526 [Assemblée nationale.] imprimer une lettre dan? laquelle il est dit que l’empereur a écrit tout autrement que Léopold n’auiait l'ait. M. Merlin. Je me joins à M. Rewbell pour vous suppiierdene point ordonner officiellement l’impression de cette lettre. Il est bien à croire, Messieurs, que ce diplôme de l’empereur dont vous venez d’entendre la lecture n’aurait jamais été écrit, si M. de Montmorin avait pris des mesures promptes et efficaces pour exécuter votre décret du 29 octobre par lequel vous avez chargé le pouvoir exécutif de négocier avec les princes d’Allemagne, concessionnaires en Alsace, pour les indemnités que vous avez décrété être dans l’intention de leur accorder. Je ne cherche pas à calomnier M. de Montmorin; mais il m’est revenu, il y a trots mois, qu’il s’est passé plus de six semaines avant qu’aucune démarche ait été faite de sa part, pour nommer des négociateurs. Il y a même plus, Messieurs, c’est que plus de trois semaines après que le décréta été sanctionné, et que la sanction a été annoncée à la tribune, M. de Montmorin demanda à plusieurs membres du comité diplomatique : « Mais, Messieurs, quand est-ce donc que vous ferez sanctionner le decret du 29 octobre, ce décret que j’ai tant attendu? » Ainsi trois semaines au moins s’étaient écoulées sans que ce décret sanctionné eût été cunuu de M. de Montmorin. Je demande si c’est le cas d’ordonner l’impression de celte lettre? Ce que je dis, Messieurs, n’est pas pour inculper M. de Mont-mortn. A Dieu ne plaise que je veuille dénigrer un ministre qui a toujours passé dans mon esprit pour un très honnête homme; mais ce que je dis, c’tst po. r lui donner l’occasion de repousser l’inculpation dont il est chargé, si c’est une calomnie; et pour le soumettre lui-même à la responsabilité, si cette inculpation est fondée. M. d'André. L’observation de deux préopinants ne peut point empêcher l’impression de la lettre. La demande de l’impression est absolument diifé-rente des mesures que peut avoir prises M. de Montmorin, et desquelles je rendrai compte à l’Assemblée, si elle le juge à propos. Quant à l’impression de la lettre, nous l’avons demandée précisément par le motif puur lequel on ne veut pas qu’on l’imprime; c’est afin que la nation voie que s’il est arrivé un diplôme de l’empereur, ce n’est qu’un diplôme de la chancellerie de l’Empire. Ceci n’est qu’une lettre à laquelle l’empereur a été forcé, comme chef de l’Empire. La nation doit être tranquille sur les dispositions personnelles de l’empereur. Quand vous faites imprimer les lettres ues ministres, c’e.-t ordinairement pour deux objets: l’un de constater les sentiments du ministre, et c’est pour cela que vous avez fait imprimer de semblables lettres, l’autre pour tranquilliser la nation sur les inquiétudes qu’on lui a données, et qui ne sont point fondées. Or, dans ce moment, cette demande reunit les deux objets, puisque la lettre de M. de Mont-moiin contient certainement de bons sentiments, et puisque, d’un autre côté, elle peut tranquilliser la nation entière sur les sentiments que les malintentionnés (fourraient supposer à l’empereur, en disant que la lettre de l’empereur est une espèce de déclaration de guerre, comme on l’a déjà dit, tandis que la lettre de l’empereur n’est, pour ainsi dire, qu’une lettre de convenance, une lettre qu’il devait écrire cou mie chef de l’Empire, une lettre par conséquent qui ne doit, qui ne peut nullement alarmer les bons citoyens, surtout [28 janvier 1791.] quand la lettre de M. de Montmorin constate officiellement que les intentions de l’empereur sont bonnes et pacifiques. Ainsi c’est précisément parce qu’il y a dans la lettre de M. de Montmorin l’attestation de ces sentiments que j’en demande l’impression. Quant aux mesures, je ne sais pas pourquoi on dit qu’il n’y a pas de mesures prises. J’atteste qu’il y a déjà des négociations fort avancées, si elles ne sont pas finies; qu’il y a ici des envoyés des princes d’Alsace; qu’il y a en Allemagne des envoyés de France. Un membre : Depuis quand ? M. d’André. Depuis très longtemps. Le comité ecclésiastique a connaissance de diverses lettres des princes étrangers, de l’évêque de Spire, etc... Il y en a qui en ont dans leurs poches mêmes. Il est possible qu’on puisse mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale des négociations politiques ; ce serait les faire échouer totalement si on les faisait connaître à un Corps législatif composé de 1 ,200 personnes, et surtout eu présence des tribunes. M. Rewbell. Il n’est pas dans notre intention de nous attirer l’animadversion de Léopold, nous ne devons pas forcer Léopold et l’empereur à ne faire qu’un seul individu, et je pense que la lettre de M. de Montmorin est une impéritie politique. M. Merlin. L’Assemblée ne peut pas ordonner l’impression d’une lettre qui est contraire à l’esprit de ses decrets; je demande l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport du comité militaire relatif à la distribution de fusils aux gardes nationales des départements et districts. M. de Menou, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée nationale, par un décret en date du 18 décembre, sanctionné par le roi le 25 du même mois, a ordonné que le roi serait prié de faire délivrer par