[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 juin 1791.] plus répréhensible que d’outrager la personne et la majesté royale par écrit ou verbalement ( Mur - mures.)\ la personne du roi doit être singulièrement respectée pour la sûreté de tous. Il faut iiouc, pour ce, une disposition expresse et je demande que le mot outrage soit inséré dans l’article. Quant au mot attentat, si vous entendez par là complot, actes exécutés contre la vie et la liberté du roi, je l’adopte. M. Boutteville-Dumetz. Messieurs, le préopinant dérange le cours de la délibération. Il est impossible de faire des lois sur toutes les matières à la fois. Dans ce moment, vous ne vous occupez que du Code pénal et des délits graves ; et quand vous vous occuperez de la presse, delà liberté de manifester sa pensée, ce sera une autre partie, une autre matière, une autre théorie. Ainsi je crois qu’il faut passer en ce moment sur l’observation de M. Malouet. M. Malouet. Il y a longtemps que nous somme-indulgents sur lesculomnies. (Murmures.) C’est un attentat contre l’ordre public qu’un outrage fait à la personne du roi. M. Boutteville-Duinetz. Gela sera traité séparément. M. Malouet. Mais, Monsieur, vous voudrez bien mettre une distinction entre l’outrage qui vous sera fait et l’outrage qui sera fait au roi. La nécessité de maintenir un gouvernement monarchique exige cette précaution. M. Le Pelletier «le Saint-Fardeau, rapporteur. Il est nécessaire, dans un travail aussi étendu que celui qui vous occupe, de classer les idées et de placer les délits précisément dans la maiiêre à laquelle ils appartiennent. Quel est l’objet qui nous occupe dans ce moment-ci ? A quelle classe de délits sommes-nous? Nous sommes à la classe des délits qui attentent à la sûreté intérieure de l’Etat ; or, certainement un des plus grands troubles qu’on puisse apporter à la sûreté intérieure de l’Etat, un des moyens de remuer l’Etat de la manière la plus funeste, c’est sans contredit les attentats contre la personne nu roi*, mais les manques de respect, les injures qui pourraient être dites contre le roi sortent absolument de cette classe de délits qui nous occupent : nous en parlerons par la suite. Je demande donc que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. Malouet. Cette explication ne me satisfait point. (Murmures.) Plusieurs membres : L’ordre du jour! (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour sur l’amendement de M. Malouet.) Un membre : Je demande que les mots : de celui qui, pendant la minorité du roi , exercerait les fonctions de la royauté , soient retranchés de l’article et remplacés par les mots ; du régent. M. Fie Pelletier «le Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte l’amendement; voici, en conséquence, comment serait rédigé l’article : Art. 1er. « Tout complot et attentat contre la personne 51 du roi, du régent ou de l’héritier présomptif du trône, seront punis de mort. » (Adopté.) M. I�e Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Voici maintenant l’article 2 : « Touies conspirations et complots tendant, sous des prétextes de religion, ou de réformation du gouvernement ou par toutes autres insinuations, à troubler l’E'at par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l’exercice de l’autorité légitime, seront punis de la peine de mort. » M. Malouet, Messieurs,... A gauche : Aux voix, l'article! M. lie Pelletier de Saint -Fargeau, rapporteur. Messieurs, vous ne pouvez refuser d'entendre la discussion. M. Malouet. J’espère, Monsieur le rapporteur, que vous voudrez bien demander pour moi qu’on veuille bien m’entendre; l’empressement avec lequel on veut aller aux voix me rend encore plus empressé à vous proposer mes observations. Je dis, Messieurs, que cette expression : ou par toutes autres insinuations , insérée dans l’article, ouvre la porte à la tyrannie, et je vais vous le prouver. (Murmures et interruptions.) Vous me répondrez. Messieurs.... Je veux, tout autant que vous, éviter et punir la guerre civile; mais les mots : toutes insinuations se prêtent à tout. A gauche : Nous sommes de votre avis. M. Malouet. Je demande d’abord la radiation de ces mots, qui sont véritablement inquisitoriaux, et je propose d’y substituer ceux-ci : ou par des coalitions de forces intérieures et extérieures. Il n’y a que cela de dangereux. (Mouvement.) Vous com mencez à convenir, M sueurs, que : toutes autres insinuations doit être rejeté... (Oui! oui!...) Eh bien, vous sentez avec moi qu’il est nécessaire de caractériser ce que c’est qu’un complot; car un complot et une conspiration ne doivent pas être mis en parallèle, et c’est pour cela que je demande que vous ajoutiez à la désignation du complot et de la conspiration ce qui les caractérise éminemment et uniquement, c’est-à-dire la coalition de forces intérieures et extérieures. Et, Messieurs, voici la preuve de la nécessiié de cetle adduion. Sous doute qu’ayant décrété le droit de pétition, en ayant reconnu i’éminente autorité, l’ayant placé au nombre des droits caractéristiques de la liberté, sans doute que vous n’a n-pellcriez pas uu complot des pétitions formées par plusieurs citoyens pour obs rver, pour démontrer, pour se plaindre de tel ou tel principe, abus ou forme de gouvernement. 