; et ne croyez pas que cet exemple soit chimérique. Votre comité peut vous en offrir une foule de semblables qui ne varient entre eux que par la proportion plus ou moins forte. Nous verrons bientôt que la plupart des bureaux des finances sont dans cette position. Il en résulte, Messieurs, que ce qui a formé la valeur réelle de l’office, ce n’est pas seulement le prix de la vente ou de l’évaluation, mais tout ce que le vendeur en avait déduit pour imposer à son successeur l’obligation d'acquitter sa portion des dettes communes. Il en résulte que , comme le véritable prix de la chose n’a pu varier à l’égard de la nation, par l’effet des emprunts, à l’instant même où le titulaire a déduit de son évaluation ou du prix de son contrat, le capital de la dette, ce capital qu’il ne recevait pas eu vendant, auquel son acquéreur n’a vait aucun droit, tant que le créancier n’était pas remboursé, est devenu, dans les mains de la nation, une espèce de cautionnement, un véritable dépôt destiné à libérer le débiteur; dépôt qu’elle ne peut jamais s’approprier gratuitement, et qui, au moment de la destruction, doit être, ou directement remis au créancier par l’Etal lui-même, ou ajouté, en faveur du titulaire actuel, à la somme de son indemnité, si, par une opération inutilement compliquée, on veut le charger de l’acquittement de la dette. C’est ici le moment d’observer que par dettes de corps, nous n’entendons que celles qui ont été contractées en nom collectif, et dont les arrérages sont payésde même en commun. Ce sont les seules qui aient amené une diminution dans le prix des offices. Lesautres, personnelles à chaqueindividu, ont été successivementacquittées, et ne présentent pas cette accumulation onéreuse qui consommerait la ruine des propriétaires d’offices. Tels sont, Messieurs, les principes adoptés par 504 [Assemblée nationale.] votre comité. Il ne vous dissimulera pas que la seule conséquence qu’il en ait tirée d’une manière directe et nécessaire, c’est que la nation devrait acquitter indistinctement toutes les dettes des compagnies supprimées. L’examen détaillé de la nature et de l’origine de ces dettes est maintenant impossible, et le sera peut-être toujours. Votre comité croit néanmoins s’en être formé une idée assez juste. Plusieurs causes connues les ont produites. La première a été la taxe imposée aux différents corps demagistrature dans des circonstances pressantes, et cette taxe n’est autre chose qu’un véritable emprunt dont le remboursement par l’Etat sera l’acquittement d’une dette exigible, d’une dette ordinaire, si cette taxe produisait des intérêts ; et d’une dette plus respectable encore et plus sacrée, si elle n’en produisait aucun. La seconde cause a été la réunion d’un tribunal à un autre, à la charge d’une indemnité imposée sur celui au profit des titulaires supprimés de celui-là. Ces sortes de suppressions et de réunions opéraient deux espèces de remboursements. L’une qui, dans ce moment, nous est tout à fait étrangère, était personnellement acquittée par les principaux officiers, qui gagnaient à la réunion, de nouveaux droits, denouveaux gages, et voyaient ainsi s’accroître le prix de leurs offices. L’autre était imposée collectivement sur le tribunal entier, à raison de ce qu’il était censé acquérir par l’effet de la réunion. Le remboursement de cette espèce de dettes par l’Etat est incontestable, Messieurs. En effet, ou le corps qui avait emprunté pour payer les indemnités dont il était tenu, avaitreçu en échange des gages ou autres attributions pécuniaires, et la nation va s’en libérer; ou il n’avait gagné qu’un ressort plus étendu, qu’une augmentation de compétence, et la suppression totale des tribunaux anéantit ces avantages; en sorte que, dans tous les cas, la nation ne peut rejeter sur les magistrats une dette dont elle leur enlève aujourd’hui le prix et le gage. Une troisième cause des dettes des compagnies, ce sont les procès qu’elles avaient à soutenir pour le maintien de leur juridiction et de leurs prérogatives; procès qui, dans aucun temps, n’auraient dû être à leur charge, ni soumis au jugement des tribunaux ordinaires, qui, devenus inévitables par la multiplication des juridictions et les conflits qui en élaient la suite, auraient dû se juger sans frais. Malheureusement les lois, qui l’avaient ainsi voulu, étaient depuis longtemps oubliées, et les procès des corps semblaient, au contraire, autoriser les taxes les