les arsenaux militaires, aux a uni-nistratioiis de départemeuts, 50,000 fusils, destinés àd’armement des gardes nationales. Depuis l’époque de ce décret, l’inquiétude politique que témoignaient plusieurs puissances de l’Europe, les préparatifs qu’elles semblaient faire, vous ont déterminés à prendre des mesures.de précaution, et vous avez en conséquence ordonné à plusieurs de vos comités de vous présenter un projet qui pût rassurer le peuple, et mettre vos frontières dans l’etat de défense le plus respectable. Le moyen le plus certain de calmer les inquiétudes que peuvent faire naître les puissances voisines, c’est d’inspirer aux Français une telle confiance en eux-mêmes, et dans leurs propres forces, qu’ils soient bien convaincus que personne n’osera les attaquer; ou que s’il se trouvait une nation assez folle pour l’entreprendre, elle sentirait bientôt avec quel courage et quelle éuergie un peuple libre défend ses foyers. Q ie toutes les nations de l’Europe apprennent que si jamais elles nous forcent à faire la guerre; ce q i, d’après les principes que nous avons si solennellement consacres, ne sera qu’à noire corps défendant ; qu’elles apprennent, dis-je, qoe ce sera une guerre à mort, que nous ne combattrons pas pour faire des traités aussi insidieux, que les guerres qui les précédaient étaient injustes; mais pour dé-ARCHIYES PARLEMENTAIRES. 527 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [28 janvier 1791.J truire, ou anéantir tous ceux qui viendront nous attaquer ; ou l’être nous-mêmes. Je laisse aux comités, qui vous présenteront aujourd’hui un système général de défense, à vous développer des idées que je ne fais qu’indiquer ici. Je vais développer quelques idées sur la distribution d’armes que vous avez ordonné de faire. Le ministre de la guerre, auquel je me plais à rendre la justice due à son patriotisme et à son attachrment pour la Constitution, nous a fait remettre un état des armes qui existent dans les différents magasins ou arsenaux du royaume, et de celles qui ont déjà été distribuées aux différents départements. D’après cet état, votre comité a pensé qu’ilétait possible, même nécessaire , vu les circonstances et les mesures de précaution que vous croyez sage de prendre, de faire faire aux gardes nationales une distribution d’armes plus considérable que celle que vous aviez ordonnée. Je vous propose en son nom, qu’elle soit de 97,903 fusils, au lieu de 50,000, nombre que vous aviez décrété. Et cependant, on ne touchera en aucune manière aux armes du nouveau modèle, destinées aux troupes de ligne. Je dois vous dire ici, qu’en fusils de cette dernière espèce, nous avons de quoi armer entièrement 250,000 hommes de troupes de ligne. Le comité a pensé que pour faire une juste distribution aux différents départements, d’après leurs besoins et leur situation, il fallait les diviser en trois grandes parties, savoir : départements de première ligne, départements de seconde ligne, départements de l’intérieur. Que les départements de première ligne devaient être divisés en deux sections, savoir : départements frontières, départements maritimes. Que les départements de seconde ligne devaient être également divisés en deux sections, savoir : départements de seconde ligne, derrière les départements frontières ; départements de seconde ligne, derrière les départements maritimes. Quant à la troisième grande portion, qui comprend les départements de l’intérieur, le comité n’a pas cru devoir établir entre eux aucune subdivision, puisque leur position militaire est la même. Voici les motifs des divisions et subdivisions proposées ci-dessus : Le comité a pensé que les départements de première ligne, étant les plus exposés, devaient recevoir un plus grand nombre d’armes : il a subdivisé cette première partie des départements en deux por ¬ tions, parce qu’il est évident que les départements maritimes sont moins exposés que les départements frontières. 11 a également pensé que les départements de seconde ligne devaient êire divisés en deux sections, parce qu’il est certain que ceux de ces départements, qui sont situés derrière les départements frontières, sont plus exposés que ceux situés derrière les départements maritimes. Quant aux départements de l’intérieur, leur situation militaire, étant évidemment la même entre eux, n’exige aucune subdivision. De cette manière, le comité a cru établir une bonne échelle de proportion dans la distribution des armes, puisqu’il propose de la calquer sur la situation militaire, et par conséquent sur les besoins de chacun des départements du royaume, de sorte que les départements de première ligne auront un plus grand nombre d’armes que ceux de la seconde, et ceux de la seconde un plus grand nombre que ceux de l’intérieur ; et dans les départements de première ligne, ceux qui sont frontières en auront un plus grand nombre que les maritimes. Il en sera de môme des subdivisions de la seconde ligne. J’observe que le comité a cru devoir calculer les anciennes distributions avec la nouvel :e que vous avez ordonnée, afin que chaque département n’ait pas un nombre d’armes moindre que celui indiqué, d’après les proportions que je viens de vous soumettre. Je dois aussi vous dire que plusieurs départements en auront