752 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1790.1 ticité des jugements; le code pénal doit donc être leur ouvrage. Pour mettre de l’ordre dans un travail de cette importance, le comité a pensé devoir le diviser en deux parties : l’une, sous le nom de discipline, comprendra les bases constitutionnelles des règlements de détails à prononcer par le roi ; l’autre, sous le nom de crimes et délits militaires, renfermera le code pénal et la forme légale des tribunaux chargés de prononcer contre les coupables les peines encourues par la loi. En vous les soumettant toutes les deux à la fois, il pourrait en résulter quelque confusion dans votre délibération. La première partie, concernant la discipline, sera seule l’objet du présent rapport. Il sera suivi immédiatement de celui sur les jugements et procédures des tribunaux militaires, et sur les crimes et délits qui doivent y donner lieu. Les fautes contre la discipline sont plus ou moins graves, suivant leur nature ou les circonstances qui les accompagnent ; les châtiments qu’elles peuvent mériter doivent leur être proportionnées et varier en conséquence. Il serait trop difficile et trop minutieux de chercher à en faire une application exacte, à tous les cas. U doit suffire d’indiquer celles des fautes à ranger dans cette classe, ainsi que celles des punitions susceptibles d’être prononcées contre ceux qui les commettraient : ces punitions de discipline sont ordinairement légères et de peu d’importance. Les assujettir à des formes légales serait s’écarter de leur but, qui doit être de punir la faute aussitôt qu'elle est commise, et même de prévenir, par elles, celles qui pourraient devenir plus graves et plus dangereuses; tous ceux revêtus du commandement doivent avoir le droit de les prononcer eux-mêmes contre leurs subordonnés, sauf le compte graduel à en rendre conformément à la hiérarchie des grades militaires; mais en leur accordant ce droit, pour écarter l’arbitraire de quelques-unes de ces punitions, qui, quoique légères, n’en deviendraient pas moins sévères et fâcheuses, eut-être, par leurs résultats, pour la santé des ommes qui les subiraient, si elles pouvaient être prolongées à volonté, la loi doit nécessairement en déterminer la durée ; et si quelques fautes plus graves, sans être de nature cependant à mériter des peines plus fortes, ni l’appareil d’un jugement légal, semblaient demander que ces punitions fussent prononcées pour un terme plus long que celui permis à la disposition pour ainsi dire arbitraire des chefs, la nécessité delà discipline nous a paru exiger qu’elles puissent être ainsi prolongées, mais la justice et la raison ont semblé en même temps nous faire la loi de ne pas abandonner leur prolongation indéterminée à la merci de la volonté d’un seul homme, mais bien de les soumettre à la décision d’un conseil de discipline établi à cet effet dans l’intérieur du régiment. Si les punitions de discipline doivent être prononcées sans formes légales, selon les circonstances et le moment, et pour ainsi dire par la volonté seule descommandants contre leurs subordonnés, la justice exige que la loi réserve à ces derniers des moyens de se plaindre des injustices qu’ils croiraient avoir éprouvées, ou des griefs qu’ils pourraient avoir contre leurs chefs. Il nous a paru que le même conseil de discipline, chargé de prononcer les prolongations de peine au delà du terme laissé à la disposition des commandants, doit l’être en même temps de recevoir les plaintes que les subordonnés croiraient devoir lui adresser; mais comme la subordination exacte, si nécessaire dans le métier des armes, ne permet pas de retard dans l’exécution des punitions, ni de plaintes sans fondement de la part des subordonnés contre leurs chefs, il nous a paru encore que ces derniers, quelques fondés qu’ils puissent se croire à se plaindre, devaient commencer provisoirement par obéir, et même par subir la punition qui leur serait ordonnée, et que si ‘les commandants, contre lesquels ils porteraient des plaintes fondées, doivent être punis, ils devaient i’être eux-mêmes, relativement à celles qu’ils porteraient injustement contre eux. Dans le nombre des punitions de discipline usitées jusqu’ici, il en existait plusieurs intéressant l’existence des militaires, ou contraires au caractère français, telles que les