plus fortes, et les frais les plus considérables. Or, fallait-il, Messieurs, qu’une seule génération payât, par des sacrifices énormes, des succès dont toutes les autres étaient appelées à recueillir le fruit? N’était-il pas naturel que ces sacrifices fussent reportés sur elles par la voie d’un emprunt dont elles doivent successivement partager les charges? Si les juridictions étaient de droit public; si c’était au nom de la loi, au nom de l’ordre social que les tribunaux défendaient leurs droits, il est évident que les emprunts nécessités par les procès ne pouvaient en aucun temps, et moins encore dans celui-ci, être rejetés sur les titulaires du moment. Enfin, une quatrième cause des dettes des tribunaux ce sont les abonnements exigés pour l'annuel et le centième denier, et cette espèce de dette mérite une attention sérieuse et particulière. [2 septembre 1790.] L’annuel était de tous les impôts le plus absurde et le plus injuste. II portait sur des bien3 généralement improductifs. Il taxait un service gratuit comme on taxe un service payé; après avoir acquis le droit de travailler à perte, le magistrat voyait encore imposer cette perte, comme ailleurs on eût imposé les profits. A l’injustice de l’impôt se joignait celle plus grande encore de sa répartition. Les compagnies puissantes, telles que les cours souveraines, en étaient affranchies. Les tribunaux du second ordre le supportaient dans toute sa rigueur, ; et ces corps qui, dans l’ancien ordre judiciaire, tenaient une espèce de milieu entre les parlements et les sièges inférieurs, composaient avec le fisc, et s’échappaient par des rachats. Ces rachats toujours considérables nécessitaient des emprunts dont plusieurs se sont éteints. D’autres subsistent encore, et sont entrés dans la masse des dettes des compagnies. Faut-il aussi charger la nation de cette espèce de dettes, uniquement parce qu’elle a été contractée en nom collectif et pour s’acquitter de l’impôt par un rachat ? C’est ce qu’on est d’abord tenté de se demander. Mais, d’un autre côté, Messieurs, sera-ce pour ce genre de dettes, produites par la plus dure nécessité et la plus injuste extorsion, sera-ce relativement à ces taxes contraires, ou à des traités, ou à des droits particuliers des compagnies, à ces taxes dont le despotisme avide d’argent exigeait le payement actuel sous la promesse vague et chimérique d’une restitution éloignée, qu’il faudra se détacher du principe que nous vous avons présenté déjà comme déterminant pour vous? Principe véritablement sacré qui s’oppose à ce qu’on puisse imputer légitimement à la génération actuelle les opérations, les fautes mêmes des générations précédentes; qui s’oppose à ce qu’on puisse lui demander compte du passé qu’elle n’a pas vu, et d’une administration qu’elle n’a pu connaître. Daignez considérer ensuite que par une combinaison singulière de circonstances, et comme si le hasard , autant que votre équité, avait voulu vous interdire cette rigueur, les bureaux des finances sur lesquels elle tomberait essentiellement, sont presque tous dans une position qui les eu garantit. Chez eux l’existence ou la nullité des dettes sont indifférentes à l’Etat toujours débiteur de la finance primitive, et elles n’aggravent ni n’atténuent ses obligations. Ces officiers sont précisément dans l’espèce que nous vous avons précédemment citée. Un office dont la finance originaire est de quarante mille livres, les gages de douze cents livres, s’est dégrativement vendu trente, vingt, dix milles livres, outre l’obligation d’en acquitter les dettes. Mais pour la nation, la finance à toujours été la même, les gages sont restés au même état. C’est la nation qui, chaque année, à réellement et dans le fait payé l’intérêt de la dette en payant des gages qui se partageaient entre le titulaire de l’office et le créancier; c’est donc la nation qui en doit le capital. Comment pourrait-elle tout à coup se croire libérée d’un fonds dont-elleacquit-tait ia rente ? Dans cette position, que lui importe l’accroissement ou la diminution de la dette, quand les résultats sont pour elle toujours les mêmes? Elle doit toujours quarante mille livres; quelle les paye en entier au magistrat qu’elle dépossède ; qu’en ne lui en délivrant qu’une partie, elle emploie l'autre à payer ses ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1790.] 