un plus grand nombre que celles fixées par ces proportions, parce qu’il n’est pas possible de leur faire rendre les armes qu’on leur a déjà distribuées ou qu’ils ont enlevées dans les premiers moments de la Révolution ; mais ceux de ces départements qui en avaient déjà une quantité plus considérable que celle déjà indiquée ne sont point compris dans cette nouvelle distribution. Ceux d’entre eux qui avaient déjà des armes, mais en moindre quantité que celle indiquée par les proportions ci-dessus, n’en auront que le nombre nécessaire pour les compléter. Peut-être quelques départements observeront-ils que leur population étant plus considérable que celle d’autres départements compris dans la même section qu’eux, ils auraient dû avoir une plus grande quantité d’armes. Mais je répondrai à cela qu’il n’est pas possible à l’Assemblée nationale et à ses comités d’entrer dans les détails de cette nature et d’entendre sur cet objet les 83 départements, les 533 districts et environ 44,000 municipalités. Pour le moment, le comité a cru devoir se restreindre à vous proposer la proportion qui doit être établie entre les départements et entre les districts. Quant à la distribution entre les municipalités, c’est à la sagesse et à la prudence des différents corps administratifs, surveillés parle ministre de la guerre, que l’Assemblée nationale doit s’en rapporter. Le ministre de la guerre a pensé que la dépense nécessaire pour l’encaissement et le transport de ces armes de tous les magasins jusqu’au lieu de destination, pourrait être supportée par les départements. Le comité militaire est du même avis et vous propose, en conséquence, un article exprès dans le decret. Nous vous présentons, dès lors, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapportée son comité militaire, décrète : « 1° Que le roi sera prié d’ordonner qu'au nombre de 50,000 fusils, qui, d’après un décret en date du 18 décembre dernier, doivent être distribués aux gardes nationales du royaume, soit ajouté celui de 47,903 fusils qui seront également distribués aux gardes nationales, d’après les proportions indiquées dans l’état ci-an nexé; « 2° Que les dépenses nécessaires pour l’encaissement. des armes et leur transport seront supportées par les départements auxquels elles seront distribuées. » ÉTAT de distribution de 97,903 fusils à faire aux 83 départements du royaume(\). Les 83 départements sont divisés en trois grandes parties, savoir : en départements de première ligne, en départements de deuxième ligne, en départements de l’intérieur. Les départements de première ligne sont composés de 39 départements; ceux de seconde ligne, de 21 départements; ceux (1) Cet état n’est pas inséré au Moniteur. 528 [AsseniLlie nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1791.] de l’intérieur, de 23 départements. Les 39 départements de première ligne se subdivisent en 2 sections : l’une, de 21 départements, se nomme départements frontières; l’autre, de 18 départements, se nomme départements maritimes. Les 21 départements de seconde ligne se subdivisent en 2 sections : l’une, de 11 départements, se nomme départements de seconde ligne, derrière les départements frontières ; l’autre, de 10 départements, se nomme départements de seconde ligne, derrière les départements maritimes. Les départements de l’intérieur, ayant tous entre eux à peu près la même position militaire, ne se subdivisent pas. Les départements de première ligne, étant plus exposés aux attaques de l’ennemi que ceux de seconde ligne, doivent avoir un plus grand nombre de fusils. Ceux de seconde ligne étant plus exposés que ceux de l’intérieur, doivent en avoir un plus grand nombre que ces derniers. La première section des départements de première ligne, nommée départements frontières, étant plus exposée que la section de cette ligne, nommée départements maritimes, aura un plus grand nombre de fusils. La première section de la seconde ligne, nommée départements de seconde ligne, derrière les départements frontières, étant plus exposée que la seconde section de cette ligoe, nommée départements de seconde ligne, derrière les départements maritimes, aura un plus grand nombre de fusils. Les départements de l’intérieur en recevront le plus petit nombre, mais seront tous traités également entre eux. Le moindre nombre de fusils que pourra avoir chaque département frontière de première ligne, sera de 4,244 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département maritime de première ligne, sera de 3,290 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département frontière de deuxième ligne, sera de 2,032 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département maritime de deuxième ligne, sera de 1,480 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département de l’intérieur, serade 947 fusils. Ceux de ces départements qui, par des distributions antérieures à celle-ci, auront reçu un plus grand nombre de fusils que celui indiqué par les différentes proportions ci-dessus, n’auront point part à cette nouvelle distribution. Ceux qui seront au-dessous de ces proportions recevront de quoi les compléter. La Corse sera considérée, quant à cette distribution, à peu près comme un département frontière de première ligne.