11 y a mieux ; un des caractères essentiels de la liberté n’est pas certes de troubler le gouvernement, mais ne pouvoir l’amé iorer par des observations libres. Ainsi, chaque citoyen qui, en respectant la loi établie, en lui obéissant, vous dit : « Cetie loi est mauvaise, je demande que vous la changiez. » Chaque ciioyen en vous parlant ainsi, use de son droit et sert la chose publique. Qr, si uu citoyen se réunissait à 20, 52 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. )7 juin 1791.] à 100, pour vous parler ainsi, appelleriez-vous cela des complots?... (4 gauche : Non ! non !) Vous voyez bien que dans vos principes, qui à cet égard sont aussi les miens, car la vraie liberté est celle que je désire, si vous aviez laissé subsister l’article tel qu’il est, vous vous seriez trouvés soumis à la tyrannie la plus atroce, si vos successeurs ou un parti dominant dans un Corps législatif avaient voulu l’exercer ; car on aurait pu vous prouver, au moyen de cet article, qu’une telle pétition est un complot pour changer la forme du gouvernement (Rires.); certainement, Messieurs... Je demande donc u’abord la radiation des mots : « ou par toutes autres insinuations », et l’admission de ceux-ci : « ou par des coalitions de forces intérieures ou extérieures » ; et à la suite de l’article, je demande que l’on mette : « ne pourront être réputées coalitions répréhensibles les pétitions paisibles et respectueuses. » Un membre : Il n’y a pas besoin de cela. M. Boutte ville-Dumetz . Pouvez-vous avoir une telle inquiétude? M. Malouet. J’ai une telle inquiétude, parce que dans les moments de troubles, de partis, de passions, la prévention abuse de tout. On voit des crimes là où il n’y a que contrariétés d’opinions; on voit des ennemis là où il n’y a que des adversaires. Ne soyez donc pas étonnés de l’obstination avec laquelle je vous demande des explications qui peuvent vous être utiles à vous-mêmes dans d’autre temps. ( Murmures à gauche.) Ne fournissez pas des armes contre vous. (Murmures.) Il n’entre pas dans mes principes de me taire à la menace. De plus, cette phrase, sous prétexte de religion, peut donner lieu a des interprétations funestes, non pas dans le Corps législatif qui est éclairé, mais dans cette multitude de sections délibérantes dont la France fourmille aujourd’hui. [Rires ironiques à gauche.) Au res'e, Messieurs, je vous demande la radiation des deux lignes. Un membre : Vous avez raison. M. Boutleville-Dunietz. Nous sommes de voire avis. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Je distingue dans Jes propositions du préopinant des mesures qui me paraissent justes, et d’autres que je n’approuve point. Le préopinant a dit qu’il trouvait le mot : insinuations, vague, et je pense, ainsi que lui, que ce mot doit être r< tranché. Mais j’irai encore plus loin, et je proposerai non seulement d’ôter ce mot, mais môme tout le membre de phrase où il se trouve. (Applaudissements.) A l’égard des mots : conspiration , complot, que le préopinant a trouvés trop vagues, et qu’il a voulu expliquer par un article additionnel, je crois que le sens de ces mots est fixé d’une manière bien précise, puisqu’il est dit : complots tendant à troubler l’Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres. » M. Malouet. Fort bien ! M. Le Pelletier de Saint-Fargeau , rapporteur. Je propose l’article ainsi rédigé : Art. 2. « Toutes conspirations et complots tendant à troubler l’Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l’exercice de l’autorité légitime, seront punis de mort. » (Adopté.) L’article 3 est mis aux voix en ces termes : Art. 3. « Tout enrôlement de soldats, levées de troupes, amas d’armes et de munitions pour exécuter les complots et machinations mentionnés en l’article précédent ; « Toute attaque ou résistance envers la force publique agissant contre l’exécution desdits corn plots ; « Tout envahissement de ville, forteresse, magasin, arsenal, port ou vaisseau, seront punis de mort. « Les auteurs, chefs et instigateurs desdites révoltes, et tous ceux qui seront pris les armes à la main, subiront la même peine. » (Adopté.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : Art. 4. » Les pratiques et intelligences avec les révoltés, de la nature de celles mentionnées en l’article 4 de la première section du présent titre, seront punies de la même peine. » M. Malouet. Je propose de substituer le mot connivences au mot intelligences , qui est trop vague, parce qu’il est possible qu’un innocent se soit trouvé lié avec un homme coupable. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Le préopinant ne fait pas attention que te mot connivences est plus vague. M. Malouet. Non pas ! Connivences suppose consentement. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. L’acception et l’interprétation du mot intelligences, sont fixées d’une manière bien précise, puisqu’il est dit que ce sont les intelligences tendant à faciliter l’entrée des ennemis de la France dans l’Empire Français, à livrer une ville, une forteresse, un port, etc... (L’article 4, mis aux voix, est adopté sans modification.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : « Tout commandant d’armée ou corps de troupes, d’une flotte ou d’une escadre, d’une place forte ou d’un poste, qui en retiendra le commandement contre l’ordre du roi ; « Tout commandant qui retiendra son armée sous st s drapeaux, lorsque le licenciement en aura été ordonné soit par le roi, soit par un décret du Corps législatif, et après que lesdits ordres ou décrets lui auront été légalement notifiés, seront coupables du crime de révolte et punis de mort. »> M. Males. Je demande que, dans le second paragraphe, on dise : « Tout commandant qui retiendra son armée ou son corps de troupes sous les drapeaux ..... », parce qu’il est possible que