coups de plats de sabre, le renvoi avec des cartouches infamantes ou la cassation des grades. La première opposée au génie de la nation, que l’honneur conduit d’une manière plus efficace encore que les coups, avait été prescrite par les ordonnances de 1776 ; ce général qui, pendant la guerre d’Allemagne, avait su connaître assez bien l’esprit français pour arrêter, par la crainte des coups, la maraude que la peine de mort ne pouvait pas même réprimer,- en a ordonné la suppression pendant son court ministère. Vous avez proscrit provisoirement l’abus des cartouches infamantes, la cassation des grades subsiste encore. Ces trois punitions nous ont paru de nature âne jamais être infligées qu’en vertu de formes légales, et en les réservant comme un châtiment nécessaire peut-être à prononcer pour certains délits militaires auxquels elles seraient jugées applicables, nous avons pensé devoir les interdire absolument pour des fautes de simple discipline. Il existe encore une punition fort en usage, et dont les effets nous ont paru contraires, non seulement à la santé des hommes, mais encore à la dignité même du service ; celle de condamner à monter des gardes hors de tour. Rien n’use les hommes, rien ne les fatigue et ne leur occasionne plus de maladies que les corps de garde ; sous ce point de vue cette punition devient fâcheuse, elle ne l’est pas moins sous celui du celui du service. Il est un des premiers devoirs du militaire, garder ses concitoyens, veiller à leur défense, à leur sûreté, est un honneur; ce sentiment doit animer et soutenir dans ces fonctions pénibles, c’est risquer de l’anéantir que de les confier en même temps et concurremment à des hommes qui n’en seraient chargés que par punition ; nous avons donc pensé que celles de cette nature devaient être abolies. Tels sont, Messieurs, les principes qui ont dirigé votre comité dans le projet de loi qu’il a l’honneur de vous présenter, relativement à la discipline intérieure des corps et aux punitions à prononcer contre ceux qui y contreviendraient. M. de Bouthillier donne lecture d’un projet de décret. Après une discussion assez confuse, l’Assemblée adopte les 9 articles qui suivent : « L’Assemblée nationale, convaincue que la principale force des armées consiste dans la discipline, qu’il est de son devoir de la maintenir, en même tempsqu’il estde sa justice d’en déterminer les bases, de manière qu’aucune punition ne puisse être infligée arbitrairement hors de l’esprit de la loi, se réservant en outre de prononcer sur les crimes et délits militaires, ainsi que sur les formes légales à employer pour les juger, décrète 753 [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1790.] sur la partie de la discipline intérieure seulement : « Art. 1er. Les punitions à infliger pour les fautes commises contre la discipline par les officiers de tous grades, sous-officiers, soldats de toutes les armes, pourront être prononcées contre les délinquants d’un grade inférieur, par tous ceux revêtus d’un grade supérieur au leur, selon ce qui sera prescrit ci-après, à la charge par eux d’en rendre compte dans les vingt-quatre heures, en observant la hiérarchie des grades militaires, conformément aux dispositions de détails que Sa Majesté prescrira par ses règlements. « Art. 2. Le commandant du corps, sur le compte qui lui en sera rendu tous les jours, pourra restreindre, infirmer ou augmenter les punitions qui auront été prononcées par ceux sous ses ordres, mais il ne pourra pas en cela s’écarter des règles qui seront prescrites ci-après pour la nature ou la durée des punitions. « Art. 3. Tout subordonné, de quelque grade qu’il soit, et quelque fondé qu’il puisse se croire à se plaindre, sera tenu de se soumettre aussitôt à l’ordre qu’il recevra, ainsi qu’à la punition de discipline prononcée contre lui par celui ayant droit de la lui ordonner; mais il lui sera permis, après avoir obéi, de réclamer auprès du conseil de discipline, dont il sera parlé ci-après, et dans les formes qui seront prescrites, la justice qu’il croira lui être due. « Art. 4. Les punitions à prononcer pour fait de discipline seront déterminées tant pour leur nature que pour le maximum de leur durée, ainsi qu’il suit : Pour les soldats de toutes les armes. Les corvées de la chambre, celles du quartier, celles de la place; la consigne aux portes