5Q5 créanciers, toujours faut-il qu’elle rende ce qu’elle a reçu; et la seule différence entre les deux positions, c’est que plus elle payera de finance au titulaire, moins elle payera de dettes au créancier, et que plus elle payera de dettes, moins elle payera de finance. A ces considérations puissantes vient s’en réunir une autre également digne de votre attention. Le rachat des droits d’annuel n’a été généralement exigé que de ces compagnies qui comptaient au nombre des prérogatives sur la foi desquelles elles existaient, l’exemption perpétuelle de ces droits. Chaque rachat amenait, de la part du gouvernement, la garantie de l’exemption future. Mais ces promesses, toujours faites et toujours éludées, n’ont pas dispensé la génération actuelle d’être encore assujettie au payement du centième denier. Il serait donc injuste, quand elle est soumise à l’impôt, de lui faire supporter ce qu’à des époques antérieures et qui lui sont étrangères, ses devanciers avaient emprunté et payé pour l'en affranchir. D’ailleurs, Messieurs, il se présenterait ici un embarras bien grand, et qui, s’appliquant à tous les genres de dettes que nous venons de parcourir, porte spécialement sur le dernier. C’est l’ignorance où se trouvent Japlupart des compagnies sur la cause précise de leurs emprunts, sur l’origine particulière et circonstanciée de leurs dettes et de l’événement auquel chacune d’elles se rapporte. Votre objet, Messieurs, ne peut être seulement de faire ce qui est juste, mais encore ce qui est praticable. Votre intention n’est pas de livrer à d’éternelles discussions la fixation d’une indemnité destinée à couvrir une perte réelle et déjà consommée. Vous avez cependant cet inconvénient à craindre, et votre justice deviendra nécessairement et cruellement tardive, si vous exigez une recherche scrupuleuse de l’origine de toutes les dettes. Les corps de magistrature n’étaient pas, comme les autres, très rigoureusement assujettis, pour emprunter, à des autorisations spéciales. La confiance dont ils jouissaient, était telle, leur consistance paraissait si invariable, qu’on s’empressait de leur prêter, sans même examiner le titre et la cause de l’emprunt; souvent sans en insérer l’indication dans l’acte. A la faveur de ces facilités les titres de créances ont été confondus par des opérations de finance et des revirements continuels. Telle compagnie n’a, depuis longtemps, emprunté que pour éteindre, avec des capitaux prêtés au denier vingt-cinq, des dettes originairement contractées au denier vingt; et cette opération sage et utile l’a néanmoins privée de ses titres primitifs. Si cependant, Messieurs, vous croyez devoir modifier le principe que nous regardons comme certain; si vous croyez devoir entrer dans l’examen et la distinction des dettes des corps, toutes ces considérations réunies nous ont conduits à vous offrir un système qui, sans contrarier votre justice, honorerait votre loyauté, et pourrait convenir à votre sagesse. Nous vous proposerions, Messieurs, de distinguer les dettes, non suivant leur nature, mais suivant l’ordre des temps, et de les séparer en deux classes : l’une, des dettes anciennes, et l’autre, des dettes modernes. Nous appellerions dettes anciennes, celles qui ont été contractées avant la génération actuelle des magistrats. Celles-là seraient à la charge de la nation, quelle qu’en fût la cause et l’origine. C’est à nos yeux la conséquence directe du principe qui ne permet pas de rendre les titulaires actuels responsables de la gestion de leurs prédécesseurs. Nous appellerions dettes modernes, celles que la génération actuelle a contractées. Comme il faut pour cela tracer, en quelque sorte, une ligne de démarcation, et déterminer une époque fixe, votre comité n’en a pas vu d’autre que celle de vingt ans, parce que cet espace de temps composait la vie publique, la vie officielle du magistrat. C’était, dans l’ancien ordre judiciaire, le terme prescrit pour acquérir la vétérance. Quoique la fixation de cette époque soit très défavorable pour les derniers pourvus, il est, pour l’adopter, des raisons déterminantes qui n’existent pour aucune autre. Ce n’est pas en effet comme terme de prescription qu’elle est ici fixée; la loi des prescriptions est inapplicable à cette matière; mais c’est comme terme légal de l’exercice des magistrats actuels, le seul, par conséquent, dont il soit régulièrement possible de leur demander compte. Par un effet remarquable du hasard, ce terme de vingt ans concourt avec la date de l’édit de 