SÉANCE DU 3 FRUCTIDOR AN II (20 AOÛT 1794) - N09 34-35 319 l’ennemi, et fit prisonniers 30 grenadiers autrichiens avec un capitaine piémontais. La Convention nationale accueille honorablement le citoyen Gagnebin, charge son comité de salut public de lui donner de l’emploi et de l’avancement dans les armées de la République, et renvoie la pétition et les pièces justificatives au comité d’instruction publique pour recueillir les faits héroïques du citoyen Gagnebin (1). [ Vifs applaudissements ] 34 Un membre, inspecteur aux procès-verbaux [S. E. MONNEL] observe qu’il s’est glissé une erreur dans le nom d’un des juges du tribunal révolutionnaire; ce citoyen est désigné sous le nom de Goujeaux, tandis qu’il s’appelle Gourmeaux; il demande à être autorisé à faire cette rectification tant sur la minute que sur les expéditions envoyées à l’agence des lois. Cette proposition est décrétée (2). 35 Un membre [GOUPILLEAU (de Fontenay)] fait un rapport au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, et présente un projet de décret sur l’organisation des comités révolutionnaires de la République. La discussion s’ouvre, et elle est continuée aux séances suivantes (3). Il lit l’article I er, qui est décrété en ces termes : ARTICLE Ier. Il y aura un comité révolutionnaire dans chaque chef-lieu de district. BOUSSION : Je demande que les comités révolutionnaires puissent être pris indistinctement dans les différents cantons. GOUPILLEAU : C’est de droit; mais la Convention n’en doit pas faire un article de décret, parce qu’il tendrait à ressusciter le fédéralisme. La proposition de BOUSSION n’est pas appuyée. Le rapporteur lit l’article II qui est ainsi décrété : ARTICLE II. Il y en aura un également dans chaque commune qui, sans être chef-lieu de (1) P.-V., XLIV, 32-33. Décret n° 10 466. Minute de la main de Couturier (C 317, pl. 1277, p. 24). Moniteur (réimp.), XXI, 548; Débats, n° 699,29; J. Paris, n° 598; F. de la Républ. , n° 413 (selon la gazette Gagnebin serait un volontaire de Meulan); Ann. R.F., n°261; J. Fr., n°695; J. Perlet, n°697; Gazette fr(se , n° 963. (2) P.-V. , XLIV, 33. Décret n° 10 478, sans nom de rapporteur dans C*II 20, p. 259. Minute de la main de S.E. Monnel (C 317, pl. 1277, p. 25). (3) P.-V., XLIV, 33. district, contiendra une population de 8 000 individus et au-dessus. Les articles III et IV sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : ARTICLE III. La surveillance des comités révolutionnaires établis par l’article Ier du présent décret s’étendra sur tout l’arrondissement de chaque district. ARTICLE IV. Celle des comités établis par l’article II est bornée à l’arrondissement de la commune. Le rapporteur lit l’article V. *** ; Je demande qu’au lieu des agents nationaux, ce soit les municipalités qui tiennent la correspondance avec les comités révolutionnaires. GOUPILLEAU : En divisant ainsi la responsabilité, vous la rendez illusoire. Il est constant qu’un agent national qui saura qu’il est responsable remplira infiniment mieux son devoir que toute une municipalité sur qui cette responsabilité se trouverait répandue. *** : J’appuie la proposition du préopinant. On remarque qu’on a attribué aux agents nationaux des pouvoirs vraiment effrayants. C’était l’idée de Robespierre, qui en avait fait ses créatures. Je demande que la correspondance soit attribuée à la municipalité ou chef-lieu de canton. DELMAS : Citoyens, la Convention est évidemment le centre du gouvernement. Elle doit surveiller les mesures de sûreté générale; les agents nationaux sont les hommes du gouvernement; les municipalités sont les magistrats des citoyens qui résident dans les communes. Il serait donc inconséquent de leur attribuer des fonctions de gouvernement. En vain on vous dit : les agents nationaux sont mauvais ! Eh bien, il faut les changer; mais il ne faut pas violer les principes. J’appuie donc l’article. L’article V est ainsi décrété : ARTICLE V. Les agents nationaux des communes sont spécialement chargés d’entretenir une correspondance active avec le comité révolutionnaire établi dans le chef-lieu de district de leur arrondissement. Les articles VI, VII, VIII et IX sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion en ces termes : ARTICLE VI. Ils sont tenus de leur adresser tous les indices, tous les renseignements sur les faits qui tendront à troubler l’ordre public ou à retarder la marche de la révolution. Ils dénonceront de même à ces comités tous les individus déclarés suspects par la loi du 17 septembre; néanmoins ils pourront, lorsqu’ils le croiront utile, s’adresser directement au comité de Sûreté générale. ARTICLE VII. Il y aura dans la commune de Paris 12 comités révolutionnaires; l’arrondissement de chacun de ces comités comprendra 4 sections. ARTICLE VIII. Tous les comités révolutionnaires, autres que ceux existants dans les lieux 320 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE déterminés par le présent décret, sont supprimés. ARTICLE IX. Néanmoins ceux établis dans chaque section de Paris continueront d’exercer leurs fonctions jusqu’à ce que le comité de sûreté générale ait organisé les 12 comités