740 [Assemblée nationale.] la Constitution. Les ministres passeront nécessairement; la Constitution doit être immortelle. Il aurait été trop triste de la voir altérée par ceux mêmes qui en ont élevé l’édifice avec tant de courage, avec tant d’amour pour la patrie, avec une philosophie si profonde. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-MERLIN. Séance du jeudi 21 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Charles Régnault, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 octobre au soir. M. Vernier, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d’hier, 20 octobre. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Rouche, secrétaire , annonce que le comité de vérification des pouvoirs a examiné ceux de M. Jean-Baptisie Leclerc, député suppléant de la ci-devant sénéchaussée d’Anjou, qui s’est présenté pour remplacer M. Milscent, qui a donné sa démission, et que toutes les pièces relatives à la députation dudit sieur Le Clerc ont été trouvées en règle. L’Assemblée, ayant pris connaissance du rapport fait à ce sujet, ordonne que M. Le Clerc prêtera le serment civique, et sera admis dans son sein en qualité de député pour remplacer M. Mis-cent. M. lieclerc monte à la tribune, prête le serment civique et est admis. M. Rouche fait ensuite lecture d’une lettre écrite à M. le Président par les commissaires des gardes nationales du berceau de Henri IV, au sujet des arrêtés pris les 25 et 27 septembre par le ci-devant parlement de Toulouse, contre les décrets de l’Assemblée nationale, et de la manière dont les citoyens en avaient usé contre ces arrêtés irrespectueux. L’Assemblée nationale décide qu’il sera fait mention de cette lettre et de la délibération du corps des officiers des gardes nationales du berceau de Henri IV. M. de Saint-Martin. Je demande la parole pour rappeler à l’Assemblée que, par un de vos décrets, vous avez chargé votre comité des finances de vous faire un rapport sur la direction du Trésor national. Ce dépôt doit être confié à des mains sûres, et les ministres actuels n’en sont pas dignes. (On applaudit.) M. Riauzat. C’est sur ma motion que le décret dont il est question a été rendu. Je demande que les comités de Constitution, des finances et d’imposition nous fassent ce rapport vendredi prochain. ( Plusieurs voix s'élèvent : C’est demain .) 121 octobre 1790.) Oui, demain, il n’y a pas un moment à perdre. (L’Assemblée décide que ce rapport lui sera fait dimanche prochain.) M. d’André. Je demande que la motion qui a été rejetée dans la séance d’hier soit insérée dans le procès-verbal telle qu’elle a été lue. (Cette proposition est adoptée.) M. Vonlland. Le procès-verbal dont on vient de vous donner lecture fait mention d’un congé demandé et obtenu par un honorable membre de cette Assemblée. Vous me permettrez d’en prendre occasion, pour vous rappeler que vous avez décrété le 3 avril dernier « qu’il serait fait une liste de tous les députés absents, de ceux qui demandent à s'absenter, de ceux qui donnent leur démission, et de ceux qui rentrent après l’expiration de leur congé... » L’exécution de ce décret, qui, jusqu’à présent, a été fort négligée, me paraît absolument nécessaire, et je me crois obligé de la solliciter dans ce moment auprès de vous avec les plus vives instances. Vous vous rappelez, j’ose le dire avec douleur, que, dans la décision majeure que vous ayez portée hier, nous avons tous vu, non sans un pénible étonnement, et les départements peut-êire le verront comme nous, que le résultat du scrutin ne nous a présenté que le nombre de 700 et quelques votants, tandis que l’Assemblée nationale est constitutionnellement composée de 1,200 membres. Dans le nombre sans doute de ceux qui n’ont pas répondu à l’appel nominal, il y en a qui sont légitimementabsents, puisque vous avez cru devoir leur accorder des congés; d’autres peuvent être réellement retenus par de graves et réelles infirmités : on peut avoir un état précis des premiers, les seconds