1771, c’est-à-dire avec l’époque où les. évaluations ont été faites d’après la considération des dettes alors existantes. C’est à nos yeux une raison de plus pour séparer cette partie des dettes, de celles qui ont été contractées depuis. La nation se chargerait donc de toutes les dettes contractées avant 1771, et vous exigeriez, au contraire, pour celles contractées depuis, le compte le plus rigoureux, afin de ne rembourser que ce qui aurait été légitimement employé. Plusieurs dispositions secondaires résultent nécessairement de ce plan. Il est juste d’abord, dans ce système comme dans tous les autres, que la nation, qui se charge de toutes les dettes contractées avant 1771, s’attribue aussi toutes les dettes actives constituées avant la même époque. Il est juste, par une raison contraire, que les dettes actives constituées depuis 1771 , soient compensées en faveur des titulaires, avec les dettes passives contractées depuis la même époque. Cet article et d’autres semblables seront suffisamment expliqués par le projet de décret. Il est juste encore qu’aucun titulaire ne puisse recevoir au delà du prix de son remboursement. L’excédant des dettes actives, s’il en reste après la compensation opérée, ne peut appartenir qu’à la nation : 1° parce qu’elle se subroge, pour le profit comme pour les charges, aux tribunaux supprimés; 2° parce que, si les dettes actives ont accru dans le commerce la valeur des offices, rembourser au titulaire le prix d’achat ou d’évaluation, et lui abandonner encore les dettes actives, ce serait lui compter deux fois la même somme. D’après l’aperçu de votre comité, seule manière de calculer qui soit encore à sa disposition, le total des dettes des compagnies ne peut s’élever au delà de 8 millions. On ne doit pas, en effet, comprendre dans le passif des compagnies, les suppléments de finance ni le capital des offices réunis, qui montent en total à 12 millions environ, dont la nation doit le principal et paye annuellement les intérêts. Cette partie tient évidemment au remboursement des offices, et non aux dettes des compagnies. Sur ces 8 millions auxquels nous évaluons le passif des corps supprimés, ci ...... 8,000,000 Il faut déduire les dettes actives de ces mêmes corps, que nous portons au moins à ........................... 4,000,000 506 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1790.] Supposons que le total des dettes passives se trouve aiQsi réduit à 4 millions, nous pouvons évaluer encore, d’après le même aperçu, que les dettes qu’on peut reconnaître comme légitimes et mettre à la charge de la nation, forment au moins les quatre cinquièmes de la somme totale; en sorte que la discussion la plus sévère pourrait à peine procurer une économie d’un million. Serions-nous dans l’erreur, Messieurs, lorsque nous pensons qu’un objet aussi modique n’est pas digne de vous intéresser? Lorsque nous pensons que, quelles que soient les vues d’économie qui vous dirigent, de la hauteur où vous êtes placés, vous dédaignerez de descendre à des détails minutieux dans une opération grande et noble qui porte sur une classe de citoyens dont vous ne pouvez désirer d’accroître les sacrifices, et auxquels, dans des temps plus heureux, vous croiriez devoir des compensations, lorsqu’il est vrai surtout qu’il s’agit principalement ici de l’intérêt des tribunaux inférieurs, et que les compagnies souveraines n’ont presque point de dettes. Vous déciderez dans votre sagesse, Messieurs, ce que vous devez à la justice. Mais, dans tous les cas, votre résolution nécessitera un plan quelconque d’exécution qui assure aux magistrats l’indemnité dont vous allez décréter les bases. Ce plan est le dernier objet dont nous avons à vous entretenir. Nous nous permettons de vous dire encore cju’il ne suffit pas que vous fixiez le sort des magistrats, si vous ne parvenez en même temps à le réaliser; que votre décret du 4 août ne sera pas exécuté, si l’instant qui sera témoin de leur dépossession, ne les voit pas entrer en jouissance de la compensation qui leur est due. C’est cependant ce qui arrivera, si vous ne prenez pas les plus fortes précautions pour que vos vues soient remplies, ou plutôt si vous ne vous déterminez pas à les remplir vous-mêmes, en faisant opérer sous vos yeux. Le travail de la liquidation est tel que non seulement il importe d’en décréter promptement les bases, mais que, si vous n’en surveillez pas l’application dans te cours de la