de la ville, lorsqu’elles seront libres; la consigne au quartier pour deux mois. La chambre de police pendant un mois. La boisson d’eau pour les ivrognes, jusqu’à la concurrence d’une chopine par jour, et pendant trois jours seulement, à l’heure de la garde montante, soit que l’homme soit détenu ou non pour plus longtemps à la prison, cachot ou chambre de police. La prison pendant quinze jours : elle pourra être aggravée par la réduction au pain et à l’eau , pendant trois jours de chaque semaine seulement. Le cachot pendant quatre jours au pain et à l’eau, le piquet pendant trois jours, et une heure chaque jour; mais sans charge de fusil, mousqueton, cuirasse ou maateaux; cette punition pourra être en outre de celle de la prison, ou du cachot, où l’homme puni ainsi sera toujours détenu au moins pendant le temps qu’il devra la subir. Pour les caporaux ou brigadiers, ainsi que pour les autres sous-officiers. La consigne aux portes de la ville. La consigne au quartier pour deux mois. Les arrêts simples dans leur chambre pour un mois. La chambre de police pour le même temps. La prison pendant quinze jours, avec possibilité de réduction au pain et à l’eau pendant trois jours de chaque semaine seulement. Le cachot, au pain et à l’eau, pendant quatre jours. lr® Série. T. XVIII. Pour les officiers de tous grades. Les arrêts simples dans leurs chambres et pendant deux mois, recevant ou ne recevant personne, suivant les cas et suivant l’ordre donné à cet effet. Les arrêts forcés dans la chambre ; c’est-à-dire avec sentinelle ou autre moyen correctif, pendant un mois. La prison militaire pendant quinze jours. « Art. 5. Toutes les punitions dénommées ci-dessus seront les seules qui pourront être infligées pour fait de discipline, et elles ne pourront être prolongées au delà du terme fixé pour chacune, que par une décision précise du conseil de discipline dont il sera parié ci-après. « Art. 6. Seront réputées fautes contre la discipline, et mériteront d’être punies en conséquence et suivant les cas, toutes voies de fait, coups, ou mauvais propos d’un supérieur, de quelque grade qu’il puisse être, vis-à-vis de son subordonné, ainsi que toute punition injuste qu’il aurait pu prononcer contre lui ; Tout murmure, mauvais propos, ou défaut d’obéissance, pourvu qu’il ne soit pas accompagné d’un refus formellement énoncé d’obéir de la part d’un subordonné quelconque vis-à-vis de son supérieur, quelque raison qu’il puisse se croire de s’en plaindre; Les violations des punitions ordonnées ; L’ivresse, pour peu qu’elle trouble l’ordre public ou militaire, et pourvu qu’elle ne soit pas accompagnée de désordres ; Tout dérangement de conduite ou toutes dettes, pourvu qu’elles ne soient pas accompagnées de circonstances crapuleuses et déshonorantes. Les querelles, soit entre militaires, soit avec les citoyens ou habitants des villes et campagnes, lorsque ces dernières ne sont pas de nature à être portées devant les juges civils, et pourvu qu’il n’en résulte ancune plaie, et qu’on n’y ait pas fait usage d’armes ou de bâtons; Les manques aux différents appels, exercices, revues ou inspections; Les contraventions aux règles de police ou ordres donnés; enfin, toutes les fautes contre la discipline, le service ou la tenue provenant de négligence, de paresse ou de mauvaise volonté. » Art. 7. Les fautes ci-dessus énoncées seront toujours regardées comme plus graves lorsqu’elles auront lieu pendant le temps du service ou sous les armes. « Art. 8. Le commandant de quelque grade qu’il soit, qui sera reconnu avoir puni injustement ud de ses subordonnés, le sera lui-même, en raison de la punition qu’il aurait ordonnée, ou du degré de son injustice. « Art. 9. Tout subordonné qui aurait accusé son supérieur de l’avoir puni injustement, si la plainte n’est pas fondée, sera condamné, s’il y a lieu, à une punition qui sera fixée par le conseil de discipline, suivant l’exigence du cas. » (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres. La première, adressée par M. de La Tour-du-Pin, est ainsi conçue : « Sa Majesté me charge de vous informer qu’elle vient de donner des ordres à MM. de Bouillé et de Rochambeau pour l’approvisionnement des places frontières de leur commandement, quoiqu’elle n’eût lieu de soupçonner aucune hostilité de la part des troupes étrangères qui s’approchent 48