peuvent se présumer; mais il paraît essentiel d’adopter une mesure qui puisse nous servir de base pour fixer les idées sur les uns et les autres, et nous assurer au besoin le tribut de lumières que nous doivent toujours, et surtout dans les affaires majeures, ceux de nos collègues qui ne sont ni malades ni absents par congé. Dans cette unique vue, j'ai l’honneur de vous proposer d’ordonner, sans aucun délai, l’exécution la plus rigoureuse de votre décret du 3 avril dernier, afin que le résultat de votre scrutin du jour d’hier, consigné dans toutes les feuilles périodiques, ne donne pas lieu de croire que le tiers et plus de l’Assemblée nationale est malade ou paralysé. (Cette proposition est adoptée.) M. Emmery prie l’Assemblée de vouloir bien lui permettre de s’absenter trois semaines pour aller à Metz, où des affaires pressantes l’appellent. L’Assemblée nationale accorde à M. Emmery le congé de trois semaines qu’il demande. M. Riauzat. Je dois informer l’Assemblée nationale qu’on emploie dans les régiments de nouvelles manœuvres pour se défaire des soldats patriotes, de ceux qui, par leur éducation, sont les plus propres à propager l’esprit de la Constitution. Il vient d’être réformé 50 soldats d’un régiment d’artillerie en garnison à Strasbourg, pour le prétendu défaut de taille. Ils avaient demandé des congés de semestre; arrivés dans leur patrie, ils ont reçu des congés de réforme. C’est un fait que je dénonce à l’ Assemblée nationale. Je dois observer que les uns servaient depuis trois ans, les autres depuis quatre ; tout à coup ils ont perdu la taille. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séaaco est incomplète au Moniteur. 741 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1790.] M. d’Harambure. L’Assemblée ne devrait pas s’occuper de ces détails. Depuis quatre jours les inspecteurs extraordinaires sont de retour, et ils ont apporté le sincère repentir de tous les régiments. M. Biauzat. On m’assure qu’il a été donné 25,000 congés de cette espèce. Je demande que le comité militaire et le ministre de la guerre nous fournissent des détails d’ici à lundi. Cette proposition est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre fournira au comité militaire, d’ici à dimanche prochain, un état exact de tous les congés donnés aux soldats de toutes les armes, depuis le 15 juillet 1789; « Décrète , en outre, que le comité militaire lui rendra compte de cet état lundi prochain, et lui présentera en même temps un projet de décret tendant à réprimer l’abus des congés trop multipliés. » M. d’André. On distribue à la porte un imprimé, signé du directeur de l’imprimerie royale. Il se plaint de ce que le comité des finances lui ôte l’impression des assignats. L'imprimerie royale est le plus bel établissement de ce genre qui existe en Europe. Loin de lui porter préjudice, je crois qu’il faut s’occuper de son entretien. Il est possible que MM. du comité aient eu des raisons , mais je pense qu’ils doivent les exposer à l’Assemblée. Je demande qu’il en soit rendu compte incessamment. Cette proposition est décrétée après lecture de la lettre qui est ainsi conçue : Lettre de M. Anisson-Duperron, directeur de l'imprimerie royale, à MM. du comité des finances de V Assemblée nationale sur l'impression des assignats nouvellement décrétés (1). Messieurs, j’apprends que ce n’est pas l’imprimerie royale qui sera chargée de l'impression des nouveaux assignats; je vous supplie de vouloir bien suspendre à cet égard votre détermination, après avoir écouté mes représentations. Le sieur Réveillon, papetier du faubourg St-Antoine, à qui la fabrication du papier des nouveaux assignats a été dévolue, a, dit-on , aussi obtenu de monter, près l’hôtel Soubise, un établissement pour l’impression en lettres desdits assignats. Ai-je démérité dans l’exécution des fonctions qui m’ont été confiées pour les douze cents mille premiers assignats? « L’imprimerie royale, pour un objet de cette importance, et