session présente, cette opération qui pour vous eût été simple et facile, deviendra compliquée, pénible et lente dans d’autres mains, et que vous retournerez dans vos provinces sans avoir éclairci ce point important, en laissant les titulaires dans une incertitude cruelle sur leur sort, et à la nation, l’administration des finances dans une obscurité profonde sur leur situation. Il en arrivera, Messieurs, que la liquidation des offices deviendra, par ses lenteurs et ses difficultés, le patrimoine de quelques agents, dont l’existence s’établira sur la ruine d’un grand nombre de citoyens. Il nous semble qu’il serait au contraire bien consolant pour vous d’emporter, en vous séparant, la certitude d'avoir assuré le sort de tous ceux envers lesquels vous en avez contracté l’engagement. Il nous semble qu’il serait consolant de pouvoir vous rendre le témoignage que tous les maux particuliers, que le retour à l’ordre avait rendus inévitables, auraient été réparés autrement que par des dispositions éloignées, des vœux stériles, ou des promesses sans effet. , Or, vous atteindrez ce but, Messieurs, si vous daignez adopter les moyens que nous avons l’honneur de vous proposer. Le premier de tous, c’est que, dans tous les cas et sans préjudice de la distinction à faire entre les différentes dettes des corps, la nation commence par se charger de toutes, à l’égard des créanciers seulement, et qu’elle déduise ensuite, sur le remboursement accordé à chaque titulaire, la portion de celles qu’elle croira devoir être mises à leur charge. Sans cette précaution vous provoquerez des embarras interminables; avec elle vous concilierez tous les intérêts, et la Dation, loin d’y perdre la moindre chose, y trouvera de très grands avantages. Si, en effet, pour la partie des dettes que vous croirez devoir rejeter sur les titulaires, vous renvoyez les créanciers à se pourvoir contre les compagnies, que de contestations, que d’inégalités vous allez faire naître par ce seul décret! Ce sera d’abord une grande difficulté que de discuter avec les créanciers eux-mêmes, quels seront ceux livrés à l’Etat; quels seront ceux attachés aux compagnies? Mais ensuite, ces compagnies vous les avez détruites. Leurs membres dispersés resteront-ils éternellement solidaires? Cette décision serait terrible. La solidarité sera-t-elle anéantie? Les créanciers seront fondés à s’en plaindre. Et d’ailleurs comment parviendrez-vous à la détruire? Les créanciers consentiront-ils, les forcerez-vous de consentir à n’avoir d’hypothèque que sur tel ou tel individu, quand ils lès avaient tous, quand ils avaient tout un corps pour obligés? Parviendrez-vous à leur accorder à tous, sans solidarité, une égale solidarité d’hypothèque et d’assurance, lorsque l’un se trouvera départi à un titulaire riche, l’autre à un magistrat sans fortune? Nous savons qu’on préviendrait une partie de ces embarras, en forçant les titulaires à rembourser les créanciers du corps, au moment où ils seront eux-mêmes remboursés. Mais comment les obligerez-vous à se libérer, quand vous ne vous libérez pas avec eux? Car enfin nous ne pouvons nous le dissimuler, Messieurs, c’est de l’argent qu’on doit aux officiers supprimés : mais ce n’est point avec de l’argent qu’on pourra les remplir ; et c’est encore une considération qui réclame de vous une attention particulière, et de plus grands égards. Le moyen, que nous vous proposons, obvie à tout, et convient à toutes les parties intéressées. En commençant par vous charger des dettes à l’égard des créanciers, pour déduire ensuite à chaque titulaire la portion dont il est tenu, vous faites l’avantage du débiteur que vous délivrez à l’instant de toute recherche et de toute hypothèque. Vous ne préjudiciez pas au créancier ; car sa créance reste la même, il a la nation entière pour obligée ; il n’avait-aucun droit d’exiger son remboursement. Enfin, la nation trouve des facilités précieuses ; puisque, d’une part, elle retiendra, par ses mains, ce qu’elle consentira de payer à la décharge du titulaire ; puisque de l’autre, ce qu’elle aura ainsi retenu au titulaire sur son remboursement, ce dont elle se trouvera réellement payée, elle le transformera, à l’égard du créancier, en une rente qu’elle sera libre de continuer aussi longtemps qu’elle le voudra. Ainsi, en évitant un circuit de recours et d’actions, une complication de calculs et d’actes inutiles, vous rendrez service à tous les intéressés; et