SÉNÉCHAUSSÉE DE MONT-DE-MARSAN. CAHIER Des remontrances , doléances et plaintes du clergé de la sénéchaussée du pays de Mont-Marsan (1). RELIGION. Depuis treize siècles l’autel est le ferme appui de la nation et du trône des Français : depuis Clovis, la loi chrétienne est le lien qui unit nos citoyens à nos citoyens et nos citoyens à nos rois. Cette loi si sainte, en commandant la soumission aux puissances, soumet tous les sujets de ce vaste empire à la volonté de leur monarque; mais en secondant leur penchant, elle leur apprend encore mieux à les aimer comme leur père, qu’à les servir comme leurs maîtres. Cependant cette religion dont Jésus-Christ est le chef et dont nous avons l’honneur d’être les ministres, perd au milieu de nous de son empire et de sa splendeur. Art. 1er. Le clergé, affligé de ce malheur, demande qu’on réprime efficacement cette malheureuse liberté, qu’une philosophie a introduite, de faire imprimer, débiter les ouvrages contre la religion, et d’arrêter le cours de cette inondation de brochures licencieuses qui dépravent les mœurs. Art. 2. Il demande l’observation des lois qui prescrivent la décence dans nos églises; qu’on tienne la main à la sanctification des dimanches, en autorisant les jurats de paroisse d’empêcher la fréquentation des cabarets, et tous les ouvrages publics que la nécessité ne commande point. Art. 3. Il demande qu’on ne puisse accorder des monitoires que pour des causes graves, la facilité avec laquelle on les oublie étant la cause du peu de crainte et de respect qu’on a pour les censures de l’Eglise. Art. 4, Il demande que le patronage des protestants pour les bénéfices à charge d’âmes appartienne aux évêques jusqu’à ce qu’il revienne à la collation d’un patron catholique. Art. 5. 11 demande que les honneurs qu’on doit aux seigneurs dans les églises soient fixés d’une manière précise et uniforme, et que les peintures funèbres qu’ils sont en droit d’y faire mettre, ne puissent être qu’en tenture et pour le temps du deuil seulement, et jamais dans le sanctuaire, pour ne pas dégrader la décoration de l’autel. Art. 6. Il demande l’établissement des écoles pour les deux sexes, dans les paroisses qui en seront susceptibles, et qu’elles soient surveillées par les curés des paroisses, avec pouvoir d’en interdire le régent, lorsqu’ils le croiront nécessaire au bien de la jeunesse, sans préjudicier néanmoins au droit des évêques. Art. 7. Il demande qu’il soit permis aux enfants mineurs sans père ni mère ao se marier, s’ils sont pauvres, sans être obligés aux frais d’une tutelle ou curatelle, pourvu qu’ils soient assistés (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dos Archives de l’Empire. de quatre parents, ou, à leur défaut, de quatre voisins. Art. 8. Il demaude que le Roi prête la main à l’observation des lois de l’Eglise qui ordonnent la tenue des synodes, au moins tous les deux ans, et des conciles provinciaux tous les cinq ans. Le clergé désirerait qu’un concile national fût le plus tôt possible préalablement tenu. Art. 9. Il demande que, vu la déperdition des ordres religieux de l’un et de l’autre sexe, on remette l’époque des vœux à dix-huit ans pour les garçons et à seize ans pour les tilles. Art. 10. 11 demande, qu’en modifiant les peines contre les duellistes, on avise aux moyens les plus propres pour arrêter la fureur des combats singuliers prémédités ou de rencontre. JUSTICE ET ADMINISTRATION. Art. 1er. Le clergé de Mont-de-Marsan demande de rapprocher les justiciables, de réformer l’administration de Injustice, de la rendre moins dispendieuse, de détruire le droit d’évocation, derefondre le Gode criminel, de donner plus d’ampliation aux sénéchaux et de réformer les justices bannerettes. Art. 2. Il demandé qu’en conservant le contrôle pour constater l’existence des actes, le tarif soit modéré et si clairement présenté, que