créés par l’article VII. Le rapporteur lit l’article X. *** : Je demande qu’au lieu de ces mots : « aussitôt la réorganisation », on mette : « avant la réorganisation ». Cette proposition est décrétée avec l’article X. ARTICLE X. Avant la réorganisation des 12 comités révolutionnaires de la commune de Paris, la liste des citoyens qui les composeront sera imprimée et distribuée à tous les membres de la Convention. DUBOIS-CRANCÉ : Comme l’abus du pouvoir naît presque toujours de la longue habitude de sa jouissance, sans prétendre inculper les membres des comités révolutionnaires actuels, je demande qu’ils ne puissent être admis dans les nouveaux; il y a assez longtemps qu’ils exercent ces fonctions. DELMAS : Je demande à réfuter la proposition de DUBOIS-CRANCÉ. Cette proposition est contre tous les principes de justice. S’il y a dans ces comités des membres qui se sont montrés bons patriotes, pourquoi les exclure ? Le comité de Sûreté générale les épurera; il nous donnera la liste de ceux qui doivent rester, et ils seront maintenus dans leurs fonctions. GOUPILLEAU : Vous avez conservé dans la réorganisation du tribunal révolutionnaire les membres qui se sont bien montrés; pourquoi s’écarter de cette disposition dans celle des comités révolutionnaires ? GASTON : La plupart des membres des comités révolutionnaires se sont biens conduits; je sais que tous n’ont point agi de même : aussi je demande la réorganisation de ces comités; c’est pour vous un devoir que vous dictent la justice et la sûreté de vos concitoyens. Je parle pour le gouvernement révolutionnaire. Vous devez regarder ses membres comme sacrés; mais il ne faut pas qu’ils se regardent dans leur place comme à perpétuité. Je demande, en conséquence, que tous les comités révolutionnaires de la République soient renouvelés par moitié, tous les 3 mois. DELMAS : J’appuie le renouvellement. GASTON propose que tous les membres des comités révolutionnaires soient renouvelés par moitié tous les 3 mois; je dis qu’il résulterait de cette disposition que des membres y resteraient 6 mois. C’est trop; je demande que la Convention décrète la même mesure que pour les comités, qu’ils soient renouvelés par quart tous les mois, et qu’un membre sorti n’y puisse rentrer qu’après un intervalle d’un mois. La proposition de DELMAS est décrétée. (On applaudit). LOUCHET : Il ne suffit pas de décréter que les membres des comités révolutionnaires seront renouvelés; il faut présenter un mode d’exécution, car on ne peut se dissimuler que ce renouvellement présente des inconvénients (On murmure). Il est question de savoir qui nommera ces membres. On me dit que ce sont les représentants du peuple; mais aurez-vous tous les mois, dans les districts, un représentant du peuple pour faire le renouvellement par quart ? La Convention ordonne le renvoi. L’article XI est lu et renvoyé de même. POULTIER : Je demande que les membres sachent lire et écrire. GOUPILLEAU : Si, dès l’organisation des comités révolutionnaires, ils eussent été composés par les représentants du peuple, on ne devait pas supposer qu’on y eût mis un homme qui ne sût ni lire, ni écrire. TURREAU : Je crois qu’on doit s’occuper de cette proposition qui est on ne peut pas plus essentielle. La Convention a décrété que les militaires qui ne sauraient ni lire ni écrire ne pourraient avancer en grade. Ce même décret doit être adopté pour les membres des comités. THURIOT : J’appuie la demande de POULTIER et de TURREAU. Il faut que ceux sur qui repose la sûreté générale aient les talents nécessaires. Un homme peut être très vertueux et ne pas avoir cette capacité. Les membres des comités sont souvent obligés de se transporter, de verbaliser, de faire des rapports et des interrogatoires; il faut donc qu’ils sachent lire et écrire, sans quoi ne pourrait-on pas les induire en erreur ? Il ne faut rien confier au hasard lorsqu’il s’agit de la liberté des citoyens. Je demande que cette disposition soit insérée dans la loi. Cette proposition est décrétée (On applaudit). LE RAPPORTEUR : La Convention vient de renvoyer le mode d’organisation et de renouvellement. Il faut nécessairement que les comités révolutionnaires établis dans chaque district et dans chaque commune au-dessus de 8 000 âmes exercent provisoirement leurs fonctions. Cette proposition est décrétée. Les articles XII et XIII sont mis aux voix et adoptés ainsi qu’il suit : ARTICLE XII. Si dans un chef-lieu de district ou dans une commune dont la population s’élève à 8 000 individus et au-dessus, il se trouve plusieurs comités révolutionnaires, celui établi dans la section la plus populeuse sera le seul provisoirement conservé. ARTICLE XIII. Chaque comité révolutionnaire sera composé de 12 membres, qui ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, exercer aucune autre fonction publique. CLAUZEL : Vous voulez que la probité reste constamment à l’ordre du jour. Trop souvent on a vu dans les administrations et dans les autorités constituées des êtres immoraux qui faisaient arrêter leurs créanciers. Je demande que nul banqueroutier ne puisse être membre d’un comité révolutionnaire (On applaudit).