vous donnerez à l’État le pouvoir de s’acquitter par une rente, de ce qu’il n’aurait pu.se dispenser de payer au titulaire, s’il lui eût laissé le soin de régler lui même avec son créancier. Cette marche une fois adoptée et le taux des indemnités fixé, vous aurez à déterminer, Messieurs, de quelle époque courra l’intérêt des bre- [Assemblée nationale.] m ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1790.] vrets de liquidation qui seront expédiés. Voub avez décrété que les magistrats.anciens continueraient d’exercer, et de percevoir leurs émoluments jusqu’à ce qu’ils soient remplacés. Ce moment approche, et bientôt les élections vont s’ouvrir pour le choix des nouveaux juges; mais ces élections n’auront pas lieu partout à la fois. La date des remplacements variera, dans chaque canton, d’après une foule de circonstances locales. Cette variation va jeter dans le calcul et le payement des intérêts, une diversité et des •embarras infinis. Vous savez cependant, Messieurs, combien, dans une grande comptabilité, il importe de fixer à une vaste opération une époque unique, atin d’éviter des détails inutiles, ■dispendieux et contraires à l’ordre et à la simplification des comptes. Il conviendrait donc de fixer, pour tout le royaume, une seule époque à laquelle commencerait l’intérêt des brevets de liquidation ; et de décréter, en même temps, que, pour le peu de jours qui «resteraient entre celte époque et leur .remplacement effectif, les juges actuels cesse-.raient de percevoir aucuns gages, ni émoluments quelconques. Vous pourriez choisir pour époque le jour où vous aurez complété, par vos décrets et par leur acceptation de la part du roi, l’organisation de l’ordre judiciaire. C’est celui qui, dans le droit, dépossédera les magistrats, et ce qu’ils conserveront forcément d’exercice au délà, n’est qu’un point imperceptible qui jetterait sur vos calculs une variété embarrassante. Vous pourriez choisir encore le 1er octobre, jour où commence le dernier trimestre ou quartier de l’année dans l’ordre de vos finances. L’essentiel est de ramener tous les intérêts à un terme commun, et c’est là ce que nous avons l'honneur de vous proposer. Le second moyen d’accélérer la liquidation, Messieurs, celui qui paraît le plus fortement réclamé par les magistrats, c’est que vous chargiez l’un de vos comités, celui de judicature ou tout autre de Ja liquidation générale, en se faisant seconder par l’administration des parties casuelles. Dans le cas d’une suppression partielle et peu considérable, nous serions les premiers à vous proposer le renvoi aux agents du pouvoir exécutif. Mais ici, Messieurs, l’opération est si importante; elle tient de si près à vos principes et à l’ensemble de vos travaux ; elle demande tant de zèle et d’activité; elle donnera lieu à tant de questions qu’il faudra vous soumettre, qu’il est impossible de ne pas réclamer une exception. Cette exception, Messieurs, nous nous fondons, pour la solliciter, sur l’exemple de celles par lesquelles vous avez confié à votre eomité ecclésiastique le soin de recevoir les déclarations des biens du clergé; à votre comité de la vente des biens nationaux, le travail des soumissions, celui des estimations, et les détails accessoires -de cet objet important. Il en résultera, Messieurs, une célérité dont les avantages sont incalculables. Il ne suffit pas, en effet, de fournir à votre comité des finances de simples aperçus, des matériaux informes. Il lui faut un résultat évident sur lequel il puisse asseoir ses calculs, proposer ses moyens de remboursement; en un mot, faire entrer cette partie de la dette publique et de la dépense ordinaire dans le plan général dont il s’est occupé, et par lequel, selon toute apparence, vous terminerez -vos travaux. Le comité, choisi par vous, puiserait dans les bureaux des parties casuelles les renseignements qui s’y trouvent placés. Il pourrait se diviser en deux sections, dont l’une se chargerait, de la liquidation des objets non contestés, l’aufnede* objets contentieux. Ce serait le moyen d'éviter qu’une seule difficulté arrêtât pendant longtemps une foule de titulaires impatients de voir fixer leur sort. Les travaux de ce comité vous seraient périodiquement soumis, et les difficultés qu’il n’aurait pu parvenir à concilier seraient présentées à votre décision. C’est à vous, Messieurs, à peser, dans votre sagesse, les idées et les moyens que nous avons l’honneur de