{Assemblée nationale.] AftCKIV PARLEMENTAIRES. [6 avril 1790.] m ront les abus et puniront les contraventions, à peine de répondre personnellement de leur négligence dans cette partie de leur service. Il me semble, Mcs-ieurs, que ce plan d’organisation, très simple, exempt de tous les vices de l’ancien ordre de choses, rendant leur renouvellement impossible, donnant une justice très expéditive et très rapprochée des jmtieiables avec peu de juges et de très petits frais, réunissant plusieurs des avantages des deux systèmes balancés jus pu’ici, formant des tribunaux qui peuvent être mis très promptement en activité réelle, et faire un bon �rviceavec ou sans jurés; il me semble, dis-je, que ce plan serait propre à rapprocher les intérêts et les -opinions, à calmer les inquiétudes, à sauver les embarras du moment sans rien compromettre pour l’avenir, et à accélérer la conclusion de cette partie de la constitution. 11 peut servir de règle à ceux qui seraient disposés à l’adopter, pour fixer leurs opinions sur chacune des questions dont la série va être délibérée. C’est en m’y conformant que j’opine sur les premières questions concernant l’établissement du jury, qu’il ne peut pas être en ce moment établi d’une manière absolue, mais partielle, et seulement pour le criminel, pour les délits militaires et pour ceux de la presse. Plusieurs membres demandent que le discours de iM. Thourel soit imprimé et annexé au procès-verbal. Cette motion est adoptée. M. Barnave Ce serait avec une extrême défiance que je présenterais quelques idées, après les magnifiques développements d’uu homme auquel vous êtes accoutumés à accorder votre confiance, si mes opiuions n’avaient leurs principes et leurs racines dans ses propres principes, et si la décision que je vous propose ne naissait desconséquences mêmesqu’tl a déduites; en effet, que rétablissement des jurés en matière civile soit difficile, c’est ce que je ne conteste pas; la seule décision que vous ayez à prendre, c’est de consacrer le principe. Deux décrets vous obligent à vous renfermer dans ce piincipe; l’un est un article de la Constitution, dans lequel vous avez dit que les législatures suivantes pourront changer l’ordrejudiciaire, eu se conformant aux principes qui seront établis par vous; le second est la série de questions que vous avez adoprée, et qui vous force également à reconnaître le principe. D’après cela, je souiiens que si l’etablissement des jurés est plus difficile au civil qu’au criminel, que s’il est convenable de retarder ces établissements, il n’eu est pas moins vrai que les jurés sont nécessaires à la liberté, et qu’il y a des rapports incontestables entre les jurés au civil et b s juivs au criminel. Pour arriver à ce résultat, il faut se faire une juste idée des jurés et de leur établissement chez tous les peuples. Les hommes vivant en société ont reconnu que les atteintes les plus fortes contre la liberté étaient portées par le pouvoir judiciaire qui frappe chaque jour. C’est pour arrê.er ce pouvoir qu’ils ont institué les jurés. Les jurés ne suut pas seulement des pairs qui, magistrats un moment, rentrent dans la société pour y être jugés à leur tour... Il ne peut pas exister de cause sans fait, de jugement sans droit : de cette distinction naturelle, il suit que le fait e>t destiné à être confié au père de l’accusé, à des hommes qui, habitant les mêmes lieux, ont une grande connaissance des faits et 1 des circonstances; à des hommes qui, au milieu d’un grand nombre d’hommes, peuvent avoir une grande impartialité. Mais pour l’application de la loi, il a fallu des juges qui eussent tout à la fois, et la connaissance des lois, et l’autorité nécessaire pour taire exécuter leurs jugements. Un autre principe, c’est que, lorsque des juges prononcent sur le fait et sur le dioit, il est souvent impossible que les jugements soient rendus à la majorité. Ce principe est prouvé : j’observerai seulement que la méthode proposée par le préopinant, de faire juger séparément les mêmes juges sur le fait et sur le droit, présenterait plus d’inconvénients que l’ancienne forme d’opiner. Vous ne remédiez pas à la nécessité de deux tribunaux, et vous gênez de plus l’opinion des juges, eu les obligeant à prononcer, ou contre leur conscience, ou contre la loi. — Quelle est la dilférence entre les affaires civiles et les affaires criminelles? Dans les unes, il s’agit de la vie ou des souffrances des nommes; dans les autres, ou de leur fortune ou de leur honneur. Je le demande à vous tous, comme législateurs, comme hommes, comme Français, quel est celui de vous qui met moins d’ importance à son honneur qu’à sa vie? L’honneur peut être attaqué tous les jours. Ainsi même importance quant à la gravité des cas, plus grande importance au civil, parce que les cas se présentent Dlus souvent. S’il existe une différence, elle est uniquement dans la plus grande difficulté de l’application du principe au civil qu’au .criminel. Aussi ne vous proposerai-je point d’établir aujourd'hui, eu toute matière, les jugements par jurés. Je vous demande seulement si vous reconnaissez la nécessité de rétablissement des jurés dans l’avenir; et si dès lors vous devez, dès aujourd’hui, établir le principe au civil et au criminel, comme partie essentielle de la Constitution, en vous réservant de statuer sur le moment et sur les formes de l’application. Je dois terminer par quelques réflexions sur les considérations exposées, pour prouver l’impossi-lité d’établir, dès ce moment, les jurés au civil. Un vous a dit d’abord que les esprits ne sont pas préparés, que l’ignorance des citoyens, occasionnée par la difficulté de notre législation, empêcherait de se procurer des jurés; je réponds que si l’on veut simplifier la législation et la procédure, il faut, simpiiiier, dès a présent, l’ordre judiciaire; que si l’on veut simplifier les lois, il faut simplifier les tribunaux. JN’e se trouvera-t-il pas dans les chefs-lieux de district des hommes aussi instruits que ceux qui, avec la seule science que l’on achetait dans les universités, faisaient encore l’acquisition du droit de juger en dernier ressort toutes soi tes de causes au civil et au criminel? On craint les mécontentements des personnes qui seraient privées de leur état; mais par les jures, ou ne détruit pas les juges; mais par les jurés, on ne diminue pas le nombre des citoyens livrés à l'instruction des procès. Avec les jurés, il faudra instruire le fait, il faudra instruire le droit, il faudra présenter les raisons des parties. Ainsi, quand on redoute un soulèvement, on n’a pas bien examiné cet objet. S’il y a des jurés, ou s’il n’y en a pas, quand vous simplitierez les formes de la législation, le résultat sera absolument le même. 11 peut donc être nécessaire de retarder sur quelque partie l’établissement des jurés, et de faire quelques réformes préalables; mais il n’eri est pas moins vrai que vous devez tendre, avec la plus grande énergie, à cet établissement. Vous ne pouvez pas vous refuser de ne décréter que le prin-