les pauvres et les habitants des campagnes ne soient point exposés à être les victimes ou de la cupidité, ou de la mauvaise foi, ou de l’ignorance des commis; que tous les droits dus pour un même acte soient perçus par le même bureau. Art. 3. Il demande que les affaires concernant les fiefs ecclésiastiques ressortent mêmement au parlement, attendu que les administrateurs tâchent d’englober-dans le domaine du Roi tous les biens seigneuriaux dont on ne leur produit pas des titres de fondation, malgré la possession la plus ancienne et la plus immémoriale, et que d’ailleurs ils sont juges et parties. Art. 4. Il demande que le clergé jouisse du même privilège que les autres citoyens pour la régie ou la ferme de leurs revenus ecclésiastiques, sans être obligé à des déclarations dont l’oubli seul l’expose à des amendes. Art. 5. Il demande la suppression des bureaux des traites et foraines dans l’intérieur du royaume, et qu’on les porte sur les frontières. Art. 6. 11 demande la suppression de tout privilège soit réel, soit personnel pour la répartition de l’impôt, consentant qu’il soit imposé comme le reste des sujets dans une juste proportion de ses revenus. Art. 7. Il demande la suppression des abus de lettres de cachet et des emprisonnements arbitraires. CONGRUES. Art. 1er. Il demande au Roi et à la nation assemblée que les dîmes, détournées en grande partie de leur primitive destination, soient ramenées à cet objet important; il espère de la justice des Etats qu’il sera maintenu dans la propriété des [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Mont-de-Marsan.] 33 novales et qu’en conséquence l’édit de 1768 sera retiré. Cet édit, dont le préambule annonce aux curés un sort plus heureux, par un effet contraire aux vues du prince, le détériore de plus en plus en leur enlevant les novales, ou leur laissant la charge des vicaires, et en multipliant, parla culture que la déclaration de 1776 favorise, le nombre des paroissiens et des pauvres colons qui restent à la charité du seul curé; ces raisons sont d’autant plus frappantes qu’un grand nombre de curés n’ont pour tout fonds que des novales. Art. 2. Il demande l’interprétation des lettres patentes de 1668 qui adjugent aux gros déci-inateurs les novales et prorogent le terme des privilèges à vingt ans, et la dîme après au cinquantième, dans les grandes landes de Bordeaux, situées entre l’embouchure de l’Adour jusqu’à la Garonne, et en une grande distance des pays qui sont en pleine culture. Malgré ces dispositions, la jurisprudence du pays de Marsan confond tout ce diocèse comme compris dans lesdites lettres patentes, quoiqu’il doive être regardé et qu’il soit en effet pays de pleine culture et à une grande distance des landes mentionnées. Art. 3. Il demande que la portion congrue soit portée à 1,500 livres pour les curés, et celles des vicaires à 500 livres ; pour doter des cures on pourra y réunir des bénéfices simples, ce qui diminuera la contribution du gros décimateur. Le payement des vicaires sera à la charge de tous les décimaleurs de la paroisse, au prorata de leur part à la dîme ; même le payement de ceux qui pourraient devenir nécessaires à raison d’infirmité ou de l’augmentation de la population. Art. 4. Il demande que le bureau diocésain qui règle les décimes soit formé sur une juste proportion, soit du nombre des bénéfices, ‘ soit des bénéficiers, et que les curés aient le choix de leurs députés, qu’ils pourront changer tous les trois ans. Art. 5. Il demande que, dans l’assemblée du clergé ou provinciale ou générale, les curés auront une vraie représentation et fourniront au moins la moitié des représentants du second ordre, que le corps des curés choisira librement. Art. 6. Il demande une honnête retraite en faveur des curés que l’âge ou les infirmités obligent de renoncer au travail, et qui ne pourrait pas se réserver sur le bénéfice une subsistance suffisante. . ÉTATS PARTICULIERS DU MARSAN. Art. 1er. Il demande que la sénéchaussée du Marsan soit conservée ou rétablie dans son droit et privilège de pays d’Etat ; la stérilité du sol de la sénéchaussée ne lui permet pas de s’incorporer à aucune administration voisine et lui rend nécessaire une administration locale et en pays d’Etat à ces trois ordres. Art. 2. Il demande qu’il soit ordonné par Sa Majesté de nommer des commissaires pour rédiger l’usance du Marsan, et lui donner ensuite force de loi au parlement. ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. lor. Il demande le retour périodique des Etats généraux à des époques arrêtées par le Roi et la nation assemblée, et qu’on restreigne la durée de l’impôt jusquà la tenue d’une nouvelle convocation. Art. 2. Il demande qu’on fixe Tes sommes que l’on jugera nécessaires à chaque département, et Ve SÉRIE, T. IV. qu’on assujettisse les ministres à en rendre compte à la nation. Art. 3. 11 demande que les Etats généraux avisent aux moyens d’adoucir le triste sort des noirs, et de leur procurer plus de facilité pour connaître et pratiquer la religion chrétienne. Art. 4. Le clergé de Marsan donne à son député, qui aura préalablement obtenu qu’on statue sur les articles du cahier, le pouvoir de remontrer, aviser et consentir à tout ce qui peut concourir à la dignité du trône, à la gloire et à la prospérité de l’Etat, n’entendant néanmoins qu’il puisse voter pour l’impôt, qu’après qu’on aura assuré la constitution et la législation de l’Etat. De plus, donne pouvoir audit député de voter aux Etats généraux dans la forme et manière qui seront arrêtées dans l’assemblée générale des députés de son ordre. Lesquels instructions et pouvoir ont été lus, approuvés et arrêtés en l’assemblée générale du clergé de Marsan, le 4 avril 1789. Mais avant signer ledit clergé a arrêté que le mémoire et cahier des doléances particulières des dames religieuses de Sainte-Claire de cette ville sera annexé au présent cahier et remis au député qui sera nommé, pour être présenté à l’assemblée des Etats généraux, afin qu’ils y aient tel égard que de raison ; lequel cahier particulier sera signé par le président et le secrétaire de la présente assemblée. Ne varietur : Lombrignes, curé de Sorbazeu, président; Labustie, curé d’Aires ; Ducapre, ar-chiprètre, commissaire ; Labeyrie, curé du Mont-de-Marsan, commissaire ; Diré, curé de Basson; commissaire; Laporterie, curé de Lucau, commissaire ; Junia, curé de Houtaux, commissaire. Ne varietur : Danogué, lieutenant général; La-lanne, curé de Pujo, secrétaire; l’abbé Deurogué; Brocqua, curé de Mazerolles ; Ferrazut, curé ; Chaumont, curé; Destephens, curé; Ducasse, commissaire ; Maurin, curé de Saint-Martin ; Dony, du diocèse d’Ox ; Braqua, curé de Bouquel ; Dupoy , curé de Bostens ; Cahier, curé de Saint-Médard de Meignor; Lassague, archiprôtre de Roquefort; Glize, curé de Baussut ; Dictalet, prêtre; Saint-Gènes, curé de Saint-Cuq ; Rauzin, curé de Gaillère ; Candeau, curé de Bretaigne ; Brocques , curé de Saint-Médard; Arthaud, archiprêtre ; Lapeyre, prêtre; Lannelongue, curé de Caube ; Saint-Genès, curé de Lamolère; Pilhac , curé; Nozeille , archiprêtre d’Uzacht, Denizot, curé de Villeneuve de Marsan. CAHIER Des plaintes et doléances de la noblesse de la sene-chaussée de Mont-de-Marsan. Nota. Ce cahier ne se trouve ni aux Archives de l’Empire, ni aux Archives de Mont-de-Marsan. M. Tar-tière, i’érudit archiviste des Landes, n’a pu le retrouver jusqu’à ce jour. Si nous parvenons à le découvrir, nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera notre Recueil. CAHIER Du tiers-état delà sénéchaussée de Marsan(i). La cause de tous les maux qu’a éprouvés le royaume réside principalement dans le défaut de (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du-Sénat. 3