vous offrir. Votre comité s’est uniquement attaché à ce qu’il a regardé comme utile. S’il s’est trompé, vous l’éclairerez avec indulgence; s’il a eu le bonheur d’entrer dans vos vues, vous daignerez encourager ses efforts,; mais il est encore un objet sur lequel il doit fixer votre attention. Par les moyens que nous vous avons indiqués, ou par ceux que vous croirez devoir y substituer, vous allez régler le sort des anciens magistrats et celui des créanciers des compagnies. Mais il est une autre espèce de créanciers dont la situation doit vous intéresser. Il est une autre espèce de débiteurs dont le sort est digne de votre sollicitude. Indépendamment des dettes contractées par les corps, il est beaucoup de magistrats qui, pour se rendre utiles à la patrie, qui, pour se donner un état que l’opinion publique rendait honorable, et que sa destination faisait regarder comme solide, ont eu recours à des emprunts hypothéqués par privilège sur l’office par eux acquis. Cette hypothèque, Messieurs, si vous n’y pourvoyez, va se détruire avec le gage qu’elle avait frappé. Dès cet instant le créancier étranger à la novation qu’éprouve la créance, aura le droit d’exiger qu’elle lui soit remboursée, tandis que le débiteur, qui ne recevra qu’un brevet, ne pourra faire le remboursement. S’il n’est pas juste que le premier voie -sa créance compromise, U ne l’est pas «plus que le débiteur, dépouillé par une force majeure, ne soit pas mis à l’abri des poursuites auxquelles elle l’expose, et qu’il puisse être contraint à payer, quand il n’aura pas reçu. Il serait donc conforme à l’esprit de justice qui vous dirige, d’ordonner que le vendeur ou autre créancierspécialement hypothécaire sur un office, aura le droit de se faire subroger à son débiteur pour le tout ou partie de son brevet en proportion de sa créance. D’ordonner de même que le débiteur pourra contraindre son créancier de l’espèce indiquée à recevoir ce brevet en payement. L’Etat ne perdra rien à cette division des brevets. Il y gagnera, au contraire, l’avantage d’un remboursement plus morcelé, et par conséqueutplus facile. Nous savons qu’ou pourrait objecter que cette faculté s’écarte de la nature des contrats et du principe qui laisse à la charge du propriétaire tous les événements qui peuvent affecter l’objet dont il a fait l’acquisition; mais il faut aussi considérer, Messieurs, qu’il s’agit d�une exception à toutes les règles ordinaires, qu’il s’agit d’une force majeure qui n’a pu être prévue, ni par le vendeur, ni par celui avec lequel il a traité, qui dès lors exige qu’on s’écarte des principes généraux. Il faut considérer encore que le sort de l’office n’a pu être regardé comme indifférent, S08 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1790.1 comme étranger à celui qui l’avait vendu, lorsqu’il s’est réservé sur lui un privilège spécial, dont l’effet a été de le placer constamment sous ses yeux, et le laisser en quelque sorte dans sa dépendance. Il serait ensuite de votre prudence de statuer, par une loi générale, que l’hypothèque simple et ordinaire sur les offices passerait sur les brevets qui en tiendront lieu, et que la vente en serait assujettie aux formalités établies pour la conservation des hypothèques dan3 la vente des rentes sur l’Etat. Votre comité, Messieurs, d’après les réflexions qu’il vient de vous présenter, a l’honneur de vous soumettre un décret général divisé en trois titres, et qui s’applique à tous les objets dont il vient de vous entretenir dans ses deux rapports. PROJET DE DÉCRET. Titre Ier. — Finances des offices et provisions. Art. 1er. Tous les offices de judicature, évalués en exécution de l’édit de 1771, seront liquidés sur le pied de l’évaluation. Art. 2. Les offices soumis à l’évaluation, et non évalués, seront liquidés, autant qu’il se pourra, sur le pied de leur finance primitive et suppléments; et à défaut de finance connue, sur le pied des offices de même nature et de la même compagnie, dont la finance sera certaine. Art. 3. Les offices non soumis à l’évaluation prescrite çar l’édit de 1771, et qui ont été simplement fixés, en vertu des édits de 1756 et de 1774, ensemble les offices de Flandres, de Hai-naut et d’Artois, formellement exceptés de l’exécution de l’édit de 1771, seront liquidés sur le pied du dernier contrat authentique d’acquisition. Art. 4. Dans le cas où le titulaire actuel de l’un des offices spécifiés article 3, ne pourrait produire