lorsqu’elle y a déjà été employée, ne doit-elle pas à justes titres être préférée à toute autre imprimerie, et surtout aux services offerts par quelqu’un qui doit monter pour cela un établissement qui n’a aucun rapport à son état? J’en appelle, Messieurs, à votre justice et me résigne avec confiance à votre jugement. M. de Montesquiou, en m’apprenant que c’était ce même M. Réveillon, propriétaire de la manufacture de Courtalin , et son voisin de sa terre de Maupertuis, qui était chargé de la fabrication du papier des nouveaux assignats (2), m’engagea à suspendre mes réclamations, en m’assurant que l’impression en serait toujours dévolue à l’imprimerie royale. D’après sa parole (1), d’après les efforts que j’avais faits lors de l’impression des premiers assignats, pour mériter votre confiance et celle de la nation, et surtout d’après celle que je devais prendre en votre justice, je n’ai rien sollicité de vous. Je dois encore observer que c’est moi qui ai donné, il y a plus d’un mois à M. de Montesquiou, l’idée de réunir l’impression en lettres, à l’impression en taille-douce, d’où il devait résulter une économie d’argent de 300,000 livres, et celle, incomparable, du temps. M. de Montesquiou, muni de la connaissance de mes idées, après en avoir sollicité longtemps de moi la prompte expédition, muni des dessins et des travaux des sieurs Ghossard et Petit, que j’avais engagés à quitter tous leurs travaux pour se livrer aux premiers essais de l’exécution, vous produit aujourd’hui de nouveaux artistes au détriment des autres, et sans leur offrir de dédommagement. Quant à ce qui regarde l’impression, il vous propose, à l’aide de mes idées nouvelles, d’en investir un papetier, contre la propriété de mes recherches et contre toutes convenances. J’ignore ce que coûtera le nouvel établissement qu’on vous propose, il serait facile de l’évaluer; mais je dois, et à la vérité, et à mon honneur, de vous donner ici ma soumission pour l’impression des trois millions soixante mille nouveaux assignats. Au prix des précédents, ils coûteront 100,000 livres au plus ; tel est mon engagement, que je souscrirai quand il vous plaira. D’ailleurs, Messieurs, pourquoi vous porterait-on à faire de nouveaux frais pour un nouvel établissement? tout est disposé à l’imprimerie royale, et présente des ressources bien plus étendues. Lors de l’impression des douze cents premiers mille assignats, j’ai expulsé des locataires, et rempli une maison de douze presses, pour employer toutes celles du Louvre à votre service, et pour cela je ne réclame rien. Vous croirez sans doute de votre prudence d’examiner mûrement l'aperçu des grands frais qu’on ne vous présente pas même tous encore. Ceux de l’imprimerie royale, pour la seule impression, n’excéderont pas 100,000 livres, soit qu’on imprime en lettres, ce qui vaudrait mieux que tout autre moyen, soit qu’on soumette à la presse en lettres une planche gravée, suivant mes idées, et auquel cas il convient toujours de l’honneur de la manufacture de Buges, un mémoire où je compte prouver par mon marché avec M. Necker, et par le rapport des commissaires nommés par lui, que je n’ai pas été écouté sur les inconvénients du format et de la qualité du papier actuel. J’espère aussi que les échantillons que j’avais produits, qu’on a rejetés, et qui seront joints à mon mémoire, justifieront ma manufacture. (1) La question des assignats n’est pas encore décidée, Monsieur, et celle des petits n’est pas même entamée. J’aurai l’honneur do vous voir quand il en sera temps, et nous conférerons avec vous sur cet objet, et aussitôt qu’il sera possible de le faire. La chose la plus importante serait de trouver un moyen de simplifier l’opération de la gravure, en la réunissant à l’impression. J’ai l’honneur d’être très sincèrement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé: Montesquiou. (1) Le Moniteur ne donne pas le texte de cette lettre. (2) Je me propose de publier incessamment, pour Le 20 septembre 1790.