un contrat authentique d’acquisition, la liquidation sera faite sur le pied du prix moyen des offices de même nature et de la même compa-pagnie, qui auront été vendus dix ans avant et dix ans après l’époque des provisions du titulaire. Art. 5. Les offices de chancellerie, qui n’étaient assujettis ni a l’évaluation, ni à la fixation ci-dessus énoncées, seront liquidés sur le pied de leur finance. Art. 6. Les premiers pourvus d’un office, ceux qui ont acquis des offices créés depuis 1771, et ceux qui en ont levé aux parties casuelles, seront remboursés sur le pied de la finance, effectivement versée dans le Trésor public. Art. 7. Les titulaires d’offices exercés par commission à vie, et sur lesquels il a été accordé des brevets de retenue, ne pourront être remboursés que de ce qui, en vertu d’un semblable brevet, aura été par eux compté à leur prédécesseur ou à ses héritiers. Art. 8. Seront compris dans la disposition des articles précédents les greffiers et huissiers-audienciers , attachés à chaque tribunal supprimé, l’Assemblée se réservant de statuer sur le sort des autres officiers ministériels, après qu’elle aura terminé l’organisation du nouvel ordre judiciaire. Art. 9. Les huissiers-priseurs, supprimés par le décret du 9 juillet présent mois, seront remboursés, conformément à ce décret et à ceux rendus depuis, relativement à leurs offices. Art. 10. Les droits de mutation, connus sous le nom de quart, huitième, douzième et vingt-quatrième denier, ceux de marc d’or et sols pour livre d’iceux, ensemble les frais de sceau de tous les offices de judicature, seront remboursés à chaque titulaire ; mais aucun d’eux ne pourra prétendre au remboursement des autres dépenses de sa réception. Titre II. — Dettes des compagnies. Art. 1er. Toutes les dettes passives des compagnies, contractées par elles en nom collectif, avant l’époque de l’édit de 1771, seront supportées par la nation. Art. 2. Les arrérages des rentes, dues par les compagnies, échus avant le présent décret, seront acquittés par elles; ainsi que par le passé. Art. 3. Toutes les dettes actives des compagnies, constituées par elles en nom collectif sur le roi ou sur des particuliers, avant la même époque de 1771, appartiendront à la nation. ■ Art. 4. Les dettes passives, contractées, en nom collectif, par les compagnies, depuis 1771, seront sujettes à la vérification, et la nation n’en sera chargée, qu’autant qu’il sera justifié de leur nécessité, ou que le montant en a été versé dans le Trésor public. Toutes celles qui, d’après les règles ci-dessus, ne seront pas reconnues légitimes, seront rejetées sur les titulaires, et déduites sur le remboursement accordé à chacun d’eux. Art. 5. Si le même corps avait, depuis 1771, constitué à son profit, quelques dettes actives, elles se compenseront jusqu’à due concurrence, avec les dettes passives, créées depuis la même époque, et dont, en exécution de l’article précédent, la nation n’eût pas été tenue. Art. 6. Si les dettes actives constituées avant l’époque de 1771, excédaient les dettes passives contractées avant la même époque, cet excédant sera, jusqu’à concurrence, admis en compensation des dettes modernes, dont les titulaires auraient été sans cela chargés. Art. 7. Les emprunts faits depuis 1771, pour teindre des dettes antérieures à ladite époque, seront réputées dettes anciennes, en justifiant de cet emploi. Art. 8. S’il était néanmoins constaté que la masse totale des dettes anciennes et modernes n’excède pas la masse totale de celles qui existaient en 1771, elles seront réputées anciennes. Titre III. — Moyens d'opération. Art. 1er. Pour faciliter et simplifier le travail de la liquidation, la nation se chargera de toutes les dettes anciennes et modernes des compagnies, à l’égard des créanciers seulement, lesquels deviendront et sont, dès à présent, déclarés créanciers de l’Etat; mais il serait fait ensuite déduction à chaque titulaire , sur le remboursement à lui accordé, de sa portion des dettes modernes , laissées à la charge des titulaires, ainsi qu’il est expliqué dans les articles 4, 5, 6, 7 et 8 du titre précédent. Art. 2. Dans le mois, à compter de la publication du présent décret, tous les créanciers des compagnies seront tenus d’envoyer au comité de judicature expédition en forme de leurs titres, certifiée par le président et un commissaire nommé dans chaque compagnie à cet effet. Art. 3. Dans le même délai, lesdites compa-